En savoir plus - Addenda Capital

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En savoir plus - Addenda Capital
LES INTERVENTIONS DES
BANQUES CENTRALES :
ACHATS DE TITRES ET DE TEMPS
S PTEM
SEPT
EMBR
MBRE
E2
2013
3
Table des matières
LES INTERVENTIONS DES PRINCIPALES
BANQUES CENTRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
. . . La Réserve fédérale des États-Unis.................2
. . .La Banque d’Angleterre....................................4
. . .La Banque centrale européenne.......................4
. . .La Banque du Japon..........................................4
ÉVALUATION DES INTERVENTIONS DES
BANQUES CENTRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
. . . La Réserve fédérale des États-Unis.................5
. . .La Banque d’Angleterre....................................7
. . .La Banque centrale européenne.......................8
. . .La Banque du Japon..........................................8
EFFETS SECONDAIRES DES
INTERVENTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
VOLUME 2
La crise financière du début du millénaire a freiné l’élan de l’économie mondiale,
révélant ainsi plusieurs déséquilibres. Dans l’article L’économie mondiale à
la croisée des chemins, nous avons décrit certaines des séquelles de la crise
financière, notamment le processus de désendettement dans lequel sont
engagées plusieurs économies industrialisées dans un contexte de lente
reprise économique. Cette reprise est d’autant plus lente que les leviers
fiscaux sont enrayés par le fardeau de la dette et ne peuvent contribuer à
appuyer l’activité économique.
C’est donc dans cette conjoncture d’ajustements à l’échelle mondiale, mais
aussi face à des contraintes nationales, que les banques centrales se sont
senties interpellées. Dans ce nouvel article, nous analyserons les actions,
parfois inédites, des banques centrales en réaction à la conjoncture particulière
que nous vivons.
L’ampleur de la récente crise financière a amené plusieurs banques centrales
à intervenir avec vigueur. Craignant que l’activité économique mondiale ne
sombre dans la dépression, les autorités monétaires ont tout d’abord utilisé
les leviers traditionnels des taux d’intérêt directeurs qu’elles ont dans plusieurs
cas ramenés près de zéro. Elles ont ensuite poussé plus loin l’innovation en
matière de politique monétaire avec l’expansion spectaculaire de leurs bilans.
En latin, Addenda signifie « ajout », ce qui résume
parfaitement notre mission, soit celle de créer
de la valeur ajoutée aux portefeuilles de nos clients.
Constatant en effet que la baisse des taux directeurs ne suffirait pas pour sortir
les économies de la récession, les banques centrales ont convenu de tout mettre
en œuvre pour éviter que le crédit interbancaire ne fige. C’est ainsi que les banques
centrales ont prêté leur bilan aux banques commerciales, leur créditant des liquidités
contre des titres de créance que ces dernières ont déposés en garantie.1 Ces
procédures, surtout mises en place suite à la faillite de Lehman Brothers en
septembre 2008, ont permis aux banques de poursuivre leurs opérations à court
terme.
Il fallut ensuite admettre que ces gestes étaient loin d’être suffisants pour relancer
l’activité économique. Les banques centrales constataient aussi que les
gouvernements ne pouvaient appuyer convenablement la relance, paralysés qu’ils
étaient par un fardeau d’endettement exacerbé par la récession et ses effets à la
baisse sur les revenus, à la hausse sur les dépenses. Plusieurs banques centrales
ont alors résolu d’augmenter la taille de leurs bilans par l’achat d’actifs financiers,
dans l’espoir de redonner de l’élan à l’activité économique. On peut même se
demander si ces opérations n’étaient pas tout simplement nécessaires pour éviter
que la conjoncture économique ne se dégrade davantage à court terme, rendant
la sortie de récession plus pénible encore.
Bilan des banques centrales en % du PIB
(%)
45,0
BCE
35,0
BAngl
taux directeurs ne suffirait
pas pour sortir les économies
de la récession.
»
ont alors résolu d’augmenter
la taille de leurs bilans.
BJpn
30,0
Constatant que la baisse des
Plusieurs banques centrales
FED
40,0
»
25,0
20,0
15,0
10,0
5,0
»
En novembre 2008, la
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Réserve fédérale annonçait
Source : Datastream
son programme d’achats
Les banques centrales exercent un suivi continu de la conjoncture économique,
et la lenteur de la reprise jusqu’à maintenant les a forcées à revoir périodiquement
et au besoin l’ampleur de leurs interventions. Nous vous proposons un bref survol
de l’évolution des principaux programmes d’assouplissement quantitatif mis en
œuvre par les banques centrales.
d’actifs à grande échelle.
LES INTERVENTIONS DES PRINCIPALES BANQUES CENTRALES
La Réserve fédérale des États-Unis
En novembre 2008, la Réserve fédérale annonçait son programme d’achats d’actifs
à grande échelle (« Large-Scale Asset Purchase program », ou LSAP) par le biais
duquel elle achèterait jusqu’à concurrence de 600 milliards $ de titres adossés à
des créances hypothécaires et d’obligations émises par des agences de garantie
de prêts hypothécaires. Rappelons que le gouvernement des États-Unis avait peu
de temps auparavant explicitement garanti la dette de ces agences, permettant
alors à la banque centrale des États-Unis de détenir de ces titres. 2
Il y a, par ailleurs, peu à s’étonner que les premières actions de la Fed aient porté
sur les titres des agences de garantie de prêts hypothécaires, puisque le secteur
2 |
1
Les programmes administrés
par la Fed étaient le Term Auction Facility
(TAF), le Term Asset-Backed Lending Facility
(TALF), le Commercial Paper Funding Facility
(CPFF), et le Money Market Investor Funding Facility (MMIFF). Le Troubled Asset Relief
Program, ou TARP, était géré par le département du Trésor mais soutenu fortement par
la Fed.
2
Selon ses statuts, la Réserve fédérale ne peut détenir que des titres émis
ou garantis par le gouvernement des ÉtatsUnis.
de l’immobilier résidentiel, qui a été à la source de la crise financière, était aussi
celui dont le redressement semblait, et semble toujours, prioritaire.
En mars 2009, la Fed augmentait à 1 250 milliards $ le montant des achats de
titres adossés des agences de garantie de prêts hypothécaires en y ajoutant l’achat
de 200 milliards $ d’obligations émises par ces mêmes agences et 300 milliards $
de titres de plus long terme émis par le gouvernement fédéral des États-Unis. Bien
qu’à l’origine, en 2008, ce programme devait prendre fin en juin 2009, les achats
ont été prolongé jusqu’au début de 2010.
En novembre 2010, alors que la conjoncture ne montrait toujours pas de signes
d’amélioration suffisante, la Fed annonçait qu’elle achèterait 600 milliards $
d’obligations du Trésor des États-Unis entre cette date et la mi-juin 2011.
»
Notons que tous ces
achats sont financés par
la création de monnaie
par la banque centrale.
Notons que tous ces achats sont financés par la création de monnaie par la banque
centrale. Par contre, en septembre 2011, dans le but d’appuyer ses efforts pour
contrer une augmentation des taux d’intérêt de plus long terme, la Fed mettait
en place un programme d’allongement des échéances, le « Maturity Extension
Program » ou « opération Twist », par lequel elle vendrait des titres du Trésor d’une
échéance de moins de trois ans et achèterait un montant équivalent de titres
d’échéance plus longue, comprise entre 6 et 30 ans. Ce programme, d’une ampleur
initiale de 400 milliards $, devait se terminer à la fin de juin 2012 (il a plutôt été
prolongé jusqu’à la fin de 2012 au même rythme, pour représenter 45 milliards $
par mois, soit 267 milliards $ au total). Une opération similaire avait eu lieu en 1961
dans le même but. Notons que l’opération Twist n’avait pas pour effet d’augmenter
le bilan de la Fed, puisque les achats étaient financés par le produit de la vente de
titres déjà inscrits au bilan de la banque centrale. L’opération Twist était donc une
action stérilisée en termes financiers.
INTERVENTION MONÉTAIRE STÉRILISÉE OU NON ?
Lorsqu’une banque centrale intervient dans les marchés financiers en achetant
ou en vendant des titres ou des devises, elle augmente ou réduit ses actifs au
bilan et elle augmente ou réduit les réserves en circulation des banques en
réglant la transaction. Si la banque centrale souhaite que l’opération ne se
solde pas par une augmentation ou une réduction des réserves en circulation,
elle doit stériliser l’intervention en effectuant une autre opération qui affecte
les réserves bancaires en sens inverse. Par exemple, si la banque centrale achète
des obligations de long terme, elle injecte de nouvelles réserves dans le système
bancaire en payant pour ces achats. Si elle désire stériliser cette intervention,
elle peut vendre des bons du Trésor. À la suite de ces deux interventions, la
taille totale de son bilan demeurerait inchangée, mais elle aurait tout de même
pu influencer le taux des obligations (à la baisse par ses achats) et le taux des
bons du Trésor (à la hausse par ses ventes). En général, l’intervention non stérilisée
a un impact plus fort, car la variation des réserves en circulation déclenche
habituellement une autre ronde de transactions de la part de celui qui reçoit
les nouvelles réserves (par suite d’un achat par la banque centrale) ou qui va
tenter de reconstituer sa liquidité (à la suite d’une vente par la banque centrale).
Puisque « l’opération Twist» allait se terminer et que la conjoncture semblait encore
incertaine, la Fed a décidé, à la fin de 2012, de poursuivre ses achats de titres de
plus long terme au même rythme de 45 milliards $ par mois, mais cette fois, sans
financer ces opérations par la vente de titres de court terme.3 Elle y ajouta aussi
l’achat de titres adossés émis par les agences de garantie de prêts hypothécaires
d’un montant de 40 milliards $ par mois, portant à 85 milliards $ le montant des
titres qu’elle inscrit à son bilan à chaque mois.
3
À ce moment la Fed avait déjà
épuisé son stock d’obligations de courtes
échéances.
| 3
La Banque d’Angleterre
La Banque d’Angleterre a suivi la voie tracée par la Fed par la création, en janvier
2009, de l’« Asset Purchase Facility » ou APF, un programme permettant l’achat
de titres obligataires du gouvernement britannique. La dotation initiale de ce fonds
s’élevait à 150 milliards £, dont jusqu’à 50 milliards £ pouvaient servir à l’achat de
titres de qualité de sociétés du secteur privé. Comme ce fut le cas pour la Fed, la
dotation de l’APF a aussi augmenté graduellement. Les titres inscrits au bilan de
la Banque d’Angleterre ont atteint le maximum permis de 375 milliards £ et sont
maintenant tous des d’obligations d’État (toutes les obligations de sociétés achetées
antérieurement ont été vendues depuis.)
À ce programme, la Banque d’Angleterre a ajouté un programme de financement
à terme destiné aux banques et aux sociétés de financement hypothécaire afin
d’inciter ces dernières à prêter davantage, et à des taux plus faibles, aux ménages
et aux entreprises. Une quarantaine d’institutions ont ainsi reçu des fonds à terme
de la banque centrale britannique, mais la taille de ce programme demeure
relativement faible (16 milliards £ au 30 juin 2013).
La Banque centrale européenne
Contrairement aux autres banques centrales normalement constituées, la Banque
centrale européenne (BCE) ne dispose pas du cadre juridique lui permettant de
recourir à des opérations d’assouplissement quantitatif. Toutefois, à la suite de la
crise financière, la BCE a mis sur pied un programme d’opérations de refinancement
à plus long terme, (« Longer Term Refinancing Operations » ou LTRO) qui fournissait
de la liquidité aux banques commerciales contre le dépôt de titres financiers en
garantie. Avant la crise financière, le programme procurait de la liquidité pour une
période d’au plus trois mois. L’échéance de ce financement a été allongée une
première fois à six mois en 2008 pour ensuite être repoussée à trois ans en 2011.
À l’été 2012, la Banque centrale européenne annonçait qu’elle procéderait à des
opérations monétaires sur titres (Outright Monetary Transactions ou OMT) lui
permettant d’acheter des obligations d’État sur le marché secondaire destinées à
préserver une transmission appropriée de la politique monétaire ainsi que l’unicité
de la politique monétaire.4 En contrepartie, les pays émetteurs qui bénéficieront
des achats de titres en vertu de ce programme devront se soumettre aux exigences
énoncées par les programmes de stabilisation financière de la BCE, soit le Fonds
européen de stabilisation financière et le mécanisme européen de stabilisation.5
»
La Banque d’Angleterre a
suivi la voie tracée par la
Fed.
»
La Banque centrale
européenne a mis sur pied
un programme d’opérations
de refinancement à plus
long terme.
»
La Banque du Japon
L’atteinte de ces objectifs des OMT se fera sans que la base monétaire n’augmente,
contrairement au LTRO et aux programmes d’assouplissements quantitatifs des
autres banques centrales. Autrement dit, ce programme est stérilisé. Notons
également que le programme de la BCE portera sur l’achat de titres dont les
échéances s’étendront d’un à trois ans, alors que les achats de titres des autres
banques centrales portent sur l’ensemble de la courbe de rendement.
a annoncé qu’elle
La Banque du Japon
gouvernement japonais.
Après plus de deux décennies marquées par une faible croissance économique, la
Banque du Japon a renoué avec un programme d’assouplissement quantitatif et
qualitatif ( Quantitative and Qualitative Monetary Easing ). Ce programme de la
banque centrale nippone constitue un des trois axes d’intervention qui incluent
aussi un volet budgétaire et réglementaire. La Banque du Japon a annoncé qu’elle
achèterait directement pour près de 7,5 billions ¥ d’obligations du gouvernement
japonais. Le programme vise à doubler la base monétaire par la création de réserves
auprès de la banque centrale japonaise pour, bien sûr, stimuler l’activité économique,
mais aussi amener le taux d’inflation à la nouvelle cible de 2 %. Rappelons que le
taux d’inflation au Japon demeure négatif depuis près d’une quinzaine d’années
et qu’un premier programme d’assouplissement quantitatif lancé en mars 2001
et abandonné cinq ans plus tard n’avait pu la relancer.
4 |
achèterait directement
pour près de 7,5 billions
de yens d’obligations du
4
Banque centrale européenne,
Décisions du Conseil des gouverneurs de la
BCE (autres que les décisions relatives à la
fixation des taux d’intérêt), 21 septembre
2012.
5
Ces programmes ont été créés en
2010 pour stabiliser les marchés financiers
des pays membres de la zone euro et comprennent aussi la participation du FMI.
»
Ces programmes ont
ÉVALUATION DES INTERVENTIONS DES BANQUES CENTRALES
Ces programmes, en plus de ceux visant à stabiliser le système financier et les
programmes d’appui au crédit ou à la gestion des taux de change (en Suisse, par
exemple6), ont amené les bilans des banques centrales à passer de 10,4 milliards
$ en 2007, à l’aube de la crise financière, à 20,5 billions de $ en 2012, une somme
correspondant à plus de 30 % du PIB mondial. Ces interventions ont-elles réussi?
amené les bilans des
La Réserve fédérale des États-Unis
banques centrales à plus
Avant le déploiement des programmes d’assouplissement quantitatif, les
programmes de financement temporaire consentis aux banques commerciales,
aux banques d’investissement et même aux grands fonds de marché monétaire
en 2008 ont permis d’éviter l’enlisement du système financier. Si l’on considère
que le système n’a pas cessé de fonctionner, que les échanges de liquidité entre
de 30 % du PIB mondial.
»
VIX - Indice de volatilité des actions
(%)
90
VIX
80
Cette opération de
70
sauvetage menée par la
60
banque centrale des États-
50
Unis constitue l’une de ses
40
plus grandes réussites.
30
20
»
Les achats de titres du
Trésor ont forcé à la baisse
toute la structure à terme
des taux d’intérêt.
6
La Banque nationale suisse a
notamment augmenté ses réserves de
change pour limiter l’appréciation du franc
suisse contre l’euro.
7
La Fed affirme que ses achats de
titres ne monétisent pas la dette du gouvernement car elle les effectue sur le marché
secondaire. Strictement parlant, la banque
centrale ne donne pas les fonds directement au gouvernement, mais les intervenants du marché savent que la banque
centrale s’est engagée à acheter des titres
systématiquement , chaque mois, en injectant de nouvelles réserves tant que le programme d’achats continue.
10
0
janv.-2000
oct.-2001
juin-2003
févr.-2005
oct.-2006
juil.-2008
mars-2010
nov.-2011
août-2013
Source : CBOE
institutions se sont assez vite rétablis et que les facilités exceptionnelles de crédit
ont pu être éliminées après quelques mois, on peut dire avec justesse que cette
opération de sauvetage menée par la banque centrale des États-Unis constitue
l’une de ses plus grandes réussites.
Par ailleurs, l’achat de titres obligataires par la Fed, une opération qui visait avant
tout à faire baisser les taux de plus long terme, s’est soldé par une augmentation
de son bilan qui, des 900 milliards $ qu’il était avant la crise, est passé à 3,6 billion $
en août 2013. De plus, ces achats (sauf ceux de l’opération Twist) n’étant pas stérilisés,
l’injection de liquidité dans le système financier vise aussi à stimuler la demande
pour les actifs risqués.
Les achats de titres du Trésor ont en effet forcé à la baisse toute la structure à
terme des taux d’intérêt des obligations gouvernementales qui servent de point
d’ancrage à toutes les catégories de titres de crédit (billets de dépôt des banques,
obligations de sociétés, obligations à rendement élevé, etc.). Les emprunteurs ont
ainsi pu lever des fonds à terme à des taux très bas. Le Trésor des États-Unis, qui
doit financer des déficits record depuis la crise en plus de faire face à des
refinancements constants, a profité de taux exceptionnellement bas, alors que
la Fed a fini par absorber la quasi-totalité de l’augmentation nette de l’encours
des titres du Trésor .7 Les gouvernements locaux (états et municipalités) ont aussi
bénéficié de cette baisse des taux, mais en partie seulement, car leurs coûts
d’emprunts ont souffert de l’aversion au risque qui s’est généralisée depuis la crise
du crédit.
| 5
»
Ventes de véhicules aux États-Unis
millions
d'unités
23
Autos et camions légers
21
Le marché de l’automobile
19
est un de ceux qui ont le
17
plus bénéficié des coûts de
15
financement moindres.
13
11
9
7
5
janv.-1993
juin-1996
nov.-1999
avr.-2003
sept.-2006
févr.-2010
juil.-2013
Source : AUTODATA
Le marché de l’automobile est un de ceux qui ont le plus bénéficié des coûts de
financement moindres et qui se sont le plus fortement redressés depuis la crise.
De plus, les achats de la Fed de titres reliés aux hypothèques ont accentué la baisse
des écarts de ces titres par rapport aux titres gouvernementaux, ce qui a engendré
une baisse prononcée des taux hypothécaires de long terme et amélioré l’abordabilité.
L’effet combiné de la baisse des taux hypothécaires et des prix des maisons a fini
par ranimer la demande depuis environ deux ans et demi. Ce secteur, qui manquait
à l’appel en début de reprise alors qu’il fallait digérer les excès antérieurs, est
maintenant redevenu un ingrédient clé de la reprise.
»
L’effet combiné de la baisse
des taux hypothécaires et
des prix des maisons a fini
par ranimer la demande.
Ventes de maisons et condos
Milliers
d'unités
1600
1400
Milliers
d'unités
8000
Nouvelles maisons (g)
Maisons existantes (d)
7000
1200
6000
1000
5000
800
4000
600
3000
400
2000
200
1000
0
janv.-1990
déc.-1993
nov.-1997
oct.-2001
sept.-2005
août-2009
0
juil.-2013
Source : U.S. Census, NAR
Par ses achats non stérilisés, la Réserve fédérale espérait aussi que l’effet de liquidité
découlant de l’augmentation de la base monétaire influencerait favorablement
les attentes. Calmer l’aversion au risque excessive des marchés financiers et redonner
confiance aux ménages et aux entreprises est devenu un objectif prioritaire, quoique
indirect, de ces injections de liquidité. La baisse des taux d’intérêt des obligations
sans risque de crédit a rehaussé l’attrait relatif des actifs plus risqués, tels les
6 |
»
Calmer l’aversion au risque
excessive est devenu un
objectif prioritaire.
obligations de sociétés et les titres boursiers. La forte baisse des écarts de rendement
des obligations de sociétés et la longue reprise boursière depuis le creux de mars
2009 témoignent de cette baisse de l’aversion au risque. Ces phénomènes ont
contribué à rehausser la confiance des ménages et des entreprises, quoique à un
degré moindre dans le cas de ces dernières.
La Fed espérait également que l’augmentation de la base monétaire (l’injection de
réserves) inciterait les banques commerciales à recommencer à prêter, objectif qui
n’est que partiellement atteint à ce stade.
»
Cet effet de richesse n’a
eu qu’un impact mitigé
sur l’économie réelle.
Quant aux entreprises, malgré des profits atteignant une part du PIB sans précédent,
malgré des bilans solides et un marché boursier à de nouveaux sommets, le retour
de la confiance demeure mitigé et une vague plus forte de nouveaux investissements
se fait encore attendre.
La Banque d’Angleterre
Comme ce fut le cas aux États-Unis, les achats de titres par la Banque d’Angleterre
ont résulté en une hausse notable du prix des actifs risqués, notamment du marché
boursier. Par contre, cet effet de richesse n’a eu qu’un impact mitigé sur l’économie
réelle. En effet, la baisse des taux de long terme et la hausse des cours boursiers
qui ont accompagné le début de reprise à compter de la fin 2009 n’ont pas empêché
l’économie britannique de retomber en récession en fin 2011, une récession dont
elle ne semblait commencer à sortir qu’au début de 2013.
Produit intérieur brut - Royaume-Uni
Variation trimestrielle annualisée en %
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0
0,0
-2,0
-4,0
-6,0
-8,0
-10,0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Source : Datastream
| 7
La Banque centrale européenne
Les interventions de la BCE ont aidé les banques commerciales à financer les
obligations d’État qu’elles détiennent. Ce soutien est devenue nécessaire lorsque,
à la suite de la perte de confiance des déposants, plusieurs banques commerciales
des pays ébranlés par la crise de dette souveraine ont perdu une partie importante
de leur base de dépôts. Sans compter que depuis la crise du crédit, le recyclage des
excédents disponibles, auparavant effectué par le marché interbancaire, a diminué
de beaucoup.
(%)
BCE ont aidé les banques
50
Allemagne
45
Italie
35
Espagne
30
25
commerciales à financer les
France
40
»
Les interventions de la
Taux 10 ans de la zone Euro
obligations d’État.
Portugal
Grèce
20
15
10
5
0
mai-07
août-08
nov.-09
févr.-11
mai-12
août-13
Source : Bloomberg
Les interventions de la BCE ont permis de stabiliser les écarts de rendement des
obligations d’État des pays de la périphérie et d’atténuer les pressions de liquidité
sur les banques. La crise de confiance quant à la pérennité de l’euro a pour l’instant
été étouffée. Toutefois, la reprise est entravée par le fait que plusieurs banques
de la zone euro, encore trop faiblement capitalisées et averses au risque, sont peu
disposées à prêter. On peut donc affirmer que l’assouplissement quantitatif effectué
à ce jour par la BCE a permis de stabiliser une situation qui menaçait de mener à
l’éclatement de la monnaie commune. Toutefois, l’expansion du bilan de la banque
centrale n’a pas réussi à stimuler la croissance réelle au moment où plusieurs pays
de la périphérie de la zone euro sont encore en récession profonde. Nous croyons
que la BCE a fait le nécessaire pour désamorcer la crise, mais qu’elle n’est pas
parvenue à tout mettre en œuvre pour engager la reprise.
La Banque du Japon
Au nombre des programmes d’assouplissement quantitatif des principales banques
centrales, celui de la Banque du Japon est le plus récent. Les réactions initiales aux
actions de la banque centrale nippone, notamment la forte progression du marché
boursier et la dépréciation souhaitée du yen, tendraient à confirmer le succès de
l’intervention. Toutefois, ce n’est qu’à plus long terme et après la mise en œuvre
des réformes budgétaires et réglementaires, que l’on pourra juger du succès de
l’opération par rapport aux objectifs de croissance et d’inflation.
EFFETS SECONDAIRES DES INTERVENTIONS
Ces doses d’assouplissement monétaire hautement concentrées étaient peut-être
nécessaires pour éviter l’éclatement du système financier et sortir l’économie
mondiale de la Grande Récession. Comme dans la plupart des expériences en
sciences sociales, nous ne pouvons que spéculer sur ce qui aurait pu se produire
sans de telles interventions. Toutefois, nous constatons déjà un certain prix à payer
pour cette grande expérience de stimulation monétaire.
8 |
»
Japon...Ce n’est qu’à
plus long terme que l’on
pourra juger du succès de
l’opération.
»
Nous constatons déjà un
certain prix à payer pour
cette grande expérience de
stimulation monétaire.
»
Les bas taux d’intérêt
ont créé un contexte
extrêmement difficile
pour certains groupes.
»
La persistance de taux
très bas comporte des
risques pour la stabilité
financière.
»
L’accommodation
monétaire persistante
crée des bulles en
encourageant le recours
excessif au levier
financier.
Si les bas taux d’intérêt persistants ont aidé les débiteurs, il faut toutefois reconnaître
qu’ils ont créé un contexte extrêmement difficile pour certains groupes. On n’a
qu’à penser aux retraités dont le revenu provient principalement des revenus
d’intérêt comme exemple patent des groupes les plus désavantagés par cette
répression financière. Dans la même veine, les régimes de retraite à prestations
déterminées ont vu leur passif exploser à la suite de la baisse des taux de long
terme. Selon une étude récente s’appliquant aux régimes à prestations déterminés
ontariens8 , 54 % des régimes recensés étaient sous-capitalisés selon l’hypothèse
de continuité, et 89 % l’étaient selon l’évaluation de solvabilité. Cette situation, si
elle persiste, menacera la viabilité de ce type de régime dont le coût est devenu
prohibitif dans un contexte de très faibles rendements et d’une offre de maind’oeuvre qui se mondialise.
Un des effets pervers de ces bas taux d’intérêt, dont l’objectif est d’appuyer la
reprise économique, est observable auprès des épargnants les plus déterminés à
accumuler un montant donné de capital pour la retraite. Si ces derniers ne réduisent
pas leur capital cible, les faibles rendements de leur épargne les forcent à épargner
encore plus, donc à moins consommer, ce qui va à l’encontre de l’objectif de la
politique monétaire : stimuler la reprise.
Du côté des emprunteurs, la persistance de taux très bas comporte des risques
pour la stabilité financière. Pour les emprunteurs hypothécaires qui n’optent pas
pour les plus longues échéances à taux fixes, la hausse éventuelle des taux pourrait
devenir un fardeau insupportable. Pour les gouvernements, les taux anormalement
bas diminuent la pression financière qui autrement les forcerait à procéder aux
réformes structurelles des programmes sociaux et de la taxation qui, de toute
façon, sont incontournables à moyen terme pour rétablir l’équilibre budgétaire.
Les tensions budgétaires à venir compliqueront la stratégie de sortie des banques
centrales qui, de ce fait, pourraient voir leur indépendance compromise.
Du côté de la stabilité financière, il y a, bien sûr, le risque que l’accommodation
monétaire persistante crée des bulles en encourageant le recours excessif au levier
financier et en gonflant indûment le prix de certains actifs. Nous avons pu constater,
depuis mai dernier, que les marchés pouvaient devenir très volatils lorsque la
perspective d’un changement de régime monétaire se précise. La transition pourrait
donc donner lieu à des accidents de parcours.
En mai dernier le comité de politique monétaire de la Fed semble avoir conclu que
l’assouplissement quantitatif comportait des risques préoccupants pour la stabilité
financière et que ses bénéfices pour l’économie réelle diminuaient tout en n’étant
plus aussi nécessaires. Il a alors signalé son intention de commencer à réduire
progressivement ses achats de titres avant la fin de cette année. La banque centrale
a été surprise de l’ampleur de la réaction du marché obligataire à ce signal. Depuis
le creux de mai, les rendements à l’échéance des obligations du Trésor des ÉtatsUnis de 5 ans ont augmenté à 1,63 % (+0,98 %), celles de 10 ans à 2,87 % (+1,21 %)
et celles de trente ans à 3,86 % (+1,04 %). Ces hausses de taux pourraient déjà
s’avérer suffisamment fortes pour ralentir la reprise du marché immobilier et des
ventes de biens durables exigeant du financement. Préoccupé par ce frein potentiel
sur la reprise, le comité de la Fed, à sa réunion de septembre, a préféré reporter à
plus tard le moment où il commencera à réduire la cadence des achats. Qui plus
est, en plus de maintenir les achats de titres au niveau actuel, le comité a aussi
réaffirmé qu’il entrevoit maintenir le taux directeur très bas longtemps après avoir
mis un terme à ses achats de titres.
CONCLUSION
8
2012 Report on the funding of
defined benefit pension plans in Ontario,
Financial Service Commission of Ontario,
août 2013.
Les interventions des banques centrales ont permis d’éviter que les conséquences
de la crise de crédit et de la Grande Récession ne soient encore pires que la lenteur
de la reprise que nous avons connue depuis. Essentiellement, elles ont permis de
gagner du temps pour redresser l’économie.
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Le temps que les banques centrales ont acheté n’a cependant pas permis à la
croissance économique de manifester beaucoup de dynamisme. De plus, on peut
se demander jusqu’à quand les intervenants économiques accorderont-ils une
telle licence aux banques centrales.
Cette échéance sera-t-elle dictée par l’inflation? Cette croissance sans précédent
de la taille des bilans des banques centrales a eu des effets rapides et importants
sur le prix des actifs financiers, alors que les prix dans l’économie réelle demeurent
remarquablement disciplinés. Si l’on accepte le postulat de Milton Friedman, père
du courant monétariste, que « partout et de tout temps, l’inflation est un phénomène
monétaire », on doit se demander pourquoi l’inflation monétaire récente n’a affecté
que les prix des actifs financiers et escamoté les prix dans l’économie réelle. Quel
est le risque qu’il ne s’agisse que d’un sursis qui ne tient qu’à la longueur des délais ?
Dans la prochaine étude, nous nous pencherons sur l’anatomie de l’inflation dans
l’économie réelle ainsi que sur les chances que l’expérience monétaire des dernières
années finisse par l’attiser.
AUTEURS :
•
•
Benoît Durocher, vice-président exécutif et chef stratège économique
Richard Beaulieu, économiste principal
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