le dépistage communautaire

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le dépistage communautaire
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DANS AIDES
LE DÉPISTAGE
COMMUNAUTAIRE
C
C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
DANS AIDES
>> ÉDITO
LE DÉPISTAGE
COMMUNAUTAIRE
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS .............................................................................................. 4
TABLES DES SIGLES ........................................................................................... 4
I - LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE, UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE ......... 5
II - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS ........................................................ 8
III - LES LIEUX D'INTERVENTION ....................................................................... 12
IV - LA QUALITÉ DE L'OFFRE ........................................................................... 13
V - DES EXEMPLES D'ACTION DANS LE RÉSEAU AIDES .................................. 14
VI - LA COMMUNICATION COMMUNAUTAIRE .............................................. 17
VII - LE PARTENARIAT : AGIR ENSEMBLE POUR ÊTRE PLUS EFFICACE ..............19
VIII - L'INTÉGRATION DES NOUVEAUX OUTILS ..............................................22
Remerciements à tous les militante-s de AIDES, volontaires et
salarié-e-s qui par leurs actions
quotidiennes sur le terrain ont
permis la réalisation de ce
document.
Remerciements particuliers à
l’ensemble des personnes qui ont
apporté leur témoignage et qui se
sont livrées afin de rendre compte
de l'activité de dépistage de
AIDES.
Crédits
Directeur de la publication : Bruno
Spire
Coordination : Direction Qualité
Évaluation
Rédaction et contributions : Laura
Rios, Samantha Tessier, Stéphane
Giganon, Lionel Fugon, Audrey
Musto, Mathieu Brancourt, Vincent
Coquelin, Joseph Situ, Marc
Dixneuf
Relecture : Comité de pilotage
dépistage communautaire
Coordination technique : Audrey
Musto
Graphisme : Laurent Marsault,
Audrey Musto
Crédits photographiques : AIDES
Contacts
Association AIDES
Tour Essor, 14 rue Scandicci,
93508 Pantin Cedex
Téléphone : 0805 160 011
(gratuit depuis un poste fixe)
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•
Depuis 2011, et suite aux recherches innovantes soutenues par l’ANRS, Comtest
et Drag menées par les militants de AIDES avec les équipes de recherche Inserm
de Yazdan Yazdanpanah et de Bruno Spire, AIDES est en capacité de proposer le
dépistage communautaire à l’aide des Tests rapides d’orientation diagnostique (Trod)
auprès des publics les plus exposés au risque d’acquisition du VIH, dans tous les
départements de France en métropole et Outre-mer. Une approche essentielle dans la
lutte contre le VIH où le dépistage précoce et les traitements deviennent des stratégies
majeures de prévention à côté de la lutte contre les discriminations et pour l’accès
aux droits. Intégré à des programmes de réduction des risques sexuels, le dépistage à
l’aide des Trod permet d’aller à la rencontre des personnes dans les lieux où elles se
rencontrent, vivent, créent des liens en offrant une opportunité de dépistage à ceux
qui en sont éloignés et en facilitant l’accès à un dépistage de routine pour ceux les
plus exposés au risque. Les acteurs des communautés, les gérants d’établissements
gays et de commerces afro, les leaders communautaires de quartiers, les associations
et les partenaires de la prévention ont mis beaucoup d’énergie et d’enthousiasme
pour nous aider à déployer cette offre avec eux et pour eux. Le succès du dépistage
communautaire leur doit beaucoup. Les collaborations avec nos partenaires nationaux
l’Enipse, le Réseau des associations africaines et caribéennes (Raac-Sida), qui pour
certains interviennent avec nous sur nos actions de RDR-dépistage sur le terrain, se
sont vues renforcées.
Plus de 600 acteurs de AIDES, volontaires et salariés ont été habilités à la réalisation
des Trod, permettant d’atteindre les 100 000 tests depuis l’habilitation par les ARS
et la signature par la Direction générale de la Santé (DGS) d’une convention de
financement avec la CNAMTS. Grâce à la saisie régulière des données dans un outil de
recueil informatisé (Dolores), AIDES peut aujourd’hui faire une analyse de son activité
qui conforte dans le constat que l’offre de dépistage communautaire est pertinente et
qu’elle s’inscrit efficacement dans les enjeux actuels de la lutte contre le VIH/sida en
France. C’est l’analyse de cette activité qui vous est proposée dans ce document. Son
impact est aujourd’hui visible à travers les dernières données épidémiologiques de
l’Institut national de veille sanitaire (INVS) et montrent qu’en 2013 AIDES a réalisé
73% des dépistages avec Trod en France avec un taux de découverte de séropositivité
plus élevé que parmi les stratégies classiques.
Diminuer le nombre de personnes ignorant leur séropositivité et ainsi augmenter la
proportion de personnes vivant avec le VIH suivies et traitées reste un objectif à notre
portée afin de casser la dynamique de l’épidémie.
www.aides.org
http://twitter.com/assoAIDES
www.facebook.com/aides
[email protected]
Marie Suzan
Bruno Spire
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AVANT-PROPOS
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I - LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE, UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE
Vous avez entre les mains un document destiné à rendre compte de l’activité de dépistage
communautaire. Outre la valorisation de l’investissement des militant-e-s et des partenaires, il permet de capitaliser les approches et les méthodes d’intervention. Ce document
peut aussi être un support de partage d’expériences acquises avec des partenaires extérieurs.
En seulement quelques années le champ de la prévention du VIH a été bouleversé en
France avec l’arrivée des programmes de dépistage communautaire. Ces programmes sont
initiés, par et pour les communautés fortement exposées aux risques de transmission du
VIH et insuffisamment rejointes par les offres classiques existantes.
Il a été réalisé à partir des données DoLoRes, d’enquêtes d’opinion, des expériences
menées par des militant-e-s de AIDES et des témoignages issus des rencontres avec des
personnes militant à nos côtés.
Questionnée par AIDES, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé à l’époque,
évoque la naissance de ce dispositif grâce à « la rencontre de
deux volontés : une politique,
avec la conviction de défendre
un dispositif innovant, face au
lobby médical et les oppositions ; et une autre, associative,
forte d’une expertise de terrain
pour l’intérêt des personnes et
de la prévention ».
À cela s’ajoute l’implication des chercheurs qui ont contribué à montrer l’intérêt de l’approche communautaire dans le champ du dépistage et à valider les savoir-faire issus de
cette expérience.
>> TABLE DES SIGLES
ANRS : Agence nationale de recherches sur
le sida et les hépatites virales
ARS : Agence régionale de santé
Caarud : Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour
usagers de drogues
Cada : Centres d'accueil pour les demandeurs d'asile
Caso : Centres d’accueil de soins et
d’orientation
CDAG : Centres de dépistage anonyme et
gratuit
CNAMTS : Caisse nationale de l'assurance
maladie des travailleurs salariés
CNS : Conseil national du sida
CPP : Consommateurs des produits psychoactifs
DFA : Département français d’Amérique
DGS : Direction générale de la Santé
Dolores : Données locales du réseau de
AIDES
Drag : Dépistage rapide auprès des gays
Enipse : Équipe nationale d’intervention en
prévention et santé pour les entreprises
HAS : Haute autorité de la Santé
HSH : Hommes ayant des relations
sexuelles avec d’autres hommes
INVS : Institut national de veille sanitaire
IST : Infections sexuellement transmissibles
LGBT : Lesbiennes, gays, bisexuels et trans
MtF : Male to female
OMS : Organisation mondiale de santé
PSS : Permanences de santé sexuelle
Raac-Sida : Réseaux des associations
africaines et caribéennes agissant dans la
lutte contre le sida
RDR : Réduction des risques
RDRS : Réduction des risques sexuels
Sneg : Syndicat national des entreprises
gay
Trod : Test rapide d'orientation diagnostique
UDVI : Usagers de drogues par voie intraveineuse
VHB : Virus de l'hépatite B
VHC : Virus de l'hépatite C
VIH : Virus de l'immunodéficience humaine
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Le dépistage communautaire a également contribué à augmenter la reconnaissance de
l’approche communautaire en santé par son inscription comme programme de santé publique, comme le précise l’ancienne ministre : « le dépistage communautaire a prouvé
son efficacité et la capacité à innover dans la démarche sanitaire, qui casse les codes du
rapport à la santé. […] Mais je ne l’ai pas vu comme un changement, mais comme un
approfondissement, le sel qui irrigue la logique communautaire d’une conception sanitaire
que d’autres avant moi, notamment Bernard Kouchner, avait défendue. Celle de l’autonomie des personnes face à l’impérium des médecins, des "sachants" qui parlent à ceux qui
ne savent pas, infantilisant le malade. Vraiment, je dis merci à moi (rires), mais aussi aux
militant-e-s de AIDES pour ce combat de gagné » (Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne
ministre de la Santé et auteure du décret de octobre 2010 autorisant le Trod en France).
>> Les étapes du développement
Pour raconter l’histoire du développement, nous proposons le passage par quelques étapes
clés :
L’expression des besoins par les acteurs de terrain
Depuis de nombreuses années des personnes accompagnées par les militant-e-s de AIDES
témoignent des difficultés d’accès à une connaissance réactualisée de leur statut sérologique. S’agissant d’une étape indispensable à la construction des stratégies de réduction
des risques (RDR) adaptés, il était nécessaire de se doter d’un nouvel outil.
Les recommandations sanitaires
En 2006, le Conseil national du sida (CNS) émet des recommandations en faveur d’un
changement de paradigme du dépistage. Il plaide pour un élargissement des propositions
de dépistage et défend l’idée de l’utilisation des tests rapides par des acteurs autres que
les médecins.
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En 2008 et 2009, la Haute autorité de la Santé (HAS) émet une série de recommandations sur le cadre d’utilisation des tests rapides en particulier pour des acteurs non
médicaux. Elles précisent également les populations qui devraient bénéficier d’un dépistage ciblé et régulier : les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes
(HSH), les personnes étrangères et/ou d’origine afro-caribéenne, les consommateur-e-s de
produits psychoactifs (CPP), les travailleur-e-s du sexe et la population des départements
français d'Amérique (DFA).
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Le passage à l’échelle
Pour avoir un impact sur l’épidémie, AIDES affirme sa volonté de réaliser 50 000 tests par
an auprès des populations clés. Pour ce faire, les efforts sur la formation des militant-e-s
sont doublés. Ceux-ci investissent le terrain en menant un nombre grandissant d’actions
dans différents lieux en cohérence avec l’existant. Des espaces et outils de communication
spécifiques sont créés pour mobiliser les communautés.
Une coordination nationale permet de mutualiser et d’accompagner l’ensemble des territoires d’action de AIDES dans la mise en place d’une offre de dépistage de qualité.
2014
43 414 dépistages
2012
2011
1ére année de développement
Appel à projets DGS : dépistage communautaire
2010
2008
Plan National VIH 2010-2014
Modification de la loi pour le droit des personnes :
arrêté de novembre 2010
Expérimentation AIDES, Le Kiosque
Les années de la recherche
En 2008, AIDES s’implique dans deux recherches communautaires : ANRS Comtest
et Drag. D’autres expérimentations sont menées par des acteurs associatifs comme Le
Kiosque. Elles visaient à évaluer la faisabilité
et l’acceptabilité d’une offre de dépistage
avec des tests rapides menée par des pairs
auprès des HSH.
Le cadre réglementaire et la mise à disposition de moyens
En 2010, le Plan National VIH reprend les
recommandations de l’HAS les inscrivant
dans sa programmation. La même année, le
ministère de la Santé publie un arrêté autorisant l’usage des Trod par des acteurs nonmédicaux.
En 2011, la DGS met en place un appel à
projets expérimental dotant les associations
de ressources supplémentaires pour intégrer
le dépistage dans les actions de prévention.
Entre 2011 et 2014, dans l’ensemble des régions où AIDES est présente en métropole,
Guyane, Guadeloupe et Martinique, 110 238 dépistages ont été réalisés et 860 (0,78%)
personnes ont eu un résultat positif.
Un passage aussi rapide de la recherche à l’action a été rendu possible grâce à trois éléments clés :
• une analyse des besoins de dépistage conduite de longue date avec les communautés
les plus exposées ;
• un vivier de militant-e-s déjà formé-e-s à la RDR qui ont acquis une compétence supplémentaire sur le dépistage (274 militants formés la première année) ;
• l’utilisation directe des résultats de la recherche pour construire un guide de bonnes
pratiques (cahier des charges) d’intervention en dépistage communautaire.
Nos savoir-faire ont aussi été confortés par l’échange avec les acteurs européens du réseau
Cobatest avec lesquels nous avons rédigé le guide Programmes communautaires de dépistage du VIH : comment améliorer nos pratiques1.
>> Les spécificités de la formation
La formation au dépistage avec Trod s’est construite à partir des projets de recherche qui
évaluaient également la compétence des acteurs à réaliser cette nouvelle tâche. Au-delà
de la réalisation du test (outil technique), la formation vise à développer les compétences
des intervenant-e-s pour un accompagnement global (avant, pendant et après le test) :
comment obtenir le consentement éclairé, l’anticipation des résultats, l’accompagnement
après le test, etc. Pour les militant-e-s, le Trod c’est aussi la question de l’annonce du
statut sérologique, il fallait donc renforcer les capacités d’écoute, d'accompagnement et
de prévention adaptées en fonction du résultat.
La formation est confortée par le décret d’autorisation du Trod en octobre 2010 qui la rend
obligatoire. Il renforce l’idée d’une formation qualifiante et pose des critères qui habilitent
et valident des compétences dont le contrôle des acquis. Ce contrôle permet de s’assurer
de la qualité de l’intervention du militant qui doit recueillir le consentement éclairé des
personnes dépistées, mener un entretien de RDR, assurer des gestes techniques et proposer un accompagnement en accord avec les principes de AIDES.
Chiffres clés de la formation interne
Entre 2008 et 2014 :
• 50 sessions de formation, dont huit pour la recherche ;
• 662 militant-e-s habilité-e-s, dont 36 agissant dans des associations partenaires ;
• Environ 440 militant-e-s sont aujourd’hui en activité dont la moitié de volontaires.
(1) http://cobatest.org/documents.php?group=00000012
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II - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS
Nombre de dépistages effectués en 2013-2014 par région
Le recueil de l’activité de dépistage, et de l’ensemble de l’activité en général, est rendu
possible grâce au fort investissement des équipes dans le remplissage de la base de données de recueil d’activités, Données locales du réseau (Dolores).
4 145
Le tableau ci-dessous présente l’évolution
du nombre de dépistages depuis 2011.
Une activité en constante augmentation
Au début, seuls les territoires d’action impliqués dans la recherche ANRS Comtest
avaient reçu une habilitation de la part
des ARS leur permettant de poursuivre
leur activité. En 2012, les moyens obtenus par l’appel à projets DGS et l’habilitation progressive des autres territoires
d’actions vont permettre une augmentation considérable de l’activité. À partir de
là, c’est le travail incessant des équipes de
terrain, leur investissement dans de nouveaux lieux et l’acceptabilité de plus en
plus importante des communautés qui ont
favorisé cette évolution constante.
Années
Nombre de
tests
Nombre de
positifs
2011
2 284
22
2012
22 925
207
2013
41 771
312
2014
43 414
322
Total
110 394
863
1 703
1 266
30 923
1 649
871
741
3 467
854
513
294
3 443
1 936
La prévalence des tests positifs au cours des années 2011 et 2012 était respectivement
de 0,96 % et 0,90 %. Ensuite, elle a diminué mais s’est stabilisée à 0,75 % et 0,74 %
entre 2013 et 2014. Grâce à une stratégie forte de ciblage, la prévalence reste plus de 2
fois supérieure à celle des CDAG (0,36 % ; Bulletin épidémiologique hebdomadaire 3233, novembre 2014).
815
1 462
5 887
2 188
3 950
Une activité implantée en milieu communautaire
2 188
2 008
La répartition par genre des tests de dépistage rapide a très peu varié au cours des années
2013 et 2014. Environ 7 Trod sur 10 sont réalisés auprès d’hommes, un peu moins de 3
sur 10 auprès de femmes et moins de 0,5 % auprès de trans.
Le nombre de personnes dépistées augmente d’une année sur l’autre, y compris dans les
groupes prioritaires : HSH, personnes nées à l’étranger, usager-e-s de drogues par voie
intraveineuse (UDVI), trans, travailleur-e-s du sexe. Cette augmentation permet de conserver une répartition stable des populations rejointes : 30 % chez les HSH, 31% chez les
personnes nées à l’étranger, 3 % chez les travailleur-e-s du sexe et les UDVI. Cela signifie
que l’augmentation de l’activité n’implique pas une perte dans le ciblage de nos actions.
Il est à noter que la part des dépistages ciblés présente une variabilité importante entre
les territoires d’actions. Par exemple, pour les HSH, ce pourcentage est proche de 50 %
en Rhône-Alpes et 20 % en Poitou-Charentes et pour les personnes nées hors de France,
il est de 47 % dans le Limousin et 16 % en Aquitaine.
La carte ci-contre présente le nombre de dépistages réalisés en 2013 et 2014 par région,
et la proportion de ces tests faits auprès des HSH et des personnes nées à l’étranger.
Dépistages réalisés
4 457
Répartition du dépistage par public
[ 294 ; 800 [
Dépistages auprès des HSH
[ 800 ; 1 500 [
Dépistages auprès des personnes
nées à l’étranger
[ 1 500 ; 4 000 [
[ 4 000; 30 923 [
Autres publics
Source : Association AIDES, Direction Qualité Évaluation - Juin 2015
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9
8 505
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Une tendance à l’amélioration des comportements de recours au dépistage
Mais également une stratégie qui contribue au dépistage précoce.
En 2013, 17 % de HSH et 36 % des personnes nées à l’étranger dépistées réalisaient
un test pour la première fois (primo-testants).
Ce pourcentage est passé respectivement à
14 % et 32 % en 2014.
29 % des HSH avaient réalisé leur test il y a moins de six mois. Pour 28 % des hommes
hétérosexuels et 30 % des femmes nées à l’étranger leur dernier test datait de moins de
12 mois.
Parallèlement, nous constatons une augmentation du nombre de personnes dépistées
récemment, notamment chez les HSH. En
2013, pour 32 % leur dernier test datait de
moins de six mois. Ce taux s’élève à 36 %
en 2014.
Quand les personnes vivant avec le VIH décident de refaire un test.
Finalement la proportion de personnes ayant
déjà réalisé un dépistage avec Trod est passée de 21 % en 2013 à 30 % en 2014 (à
noter qu’elle était de 12 % en 2012), ce qui
montre une véritable acceptation et appropriation de cet outil par les communautés.
Au-delà du volume total de l’activité et du
nombre de tests positifs réalisés, les données
sur le recours au dépistage semblent montrer que notre offre améliore la qualité des
comportements face au dépistage. Ce fait
est encourageant lorsqu’on vise également la
réduction de la transmission du VIH.
Une activité qui fonctionne en termes de ciblage pour aller chercher les personnes séropositives au sein de ces populations.
64 % des dépistages positifs concernaient des HSH, 17 % des hommes hétérosexuels, 18
% des femmes et 1% des personnes trans.
37 % des personnes étaient nées à l’étranger, 7 % étaient des travailleur-e-s du sexe et
3 % des usager-e-s de drogues par voie intraveineuse.
L’analyse des résultats des tests positifs auprès des populations nous montre une prévalence bien supérieure à 1 % chez les HSH (1,6%), les personnes trans (2,7 %), les
travailleur-e-s du sexe (1,7 %), les femmes nées en Afrique subsaharienne (1,7 %) et les
personnes nées en Amérique du Sud/Caraïbes (1,5 %).
Par ailleurs, certains groupes qui cumulent des facteurs d’exposition aux risques de
VIH, comme les HSH travailleur-e-s du sexe, ont des prévalences plus importantes allant
jusqu’à 2,7 %.
Une stratégie qui contribue au rattrapage des personnes qui n’avaient jamais été dépistées et
qui étaient séropositives.
Au cours de nos actions, nous faisons aussi le constat d’une demande de dépistage communautaire par des personnes connaissant déjà leur séropositivité. Nous avons cherché à
savoir quelles étaient les raisons de ce recours au dépistage chez ces personnes.
Parmi les 634 tests positifs réalisés en 2013 et 2014, 26 % des personnes connaissaient
déjà leur séropositivité. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce renouvellement
de test :
32 %
cherchent à interroger le résultat du
test lorsqu’ils ont une charge virale
indétectable ;
24 %
veulent tester le test et son déroulement, et pour certains, faire la promotion dans leur entourage ;
23 %
souhaitent avoir un deuxième avis
après un premier test positif réalisé
ailleurs (CDAG, labo, à l’étranger,
etc.) ;
8%
souhaitent parler de leur séropositivité avec un-e intervenant-e communautaire ;
8%
souhaitent renouer avec le soin ;
5%
utilise ce moyen pour aborder le
sujet avec leur partenaire.
Le recours au dépistage des personnes qui se savaient déjà séropositives montre le souhait pour certaines de nouer ou renouer un dialogue autour de leur séropositivité avec des
acteurs communautaires. De même, il peut représenter une occasion de se mettre en lien
avec le système de soin pour ceux qui n’avaient pas ou plus de suivi médical.
Pour 15 % des HSH qui ont reçu un résultat positif, il s’agissait d’un premier test. Ce taux
est de 34 % chez les hommes hétérosexuels et 29 % chez les femmes nées à l’étranger.
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
III - LES LIEUX D’INTERVENTION : UNE DIVERSIFICATION POUR REJOINDRE
LES POPULATIONS CLÉS
>> Hors les murs, un outreach
L’idée de porter une offre de RDR et dépistage hors des locaux de AIDES, et notamment
dans les lieux de vie des communautés, s’est
construite au regard d’autres expériences en
outreach dans le domaine de la santé, notamment avec les usager-e-s de drogues. Aller
au-devant des personnes permet de faciliter
l’accès aux services en réduisant la distance
géographique ou symbolique entre les offres
de santé et les éventuels bénéficiaires. C’est
aussi l'occasion d'identifier d'autres besoins
ou tout simplement de rendre visible cette
offre inconnue des personnes qui en ont le
plus besoin.
Des données issues d’une enquête de satisfaction menée par AIDES en 2013 viennent
conforter la démarche « d’aller vers ». En
effet, l’action hors les murs a permis de rejoindre des personnes rencontrées par hasard
car seulement 31 % d’entre elles savaient
que AIDES proposait du dépistage à cet endroit-là et 89 % ont saisi l’opportunité d’un
dépistage car l’occasion s’est présentée.
Les actions développées par AIDES ont lieu
dans des espaces mis à disposition par des
partenaires communautaires qui nous accueillent, comme par exemple les bars ou les
saunas fréquentés par les HSH, les centres
LGBT, les salons de coiffure ou encore les
associations communautaires ou de quartier.
Environ 70 % des dépistages réalisés sont
réalisés hors les murs.
Elles se déroulent également dans des lieux
de rencontre et de socialisation en plein air
comme les rues, les marchés, les plages, les
bois, les aires d’autoroute, etc. Les interventions se font alors à l’aide d’unités mobiles
aménagées dans le respect des règles d’hygiène et de confidentialité.
49 % des dépistages en outreach sont
réalisés dans des barnums-tentes, des
camping-cars et des voitures aménagées.
En complémentarité des actions dans les
lieux de vie (outreach), l’offre de dépistage est aussi portée dans ce que nous
appelons les structures tiers comme les
foyers type Cada, les établissements de
soins comme les centres de vaccination,
en prison, dans les Caso de Médecin du
Monde ou toute autre structure médicosociale d’accueil de publics que nous
ciblons.
Lieux de dépistage
Locaux de AIDES
15 %
40 %
15 %
Lieux de vie
Structures tiers
Établissements
commerciaux
30 %
L’intervention en outreach est
considérée comme une méthode
d’intervention centrée sur la proposition
de services sociaux et de santé dans les
lieux de vie des populations difficiles
à atteindre, sans attendre qu'elles
se déplacent vers les offres de santé
« classiques ». Elle suppose une
posture particulière compte tenu du fait
d’intervenir dans l’espace de « l’autre ».
Un espace marqué par des valeurs et
des normes de fonctionnement, de
rapports sociaux de genre, de couleur,
de statut social, de religion, etc.
qu’il convient de connaître. Ainsi la
rencontre pour connaître et se faire
connaître (nos buts, nos principes, nos
modes d’intervention, etc.) devient
indispensable afin d’articuler au mieux
son intervention et de favoriser son
acceptation.
>> Dans les locaux
Les locaux de AIDES et les Caarud restent un
endroit pertinent permettant de proposer du
dépistage aux personnes qui les fréquentaient
auparavant ou qui ont reçu l’information lors
des actions de terrain ou à travers les outils de
communication.
Une prévalence de 1 % dans les locaux de AIDES et les établissements commerciaux.
L’étude des données de dépistage a montré une prévalence des tests positifs plus importante dans les locaux de AIDES et dans les établissements commerciaux (prévalence de
1 % en moyenne) comparativement aux lieux de vie (rues, marchés, gares, lieux festifs,
etc.) et structures tiers (foyers, Cada, établissements de soins et médico-sociales) (prévalence de 0,5 % en moyenne).
IV - LA QUALITÉ DE L’OFFRE : RÉPONDRE AUX ATTENTES DES PERSONNES
DÉPISTÉES
En 2013, AIDES a réalisé une enquête de satisfaction pour identifier dans quelle mesure
les actions répondent toujours aux attentes des personnes et maintiennent leur qualité où
qu’elles aient lieu. Durant deux semaines, toutes les personnes ayant bénéficié d’un dépistage ont été invitées à participer à cette enquête. Elles ont été 841 à accepter.
Les principaux résultats montrent une perception du service de meilleure qualité qu’imaginé car 83 % des personnes interrogées se disent très satisfaites et 97 % le recommandent
sans hésiter.
Ils confortent également le maintien de la qualité dans les actions en outreach et une
satisfaction significativement plus élevée que celle des personnes ayant fait un test dans
nos locaux, notamment sur les horaires proposés, les conditions pour arriver au lieu de
dépistage, la durée de l’entretien ou l’accompagnement proposé après le test.
12
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
Christophe, devenu volontaire AIDES à Montpellier après un dépistage Trod
« Ce qui m’a donné envie d’aller vers le dépistage communautaire, c’est déjà la
rapidité du résultat, ainsi que le peu d’attente pour faire le dépistage lui-même.
J’étais curieux d’observer la rencontre avec un militant et d’avoir la possibilité
d’obtenir des informations sur la prévention. Même si je sais maintenant que cela
peut compter pour certains, l’idée d’un regard bienveillant, d’un pair, n’était pas
déterminante pour moi. Mais c’est au final ce qui m’a permis de mettre un premier
pied dans AIDES et de m’y investir. J’en avais déjà envie, alors c’était l’occasion ou
jamais. Après mon dépistage, j’ai suivi ma formation pour devenir volontaire, puis
devenir moi-même "Trodeur". Cela représente quelque chose pour moi de pratiquer
ce geste, d’avoir ce rôle-là durant une action. Cela me permet en plus de faire le lien
entre les autres actions de réduction des risques, voire d’accompagner les personnes
lors d’un premier contact au test. Les personnes identifient et apprécient d’être suivies
par la même personne jusqu’au bout. »
V - DES EXEMPLES D’ACTION DANS LE RÉSEAU AIDES
Les principes d’action, fondés sur l’approche communautaire, sont communs à l’ensemble
des territoires mais les actions peuvent prendre des formes diverses pour s’adapter aux
différents visages de l’épidémie. Les expériences suivantes illustrent la manière dont les
équipes de terrain les mettent en place, interviennent, organisent la communication et
construisent des réponses en fonction du contexte local.
Lille, des maraudes et des ateliers mensuels avec les
travailleur-e-s du sexe
Pierre-Olivier, Lille
« Tous les mois, nous intervenons au sein d’Entractes, un
Caarud partenaire qui accueille et accompagne spécifiquement
les travailleur-e-s du sexe sur la ville de Lille. L’intervention
débute sur leur permanence d’accueil fixe où nous proposons
des entretiens de réduction des risques avec une offre de
dépistage rapide. Ensuite, nous accompagnons l’équipe
d’Entractes sur leur maraude au sein de leur unité mobile pour
rencontrer les travailleur-e-s du sexe sur leurs différents lieux
d’activité. Les maraudes permettent d’aller vers les personnes
qui ne fréquentent pas les structures et sont éloignées de
l’offre de prévention, de soins et de dépistage. L’offre de
dépistage rapide de AIDES est donc particulièrement adaptée
et vient en complément des services offerts par Entractes. La
vulnérabilité des travailleur-e-s du sexe aux VIH-IST-hépatites
est importante, du fait de leur activité mais aussi du profil
sociologique des personnes : des femmes originaires d’Afrique
subsaharienne et des pays de l’Est, des femmes trans (MtF)
originaires d’Équateur, des usagères de produits psychoactifs… Les entretiens de RDR et de dépistage proposés par
AIDES répondent donc à un réel besoin et le contenu des
échanges est très riche. Certain-e-s travailleur-e-s du sexe que
nous rencontrons sur cette action se déplacent régulièrement
au local de AIDES pour s’approvisionner en préservatifs et
autres matériels de RDR. Depuis fin 2013, nous avons réussi
à mobiliser les travailleur-e-s du sexe MtF sur un atelier santé
mensuel animé au local de AIDES avec d’autres femmes trans.
Elles y participent de façon importante et continue. »
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
Guyane, une action itinérante avec les habitants du fleuve
Delphine, Saint-Laurent-du-Maroni
« L'un des lieux que nous avons privilégié est le fleuve Maroni qui se caractérise
par une mosaïque de populations : habitants des villages (campous) d’origine
amérindienne ou noir marrons vivant de part et d’autre du fleuve, travailleurs sur les
sites d’orpaillage, habitants des communes de l’intérieur. Seulement quatre centres
de santé côté français et quatre côté surinamais existent sur une étendue de 520 km.
Les centres hospitaliers les plus proche se trouvent à Saint-Laurent-du-Maroni ou à
Paramaribo uniquement accessibles par avion ou pirogue. Pour intervenir, nous nous
sommes inspirés des stratégies "porte à porte" expérimentées et menées avec succès
en Afrique subsaharienne et recommandées par l’OMS.
Pour mettre en place cette action,
nous avons mené un travail de
terrain de plusieurs mois, proposant
des rencontres et consultations des
autorités coutumières, des services et
professionnels de santé côté français
et surinamais, des élus, des leaders
communautaires, habitants des villages,
associations constituées, commerçants
et personnes en transit (travailleur-e-s
du sexe, orpailleurs).
Des temps d’information et d’échanges
collectifs autour de la discrimination,
les modes de contamination des IST,
le droit à la connaissance de son statut
sérologique, l’avancée des traitements
et la prise en charge, les idées reçues,
etc., ont été organisés.
Un calendrier d’action régulier dans
chaque lieu a été fixé : une venue
par mois de quelques jours au départ
alliant temps collectifs et proposition
de dépistages individuels, puis plus
espacée nous permettant d’aller sur
d’autres sites.
Lorsque nous arrivons, nous nous installons dans un carbet ou un autre espace prêté
par la communauté à l’abri des regards pour faire du dépistage en même temps, nous
proposons des temps d’échanges et des animations collectives. Quelques militants
font le tour du village pour inviter les gens à se joindre à nous.
Pour faciliter l’accès à la confirmation, à une première consultation et très souvent
l’ouverture des droits sociaux et de séjour, nous avons innové autour d'une nouvelle
modalité d’accueil : "l’appartement de passage" à Saint-Laurent-du-Maroni, à
proximité du centre hospitalier. Il s’agit de la mise à disposition d’un hébergement
temporaire, le temps pour la personne d’effectuer ses démarches en toute quiétude. »
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
Languedoc-Roussillon, sur les plages avec les HSH et les échangistes
Greg, Montpellier
« L’été, les équipes déploient leurs forces
durant six semaines sur les plages
de l’Espiguette, du Grand Travers, de
Maguelone, du Cap d’Agde, et du Bocal
du Tech. 70 militants se mobilisent
pour animer l’action et aller à la
rencontre des personnes sur la plage,
("serviettes à serviettes") ou dans des
lieux de sociabilité ou de plaisirs (bars,
discothèques, saunas), pour échanger sur
les prises de risques, la prévention et la
sexualité, proposer du dépistage à l’aide
des tests à résultats rapides et assurer
des points d’accueil et d’information.
L’action se construit en concertation avec
les militants et les partenaires (Enipse,
gérants d’établissements, municipalités,
etc.) pour identifier les besoins et les
modes opératoires les plus appropriés, en
fonction des éléments observés l’année
précédente.
Ensuite, nous réalisons un inventaire des
besoins logistiques (hébergement, outils
de prévention et de RDR, véhicules,
tentes, et divers petits matériels), nous
choisissons les lieux d’intervention et
nous définissons les horaires.
Un point important est l’obtention de demandes d’autorisation d’occupation de
l’espace public (via des arrêtés municipaux) qu’il faut anticiper. Les municipalités
facilitent l’organisation logistique (pass pour parking et autorisations d’occupation
du domaine public). L’action est également présentée aux services techniques et à la
police municipale pour assurer son bon déroulement.
Nous organisons la communication à travers la création d’un flyer diffusé en amont
des actions dans les lieux de sociabilité HSH et pendant les actions. Dès le mois de
juin, un communiqué de presse est aussi envoyé avec le planning d’interventions.
Arrivés à ce point, nous lançons un appel aux militants du réseau AIDES car nous
avons besoin d’un coup de main mais aussi parce que pour nous, cette action
représente un temps de vie fort entre militants. Pour nous assurer que l’action se
déroule comme attendu et que chacun y trouve sa place, nous tenons des réunions
d’évaluation hebdomadaires avec les équipes.
Nous alternons des actions en fin d’après-midi et en soirée pour toucher un maximum
de personnes et essayons dans la mesure du possible d’intégrer l’action dans le cœur
des villes (places, bars, lieux stratégiques par la présence importante des HSH locaux
et/ou estivants). »
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
île-de-France, des permanences dans les locaux de AIDES pour l’ensemble des
publics prioritaires
Josephine, Paris 8
« Les lieux de mobilisation de AIDES proposent des permanences hebdomadaires de
santé sexuelle dans ses locaux (PSS) dans lesquelles les personnes accueillies peuvent
bénéficier d’un entretien de prévention-réduction des risques avec offre de dépistage
ou participer à des temps d’échange collectifs sur des sujets en lien avec la santé
sexuelle.
Le public est informé lors des actions de terrain à l’extérieur des locaux, au travers des
supports de communication, le site internet de AIDES et les réseaux sociaux.
Elles sont assurées par, au minimum, un binôme de militants qui garantissent le
cadre de l’action. De fait, il s’agit d’accueil sans rendez-vous sur un créneau horaire
déterminé. Elles sont généralement ouvertes à l’ensemble des publics prioritaires mais
certaines PSS sont réservées par exemple aux HSH ou aux travailleur-e-s du sexe avec
une invitation qui se fait le plus souvent à travers les sites communautaires. »
VI - LA COMMUNICATION COMMUNAUTAIRE : AU PLUS PRÈS DES
PUBLICS CONCERNÉS
Le déploiement de ce nouvel outil de dépistage s’accompagne, en conséquence, d’une
communication communautaire adaptée.
Par principe, la communication communautaire se construit autour de la déclinaison d’un même message auprès de cibles
distinctes. Il a cette particularité, à l’image
de la démarche communautaire de AIDES,
d’être réalisé par les publics concernés. Son
efficacité s’évalue par sa capacité à toucher
des populations spécifiques en facilitant
l’identification.
Trois grandes campagnes de communication
ont accompagné le déploiement du Trod en
ciblant quatre publics prioritaires de AIDES :
les gays, les CPP, les femmes et les migrants.
L’objectif principal réside dans la banalisation du dépistage et son intégration dans la
vie quotidienne.
Dès 2011, des affiches et des flyers « Juste
un doigt pour se faire dépister » en partenariat avec l’Enipse (Sneg) et le Raac-Sida et
traduits en plusieurs langues, ont accompagné les intervenants de AIDES pour présenter leur action et mobiliser les communautés
autour du dépistage.
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
VII - LE PARTENARIAT : AGIR ENSEMBLE POUR ÊTRE PLUS EFFICACE
Dès 2012, la campagne d’affichage
« Rapide et sans douleur » s’est immiscée dans les lieux de vie des communautés : sauna, foyers, commerces,
etc. Quatre visuels reprennent un message simple qui désamorce les freins
éventuels liés au dépistage, et mettent
en situation des individus dans un
contexte particulier connu des publics
cibles. Cette campagne est relancée
en 2014 avec le soutien de l’Enipse et
du Raac-Sida.
Afin de coller au mieux aux besoins, et d’apporter une complémentarité à ce qui existe
déjà, le développement d’actions en partenariat avec d’autres structures apparaît comme
un élément essentiel. Nous voyons dans les partenariats, qu’ils soient en développement
ou déjà mis en œuvre, un outil supplémentaire pour rejoindre des personnes qui ne passent
pas spontanément la porte des locaux de AIDES. D’autres bénéfices, soulignés dans les
témoignages suivants, sont aussi observés comme la mutualisation de moyens, l’amélioration de nos pratiques et la reconnaissance des publics accueillis dans les différents lieux.
Yann, Responsable du Sun City Paris
En 2013, la troupe des Pagneuses
lance sur la toile une série de quatre
spots réalisés pour et par la communauté africaine dans lesquels sida,
sexualité et dépistage sont abordés
avec humour.
Les réseaux sociaux de AIDES participent grandement au déploiement
du Trod. Sur les 25 pages Facebook
actives (profil national et pages régionales), un post par semaine est consacré au dépistage. Ces communications
relèvent pour la plupart de la créativité
des militant-e-s.
D’autres initiatives sont prises par les territoires
d’actions. En Aquitaine par exemple, une campagne d’affichage a été réalisée avec les partenaires communautaires locaux. Une des principales motivations était de valoriser le travail
de partenariat mené, l’implication des gérants
d’établissements ou d'autres leaders communautaires pour un accès au dépistage dans leur
communauté.
En parallèle de ces actions, des outils grand
public viennent confirmer la notoriété du Trod
comme le spot web woody diffusé sur petit
écran, le spot TV « Aux armes…contre le sida »
et un site web dédié (www.depistage.aides.
org). Celui-ci fournit des informations sur le
dépistage, les horaires des permanences et les
actions de AIDES ou des autres structures de
dépistage.
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« Accepter le Trod dans mon établissement
est une évidence. Je pense que c’est
absolument nécessaire, voire indispensable
qu’un tel dispositif de prévention soit
présent dans un lieu de sexe. Et quand j’ai
vu les chiffres sur les résultats positifs au
Trod, je me dis que son intérêt tombe sous
le sens. Il n’y a aucun problème avec les
clients pour faire venir une équipe de AIDES
pour des permanences de dépistage rapide.
Les gens sont pour ! C’est loin de gêner les
clients, au contraire. Depuis six-huit mois,
je reçois des appels pour demander les
dates exactes des permanences pour que les
mecs puissent venir et pouvoir bénéficier du
Trod. Je n’ai pour l’instant eu aucun écho
négatif à propos de cela. Les militants sont
super sympas et respectent parfaitement
les lieux. D’un point de vue personnel,
je soutiens et je soutiendrai toujours la
présence de prévention comme le dépistage,
mais aussi l’information sur la santé
sexuelle, dans les lieux de consommation de
sexe. »
Papy, Président de l’association Espoir dans le 91
« Notre travail en partenariat avec AIDES reste le même car le projet Trod
d'Espoir a été conçu en partenariat avec AIDES 91. Aujourd'hui comme
avant le Trod, là où nous sommes bloqués, nous demandons des conseils
à la délégation 91. Le Trod nous a permis d'approfondir notre travail de
prévention en l’adaptant selon les personnes ainsi que l'orientation.
Par ailleurs, le Trod nous a apporté un partenariat avec des structures
d'accompagnement aux personnes en difficulté. Ceci nous rassure d'avoir un
partenaire qui peut prendre en charge une personne pour l'hébergement et
autres problèmes sociaux .»
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
Ouro, Chargé de projet Réduction des risques sexuels (RDRS) à AIDES Nice
« À Nice, les questions d’accompagnement social des personnes en situation de
prostitution sont portées par l’association ALC-Les Lucioles, partenaire de AIDES depuis
de nombreuses années dans la revendication de leurs droits. L’introduction de l’offre
de dépistage dans nos actions nous a donné l’opportunité d’une nouvelle forme de
partenariat, en intégrant le dépistage communautaire aux actions des Lucioles, dans
leurs locaux ainsi qu’en maraude, permettant ainsi d’aborder avec les travailleuses du
sexe, les questions de RDRS et de santé globale et sexuelle.
Cette offre a répondu aux besoins
des travailleuses du sexe qui
nous ont identifiées. Elles ont
fait la démarche de réaliser un
test de dépistage lors de nos
interventions et en ont assuré
la promotion auprès de leurs
collègues. La demande se faisant
plus importante, nous avons
maintenu une permanence une
fois par mois dans les locaux
des Lucioles, mais nous avons
amplifié nos actions de rues en
tournant maintenant seuls deux
fois par mois sur Nice et une fois
par mois sur Cannes.
C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
Depuis 2012, une convention a permis à nos organisations de travailler ensemble et d'unir
nos forces. Forte de son expérience dans le champ du dépistage rapide, AIDES a formé
une quinzaine de délégué-e-s de l’Enipse leur offrant la possibilité d’intervenir aux côtés
de AIDES sur toutes ses actions de prévention avec une offre de dépistage auprès des HSH
et du public échangiste.
L’Enipse a, quant à lui, une force de médiation indispensable permettant l’accès aux établissements susceptibles d’accueillir ce type d’action. Enfin, à la satisfaction des établissements et de la clientèle, nos associations ont travaillé de concert pour informer et inciter
les gays à se saisir de ce nouvel outil au service de la santé communautaire.
Aujourd’hui ce sont plus de 200 établissements gay ou échangistes qui soutiennent l’offre
de dépistage et la mise en place d’actions de santé sexuelle.
Les délégué-e-s de l’Enipse ont réalisé plus de 1 200 dépistages au sein de AIDES et ont
également développé et fortement contribué au succès d’actions avec d’autres partenaires
(ex : Flash Test).
Ensemble, et avec d’autres associations, continuons à tirer le meilleur profit du dépistage
rapide démédicalisé, à militer afin de mettre à disposition l’ensemble des nouveaux outils
de prévention essentiel à une meilleure santé sexuelle chez les LGBT !
Le partenariat avec les associations du Raac-Sida
Nous rencontrons essentiellement des personnes migrantes, originaires de l’Europe
de l’Est et d’Afrique, ainsi que des personnes transgenres originaires pour la majorité
d’entre elles d’Amérique latine.
La mise en place de l’offre en santé sexuelle nous permet d’orienter les personnes
vers le médecin gynécologue intervenant dans nos locaux une fois par mois et nous
espérons prochainement proposer sa présence sur notre unité mobile lors de nos
tournées de rue. »
>> Les partenariats nationaux
L’Enipse, partenaire historique de AIDES
Depuis sa création, l’Enipse (ex : Syndicat national
des entreprises gay) diffuse dans l’ensemble des établissements gays des préservatifs, gels, documents
de prévention et a créé une multitude de campagnes
de prévention.
AIDES et l’Enipse sont des partenaires historiques
dans la lutte contre le sida et la défense des droits
des communautés LGBT.
L’arrivée du dépistage rapide démédicalisé a relancé
dès 2011 une nouvelle dynamique dans cette collaboration et dans la prévention du VIH.
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Dans le cadre du partenariat avec les associations afro-caribéennes réunies au sein du
collectif Raac-Sida, AIDES a mis en place une formation spécifique réservée aux acteurs
des associations partenaires afin de partager l’outil Trod, permettant de démultiplier les
actions de dépistage en direction des populations africaines et caribéennes surtout les
plus éloignées des centres-villes et des systèmes de santé.
Six associations au total ont participé à ces formations : Alcos, Marie Madeleine, Bamesso
et ses amis, Espoir et Vie Enfance Espoir et Les Pagneuses.
Seules deux associations au sein
du Raac-Sida disposaient de l’agrément de l’ARS et des ressources
financières et humaines suffisantes.
Ainsi, et afin de permettre aux autres
associations d’agir, AIDES a proposé
une convention tripartite engageant
la personne habilitée, la structure et
AIDES.
Sur le terrain, plusieurs modes d’intervention sont recensés allant de la
concertation pour agir en complémentarité à la réalisation d’actions
conjointes.
Ce type d’actions est souvent organisé à la sortie des gares de grandes villes de banlieue
telle la gare de Saint-Denis, les festivals, ou encore lors des actions du type « Semaine
Flash Test ».
La démarche est plutôt bien accueillie dans les communautés africaines et caribéennes :
l’action de proximité avec un dépistage proposé marque un tournant dans la relation de
confiance avec le public.
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C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE
VIII - L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX OUTILS : ÉLARGIR NOTRE OFFRE
POUR MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS
L’expérience du dépistage communautaire nous a permis d’asseoir des bases et construire
des repères pour l’intégration de nouveaux outils de prévention pour réduire l’épidémie du
VIH, les hépatites et les IST.
Les Trod VHC, VHB, IST et les autotests viendront compléter l’offre existante. Ceux-ci permettront aux personnes d’augmenter leur autonomie vis-à-vis du dépistage et de réaliser
leurs propres choix en fonction des besoins, des pratiques et des modes de vie. Ils contribueront à la banalisation du dépistage dans l’idée de faire de celui-ci un acte régulier pour
ceux qui, en raison de leurs expositions au risque du VIH, des hépatites et des IST, en ont
le plus besoin.
Pr Yazdan Yazdanpanah, Praticien et co-chercheur sur
Comtest :
« Cinq ans après, le dépistage communautaire est rentré
dans les mœurs. Ce n’est pas la stratégie principale du
dépistage, qui reste le médecin de ville. En lui-même, il
ne suffit pas, mais c’est un nouveau moyen de tendre vers
plus de prévention. Et le Trod a été la porte d’entrée vers les
autotests du VIH. On ne pouvait pas passer des laboratoires
aux autotests. Il fallait le Trod. C’est grâce aux Trod que
l’on a pu montrer que cela était faisable. Un outil en plus,
complémentaire des autres déjà existants. Et on ne peut pas
opposer ces deux moyens de prévention. Ils ne s’adressent
pas aux mêmes personnes. Quand les Trod permettent
d’aller vers, d’atteindre ceux qui jusque-là n’avait pas
recours au dépistage, les autotests seront pour ceux qui se
dépistent souvent. Comme lors de l’arrivée du dépistage
communautaire, il faut arrêter de s’inquiéter quant au suivi
des personnes nouvellement dépistées séropositives. Sans
banaliser l’annonce, ne plus avoir peur de la réaction des
gens. Grâce au Trod, on n’a pu montrer que le VIH était une
maladie comme les autres et qu’elle n’était pas un obstacle
vers le soin par la suite. »
Le dépistage communautaire nous a permis
de constater d’autres besoins en santé qui ne
trouvent pas, à ce jour, de réponses dans une
simple offre de dépistage ou dans les ressources
communautaires existantes. Des besoins d’ordre
médical (dépistage des IST, vaccination contre
l’hépatite B, contraception, etc.) mais aussi
d’ordre psychosocial (troubles de la sexualité,
violences liées au genre, etc.).
Aujourd’hui, nous nous mobilisons dans la
construction d’une réponse plus adaptée qui va
au-delà de la simple orientation : une réponse
plus globale, de santé sexuelle dans laquelle
nous pourrons inscrire ces nouveaux outils.
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LE DÉPISTAGE
COMMUNAUTAIRE
AIDES milite depuis toujours en faveur de la réduction des risques et de la
santé sexuelle. Sa bataille pour un dépistage adapté mène à l’inscription d’un
programme de santé communautaire dans une politique de santé publique : le
dépistage communautaire, réalisé par et pour les communautés les plus exposées au VIH.
Ce nouvel opus de la collection « C dans AIDES » retrace le parcours de
cette nouvelle approche. À travers les témoignages des acteurs de terrain et
des partenaires, ce document offre un panorama des démarches et méthodes
d’intervention que propose AIDES pour lutter efficacement contre le sida et
les hépatites : diversifier ses lieux d’intervention et ses partenariats, former et
informer les publics concernés pour être au plus près des personnes qui en ont
besoin.
Un travail de longue haleine qui ouvrent le chemin à d’autres outils de prévention contre le VHC, VHB et autres IST dans un seul et unique but, celui de
proposer une offre de santé la plus accessible possible et augmenter l’autonomie des personnes dans leur choix en fonction de leurs besoins, de leurs
pratiques et de leurs modes de vie.
C
DANS AIDES