Analyse Candide

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Analyse Candide
Séquence 1. Le héros romanesque à l’épreuve de la guerre
Eléments d’analyse littéraire du texte 1 : Voltaire, Candide ou l‘Optimisme (1759)
d’ailleurs que ce sont les armes qui font l’action
(personnification : «les canons», «la
mousqueterie», «la baïonnette»)
> Absence de causes qui justifient la guerre ; au
contraire, les deux camps sont présentés de
façon tellement similaire qu’aucun ne peut
paraître légitime dans sa violence.
Introduction
‣
Voltaire est un auteur prolifique emblématique
du 18e siècle : parfaitement à l’aise dans les
genres classiques (tragédies, historiographie,
épopée, correspondance…), il a également pris
une place de choix parmi les philosophes de
Lumières dans la critique de son époque.
‣
Dans Candide ou l’Optimisme, conte
philosophique de 1759, Voltaire raconte les
aventures de Candide, un jeune homme qui
porte sur le monde qui l’entoure son regard naïf.
Voltaire utilise ce regard candide pour dénoncer
des injustices.
‣
Dans le passage étudié, Candide est enrôlé de
force et se retrouve au cœur d’une bataille.
Problématique : Comment Voltaire parvient-il à
critiquer la guerre ? Exercice difficile pour sûr : en
effet, le prestige de la guerre est immense à son
époque (car c’est l’activité aristocratique par
excellence), et elle est entourée de gravité en
raison des morts qui en résultent.
‣
Dans le premier paragraphe Voltaire fait un
détournement comique d’un récit de guerre.
Dans les deux paragraphes qui suivent, c’est par
l’utilisation du registre pathétique qu’il dénonce
la guerre. Nous nous interrogerons dans une
troisième partie sur le rôle de Candide à la fois
dans le récit mais aussi comme arme critique.
‣
Ensuite Voltaire sème son texte de fausses
notes qui viennent à chaque fois faire écrouler le
sérieux héroïque :
> Des oxymores et antithèses détruisent
immédiatement ce qui vient d’être affirmé
(«tremblait comme un philosophe», «boucherie
héroïque»…)
> Plus encore, les fins de phrases viennent
souvent former comme un contrepoint dissonant
de ce qui précède («…que les deux armées, …
en enfer, …qui en infectaient la surface, etc.»).
‣
Cet humour noir (noir parce appliqué à quelque
chose de grave, la guerre et ses massacres) est
très efficace (voir les Guignols par exemple sur
les migrants façon «la Croisière s’amuse» http://
www.canalplus.fr/c-humour/pid1784-c-lesguignols.html?vid=1264631). Il est beaucoup
plus subversif qu’une dénonciation sérieuse.
B. Le réalisme pathétique de la guerre (§ 2 et 3)
‣
Dans la suite du texte cependant, Voltaire
change de registre. Ici, le registre pathétique
l’emporte afin de produire un effet d’empathie
chez le lecteur devant la souffrance des
«victimes collatérales». Ce registre permet ainsi
la dénonciation de la guerre.
‣
Le pathétique est créé par différents procédés :
> Tout d’abord, la population victime est
constituée de «vieillards», de «femmes» allaitant
leur bébé, de «jeunes filles» c’est-à-dire la partie
la plus innocente de la population.
> Ensuite, les supplices qu’ils reçoivent sont
variés et particulièrement atroces ; le champ
lexical de la violence, très étendu, en témoigne :
«criblés de coups», «égorgées», «mamelles
sanglantes», etc. Même le village a été victime
de la furie des attaquants («en cendres»).
A. Un détournement du récit de guerre (§ 1)
‣
‣
Dans le premier paragraphe, Voltaire se livre à un
exercice délicat mais jubilatoire : le
détournement d’un récit de bataille tel que
l’historiographie nous en donne de multiples
exemples (cf. Le Siècle de Louis XIV) et qui
répond au registre héroïque (= registre épique
sans la dimension merveilleuse).
Tout d’abord, Voltaire ne retient que l’écume de
la bataille, les éléments les plus superficiels, qui
nous donnent un sentiment d’absurdité :
> Rapidité du récit de la bataille tout d’abord, qui
maltraite l’action pour n’en garder que les
vagues de massacres. Les soldats sont réduits à
des nombres sans réalité. On remarquera
Séquence 1. Le héros romanesque à l’épreuve de la guerre
> De plus, la scène est particulièrement
pathétique parce que ces différentes victimes se
regardent mourir l’une l’autre et sont encore
pour certaines à demies vivantes, gémissants et
demandant qu’on les achève.
> Enfin, Voltaire procède à une déshumanisation
de ces victimes en insistant sur les parties des
cadavres : «des cervelles», «de bras et de
jambes coupées», «des membres palpitants».
‣
‣
Cette gravité, après l’ironie cinglante du premier
paragraphe, est problématique et pas très
convaincante à vrai dire : le lecteur peine à
passer d’un ton grinçant à un ton grave.
> De plus, Voltaire exagère un peu dans la
description macabre et, bien qu’elle se veuille
réaliste elle est finalement peu crédible.
> Peut-être est-ce pour cela que Voltaire
introduit aussi de l’ironie, c’est-à-dire un
comique qui ne transparaît pas à première vue,
mais qui rattache d’une certaine façon, par le
ton, ce passage au premier paragraphe : ainsi
on chante un Te Deum pour se réjouir des
massacres, ce sont «les lois du droit public» qui
autoriseraient le massacre du village, le viol que
subissent les jeunes filles est l’assouvissement
«des besoins naturels de quelques héros» (litote).
subordonnée CC de temps) et du troisième.
C’est bien lui qui «encadre» le récit.
‣
Ensuite, en ne se montrant ni critiquable, ni
critique, l’attitude de Candide permet à Voltaire
de réfléchir au rôle du philosophe :
> pendant la bataille, Candide se cache, se qui
paraît plutôt de bon sens (ce n’est pas un
soldat) : c’est à la fois une pique contre les
philosophes («tremblait comme un philosophe»),
et contre Candide lui-même, héros très peu
«héroïque» (dernier mot de la phrase)
> lorsqu’il s’échappe de la bataille pour
philosopher, Voltaire semble dire que c’est
précisément au cœur de la bataille (= du réel)
qu’il faut philosopher pour en dénoncer la bêtise.
> l’absence de réaction face aux villageois
massacrés va dans le même sens, mais en
insistant sur l’accablement que ce massacre
provoque : lorsqu’il «march[e] sur des membres
palpitants», il montre que nous non plus nous ne
sommes pas innocents tant qu’on laisse la
guerre se faire, préoccupés seulement par notre
confort («petites provisions» et «Mlle
Cunégonde»). (cf. «le nègre de Surinam»)
‣
Pour Voltaire, le philosophe, c’est celui qui
dénonce, se bat. Candide permet à Voltaire d’en
faire un portrait en creux. Le héros, ce n’est pas
celui qui prend part à la guerre ou qui pense à
l’extérieur, mais celui qui parvient à joindre les
deux dans une réflexion critique.
C’est peut-être ainsi que Voltaire se sort de la
difficulté de dénoncer la guerre : oui, il est
plaisant, mais il n’oublie pas la gravité de la
guerre ; mais cette gravité, il l’applique aux vraies
victimes, les villageois.
Conclusion
C. Candide : l’anti-héros anti-philosophe
‣
‣
Et Candide ? En quoi le héros de l’histoire
intervient-il dans cette dénonciation double de la
guerre ? Candide passe à travers la guerre
comme un témoin malgré lui.
Tout d’abord, nous noterons que c’est Candide
qui permet de structurer le récit :
> Il participe à la bataille qui nous est décrite
dans le premier paragraphe, il s’échappe et
traverse le village brûlé du second, enfin il
s’enfuit dans le village du troisième.
> Si le premier paragraphe ne commence pas
par Candide, celui-ci est bien le sujet de la
dernière phrase, puis de la première du second
(la bataille est au second plan dans une
‣
Mordant et drôle, émouvant quand il le faut,
réfléchissant toujours sur le rôle de l’homme,
Voltaire se montre dans ce texte brillant et incisif
contre la guerre.
‣
Si le personnage passe au second plan, ainsi
que l’effet de réel, c’est que Candide est un
conte philosophique. Le conte philosophique
n’est pas un roman : sa charge critique est plus
visible. On est face à un texte qui rappelle
davantage Claude Gueux où l’histoire est
prétexte à une dénonciation en règle et porteuse
d’un message global (= apologue).

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