Séquence 1 : Une soirée chez les Arpel
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Séquence 1 : Une soirée chez les Arpel
L'Histoire des Arts au Collège Thomas Masaryk Le corps et ses expressions Année 2012/2013 Analyse du mobilier et de son rapport au corps dans le film Mon Oncle de Jacques Tati Monsieur Massé Professeur de Technologie Séquence 1 : Une soirée chez les Arpel Contexte : Comme tous les soirs, Monsieur et Madame Arpel s'installent devant leur téléviseur pour regarder silencieusement un documentaire sensé les faire réfléchir. Tout laisse à penser que c'est le documentaire qui va réfléchir à leur place... Analyse : Le couple Arpel est un couple de robots . Le mari et son épouse répètent tous les jours la même chose. L'utilisation de 2 fauteuils distincts plutôt qu'un canapé 2 places renforce l'absence d'humanité dans le couple. La position assise confère en outre à la scène une passivité qui semble en décalage avec le thème de l'émission : « A vous de réfléchir ». - Quel progrès technologique Jacques Tati n'avait pas anticipé dans cette séquence ? Séquence 2 : Entretien à l’usine Plastac Contexte : Monsieur rencontre son hiérarchique Arpel supérieur pour lui demander une faveur : trouver un travail à son beau-frère, Monsieur Hulot. Analyse : La structure du fauteuil dans lequel est assis Monsieur Arpel lui donne une position fermée, voûtée, les épaules vers l'avant ce qui doit gêner considérablement sa respiration et accentuer un sentiment d'inconfort et de nervosité. La structure de la chaise du PDG est tout à fait banale. Pour autant, elle lui offre une stature bien droite, lui permettant de dégager ses épaules vers l'arrière et d'être ainsi complètement libre de ses mouvements. La différence entre la hauteur de l'assise de Monsieur Arpel et celle de son PDG respecte pleinement la hiérarchie professionnelle. Le PDG avec son regard plongeant semble être en position de force alors que Monsieur Arpel est engoncé dans un fauteuil qui, au lieu de lui offrir le confort attendu, est la cause d'un sentiment de malaise. Séquence 3 : Déjeuner chez les Arpel Contexte : Monsieur Hulot est invité chez sa sœur et son mari pour déjeuner. Madame Arpel l'invite à se joindre à table en lui présentant un fauteuil coquillette... Analyse : Monsieur Hulot semble aspiré par le fauteuil. Il n'est pas au niveau de la table ni des autres protagonistes. En voulant lui présenter un fauteuil confortable, Madame Arpel rappelle implicitement à son frère sa classe sociale. Monsieur Hulot aura vite fait de troquer son siège par une chaise traditionnelle, plus adaptée à la situation. Fauteuil acapulco : Typique du design mexicain des années 50, il serait né au Mexique dans les années 40, conçu par une touriste française et inspiré par la technique de fabrication des hamacs maya. Alors en visite sur la côte caribéenne du Mexique, elle se serait demandée pourquoi personne n’avait jamais pensé à faire des chaises en utilisant la technique du hamac. Elle était apparemment installée sur une chaise confortable mais solide qui, à cause de la chaleur des Caraïbes, devait la faire transpirer. Le fauteuil « acapulco » est devenu célèbre dans les années 50 grâce à la jet-set qui fréquentait alors la petite station balnéaire éponyme : Elvis, John et Jacky Kennedy... Le fauteuil « acapulco » est un fauteuil qui existait déjà avant le tournage du film de Jacques Tati. Son concept est novateur et particulièrement adapté à la situation pour laquelle il a été créé (chaleur, extérieur). En en faisant un fauteuil de salon et en le faisant atterrir en région Parisienne, Tati l'a détourné de sa fonction particulièrement grotesque. première, rendant ainsi son utilisation Séquence 4 : Visite de la voisine Contexte : La voisine des Arpel vient leur rendre visite. Madame Arpel lui fait alors visiter sa maison. "Comme vous le voyez, tout communique". Analyse : La tête de la voisine en dit long sur le confort de cette banquette! Comme le reste du mobilier de la maison, ce meuble a été entièrement conçu dans l'usine de Monsieur Arpel, l'entreprise « Plastac ». La position et l'organisation de ce canapé dans la maison en fait un meuble d'apparat. Mis à part un cendrier, aucun objet ne vient en effet interagir avec lui, ce qui le rend totalement inutile. En outre, à la fin des années 1950, le canapé dans le salon n'existait pas. Il est arrivé dans les années 1970, en même temps que le téléviseur et la chaîne hi-fi. Le modèle vert en tubes que Tati place dans le salon de Mme Arpel a l'air ridicule dans cet espace car il n'avait pas encore trouvé sa fonction. Au début des années 1950, il fallait produire vite et en grande quantité. La structure tubulaire de cette banquette n'est pas qu'un choix esthétique, c'est aussi un souci d'optimiser les coûts de fabrication en simplifiant l'objet. → Imagine et dessine un corps dans une position qui pourrait éventuellement exploiter ce canapé de façon confortable: Séquence 5 : Retour de soirée... Contexte : Monsieur et Madame Arpel rentre d’une soirée après avoir pris le soin de laisser leur fils Gérard sous la responsabilité de son oncle, Monsieur Hulot. Ce dernier détourne le sofa « haricot » pour une utilisation qu’il juge sans doute plus ergonomique ! Analyse : Monsieur Hulot, en basculant le canapé « haricot » sur son flanc, le transforme en chaise longue. Un usage que n'avait à priori pas anticipé le designer de ce canapé étant donné l'absence de revêtement en dessous. Monsieur Arpel, en s'insurgeant devant tant de liberté, fait état de sa jalousie. Prisonnier de ses meubles et enfermé dans un confort raide, il ne laisse pas libre court à sa créativité et va jusqu'à brimer celle de ses invités. L'horizontalité originelle du canapé abandonnée au profit de courbes anarchiques est le reflet de l'appropriation temporaire de la maison par Monsieur Hulot. L'expression de son corps ici allongé laisse transparaître un esprit détendu, en totale opposition avec la raideur physique et morale de ses deux hôtes. Fauteuil LC4 – Le Corbusier – 1928 La chaise longue lounge LC4 Le Corbusier est la pièce la plus connue de Charles-Édouard Jeanneret-Gris dénommé Le Corbusier. Elle fut dessinée en 1928 et connu un immense succès depuis sa sortie au salon d'automne en 1929. Elle utilise de l'acier chromé pour la chaise, de l'acier noir pour la base, et elle est recouverte de cuir ou de peau. - Dans cette séquence, quel objet vous semble particulièrement anachronique ? Séquence 6 : Réception chez les Arpel Contexte : Les Arpel organisent une réception dans le jardin de leur villa. Monsieur Arpel engage une discussion avec un invité tandis que Monsieur maladroitement Hulot de essaye réparer une bêtise de son neveu Gérard. Analyse : Monsieur Arpel semble être très mal à l'aise dans son fauteuil à bascule. Il est obligé de poser son pied gauche par terre pour éviter de basculer vers l'avant et d'étirer son corps vers l'arrière afin d'équilibrer l'ensemble et d'accentuer la bascule. Cela lui donne un air faussement détendu en opposition avec son interlocuteur qui, jambes croisées, semble être beaucoup plus à l'aise. Ce meuble semble être un hybride quelque part entre la chaise et le rockingchair. L'imperceptibilité de cette dualité en fait un meuble bâtard qui, au lieu de synthétiser les avantages des deux concepts, en réunit finalement les inconvénients. Chaise à bascule RAR - Charles et Ray Eames – 1950 Matière : Assise en polypropylène teinté. Piètement en fil d'acier sur 2 patins en bois vernis. Ingénieurs de formation, Charles et Ray Eames travaillaient pour l'armée pendant la 2° Guerre mondiale. Ils eurent alors l'idée d'exploiter un matériau jusqu'alors utilisé dans l'aéronautique : une coque en résine de polyester renforcé de fibre de verre. Est née, alors, la chaise à bascule RAR (Rocking Armchair Rod Base) Séquence 7 : ça déménage ! Contexte : Une réception est organisée chez les Arpel. A la suite d'une fuite d'eau provoquée maladroitement par Monsieur Hulot, les hôtes sont invités à changer de place. Monsieur Hulot se propose alors de porter une intrigante chaise à frange... «L’analyse de la valeur, vise à extraire les coûts inutiles des produits ou procédés et d’en améliorer la qualité ou la performance, par la remise en cause des produits étudiés, pour assurer toutes les fonctions que le client désire et qu’il est prêt à payer, et seulement celles-là, en satisfaisant toutes les exigences requises et pas plus.» Fauteuil style Louis XIII Les sièges de style Louis XIII se distinguent par des formes cubiques qui suivent la structure de chêne ou de noyer du bâti. Leurs tapisseries égaillent un décor relativement sobre et le rembourrage apporte un confort nouveau. Les franges sont un élément de décor destiné à cacher le piétinement de la chaise. - Quel élément commun au fauteuil style Louis XIII et la chaise à franges de la séquence 7 pourrait bénéficier d’une analyse de la valeur ? En conclusion, la villa Arpel et son mobilier est une caricature de l'architecture moderne. Alors que le but d'un architecte et designer est de proposer une maison fonctionnelle, confortable et bon marché, celle des Arpel ne semble répondre à aucune de ces exigences. Elle étouffe l'Homme avec des espaces immenses mais vides au fond, avec une technologie superflue et un mobilier qui n'a plus ses repères et qui se veulent plus esthétiques qu'ergonomiques, plus technologiques qu'humains. Il est bon de noter que l'objectif de Tati n'était pas de faire une critique acerbe de la modernité. D'ailleurs, quand on lui en faisant le reproche, il s'en défendait ainsi : Quand on voit la maison des Arpel, on dit que je suis contre l’architecture moderne, je crois que c’est faux parce que cette villa, c’est le comportement de monsieur Arpel dans cette villa. Ce ne sont donc pas la technologie ni le modernisme qui sont critiqués ici par Tati mais ce que l'être humain peut en faire. Ci-dessous, 3 reproductions de meubles apparaissant dans le film « Mon Oncle » réalisés en 8 exemplaires par le duo de designers Domeau et Pérès en 2009 :