Quel soutien trouvent-ils
Transcription
Quel soutien trouvent-ils
Qu’est-ce qui amène les jeunes victimes d’homophobie à s’en sortir? Témoignages de jeunes gais, lesbiennes et bisexuels en milieu scolaire Marie-Pier Petit, Université du Québec à Montréal Gabrielle Richard, Université de Montréal Les participants, qui sont-ils? Les critères de participation: - Être âgé de 14 à 24 ans - Être lesbienne, gai, bisexuel, en questionnement ou avoir un parent homosexuel - Avoir vécu des difficultés en milieu scolaire en lien avec son orientation sexuelle Les participants, qui sont-ils? Origine culturelle Sexe 22% (14) 46% (30) 54% (35) 78% (51) Garçon Fille Canada/Québec Autre Les participants, qui sont-ils? Âge Niveau de scolarité 12% (8) 22% (14) 31% (20) 3% (2) 31% (20) 69% (45) 32% (21) 14 à 17 ans 18 à 24 ans Seco ndaire CÉGEP P lus aux études A dultes Université Les participants, qui sont-ils? Orientation sexuelle (1) (3) (5) 2% 6% (4) 5% 8% 44% (27) 35% (23) Gai Lesb. Bisex. Question. Hétéro. Autre Que rapportent-ils? 1- Le fait d’assumer leur propre orientation sexuelle les aide à s’accepter et à développer une meilleure confiance en soi. Que rapportent-ils? C’est la pression de se sentir différent. Tu sais que tu l’es. Tu as l’impression que si tu le dis, la terre entière va te taper dessus, que tu vas te faire écœurer. C’est beaucoup la peur de se faire juger. Puis toi, tu as les mêmes préjugés que tout le monde sur l’homosexualité. Alors, tu te dis : « Je ne suis pas normale. Je suis une erreur de la nature. » Je me mettais une pression énorme. J’ai été chanceuse d’avoir la musique et le sport parce que je ne sais pas si j’aurais accepté cette pression-là. Ça m’a sauvée, ça m’a permis de rester à l’école. (Jessie, 23 ans, lesbienne) Que rapportent-ils? Dans The L Word, j’admire Bette vraiment. Je trouve qu’elle est super belle. Ça ne parait pas du tout qu’elle est lesbienne. Elle s’affirme tellement, elle n’a tellement pas peur de le dire. Ça m’a donné la force de m’affirmer. (Jenni, 15 ans, lesbienne) Que rapportent-ils? Je m’acceptais pas du tout au début et il y avait des personnes qui avaient de la misère à m’accepter aussi. Ça a été dur, mais je suis contente d’être passée par-dessus les préjugés. Aujourd’hui, je m’accepte à 100% comme je suis et je m’aime. J’ai réalisé qu’il n’y a rien de mal à être homosexuelle. (Tina, 17 ans, lesbienne) Que rapportent-ils? 2- Le coming out initial est un moment marquant dans la vie des jeunes LGBQ. Ils soulignent surtout son caractère libérateur. Que rapportent-ils? J’ai fait mon coming out au cégep devant une quinzaine de personnes. Après, j’ai senti une grosse libération, un gros poids sur mes épaules qui avait quitté. C’est comme si c’était trois bagages sur les épaules qu’on t’enlevait d’un coup. C’est comme si j’avais une arme de plus pour me battre contre l’ambiance et les insultes homophobes. Ça m’a vraiment donné la force de faire mon coming out à ma mère, qui a été beaucoup plus difficile. (Hendrick, 19 ans, gai) Que rapportent-ils? 3- Répliquer à l’homophobie vécue peut entraîner des répercussions positives sur les jeunes LGBQ. Que rapportent-ils? Je me suis vite rendu compte que les victimes d’homophobie, c’était seulement ceux qui ne répliquaient pas. Ceux qui m’insultaient, je répliquais et ça a effectivement marché. Quand tu l’affirmes haut et fort et que tu as assez de caractère pour te tenir debout, les autres se poussent. Ils ne t’ennuient pas du tout. (Marco, 21 ans, gai) Que rapportent-ils? Je n’ai jamais été un grand batailleur. [Les élèves homophobes], ils avaient un petit faible pour quelqu’un qui ne se défend pas. C’est encore plus le fun d’en rajouter. Ils n’ont comme pas de rival, alors ils vont continuer, ils vont en mettre, en mettre, en mettre. Peut-être que j’aurais dû me défendre. (Félix, 21 ans, gai) Que rapportent-ils? 4- Les jeunes LGBQ accordent une grande importance aux signes d’ouverture (ou de fermeture) de leur environnement scolaire à l’égard de la diversité sexuelle. Que rapportent-ils? J’ai choisi Maisonneuve qui est à 1h30 de chez moi juste parce qu’il y a un comité assez présent. Un hétéro ne ferait jamais ça, même pour une ligue d’impro. Moi, je fais ça juste pour être bien dans mon cégep et pour pouvoir bien m’intégrer. Ce n’est pas que j’ai des problèmes d’intégration. Je n’en ai pas eu à Maisonneuve et c’est grâce au comité. (Tiesta, 17 ans, bisexuelle) Que rapportent-ils? Les réactions étaient pas mal correctes. C’était positif. C’est d’ailleurs suite à ça que Maxime [ami gai] a fait: « Dans le fond, je pourrais commencer à le dire à du monde. Je serais à l’aise et je n’aurais pas peur qu’ils réagissent mal ». Parce que le monde dans le cours réagissait bien. J’imagine que ça a facilité le fait qu’en secondaire 5, Maxime et moi, on a fait notre coming out pas mal en même temps. (Zachary, 23 ans, gai) Que rapportent-ils? Il y en avait un ou deux [élèves ouvertement gais]. C’était tous des plus vieux. Et encore là, ça ne m’aidait pas à m’afficher, parce qu’ils étaient encore plus maltraités. Il y en a un qui s’est fait mettre à l’envers dans la poubelle. Tu ne peux pas faire: « Ok, je vais peut-être penser à vous le dire ». Ça ne m’encourageait pas du tout à en parler. (Félix, 21 ans, gai) Que rapportent-ils? On avait placé des affiches où c’était écrit: « Choquant? Pour les homophobes ». C’était une image de joueurs de hockey qui s’embrassent. Cette affiche-là s’est fait déchirer et enlever. Ensuite, on a placé d’autres petites affiches sans image, mais qui expliquent le comité de la diversité sexuelle. Elles ont toutes été arrachées aussi. Moi, je serais pas prêt à dire sur la place publique : «Je suis gai.» (Max, 18 ans, gai) Que rapportent-ils? 5 - Les participants portent beaucoup d’attention aux actions et aux propos de leurs professeurs à l’égard de la diversité sexuelle, peu importe l’orientation sexuelle qu’ils prêtent à ces derniers. Intervenir ou prévenir l’homophobie Fabrice, mon professeur de pensée humaine en secondaire 5, la première affaire qu’il a dite, c’est: « Je ne veux aucun propos homophobe, aucun propos raciste et aucun propos contre David Bowie ». Ça a été les trois règles de son cours. Tu ne traitais pas de fif dans son cours. Venant d’un hétéro, le monde fait: « On peut supporter ça sans se faire traiter de gai ». (Josiane, 19 ans, lesbienne) Parler d’homosexualité en classe L’homosexualité a été abordée par les textes de Platon. Dans Le Banquet, ça traite uniquement de l’amour. Ça a passé vraiment bien. Personne ne trouvait ça bizarre que l’homosexualité soit à la même échelle que l’hétérosexualité et que même le plus grand amour du monde était un cas homosexuel. Personne n’a répliqué contre ça. (Dominique, 24 ans, gai) Parler d’homosexualité en classe Mon prof de français dit des fois des commentaires sur Kevin Kyle ou sur Éric Salvail. Je me dis alors: « Peut-être que lui, ce sera le dernier à qui je vais en parler et qui va le savoir ». Parfois, je me sens mal. Tu sais, c’est ton prof et il dit ça. C’est sûr que je mange mes bas. Voyons, c’est un prof, merde, et il dit ça devant tout le monde. (David, 16 ans, gai) Utiliser un langage inclusif Des malaises, c’est quand mes profs font référence à moi et à mon chum. Par exemple: « Admettons, avec ton chum… ». Je ne suis pas capable de ne rien leur dire, alors je dis: « Euh… Je n’ai pas de chum. ». « OK. Admettons que tu as un chum… ». « Désolée, je ne suis pas capable de me l’imaginer. Une blonde, c’est correct? ». Ça, je trouve que c’est source de malaise un peu, pour moi surtout. (Josiane, 19 ans, lesbienne) Offrir de l’information spécifique Elle [professeur au secondaire] parlait de sexualité et des MTS parce que c’était dans le cadre du travail. Après le cours, elle est venue nous voir [participante et sa petite amie] et elle a dit: « Si vous avez des questions plus particulières, vous deux, venez me les poser ». (Leslie, 16 ans, lesbienne) Offrir des ressources sur la diversité sexuelle [L’infirmière] a donné des petits dépliants. J’en ai pris et je les ai lus. Elle a donné le site d’AlterHéros. Je suis allée faire un tour. Elle a dit: « Pour les personnes qui ont des questions par rapport à ça, qui ne se sentent pas bien par rapport à ça, ou qui sont gênés d’en parler…». Moi, je n’étais pas capable d’en parler. Il fallait que je l’écrive. [Sans cette intervention], je ne pense pas que j’aurais connu ce site-là. (Jenni, 15 ans, lesbienne) Le soutien des ami-es Mes amis, je pouvais toujours leur en parler. Ils ne trouvaient pas que je leur en parlais trop. Ils faisaient des fois des jokes pas méchantes, des jokes comme : « Ah! Tu la regardes la belle fille… ». Des trucs qui faisaient que je me sentais bien dans ma peau. Je pouvais me sentir en confiance. Vraiment, mes amis, ça a été un bon support. (Marianne, 21 ans, lesbienne) Que rapportent-ils? 6- Les groupes de soutien LGB tendent à être perçus comme des endroits sécuritaires et de socialisation. Que rapportent-ils? Tous mes amis sont avec moi sauf qu’ils sont tous hétéros. J’ai quand même besoin d’être avec des gens qui me ressemblent. En venant au [groupe contre l’homophobie], je pensais que j’allais être gênée mais ça a été une explosion. Je me suis fait beaucoup d’amis. Quand tu rentres dans ce local, le lien d’appartenance est immensément fort. On est bien ici. (Christina, 19 ans, lesbienne) Que rapportent-ils? À mon école, il y avait une asso pour gais et bis. J’ai participé à la première réunion. Les personnes qui faisaient partie de cette association, après, ça se savait directement dans l’école. Même s’il y avait des personnes hétéros qui étaient dans cette association, ces personnes-là, on disait qu’elles étaient gaies. Du coup, moi, je n’ai pas vraiment eu envie de m’investir dedans. Je ne voulais pas vraiment que les personnes m’identifient à ça. (Abdoullaye, 23 ans, bisexuel) Que rapportent-ils? 7- Plusieurs participants ont rapporté s’engager activement dans la lutte contre l’homophobie pour faire profiter d’autres de leurs expériences. Que rapportent-ils? Astheure, je suis tellement rendu impliqué làdedans. Je veux tellement promouvoir la diversité sexuelle. Je le sais, maintenant, que c’est normal, que c’est correct. J’aimerais ça que quelqu’un me dise [des propos homophobes] juste pour lui dire: « Pourquoi tu fais ça, man? ». Ce n’est jamais arrivé et c’est pour ça que j’ai créé ce comité-là. Je ne veux pas que des gens subissent ce que j’ai subi, encore ici, rendu au cégep. (Joshua, 18 ans, gai) En conclusion La résilience des jeunes lesbiennes, gais, bisexuels victimes d’homophobie passe par la création en milieu scolaire d’un espace sécuritaire, dont se portent garants les professeurs. Quelques recommandations - Ne pas tolérer l’homophobie, sous aucune forme; - Se renseigner quant aux réalités des jeunes de minorités sexuelles et aux façons d’intervenir auprès d’eux; - S’assurer d’avoir de l’information et des ressources sur la diversité sexuelle pour être en mesure de répondre aux questions de tous les jeunes Quelques recommandations - Rendre visible à l’école des signes d’ouverture à la diversité sexuelle (par ex: affiche de Gai-Écoute, drapeau ou collant des alliés…); - Initier ou appuyer les initiatives LGB de l’environnement scolaire (groupe ou comité de soutien, kiosque d’information, semaine thématique, etc.) - Éviter de présumer de l’hétérosexualité des adolescents Équipe de recherche Chercheure principale: Line Chamberland, Université du Québec à Montréal Équipe de recherche: Gilbert Émond, Université Concordia Danielle Julien, Université du Québec à Montréal Joanne Otis, Université du Québec à Montréal Bill Ryan, Université McGill Adjoints de recherche: Michaël Bernier, Marilyne Chevrier, Marie-Pier Petit et Gabrielle Richard Remerciements • Table nationale de lutte contre l’homophobie du réseau scolaire • Table nationale de lutte contre l’homophobie du réseau collégial • GRIS Montréal • GRIS Québec • GRIS Chaudière-Appalaches Des remerciements sincères à toutes les personnes qui ont participé à cette recherche ou ont aidé à sa réalisation