Cocaïne : l`african connection Cet article est disponible sur : OGC

Transcription

Cocaïne : l`african connection Cet article est disponible sur : OGC
Cocaïne : l'african connection
Journaliste, ancien correspondant pour RFI à Dakar pour l'Afrique de l'Ouest, aujourd'hui responsable adjoint de la rédaction internet
de la radio internationale, Christophe Champin est l'auteur d'« Afrique Noire, poudre blanche », montrant l'émergence de pays
africains dans la géographie mondiale de la cocaïne. Interview.
OGC: D'après ce qu'on sait de la manière dont l'Afrique a été investie par les narco-trafiquants, quels éléments politiques,
policiers ou autres ont favorisé ce redéploiement, et dessiné cette nouvelle géographie des filières ?
Christophe Champin : Depuis une dizaine d'années, la consommation de cocaïne s'est beaucoup développée en Europe. Rendue publique
début 2010, une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies chez les jeunes gens de 17 ans montre que la
consommation a été multipliée par trois en dix ans.On a largement dépassé les premiers usages de la coke dans la jet set, les milieux de la
pub et le show bizness. Le marché européen a grimpé à 39% de la consommation mondiale en 2009, ce qui le rend presque équivalent au
marché nord américain, qui était jusqu'à récemment le principal débouché pour les producteurs de cocaïne. Les organisations criminelles,
principalement colombiennes, ont redirigé une partie de leurs productions vers l'Europe, d'abord en traversant l'Atlantique en route directe,
maritime ou aérienne ou via les Caraïbes.Les Américains, les Hollandais et les Français ont mis en place aux Antilles françaises des services
opérationnels gendarmerie-douanes-marine nationale-police et effectué plusieurs grosses saisies, notamment en Martinique. Du coup, au
début des années 2000, sans abandonner ces filières, les organisation latinos, toujours très réactives, en ont cherché d'autres.
Pour ces organisations l'Afrique, en particulier de l'Ouest, présente plusieurs avantages : c'est une région proche de l'Europe, beaucoup
d'États y sont faibles et disposent de forces de l'ordre insuffisamment formées et équipées, de toutes façons peu nombreuses, et parfois
gangrénées par la corruption...
Cette corruption touche aussi la justice, voire les instances dirigeantes de certains pays. Un terrain idéal pour que les « narcos » puissent
s'implanter...
Quand perçoit-on les premiers signes de cette nouvelle donne géopolitique?
On peut dire que ça a commencé au début des années quatre-vingt, au Nigéria, dont des ressortissants ont commencé à jouer un rôle
important dans le trafic d'héroïne, au point de devenir des acteurs clés de ce trafic au plan mondial. Plusieurs pays sont devenus des points
de transit pour l'héroïne, notamment l'Éthiopie, le Kenya, le Sénégal et la Côte d'Ivoire.
Vers la fin des années 90, les Nigérians ont élargi leurs activités à la cocaïne. Plusieurs pays sont devenus au début des années 2000 des
plaques tournantes, comme le Ghana, le Togo et le Cap Vert. Ce petit archipel au large du Sénégal présentait l'avantage de la proximité
avec l'Europe et d'être constitué de plusieurs îles, sans aucun moyen de contrôle de ses eaux territoriales, jusqu'à ce qu'il attire un peu trop
l'attention et fasse des progrès significatifs dans la lutte contre le trafic.
Les organisations criminelles se sont alors, entre autres, tournées vers la Guinée Bissau, avec un atout: l'archipel des Bijagos, une
cinquantaine d'îlots vierges de tout contrôle et qui disposent de pistes d'atterrissage pour petits avions. Tout cela dans un contexte de
quasi-absence d'État. A partir de 2005, la Guinée Bissau est apparue au devant de la scène avec des saisies très importantes d'avions
remplis de coke, arrivés en Espagne et au Portugal, venant de Guinée Bissau.
Ce pays est, cela dit, loin d'être la seule porte d'entrée. Le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, la Guinée Conakry, la Sierra Leone, le Liberia,
toujours le Nigéria et le Ghana, mais aussi l'Afrique du Sud, l'Angola et, plus récemment, le Mozambique : tous ces pays ont fait parler d'eux
à un moment ou un autre pour d'importantes affaires de cocaïne. Et il ne faut pas oublier le Maroc, important point de passage vers
l'Europe.
Qu'est ce qui est recherché avec ces nouveaux pays sur la cartographie des drogues, un transit, un lieu de stockage, un
détournement des routes les plus en vues?
Tout cela à la fois. Il s'agit de mettre en place des filières d'acheminement de la cocaïne vers les marchés européens et, probablement
asiatiques, qui échappent aux contrôles. Mais il s'agit aussi de disposer de lieux de stockage de grandes quantités de drogue pour la
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 1
Cocaïne : l'african connection
réexporter ensuite en plus petites quantités.
Votre livre évoque une scène captée par hasard à l'aéroport de Conakry, où un ressortissant colombien passe sans
tracasserie alors qu'il est notoirement fiché comme narcotrafiquant. Cet exemple pointe-t-il la facilité d'une identité
masquée, la corruption locale, un manque de formation des personnels aux frontières, une absence de connections entre les
fichiers de police guinéens et les bases de données occidentales et américaines ?
C'est un peu tout cela à la fois. Les forces de maintien de l'ordre sont souvent soit insuffisamment nombreuses, pas suffisamment formées,
pas assez payées pour résister à la tentation de la corruption, voire complices de certains trafiquants. Ce qui n'empêche pas - parce qu'il y
en a - certains policiers de faire leur travail envers et contre tout.
En Guinée Bissau, par exemple, avec le concours de l'ONUDC, des nouveaux policiers de la PJ ont été recrutés et formés pour renforcer
cette unité qui a fait preuve de bonne volonté malgré une absence totale de moyens. Mais cela fait des mois qu'ils sont sans salaire!
Mauvaise gestion ou volonté délibérée de les empêcher de faire leur travail? On peut s'interroger.
Vous évoquez les aléas de la coopération entre agents des pays riches (Europe, USA) et les services de répression locaux.
Ne risque-t-on pas de reproduire une certain ambiguïté de l'aide internationale, faussement désintéressée, alors que
l'Europe cherche bel et bien à se protéger le plus à la source possible, en exportant sa sécurité?
Impossible de se passer de l'intervention des occidentaux. Ce sont les pays consommateurs. C'est normal qu'il s'impliquent. L'intérêt des
Européens est peut être venu un peu tard. On parlait bien de trafics via l'Afrique dans les milieux policiers, en France autour de l'OCTRIS,
l'Office central de répression du trafic de stupéfiants, mais le vrai réveil date de 2007 quand a été créé le MAOC-N, Maritime Analysis and
Operations Centre – Narcotics, basé à Lisbonne. Une structure qui partage des informations et de la logistique et dont les agents sont en
relation avec les policiers sur le terrain.
Les Etats-Unis, l'Europe et l'ONUDC ont développé en outre des programmes de soutien en matériel pour les forces de sécurité et en
formation, soit sur le terrain, soit en faisant venir en Europe des policiers ou des gendarmes. Il n'est par rare aussi que des policiers
occidentaux soient aux côtés de leurs collègues africains lors d'arrestations importantes, officiellement en tant qu'observateurs. Le principal
problème sur le continent africain, c'est le manque d'État de droit.
Les Européens pourront bien faire tout ce qu'ils peuvent, il ne feront pas la police à la place des Africains. En tous cas, ils ne peuvent tout
faire à leur place. Comment voulez-vous lutter efficacement contre le trafic de drogue si les possibilités de corrompre les policiers, le
magistrats, voire les autorités politiques sont si importantes?
Quant à la contradiction des Occidentaux confrontés à d'autres intérêts, comment prendre en compte ces exigences de lutte
contre la drogue si elles s'avèrent contraires aux intérêts économiques et diplomatiques des pays du Nord?
C'est effectivement complexe : est-ce qu'on est prêt à se brouiller avec un chef d'État d'un pays où on a besoin d'investir? Jusqu'où aller
pour sanctionner ces trafics? En Guinée Bissau les affaires continuent, malgré les grandes déclarations internationales pour mettre fin au
trafic. En Guinée Conakry, les réprobations sont apparues en 2008 peu avant la mort du général-président Lansana Conté, dont l'un des fils
était la cheville ouvrière du trafic. Avant ça, seul un rapport du département d'État américain avait mentionné les implications de la famille
du président...
Cela dit, on voit bien que certains pays comme la Gambie, où deux tonnes de cocaïne ont été saisies en juin 2010, subissent de très fortes
pressions pour faire cesser le trafic.
Quel rôle peut jouer la coopération entre États africains ?
Elle est très faible et n'a véritablement débuté qu'en 2008 en Afrique de l'Ouest sous la forte pression de l'ONUDC. Et il n'y pour l'instant pas
de réelle coopération entre les forces de sécurité de la région dans la lutte contre le trafic de drogue. Et c'est un problème car si les
trafiquants ont d'autres portes d'entrée vers le marché européen, les Balkans notamment. L'Afrique reste toujours d'actualité, notamment
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 2
Cocaïne : l'african connection
parce que des zones comme le Nord Niger, le Nord Mali et le Sud algérien sont et seront difficiles à contrôler. La lutte sur le terrain en
Afrique ne sera jamais suffisante.
Déjà en Europe, malgré des saisies, ça reste un combat extrêmement difficile à mener. Alors en Afrique... Il y a eu quelques procès,
notamment au Sénégal, mais les véritables commanditaires ne se sont pas fait arrêter... Soit ils ont été très forts, soit ils ont bénéficié de
complicités...
En somme, l'avenir serait assez sombre...
Certains experts prédisent une évolution à la mexicaine, ou plus généralement comme en Amérique centrale, au Honduras, ou au
Guatemala, une criminalisation des États et une infiltration jusqu'à leurs plus hauts sommets... Ce pourrait être une préfiguration de ce qui
va se passer en Afrique. Dans certains pays, c'est même déjà le cas. Pas très réjouissant.
Quel effet a la crise financière et économique mondiale sur le développement de ces trafics en Afrique? Les trafics sont
favorisés par la rigueur imposée par la FMI, la plus grande fermeture de l'Europe à l'immigration?
La crise, dans l'immédiat, ne change pas grand chose, dans des pays qui vivent déjà d'énormes difficultés. On l'a constaté depuis plus de
vingt ans, les retours de bâton sont arrivés dans les pays pauvres, passés sous la coupe du FMI, soumis à des programmes d'ajustements
structurels. Ce qui donne des pays qui offrent de moins en moins de débouchés aux jeunes diplômés. S'y ajoute la fermeture accrue des
frontières européennes à l'immigration. Les opportunité de trouver des activités légales diminuent. Restent les activités parallèles. D'où le
règne de la débrouille, l'artisanat non déclaré, le mécano pas répertorié, le petit commerce, bref ce qu'on appelle le « secteur informel »,
qui fait vivre des millions de personnes en Afrique.
Mais il y aussi des activités liées à la contrefaçon ou à la drogue... Le secteur public, l'administration, ne sont plus des débouchés pour les
jeunes diplômés, comme dans les trente premières années des indépendances. Le secteur privé formel reste souvent trop embryonnaire.
On est dans une économie de survie.
A long terme, si l'argent facile risque de décrédibiliser les processus de promotion sociale classiques, honnêtes, l'Afrique
dispose-t-elle d'héritages culturels qui pourraient représenter, plus qu'ailleurs, des freins ?
Malheureusement non. Mais cela n'est pas propre à l'Afrique. La pauvreté, le chômage de masse sont partout dans le monde propices au
développement d'activités parallèles, d'activités criminelles. En Afrique, comme ailleurs dans le monde, l'économie de survie amène
certains à se lancer à plus ou moins grande d'échelles dans le trafic de drogue. A Dakar, on croise des voitures très haut de gamme, des
boîtes de nuit de luxe s'ouvrent avec de l'argent surgi de nulle part. Quand on voit les difficultés des jeunes à nourrir leur famille et surtout
leur parents, ce qui est très important en Afrique, ces nouveaux modèles de réussite sont forcément une tentation. Rappelons qu'ils le sont
déjà pour certains dans les pays riches.
Pour répondre à votre question sur d'éventuelles barrières culturelles qui pourraient limiter le développement des activités criminelles, je
prendrais l'exemple du Sénégal. C'est un pays majoritairement musulman, sans être pour autant intégriste. Cela n'empêche pas certains de
se livrer à des trafics et autres activités illégales.
Comme ailleurs dans le monde, l'économie de la cocaïne finance des mouvements armés. Sous quelle forme en Afrique?
Beaucoup de soupçons se portent sur la zone sahélo-saharienne, zone de tous les trafics depuis bien longtemps, pour la marijuana, les
armes, les migrants... La cocaïne est arrivée dans certains secteurs, mêlée à des filières suspectées de liens avec al-Qaïda. Source de
financement ou participation active au trafic? Ces trafiquants représentent des mouvances complexes, entre petits malfrats et véritables
militants islamiste armés, qui prennent au minimum leur dîme sur ce qui transite par les zones qu'ils contrôlent.
Fait marquant de la montée en puissance des trafics via l'Afrique : la découverte du Boeing 727 brûlé dans le désert au nord
du Mali en novembre 2009. Certaines analyses vont jusqu'à retenir l'hypothèse du voyage unique de l'avion, considéré
comme un emballage perdu. Ce qui ferait quand même un sacrifice de 400 à 700 000 euros...
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 3
Cocaïne : l'african connection
Cela montre l'ampleur des moyens investis par les « narcos », et à quel point le reste est rentable, malgré les saisies, malgré les pertes.
Quand on utilise des petits sous marins, des avions de cette ampleurs, on mesure les enjeux financiers très impressionnants. Ce n'est
d'ailleurs pas spécifique à l'Afrique.
Pour autant la voie des mers n'est pas délaissée, via « l'autoroute maritime » Amérique latine-Afrique...
Il s'agit d'une voie maritime très utilisée par tous les cargos entre l'Amérique latine et l'Europe du Sud et l'Afrique de l'Ouest. Une voie
également empruntée par les bateaux de la drogue qui cherchent à passer inaperçus au milieu des véritables navires de commerce. Cela
dit, le renforcement des contrôles maritimes, avec le MAOC notamment, le long des côtes ouest-africaines et dans l'Atlantique, oblige les
trafiquants à redoubler d'ingéniosité pour cacher la drogue, ou à utiliser la voie aérienne. Pour minimiser les risques, ils répartissent aussi
des quantités relativement faibles de coke -plusieurs dizaines de kilos- dans plusieurs containers, sachant parfaitement que, même dans les
ports les plus contrôlés, les douaniers ne peuvent vérifier chacun de ces containers.
Vous abordez la montée en puissance des mafias nigérianes, s'appuyant sur la diaspora sur s'implanter au Brésil, en Inde,
aux USA, en Grande Bretagne... Est-ce similaire au parcours des mafias italiennes aux États-Unis au début du XXème siècle?
On ne peut tout à fait parler de pieuvres pour ces organisations criminelles nigérianes : elles sont moins structurées que les mafias. Ce sont
des sortes de coopératives criminelles qui s'entraident éventuellement, mais sans avoir une structure pyramidale. En revanche, elles sont
effectivement implantées en Asie, aux USA, en Amérique latine. Et en Afrique, bien sûr.
Comme dans les cas des mafias, ces groupes nigérians sont en revanche touche-à-tout, multicartes, versant aussi bien dans le trafic de
drogue, la traite des prostituées ou les arnaques sur Internet. En ce sens, ils sont plus proches des mafias italiennes que des organisations
criminelles précolombiennes qui sont plus limitées à la drogue.
Est ce que l'existence d'un trafic antérieur de haschisch, de cigarettes ou autres est un atout pour les « narcos »?
En tous cas, comme ailleurs dans le monde, les trafiquants ont tendance à utiliser des voies qui ont déjà prouvé leur efficacité. C'est
notamment le cas des itinéraires transsahariens empruntés depuis longtemps par les trafiquants de cannabis, de cigarettes, d'armes ou de
migrants.
Si le premier intérêt pour les narcos est de diversifier les portes d'entrée en Europe, certains pays Africains représentent-tils un marché potentiel, donc à prospecter? Vous évoquez le Nigéria, le Kenya, le Maroc...
Dans les lieux où la cocaïne transite, il y a toujours une consommation résiduelle plus ou moins importante. C'est le cas en Afrique, même si
on dispose de peu de chiffres. Il y a, en revanche, actuellement un véritable marché en Afrique du Sud pour la coke. Ensuite, le crack, dérivé
bon marché de la cocaïne, a fait son entrée dans plusieurs pays, notamment en Guinée-Bissau et au Cap-Vert.
Selon quelques éléments cités dans votre livre, l'étape la plus récente aurait vu la création de laboratoires pour transformer
la cocaïne base sur le sol africain. A quelle stratégie, quels impératifs correspond ce glissement?
La tendance doit encore être confirmée. Mais face au renforcement de la lutte contre la drogue, y compris en Amérique latine, les
organisations criminelles cherchent probablement des lieux où ces laboratoires risquent moins facilement d'être repérés et démantelés.
Cela répond à la même logique que la recherche de nouvelles filières. Diversifier au maximum les lieux de passage ou de transformation
pour minimiser les risques de se faire prendre.
Le livre soulève aussi la question des couvertures, entreprises avec une réelle activité économique déjà implantées ou
créées pour, pêcheries, conserveries, pisciculture. Est ce si utile d'avoir pignon sur rue quand les autorités ferment les yeux,
ou est ce que ça sert aussi à blanchir des profits? Les mariages mixtes évoqués ont quel objectif, d'obtenir une double
nationalité?
Il faut garder en tête que tout n'est pas uniforme sur le continent africain. Non seulement, certains policiers cherchent véritablement à
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 4
Cocaïne : l'african connection
lutter contre le trafic, mais on sait que les services anti-drogue et les services de renseignement occidentaux sont présents dans la région.
C'est aussi à eux que s'adressent ses couvertures. Quant aux mariages mixtes, ils sont une manière de plus de se fondre dans la masse.
Dans quel domaine se réinvestit l'argent issu des trafics de drogue? Au delà des achats ostentatoires, le blanchiment se fait
dans l'immobilier, dans l'économie légale?
Il est difficile de dire avec précision comment est blanchi l'argent du trafic sur le continent car très peu d'affaires ont été mises au jour en
Afrique subsaharienne, malgré l'existence de Commissions de lutte contre le blanchiment dans plusieurs pays, dont les travaux parfois
fouillés dorment malheureusement dans des tiroirs.
L'ONUDC estime à 1 milliard de dollars les profits liés au trafic de cocaïne dans cette partie du monde. Les soupçons se portent toutefois,
entre autre, vers l'immobilier, dans la mesure où on assiste dans certains pays à un boom suspect de la construction d'immeubles et
d'hôtels de luxe, même s'il faut se garder de voir forcément dans les grands projets la trace de l'argent sale. Il existe aussi des fortunes
propres sur le continent Africain!
Est ce qu'il y a un effet induit sur la société de l'arrivée de ces réseaux de narcos expérimentés latino américains ? cette
nouvelle donne génère-t-elle des vocations autour de l'immigration en Europe, des créations de réseaux plus informels que
les mafias très organisées ?
D'abord, il existe des réseaux criminels bien organisés depuis déjà une vingtaine d'année sur le continent africain. Ce sont les réseaux
nigérians. Ils ont débutés comme passeurs d'héroïne, entre l'Asie du Sud, l'Afrique, les États-Unis ou l'Europe, avant de devenir des acteurs
majeurs de ce commerce illégal, puis d'étendre leur champs d'action à la cocaïne.
Il faut savoir que les Nigérians sont aujourd'hui présents à peu près partout : en Afrique bien sûr, mais aussi en Amérique latine, aux ÉtatsUnis, en Europe, en Asie. Il y a ensuite d'autres réseaux moins puissants, notamment ghanéens. Et puis on repère une multitude de microréseaux constitués par des malfrats attirés par les bénéfices qu'ils peuvent tirer de ce commerce. En 2009, l'OCTRIS a ainsi démantelé une
filière entre le Mali et la banlieue parisienne, baptisée « filière Bamako ».
Il s'agissait d'un groupe de jeunes Français d'origine ouest-africaine, qui recrutait des passeurs dans leur entourage. Les quantités totales de
coke en jeu s'élevaient tout de même à une centaine de kilos, ce qui représente déjà un sacré pactole quand on sait qu'un gramme de coke
coupée est vendu environ 70 euros sur le marché français.
Si les États sont fragiles, les services de lutte contre la drogue presque inopérants, parfois même contrés, anesthésiés par
d'autres services de l'État, par exemple l'armée en Guinée Bissau, sur quoi, sur qui peuvent s'appuyer ceux qui sont
directement et sincèrement intéressés à lutter contre la drogue?
Ceux qui cherchent sincèrement à lutter contre ce trafic s'appuient sur ceux qui au-dessus d'eux jouent le jeu. Il y en a tout de même. Mais
ils comptent aussi sur le soutien des partenaires extérieurs. La France notamment, mais la plupart des pays occidentaux font la même
chose, organise des sessions de formations sur place ou dans l'hexagone.
Elle cherche aussi à repérer les éléments fiables sur lesquels elle peut s'appuyer sur le terrain. Et cet engagement n'est pas
philanthropique, puisque n'oublions pas que la drogue est, avant tout, destinée au marché européen.
Du coup, en disant que les vraies solutions viendront des Africains eux-mêmes, est ce qu'on n'est pas dans une certaine
incantation, un discours bien pensant, finalement inapplicable?
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je veux dire que les occidentaux pourront déployer tous les moyens qu'ils veulent, si les pays africains ne font
pas leur part du travail, il sera difficile d'obtenir des résultats concrets. Les Européens, par exemple, ont compris que pour lutter contre la
drogue sur le vieux continent, il faut absolument partager les informations, voire les moyens logistiques à travers des structures comme
Europol ou le MAOC.
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 5
Cocaïne : l'african connection
Les organisations criminelles internationales sont avant tout transnationales. Elles se jouent des frontières et changent constamment leur
fusil d'épaule pour échapper aux contrôles. Si, par exemple, les pays d'Afrique de l'Ouest ne parlent pas tous d'une même voix et ne
partagent par leurs informations en matière criminelle, les trafiquants continueront à mener leurs activités en toute tranquillité. Cela dit, ce
phénomène du trafic en Afrique s'inscrit dans un contexte plus large de pauvreté, de sous-développement, donc de manque de moyens
pour lutter contre toutes les formes de criminalité, de corruption et de faiblesse de l'Etat de droit.
Cet article est disponible sur : OGC - La Veille | 6

Documents pareils