Le Balanced Scorecard ou Tableau de Bord Prospectif 1 Le principe

Transcription

Le Balanced Scorecard ou Tableau de Bord Prospectif 1 Le principe
Le Balanced Scorecard ou Tableau de Bord Prospectif
Comme on l’a déjà signalé, les dirigeants ont besoin d’autres données que financières comme
par exemple la fiabilité de la clientèle, la qualité du service, la valeur des processus de
fabrication ou de commercialisation et la motivation ou l’état d’esprit du personnel. Cette
dimension multilatérale du tableau de bord est théorisée par MM. Kaplan et Norton dans le
concept de Balanced Scorecard ou tableau de bord équilibré ou prospectif.
1 Le principe
Cette approche a pour objet de mettre en lumière une représentation de la performance
globale permettant de guider et d’évaluer une stratégie. C’est une cartographie des actes de
gestion de l’entreprise dans leur vocation à créer de la valeur. Le tableau de bord est issu de la
réflexion sur les processus et de la méthode ABC.
C’est en adoptant une démarche inductive partant des données, des faits vers la théorie et
après expérimentation dans une douzaine de firmes Nord américaines que les auteurs ont
construit ce tableau de bord.
Le Balanced Scorecard est un système de mesure de la performance équilibré entre
indicateurs internes et externes, financiers et non financiers, entre mesures objectives et
subjectives, entre court terme et long terme, entre indicateurs intermédiaires et mesures des
résultats. Il se veut un éclairage synoptique sur les variables déterminantes de la performance.
Il est ouvert sur l’environnement, s’applique aux facteurs générateurs d’un avantage
concurrentiel et cherche à appréhender les facteurs clés de la performance future.
Le Balanced Scorecard est présenté comme un support qui permet de clarifier les objectifs
stratégiques et de les traduire en valeurs cibles concrètes. Les objectifs doivent appartenir à
quatre catégories différentes, qui doivent toutes être représentées pour garantir la qualité du
Balanced Scorecard. Il alors convient de partir des relations de causalité à la base de la
création de valeur et de décliner ces relations en fonction de ces quatre axes :
Axe Financier, Axe Clients, Axe Processus interne, Axe Organisation : ces axes
constituent l’ossature du tableau de bord prospectif.
Pour chacun des quatre volets, Kaplan et Norton identifient une série d’indicateurs de résultat
(a posteriori) et des indicateurs de performance ou d’action (a priori). Les auteurs suggèrent
d’indiquer les objectifs, de faire figurer les indicateurs avec leurs valeurs cibles et d’intégrer
les initiatives ou les actions afin de les ajuster avec les objectifs stratégiques. Il se veut donc
un pilotage de la création de valeur pour l’entreprise.
Résultats financciers
- objectifs
- indicateurs
- valeurs cibles
- initiatives
Clients
- objectifs
- indicateurs
- valeurs cibles
- initiatives
VISION
et
STRATEGIE
Processus internes
- objectifs
- indicateurs
- valeurs cibles
- initiatives
Apprentisage organisationnel
- objectifs
- indicateurs
- valeurs cibles
- initiatives
Schéma : Vision et stratégie d’après « Le tableau de bord prospectif »
2 La perspective financière ou économique
La performance financière d’une entreprise détermine sa survie et l’objectif est la
maximisation de la valeur de l’entreprise pour les actionnaires. La question essentielle est la
suivante : « Que faut-il apporter aux associés ? »
L’axe financier sert de fil conducteur aux objectifs et aux indicateurs des autres axes, car le
but ultime est d’améliorer la performance financière à court ou à long terme.
L’accroissement du chiffre d’affaires, la réduction des coûts et l’amélioration de la
productivité, l’optimisation de l’utilisation de l’actif et la réduction du risque peuvent servir
de traits d’union entre les axes.
Les objectifs financiers varient en fonction du cycle de vie exprimé par les quatre phases :
croissance, maintien, maturité, déclin.
Une stratégie de croissance engagera des ressources très importantes pour développer de
nouveaux produits et services, investir dans des outils de production et des systèmes
d’information visant la croissance des ventes sur les marchés et la diversification par segment
ciblé. Les flux de trésorerie peuvent être négatifs et les retours sur investissements faibles. La
mesure de progression la plus courante est le taux d’augmentation du chiffre d’affaires et la
part de marché.
En phase de maintien, l’entreprise adoptera un objectif financier de rentabilité qui peut être
traduit en indicateurs de résultat d’exploitation et de marge brute ou le retour sur le capital
engagé. On se focalisera alors sur la réduction des coûts et l’amélioration de productivité.
Le but de la maturité (avant le déclin) est de générer le maximum de liquidités ou de trésorerie
et donc de réduire le besoin en fonds de roulement. C’est une stratégie d’utilisation de l’actif
et d’investissement.
On voit donc que les objectifs financiers sont très différents selon les phases de
développement de l’entreprise ou par produits et il convient d’adapter les indicateurs au stade
du cycle économique et de l’orientation stratégique des dirigeants.
Les indicateurs financiers doivent être la traduction économique des actions envisagées.
Indicateurs génériques possibles :
-
Retour sur investissement,
Valeur ajoutée économique,
Chiffre d’affaires,
Gestion des actifs,
Valeur actionnariale.
3 La perspective du client
Que faut-il apporter aux clients ?
L’axe capital client identifie les segments de marché sur lesquels l’entreprise veut se
positionner et qui génèrent du chiffre d’affaires et une rentabilité suffisante. Pour cela, il faut
d’abord rester à l’écoute des besoins du marché et la priorité reste externe : la satisfaction du
client. L’entreprise doit rester ciblée sur les demandes des clients. Le tableau de bord
prospectif doit déterminer des objectifs et indicateurs clés pour chaque segment de la
clientèle. A l’heure du CRM (Consumer Relationship Management) l’axe client permet de
définir une voie, de construire des marqueurs mettant en évidence l’évolution sur les segments
de marché définis. Si la marque est identifiée comme un positionnement stratégique, l’image
de marque peut être intégrée au tableau bord stratégique.
Il convient au préalable de procéder à des études de marché très pointues, des besoins de la
clientèle, des concurrents, d’analyser la complexité de l’environnement. Il s’agit de connaître
la vision du client, d’interpréter les messages externes émis par les clients et de les traduire en
actions opérationnelles.
La seconde étape est de définir les déterminants de la performance ou les facteurs de
différenciation.
Que faire pour parvenir à des taux de satisfaction voulus, fidéliser la clientèle, gagner de
nouveaux clients ?
Ces indicateurs donnent comme les indicateurs financiers classiques des informations a
posteriori, de sorte qu’au moment où la performance est connue, il trop tard pour influer sur le
résultat. Il importe de traduire la stratégie sur le segment par une offre pertinente car la
politique du client intégre les stratégies des concurrents. Ainsi des indicateurs liés à l’offre
seront ajoutés. On peut recourir aussi au benchmarking comme technique de comparaison
avec d’autres filiales du groupe ou par rapport aux concurrents.
Les indicateurs génériques peuvent être les suivants :
- Part de marché et part du portefeuille clients,
- Conservation de la clientèle,
- Acquisition de nouveaux clients,
- Satisfaction des clients par le résultat d’enquêtes et questionnaire,
- Rentabilité par segment ou par client,
- Fidélisation par le taux de rétention de la clientèle,
- Etude des réclamations avec le temps de résolution des problèmes et leur
répétition.
4 La perspective de fonctionnement interne ou processus
Cet axe permet d’opérer une synthèse et un lien fort avec la méthode ABC en définissant et en
mesurant le coût des processus sur la base de critères transversaux. Il constitue une véritable
innovation dans la philosophie du Balanced Scorecard et diffère complètement avec les
systèmes classiques de mesure de la performance. On se sert de la méthode ABC pour
découper l’entreprise en activités de support et de structure. Le schéma des processus nous
donne une idée de l’enchaînement.
Schéma des processus d’après « Le tableau de bord Prospectif » :
P
r
o
c
e
s
s
u
s
d
’in
n
o
v
a
t
io
n P
r
o
c
e
s
s
u
s
d
e
p
r
o
d
u
c
t
io
nP
r
o
c
e
s
s
u
s
S
A
V
B
e
s
o
i
n C
e
r
n
e
r
C
r
é
e
rle F
a
b
r
iq
u
e
r L
iv
r
e
rle A
s
s
u
r
e
r B
e
s
o
i
n
m
a
r
c
h
ép
r
o
d
u
it
/
le
p
r
o
d
u
it
/ p
r
o
d
u
it
/
u
n
s
e
r
v
ic
es
i
d
e
n
t
i
t
é le
a
t
i
s
f
a
i
t
s
e
r
v
ic
e s
e
r
v
ic
e
s
e
r
v
ic
e a
u
c
lie
n
t
Il s’agit de s’interroger sur les processus essentiels qui contribuent durablement à assurer un
avantage concurrentiel comme le préconise M. Porter. Cette perspective permet de satisfaire à
la fois les attentes des clients et les exigences des actionnaires en matière de rentabilité. Le
tableau de bord prospectif prend en compte l’ensemble des processus de l’innovation jusqu’au
service après-vente et non uniquement du process de production, comme nous le constatons
sur le schéma. Même si améliorer la qualité et réduire les coûts de production restent des
objectifs de premier plan, chaque entreprise a sa propre chaîne de processus internes qui lui
permet de répondre aux clients et de dégager un bénéfice.
Mais il existe un cadre commun qui comprend trois grands processus :
- Le processus d’innovation,
- Le processus de production,
- Le processus de service après-vente.
Le processus d’innovation est un processus essentiel dont l’efficacité, la rentabilité et la
réactivité sont plus importantes que la production notamment dans les entreprises qui ont un
long cycle de création et de développement car les coûts de production sont figés à ce stade.
Le processus d’innovation est la phase longue de l’enchaînement des processus car il faut
d’abord identifier les besoins émergents ou latents pour de nouveaux marchés et clients. Il
convient de cerner le marché et si possible d’anticiper.
Les budgets de recherche et développement deviennent si importants qu’il convient de
convertir les ressources en résultats concrets. On doit pouvoir mesurer les trois composantes à
la performance du processus de développement qui sont la capacité d’amortissement, la
rentabilité et la rapidité.
Le processus de production commence avec la réception de la commande et se termine avec la
livraison du produit chez le client. Les activités de ce processus sont, contrairement à
l’innovation, répétitives et donc on peut y appliquer des techniques scientifiques et les piloter
par des indicateurs financiers et physiques tels que la productivité et le taux d’utilisation des
machines. Mais ces indicateurs entraînent aussi des dysfonctionnements : sur accumulation de
stock sans rapport avec le carnet de commande, recherche des meilleurs prix d’achat sans
tenir compte de certains coûts inhérents (baisse de la qualité, augmentation des délais de
livraison). Il faut donc un processus de commande efficace, fiable, couplé à un processus de
production réactif pour être ponctuel et à faible coût. La réduction de la durée des cycles
constitue un objectif clé pour le processus de production. Le cycle d’exécution d’une
commande commence lors de la réception d’une commande et se termine à la réception des
produits chez le client.
L’efficacité du cycle de production fait partie des indicateurs pour mettre en place la
production en flux tendus. Elle se définit par le ratio Temps de transformation / Temps de
production. Tout temps consacré à d’autres activités que la transformation (inspection,
reprise, transfert, attente) est du temps perdu qui n’apporte aucune valeur ajoutée.
La qualité du service après-vente est également une composante essentielle de la satisfaction
du client. Le service après-vente assure une valeur ajoutée au client ainsi que la facturation, le
recouvrement et la capitalisation de la relation préparant la prochaine vente.
L’amélioration continue de type Kaizen des processus est aujourd’hui l’un des principaux
éléments de la future réussite de l’entreprise.
Les ressources matérielles se composent des équipements requis pour convertir les matières
premières (input) en produits (output). Les besoins concernent la maintenance préventive, le
renouvellement et la conversion aux nouvelles technologies.
Indicateurs génériques possibles :
- Qualité, réactivité, coût et lancement de nouveaux produits,
- Nombre de nouveaux produits, de brevets déposés,
- Efficacité des processus, efficacité des infrastructures,
- Investissements en Recherche & Développement.
5 La perspective organisationnelle ou d’apprentissage
Cette perspective doit répondre à la question : « Comment piloter le changement ? »
Elle porte à la fois sur les compétences de l’entreprise, sur les systèmes et sur les procédures
organisationnelles. L’attention se focalise sur les individus dans l’organisation et à son
infrastructure.
Le capital humain est un facteur clé de succès des entreprises performantes. On détermine la
capacité d’apprentissage de l’entreprise par la maîtrise des technologies de l’information et la
mobilisation des salariés. L’axe organisationnel concerne les moyens et les facteurs qui
permettent d’atteindre les objectifs des trois autres. Les entreprises doivent aussi investir
durablement dans le développement du potentiel des salariés, des systèmes et des processus
organisationnels pour pouvoir atteindre leurs objectifs à long terme. En intégrant l’ensemble
des données, l’avènement des progiciels intégrés de type ERP (Entreprise Resource Planning)
procure cette capacité aux organisations. Cependant ces moyens informatiques restent
complexes, onéreux et lourds à mettre en œuvre. Les ressources humaines comprennent les
salariés, les fournisseurs et les partenaires. Leurs attentes sont évolutives et nécessitent une
constante écoute de leurs besoins et préoccupations
Cet axe est orienté sur le style de management (délégation) et son évolution et la culture de
l’entreprise.
Les mesures des résultats peuvent être la satisfaction des salariés jaugée par des enquêtes ou
sondages, la fidélisation du personnel (taux de rotation du personnel) et la productivité
individuelle (chiffre d’affaires ou valeur ajoutée / effectif).
Indicateurs génériques possibles :
- Ratio de couverture des postes stratégiques,
- Satisfaction des salariés et système d’informations,
- Productivité individuelle,
- Turnover.
Le tableau de bord prospectif fournit un dosage équilibré d’indicateurs externes et internes
sur les éléments décisifs que sont les processus, l’innovation, l’apprentissage et la croissance.
La gestion de la performance consiste à créer un équilibre entre les quatre axes. Il stimule le
changement.
6 Les relations de cause à effet
La cohérence globale entre ces quatre axes est assurée par un réseau de relations de cause à
effet. Ainsi, le tableau de bord prospectif présente une modélisation de la performance de
l’entreprise dans une vision transversale pour mieux coordonner la stratégie et les processus
opérationnels.
Nous tenons à insister sur l’importance d’y incorporer des indicateurs et des objectifs
spécifiques à la stratégie. Les mesures sont articulées de manière à traduire des intentions
stratégiques comme la croissance de l’activité, la réduction du risque ou l’amélioration de
productivité.
Un tableau de bord stratégique doit énoncer la stratégie au travers d’une suite de relations de
cause à effet. Il doit faire apparaître le rapport entre objectifs des quatre axes de manière à ce
qu’ils soient d’abord validés puis exploités. Chaque mesure doit être un élément d’une chaîne
de relations de cause à effet exprimant l’orientation stratégique de l’entreprise. Il doit
également associer des indicateurs de résultats (indicateurs a posteriori) et des déterminants
de la performance (indicateurs avancés) adaptés à la stratégie et articulés aux objectifs
financiers.
Par exemple, selon les auteurs, la rentabilité économique dépend de la croissance du chiffre
d’affaires et peut être mise en rapport avec la fidélité des clients, le respect des délais, la
maîtrise du temps de cycles, la qualité et, en dernier ressort, la compétence du personnel. On
peut inverser le cycle. En effet, c’est l’apprentissage et la formation qui permettent
l’amélioration des processus internes avec une nouvelle organisation du travail diminuant les
coûts. Celle ci génère à son tour la satisfaction des clients par une meilleure qualité et des
actionnaires par une rentabilité plus élevée.
Le Balanced Scorecard réunit les quatre perspectives dans une relation de causalité
explicative du mécanisme de création de valeur, et permettent d’articuler les initiatives des
salariés, des départements et d’identifier de nouveaux processus pour répondre aux attentes
des clients et des actionnaires.
La chaîne de causalité selon Kaplan et Norton semble être la suivante :
Apprentissage
Processus
Clients
Performance financière
Le Balanced Scorecard donne une vue claire de la réalité des performances dans l’entreprise
ce que le contrôle de gestion traditionnel ne permet pas de mesurer.
On peut distinguer d’une part les critères résultants de l’action tel que le chiffre d’affaires,
la marge brute ou nette…, mais ils relèvent du passé et sont figés, et d’autres part les critères
composants de la performance (ou constitutifs de la formation de la performance) à la fois
quantitatifs et qualitatifs, internes et externes, liés au secteur d’activité et à l’entreprise ellemême selon sa stratégie et sa courbe de vie comme le temps passé à la prospection,
l’organisation, le nombre de coups de fil, visites…qui sont dynamiques et en évolution
constante.
Enfin, le Balanced Scorecard doit refléter la mise en œuvre de la stratégie, communiquer le
projet et la vision de l’entreprise, bref être le vecteur de communication.

Documents pareils