le dépistage communautaire
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le dépistage communautaire
C DANS AIDES LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE C C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE DANS AIDES >> ÉDITO LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE SOMMAIRE AVANT-PROPOS .............................................................................................. 4 TABLES DES SIGLES ........................................................................................... 4 I - LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE, UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE ......... 5 II - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS ........................................................ 8 III - LES LIEUX D'INTERVENTION ....................................................................... 12 IV - LA QUALITÉ DE L'OFFRE ........................................................................... 13 V - DES EXEMPLES D'ACTION DANS LE RÉSEAU AIDES .................................. 14 VI - LA COMMUNICATION COMMUNAUTAIRE .............................................. 17 VII - LE PARTENARIAT : AGIR ENSEMBLE POUR ÊTRE PLUS EFFICACE ..............19 VIII - L'INTÉGRATION DES NOUVEAUX OUTILS ..............................................22 Remerciements à tous les militante-s de AIDES, volontaires et salarié-e-s qui par leurs actions quotidiennes sur le terrain ont permis la réalisation de ce document. Remerciements particuliers à l’ensemble des personnes qui ont apporté leur témoignage et qui se sont livrées afin de rendre compte de l'activité de dépistage de AIDES. Crédits Directeur de la publication : Bruno Spire Coordination : Direction Qualité Évaluation Rédaction et contributions : Laura Rios, Samantha Tessier, Stéphane Giganon, Lionel Fugon, Audrey Musto, Mathieu Brancourt, Vincent Coquelin, Joseph Situ, Marc Dixneuf Relecture : Comité de pilotage dépistage communautaire Coordination technique : Audrey Musto Graphisme : Laurent Marsault, Audrey Musto Crédits photographiques : AIDES Contacts Association AIDES Tour Essor, 14 rue Scandicci, 93508 Pantin Cedex Téléphone : 0805 160 011 (gratuit depuis un poste fixe) • • • • Depuis 2011, et suite aux recherches innovantes soutenues par l’ANRS, Comtest et Drag menées par les militants de AIDES avec les équipes de recherche Inserm de Yazdan Yazdanpanah et de Bruno Spire, AIDES est en capacité de proposer le dépistage communautaire à l’aide des Tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) auprès des publics les plus exposés au risque d’acquisition du VIH, dans tous les départements de France en métropole et Outre-mer. Une approche essentielle dans la lutte contre le VIH où le dépistage précoce et les traitements deviennent des stratégies majeures de prévention à côté de la lutte contre les discriminations et pour l’accès aux droits. Intégré à des programmes de réduction des risques sexuels, le dépistage à l’aide des Trod permet d’aller à la rencontre des personnes dans les lieux où elles se rencontrent, vivent, créent des liens en offrant une opportunité de dépistage à ceux qui en sont éloignés et en facilitant l’accès à un dépistage de routine pour ceux les plus exposés au risque. Les acteurs des communautés, les gérants d’établissements gays et de commerces afro, les leaders communautaires de quartiers, les associations et les partenaires de la prévention ont mis beaucoup d’énergie et d’enthousiasme pour nous aider à déployer cette offre avec eux et pour eux. Le succès du dépistage communautaire leur doit beaucoup. Les collaborations avec nos partenaires nationaux l’Enipse, le Réseau des associations africaines et caribéennes (Raac-Sida), qui pour certains interviennent avec nous sur nos actions de RDR-dépistage sur le terrain, se sont vues renforcées. Plus de 600 acteurs de AIDES, volontaires et salariés ont été habilités à la réalisation des Trod, permettant d’atteindre les 100 000 tests depuis l’habilitation par les ARS et la signature par la Direction générale de la Santé (DGS) d’une convention de financement avec la CNAMTS. Grâce à la saisie régulière des données dans un outil de recueil informatisé (Dolores), AIDES peut aujourd’hui faire une analyse de son activité qui conforte dans le constat que l’offre de dépistage communautaire est pertinente et qu’elle s’inscrit efficacement dans les enjeux actuels de la lutte contre le VIH/sida en France. C’est l’analyse de cette activité qui vous est proposée dans ce document. Son impact est aujourd’hui visible à travers les dernières données épidémiologiques de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) et montrent qu’en 2013 AIDES a réalisé 73% des dépistages avec Trod en France avec un taux de découverte de séropositivité plus élevé que parmi les stratégies classiques. Diminuer le nombre de personnes ignorant leur séropositivité et ainsi augmenter la proportion de personnes vivant avec le VIH suivies et traitées reste un objectif à notre portée afin de casser la dynamique de l’épidémie. www.aides.org http://twitter.com/assoAIDES www.facebook.com/aides [email protected] Marie Suzan Bruno Spire 3 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE AVANT-PROPOS C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE I - LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE, UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE Vous avez entre les mains un document destiné à rendre compte de l’activité de dépistage communautaire. Outre la valorisation de l’investissement des militant-e-s et des partenaires, il permet de capitaliser les approches et les méthodes d’intervention. Ce document peut aussi être un support de partage d’expériences acquises avec des partenaires extérieurs. En seulement quelques années le champ de la prévention du VIH a été bouleversé en France avec l’arrivée des programmes de dépistage communautaire. Ces programmes sont initiés, par et pour les communautés fortement exposées aux risques de transmission du VIH et insuffisamment rejointes par les offres classiques existantes. Il a été réalisé à partir des données DoLoRes, d’enquêtes d’opinion, des expériences menées par des militant-e-s de AIDES et des témoignages issus des rencontres avec des personnes militant à nos côtés. Questionnée par AIDES, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé à l’époque, évoque la naissance de ce dispositif grâce à « la rencontre de deux volontés : une politique, avec la conviction de défendre un dispositif innovant, face au lobby médical et les oppositions ; et une autre, associative, forte d’une expertise de terrain pour l’intérêt des personnes et de la prévention ». À cela s’ajoute l’implication des chercheurs qui ont contribué à montrer l’intérêt de l’approche communautaire dans le champ du dépistage et à valider les savoir-faire issus de cette expérience. >> TABLE DES SIGLES ANRS : Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales ARS : Agence régionale de santé Caarud : Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues Cada : Centres d'accueil pour les demandeurs d'asile Caso : Centres d’accueil de soins et d’orientation CDAG : Centres de dépistage anonyme et gratuit CNAMTS : Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés CNS : Conseil national du sida CPP : Consommateurs des produits psychoactifs DFA : Département français d’Amérique DGS : Direction générale de la Santé Dolores : Données locales du réseau de AIDES Drag : Dépistage rapide auprès des gays Enipse : Équipe nationale d’intervention en prévention et santé pour les entreprises HAS : Haute autorité de la Santé HSH : Hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes INVS : Institut national de veille sanitaire IST : Infections sexuellement transmissibles LGBT : Lesbiennes, gays, bisexuels et trans MtF : Male to female OMS : Organisation mondiale de santé PSS : Permanences de santé sexuelle Raac-Sida : Réseaux des associations africaines et caribéennes agissant dans la lutte contre le sida RDR : Réduction des risques RDRS : Réduction des risques sexuels Sneg : Syndicat national des entreprises gay Trod : Test rapide d'orientation diagnostique UDVI : Usagers de drogues par voie intraveineuse VHB : Virus de l'hépatite B VHC : Virus de l'hépatite C VIH : Virus de l'immunodéficience humaine 4 Le dépistage communautaire a également contribué à augmenter la reconnaissance de l’approche communautaire en santé par son inscription comme programme de santé publique, comme le précise l’ancienne ministre : « le dépistage communautaire a prouvé son efficacité et la capacité à innover dans la démarche sanitaire, qui casse les codes du rapport à la santé. […] Mais je ne l’ai pas vu comme un changement, mais comme un approfondissement, le sel qui irrigue la logique communautaire d’une conception sanitaire que d’autres avant moi, notamment Bernard Kouchner, avait défendue. Celle de l’autonomie des personnes face à l’impérium des médecins, des "sachants" qui parlent à ceux qui ne savent pas, infantilisant le malade. Vraiment, je dis merci à moi (rires), mais aussi aux militant-e-s de AIDES pour ce combat de gagné » (Roselyne Bachelot-Narquin, ancienne ministre de la Santé et auteure du décret de octobre 2010 autorisant le Trod en France). >> Les étapes du développement Pour raconter l’histoire du développement, nous proposons le passage par quelques étapes clés : L’expression des besoins par les acteurs de terrain Depuis de nombreuses années des personnes accompagnées par les militant-e-s de AIDES témoignent des difficultés d’accès à une connaissance réactualisée de leur statut sérologique. S’agissant d’une étape indispensable à la construction des stratégies de réduction des risques (RDR) adaptés, il était nécessaire de se doter d’un nouvel outil. Les recommandations sanitaires En 2006, le Conseil national du sida (CNS) émet des recommandations en faveur d’un changement de paradigme du dépistage. Il plaide pour un élargissement des propositions de dépistage et défend l’idée de l’utilisation des tests rapides par des acteurs autres que les médecins. 5 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE En 2008 et 2009, la Haute autorité de la Santé (HAS) émet une série de recommandations sur le cadre d’utilisation des tests rapides en particulier pour des acteurs non médicaux. Elles précisent également les populations qui devraient bénéficier d’un dépistage ciblé et régulier : les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH), les personnes étrangères et/ou d’origine afro-caribéenne, les consommateur-e-s de produits psychoactifs (CPP), les travailleur-e-s du sexe et la population des départements français d'Amérique (DFA). C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Le passage à l’échelle Pour avoir un impact sur l’épidémie, AIDES affirme sa volonté de réaliser 50 000 tests par an auprès des populations clés. Pour ce faire, les efforts sur la formation des militant-e-s sont doublés. Ceux-ci investissent le terrain en menant un nombre grandissant d’actions dans différents lieux en cohérence avec l’existant. Des espaces et outils de communication spécifiques sont créés pour mobiliser les communautés. Une coordination nationale permet de mutualiser et d’accompagner l’ensemble des territoires d’action de AIDES dans la mise en place d’une offre de dépistage de qualité. 2014 43 414 dépistages 2012 2011 1ére année de développement Appel à projets DGS : dépistage communautaire 2010 2008 Plan National VIH 2010-2014 Modification de la loi pour le droit des personnes : arrêté de novembre 2010 Expérimentation AIDES, Le Kiosque Les années de la recherche En 2008, AIDES s’implique dans deux recherches communautaires : ANRS Comtest et Drag. D’autres expérimentations sont menées par des acteurs associatifs comme Le Kiosque. Elles visaient à évaluer la faisabilité et l’acceptabilité d’une offre de dépistage avec des tests rapides menée par des pairs auprès des HSH. Le cadre réglementaire et la mise à disposition de moyens En 2010, le Plan National VIH reprend les recommandations de l’HAS les inscrivant dans sa programmation. La même année, le ministère de la Santé publie un arrêté autorisant l’usage des Trod par des acteurs nonmédicaux. En 2011, la DGS met en place un appel à projets expérimental dotant les associations de ressources supplémentaires pour intégrer le dépistage dans les actions de prévention. Entre 2011 et 2014, dans l’ensemble des régions où AIDES est présente en métropole, Guyane, Guadeloupe et Martinique, 110 238 dépistages ont été réalisés et 860 (0,78%) personnes ont eu un résultat positif. Un passage aussi rapide de la recherche à l’action a été rendu possible grâce à trois éléments clés : • une analyse des besoins de dépistage conduite de longue date avec les communautés les plus exposées ; • un vivier de militant-e-s déjà formé-e-s à la RDR qui ont acquis une compétence supplémentaire sur le dépistage (274 militants formés la première année) ; • l’utilisation directe des résultats de la recherche pour construire un guide de bonnes pratiques (cahier des charges) d’intervention en dépistage communautaire. Nos savoir-faire ont aussi été confortés par l’échange avec les acteurs européens du réseau Cobatest avec lesquels nous avons rédigé le guide Programmes communautaires de dépistage du VIH : comment améliorer nos pratiques1. >> Les spécificités de la formation La formation au dépistage avec Trod s’est construite à partir des projets de recherche qui évaluaient également la compétence des acteurs à réaliser cette nouvelle tâche. Au-delà de la réalisation du test (outil technique), la formation vise à développer les compétences des intervenant-e-s pour un accompagnement global (avant, pendant et après le test) : comment obtenir le consentement éclairé, l’anticipation des résultats, l’accompagnement après le test, etc. Pour les militant-e-s, le Trod c’est aussi la question de l’annonce du statut sérologique, il fallait donc renforcer les capacités d’écoute, d'accompagnement et de prévention adaptées en fonction du résultat. La formation est confortée par le décret d’autorisation du Trod en octobre 2010 qui la rend obligatoire. Il renforce l’idée d’une formation qualifiante et pose des critères qui habilitent et valident des compétences dont le contrôle des acquis. Ce contrôle permet de s’assurer de la qualité de l’intervention du militant qui doit recueillir le consentement éclairé des personnes dépistées, mener un entretien de RDR, assurer des gestes techniques et proposer un accompagnement en accord avec les principes de AIDES. Chiffres clés de la formation interne Entre 2008 et 2014 : • 50 sessions de formation, dont huit pour la recherche ; • 662 militant-e-s habilité-e-s, dont 36 agissant dans des associations partenaires ; • Environ 440 militant-e-s sont aujourd’hui en activité dont la moitié de volontaires. (1) http://cobatest.org/documents.php?group=00000012 6 7 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE II - LES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS Nombre de dépistages effectués en 2013-2014 par région Le recueil de l’activité de dépistage, et de l’ensemble de l’activité en général, est rendu possible grâce au fort investissement des équipes dans le remplissage de la base de données de recueil d’activités, Données locales du réseau (Dolores). 4 145 Le tableau ci-dessous présente l’évolution du nombre de dépistages depuis 2011. Une activité en constante augmentation Au début, seuls les territoires d’action impliqués dans la recherche ANRS Comtest avaient reçu une habilitation de la part des ARS leur permettant de poursuivre leur activité. En 2012, les moyens obtenus par l’appel à projets DGS et l’habilitation progressive des autres territoires d’actions vont permettre une augmentation considérable de l’activité. À partir de là, c’est le travail incessant des équipes de terrain, leur investissement dans de nouveaux lieux et l’acceptabilité de plus en plus importante des communautés qui ont favorisé cette évolution constante. Années Nombre de tests Nombre de positifs 2011 2 284 22 2012 22 925 207 2013 41 771 312 2014 43 414 322 Total 110 394 863 1 703 1 266 30 923 1 649 871 741 3 467 854 513 294 3 443 1 936 La prévalence des tests positifs au cours des années 2011 et 2012 était respectivement de 0,96 % et 0,90 %. Ensuite, elle a diminué mais s’est stabilisée à 0,75 % et 0,74 % entre 2013 et 2014. Grâce à une stratégie forte de ciblage, la prévalence reste plus de 2 fois supérieure à celle des CDAG (0,36 % ; Bulletin épidémiologique hebdomadaire 3233, novembre 2014). 815 1 462 5 887 2 188 3 950 Une activité implantée en milieu communautaire 2 188 2 008 La répartition par genre des tests de dépistage rapide a très peu varié au cours des années 2013 et 2014. Environ 7 Trod sur 10 sont réalisés auprès d’hommes, un peu moins de 3 sur 10 auprès de femmes et moins de 0,5 % auprès de trans. Le nombre de personnes dépistées augmente d’une année sur l’autre, y compris dans les groupes prioritaires : HSH, personnes nées à l’étranger, usager-e-s de drogues par voie intraveineuse (UDVI), trans, travailleur-e-s du sexe. Cette augmentation permet de conserver une répartition stable des populations rejointes : 30 % chez les HSH, 31% chez les personnes nées à l’étranger, 3 % chez les travailleur-e-s du sexe et les UDVI. Cela signifie que l’augmentation de l’activité n’implique pas une perte dans le ciblage de nos actions. Il est à noter que la part des dépistages ciblés présente une variabilité importante entre les territoires d’actions. Par exemple, pour les HSH, ce pourcentage est proche de 50 % en Rhône-Alpes et 20 % en Poitou-Charentes et pour les personnes nées hors de France, il est de 47 % dans le Limousin et 16 % en Aquitaine. La carte ci-contre présente le nombre de dépistages réalisés en 2013 et 2014 par région, et la proportion de ces tests faits auprès des HSH et des personnes nées à l’étranger. Dépistages réalisés 4 457 Répartition du dépistage par public [ 294 ; 800 [ Dépistages auprès des HSH [ 800 ; 1 500 [ Dépistages auprès des personnes nées à l’étranger [ 1 500 ; 4 000 [ [ 4 000; 30 923 [ Autres publics Source : Association AIDES, Direction Qualité Évaluation - Juin 2015 8 9 8 505 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Une tendance à l’amélioration des comportements de recours au dépistage Mais également une stratégie qui contribue au dépistage précoce. En 2013, 17 % de HSH et 36 % des personnes nées à l’étranger dépistées réalisaient un test pour la première fois (primo-testants). Ce pourcentage est passé respectivement à 14 % et 32 % en 2014. 29 % des HSH avaient réalisé leur test il y a moins de six mois. Pour 28 % des hommes hétérosexuels et 30 % des femmes nées à l’étranger leur dernier test datait de moins de 12 mois. Parallèlement, nous constatons une augmentation du nombre de personnes dépistées récemment, notamment chez les HSH. En 2013, pour 32 % leur dernier test datait de moins de six mois. Ce taux s’élève à 36 % en 2014. Quand les personnes vivant avec le VIH décident de refaire un test. Finalement la proportion de personnes ayant déjà réalisé un dépistage avec Trod est passée de 21 % en 2013 à 30 % en 2014 (à noter qu’elle était de 12 % en 2012), ce qui montre une véritable acceptation et appropriation de cet outil par les communautés. Au-delà du volume total de l’activité et du nombre de tests positifs réalisés, les données sur le recours au dépistage semblent montrer que notre offre améliore la qualité des comportements face au dépistage. Ce fait est encourageant lorsqu’on vise également la réduction de la transmission du VIH. Une activité qui fonctionne en termes de ciblage pour aller chercher les personnes séropositives au sein de ces populations. 64 % des dépistages positifs concernaient des HSH, 17 % des hommes hétérosexuels, 18 % des femmes et 1% des personnes trans. 37 % des personnes étaient nées à l’étranger, 7 % étaient des travailleur-e-s du sexe et 3 % des usager-e-s de drogues par voie intraveineuse. L’analyse des résultats des tests positifs auprès des populations nous montre une prévalence bien supérieure à 1 % chez les HSH (1,6%), les personnes trans (2,7 %), les travailleur-e-s du sexe (1,7 %), les femmes nées en Afrique subsaharienne (1,7 %) et les personnes nées en Amérique du Sud/Caraïbes (1,5 %). Par ailleurs, certains groupes qui cumulent des facteurs d’exposition aux risques de VIH, comme les HSH travailleur-e-s du sexe, ont des prévalences plus importantes allant jusqu’à 2,7 %. Une stratégie qui contribue au rattrapage des personnes qui n’avaient jamais été dépistées et qui étaient séropositives. Au cours de nos actions, nous faisons aussi le constat d’une demande de dépistage communautaire par des personnes connaissant déjà leur séropositivité. Nous avons cherché à savoir quelles étaient les raisons de ce recours au dépistage chez ces personnes. Parmi les 634 tests positifs réalisés en 2013 et 2014, 26 % des personnes connaissaient déjà leur séropositivité. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer ce renouvellement de test : 32 % cherchent à interroger le résultat du test lorsqu’ils ont une charge virale indétectable ; 24 % veulent tester le test et son déroulement, et pour certains, faire la promotion dans leur entourage ; 23 % souhaitent avoir un deuxième avis après un premier test positif réalisé ailleurs (CDAG, labo, à l’étranger, etc.) ; 8% souhaitent parler de leur séropositivité avec un-e intervenant-e communautaire ; 8% souhaitent renouer avec le soin ; 5% utilise ce moyen pour aborder le sujet avec leur partenaire. Le recours au dépistage des personnes qui se savaient déjà séropositives montre le souhait pour certaines de nouer ou renouer un dialogue autour de leur séropositivité avec des acteurs communautaires. De même, il peut représenter une occasion de se mettre en lien avec le système de soin pour ceux qui n’avaient pas ou plus de suivi médical. Pour 15 % des HSH qui ont reçu un résultat positif, il s’agissait d’un premier test. Ce taux est de 34 % chez les hommes hétérosexuels et 29 % chez les femmes nées à l’étranger. 10 11 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE III - LES LIEUX D’INTERVENTION : UNE DIVERSIFICATION POUR REJOINDRE LES POPULATIONS CLÉS >> Hors les murs, un outreach L’idée de porter une offre de RDR et dépistage hors des locaux de AIDES, et notamment dans les lieux de vie des communautés, s’est construite au regard d’autres expériences en outreach dans le domaine de la santé, notamment avec les usager-e-s de drogues. Aller au-devant des personnes permet de faciliter l’accès aux services en réduisant la distance géographique ou symbolique entre les offres de santé et les éventuels bénéficiaires. C’est aussi l'occasion d'identifier d'autres besoins ou tout simplement de rendre visible cette offre inconnue des personnes qui en ont le plus besoin. Des données issues d’une enquête de satisfaction menée par AIDES en 2013 viennent conforter la démarche « d’aller vers ». En effet, l’action hors les murs a permis de rejoindre des personnes rencontrées par hasard car seulement 31 % d’entre elles savaient que AIDES proposait du dépistage à cet endroit-là et 89 % ont saisi l’opportunité d’un dépistage car l’occasion s’est présentée. Les actions développées par AIDES ont lieu dans des espaces mis à disposition par des partenaires communautaires qui nous accueillent, comme par exemple les bars ou les saunas fréquentés par les HSH, les centres LGBT, les salons de coiffure ou encore les associations communautaires ou de quartier. Environ 70 % des dépistages réalisés sont réalisés hors les murs. Elles se déroulent également dans des lieux de rencontre et de socialisation en plein air comme les rues, les marchés, les plages, les bois, les aires d’autoroute, etc. Les interventions se font alors à l’aide d’unités mobiles aménagées dans le respect des règles d’hygiène et de confidentialité. 49 % des dépistages en outreach sont réalisés dans des barnums-tentes, des camping-cars et des voitures aménagées. En complémentarité des actions dans les lieux de vie (outreach), l’offre de dépistage est aussi portée dans ce que nous appelons les structures tiers comme les foyers type Cada, les établissements de soins comme les centres de vaccination, en prison, dans les Caso de Médecin du Monde ou toute autre structure médicosociale d’accueil de publics que nous ciblons. Lieux de dépistage Locaux de AIDES 15 % 40 % 15 % Lieux de vie Structures tiers Établissements commerciaux 30 % L’intervention en outreach est considérée comme une méthode d’intervention centrée sur la proposition de services sociaux et de santé dans les lieux de vie des populations difficiles à atteindre, sans attendre qu'elles se déplacent vers les offres de santé « classiques ». Elle suppose une posture particulière compte tenu du fait d’intervenir dans l’espace de « l’autre ». Un espace marqué par des valeurs et des normes de fonctionnement, de rapports sociaux de genre, de couleur, de statut social, de religion, etc. qu’il convient de connaître. Ainsi la rencontre pour connaître et se faire connaître (nos buts, nos principes, nos modes d’intervention, etc.) devient indispensable afin d’articuler au mieux son intervention et de favoriser son acceptation. >> Dans les locaux Les locaux de AIDES et les Caarud restent un endroit pertinent permettant de proposer du dépistage aux personnes qui les fréquentaient auparavant ou qui ont reçu l’information lors des actions de terrain ou à travers les outils de communication. Une prévalence de 1 % dans les locaux de AIDES et les établissements commerciaux. L’étude des données de dépistage a montré une prévalence des tests positifs plus importante dans les locaux de AIDES et dans les établissements commerciaux (prévalence de 1 % en moyenne) comparativement aux lieux de vie (rues, marchés, gares, lieux festifs, etc.) et structures tiers (foyers, Cada, établissements de soins et médico-sociales) (prévalence de 0,5 % en moyenne). IV - LA QUALITÉ DE L’OFFRE : RÉPONDRE AUX ATTENTES DES PERSONNES DÉPISTÉES En 2013, AIDES a réalisé une enquête de satisfaction pour identifier dans quelle mesure les actions répondent toujours aux attentes des personnes et maintiennent leur qualité où qu’elles aient lieu. Durant deux semaines, toutes les personnes ayant bénéficié d’un dépistage ont été invitées à participer à cette enquête. Elles ont été 841 à accepter. Les principaux résultats montrent une perception du service de meilleure qualité qu’imaginé car 83 % des personnes interrogées se disent très satisfaites et 97 % le recommandent sans hésiter. Ils confortent également le maintien de la qualité dans les actions en outreach et une satisfaction significativement plus élevée que celle des personnes ayant fait un test dans nos locaux, notamment sur les horaires proposés, les conditions pour arriver au lieu de dépistage, la durée de l’entretien ou l’accompagnement proposé après le test. 12 13 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Christophe, devenu volontaire AIDES à Montpellier après un dépistage Trod « Ce qui m’a donné envie d’aller vers le dépistage communautaire, c’est déjà la rapidité du résultat, ainsi que le peu d’attente pour faire le dépistage lui-même. J’étais curieux d’observer la rencontre avec un militant et d’avoir la possibilité d’obtenir des informations sur la prévention. Même si je sais maintenant que cela peut compter pour certains, l’idée d’un regard bienveillant, d’un pair, n’était pas déterminante pour moi. Mais c’est au final ce qui m’a permis de mettre un premier pied dans AIDES et de m’y investir. J’en avais déjà envie, alors c’était l’occasion ou jamais. Après mon dépistage, j’ai suivi ma formation pour devenir volontaire, puis devenir moi-même "Trodeur". Cela représente quelque chose pour moi de pratiquer ce geste, d’avoir ce rôle-là durant une action. Cela me permet en plus de faire le lien entre les autres actions de réduction des risques, voire d’accompagner les personnes lors d’un premier contact au test. Les personnes identifient et apprécient d’être suivies par la même personne jusqu’au bout. » V - DES EXEMPLES D’ACTION DANS LE RÉSEAU AIDES Les principes d’action, fondés sur l’approche communautaire, sont communs à l’ensemble des territoires mais les actions peuvent prendre des formes diverses pour s’adapter aux différents visages de l’épidémie. Les expériences suivantes illustrent la manière dont les équipes de terrain les mettent en place, interviennent, organisent la communication et construisent des réponses en fonction du contexte local. Lille, des maraudes et des ateliers mensuels avec les travailleur-e-s du sexe Pierre-Olivier, Lille « Tous les mois, nous intervenons au sein d’Entractes, un Caarud partenaire qui accueille et accompagne spécifiquement les travailleur-e-s du sexe sur la ville de Lille. L’intervention débute sur leur permanence d’accueil fixe où nous proposons des entretiens de réduction des risques avec une offre de dépistage rapide. Ensuite, nous accompagnons l’équipe d’Entractes sur leur maraude au sein de leur unité mobile pour rencontrer les travailleur-e-s du sexe sur leurs différents lieux d’activité. Les maraudes permettent d’aller vers les personnes qui ne fréquentent pas les structures et sont éloignées de l’offre de prévention, de soins et de dépistage. L’offre de dépistage rapide de AIDES est donc particulièrement adaptée et vient en complément des services offerts par Entractes. La vulnérabilité des travailleur-e-s du sexe aux VIH-IST-hépatites est importante, du fait de leur activité mais aussi du profil sociologique des personnes : des femmes originaires d’Afrique subsaharienne et des pays de l’Est, des femmes trans (MtF) originaires d’Équateur, des usagères de produits psychoactifs… Les entretiens de RDR et de dépistage proposés par AIDES répondent donc à un réel besoin et le contenu des échanges est très riche. Certain-e-s travailleur-e-s du sexe que nous rencontrons sur cette action se déplacent régulièrement au local de AIDES pour s’approvisionner en préservatifs et autres matériels de RDR. Depuis fin 2013, nous avons réussi à mobiliser les travailleur-e-s du sexe MtF sur un atelier santé mensuel animé au local de AIDES avec d’autres femmes trans. Elles y participent de façon importante et continue. » 14 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Guyane, une action itinérante avec les habitants du fleuve Delphine, Saint-Laurent-du-Maroni « L'un des lieux que nous avons privilégié est le fleuve Maroni qui se caractérise par une mosaïque de populations : habitants des villages (campous) d’origine amérindienne ou noir marrons vivant de part et d’autre du fleuve, travailleurs sur les sites d’orpaillage, habitants des communes de l’intérieur. Seulement quatre centres de santé côté français et quatre côté surinamais existent sur une étendue de 520 km. Les centres hospitaliers les plus proche se trouvent à Saint-Laurent-du-Maroni ou à Paramaribo uniquement accessibles par avion ou pirogue. Pour intervenir, nous nous sommes inspirés des stratégies "porte à porte" expérimentées et menées avec succès en Afrique subsaharienne et recommandées par l’OMS. Pour mettre en place cette action, nous avons mené un travail de terrain de plusieurs mois, proposant des rencontres et consultations des autorités coutumières, des services et professionnels de santé côté français et surinamais, des élus, des leaders communautaires, habitants des villages, associations constituées, commerçants et personnes en transit (travailleur-e-s du sexe, orpailleurs). Des temps d’information et d’échanges collectifs autour de la discrimination, les modes de contamination des IST, le droit à la connaissance de son statut sérologique, l’avancée des traitements et la prise en charge, les idées reçues, etc., ont été organisés. Un calendrier d’action régulier dans chaque lieu a été fixé : une venue par mois de quelques jours au départ alliant temps collectifs et proposition de dépistages individuels, puis plus espacée nous permettant d’aller sur d’autres sites. Lorsque nous arrivons, nous nous installons dans un carbet ou un autre espace prêté par la communauté à l’abri des regards pour faire du dépistage en même temps, nous proposons des temps d’échanges et des animations collectives. Quelques militants font le tour du village pour inviter les gens à se joindre à nous. Pour faciliter l’accès à la confirmation, à une première consultation et très souvent l’ouverture des droits sociaux et de séjour, nous avons innové autour d'une nouvelle modalité d’accueil : "l’appartement de passage" à Saint-Laurent-du-Maroni, à proximité du centre hospitalier. Il s’agit de la mise à disposition d’un hébergement temporaire, le temps pour la personne d’effectuer ses démarches en toute quiétude. » 15 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Languedoc-Roussillon, sur les plages avec les HSH et les échangistes Greg, Montpellier « L’été, les équipes déploient leurs forces durant six semaines sur les plages de l’Espiguette, du Grand Travers, de Maguelone, du Cap d’Agde, et du Bocal du Tech. 70 militants se mobilisent pour animer l’action et aller à la rencontre des personnes sur la plage, ("serviettes à serviettes") ou dans des lieux de sociabilité ou de plaisirs (bars, discothèques, saunas), pour échanger sur les prises de risques, la prévention et la sexualité, proposer du dépistage à l’aide des tests à résultats rapides et assurer des points d’accueil et d’information. L’action se construit en concertation avec les militants et les partenaires (Enipse, gérants d’établissements, municipalités, etc.) pour identifier les besoins et les modes opératoires les plus appropriés, en fonction des éléments observés l’année précédente. Ensuite, nous réalisons un inventaire des besoins logistiques (hébergement, outils de prévention et de RDR, véhicules, tentes, et divers petits matériels), nous choisissons les lieux d’intervention et nous définissons les horaires. Un point important est l’obtention de demandes d’autorisation d’occupation de l’espace public (via des arrêtés municipaux) qu’il faut anticiper. Les municipalités facilitent l’organisation logistique (pass pour parking et autorisations d’occupation du domaine public). L’action est également présentée aux services techniques et à la police municipale pour assurer son bon déroulement. Nous organisons la communication à travers la création d’un flyer diffusé en amont des actions dans les lieux de sociabilité HSH et pendant les actions. Dès le mois de juin, un communiqué de presse est aussi envoyé avec le planning d’interventions. Arrivés à ce point, nous lançons un appel aux militants du réseau AIDES car nous avons besoin d’un coup de main mais aussi parce que pour nous, cette action représente un temps de vie fort entre militants. Pour nous assurer que l’action se déroule comme attendu et que chacun y trouve sa place, nous tenons des réunions d’évaluation hebdomadaires avec les équipes. Nous alternons des actions en fin d’après-midi et en soirée pour toucher un maximum de personnes et essayons dans la mesure du possible d’intégrer l’action dans le cœur des villes (places, bars, lieux stratégiques par la présence importante des HSH locaux et/ou estivants). » 16 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE île-de-France, des permanences dans les locaux de AIDES pour l’ensemble des publics prioritaires Josephine, Paris 8 « Les lieux de mobilisation de AIDES proposent des permanences hebdomadaires de santé sexuelle dans ses locaux (PSS) dans lesquelles les personnes accueillies peuvent bénéficier d’un entretien de prévention-réduction des risques avec offre de dépistage ou participer à des temps d’échange collectifs sur des sujets en lien avec la santé sexuelle. Le public est informé lors des actions de terrain à l’extérieur des locaux, au travers des supports de communication, le site internet de AIDES et les réseaux sociaux. Elles sont assurées par, au minimum, un binôme de militants qui garantissent le cadre de l’action. De fait, il s’agit d’accueil sans rendez-vous sur un créneau horaire déterminé. Elles sont généralement ouvertes à l’ensemble des publics prioritaires mais certaines PSS sont réservées par exemple aux HSH ou aux travailleur-e-s du sexe avec une invitation qui se fait le plus souvent à travers les sites communautaires. » VI - LA COMMUNICATION COMMUNAUTAIRE : AU PLUS PRÈS DES PUBLICS CONCERNÉS Le déploiement de ce nouvel outil de dépistage s’accompagne, en conséquence, d’une communication communautaire adaptée. Par principe, la communication communautaire se construit autour de la déclinaison d’un même message auprès de cibles distinctes. Il a cette particularité, à l’image de la démarche communautaire de AIDES, d’être réalisé par les publics concernés. Son efficacité s’évalue par sa capacité à toucher des populations spécifiques en facilitant l’identification. Trois grandes campagnes de communication ont accompagné le déploiement du Trod en ciblant quatre publics prioritaires de AIDES : les gays, les CPP, les femmes et les migrants. L’objectif principal réside dans la banalisation du dépistage et son intégration dans la vie quotidienne. Dès 2011, des affiches et des flyers « Juste un doigt pour se faire dépister » en partenariat avec l’Enipse (Sneg) et le Raac-Sida et traduits en plusieurs langues, ont accompagné les intervenants de AIDES pour présenter leur action et mobiliser les communautés autour du dépistage. 17 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE VII - LE PARTENARIAT : AGIR ENSEMBLE POUR ÊTRE PLUS EFFICACE Dès 2012, la campagne d’affichage « Rapide et sans douleur » s’est immiscée dans les lieux de vie des communautés : sauna, foyers, commerces, etc. Quatre visuels reprennent un message simple qui désamorce les freins éventuels liés au dépistage, et mettent en situation des individus dans un contexte particulier connu des publics cibles. Cette campagne est relancée en 2014 avec le soutien de l’Enipse et du Raac-Sida. Afin de coller au mieux aux besoins, et d’apporter une complémentarité à ce qui existe déjà, le développement d’actions en partenariat avec d’autres structures apparaît comme un élément essentiel. Nous voyons dans les partenariats, qu’ils soient en développement ou déjà mis en œuvre, un outil supplémentaire pour rejoindre des personnes qui ne passent pas spontanément la porte des locaux de AIDES. D’autres bénéfices, soulignés dans les témoignages suivants, sont aussi observés comme la mutualisation de moyens, l’amélioration de nos pratiques et la reconnaissance des publics accueillis dans les différents lieux. Yann, Responsable du Sun City Paris En 2013, la troupe des Pagneuses lance sur la toile une série de quatre spots réalisés pour et par la communauté africaine dans lesquels sida, sexualité et dépistage sont abordés avec humour. Les réseaux sociaux de AIDES participent grandement au déploiement du Trod. Sur les 25 pages Facebook actives (profil national et pages régionales), un post par semaine est consacré au dépistage. Ces communications relèvent pour la plupart de la créativité des militant-e-s. D’autres initiatives sont prises par les territoires d’actions. En Aquitaine par exemple, une campagne d’affichage a été réalisée avec les partenaires communautaires locaux. Une des principales motivations était de valoriser le travail de partenariat mené, l’implication des gérants d’établissements ou d'autres leaders communautaires pour un accès au dépistage dans leur communauté. En parallèle de ces actions, des outils grand public viennent confirmer la notoriété du Trod comme le spot web woody diffusé sur petit écran, le spot TV « Aux armes…contre le sida » et un site web dédié (www.depistage.aides. org). Celui-ci fournit des informations sur le dépistage, les horaires des permanences et les actions de AIDES ou des autres structures de dépistage. 18 « Accepter le Trod dans mon établissement est une évidence. Je pense que c’est absolument nécessaire, voire indispensable qu’un tel dispositif de prévention soit présent dans un lieu de sexe. Et quand j’ai vu les chiffres sur les résultats positifs au Trod, je me dis que son intérêt tombe sous le sens. Il n’y a aucun problème avec les clients pour faire venir une équipe de AIDES pour des permanences de dépistage rapide. Les gens sont pour ! C’est loin de gêner les clients, au contraire. Depuis six-huit mois, je reçois des appels pour demander les dates exactes des permanences pour que les mecs puissent venir et pouvoir bénéficier du Trod. Je n’ai pour l’instant eu aucun écho négatif à propos de cela. Les militants sont super sympas et respectent parfaitement les lieux. D’un point de vue personnel, je soutiens et je soutiendrai toujours la présence de prévention comme le dépistage, mais aussi l’information sur la santé sexuelle, dans les lieux de consommation de sexe. » Papy, Président de l’association Espoir dans le 91 « Notre travail en partenariat avec AIDES reste le même car le projet Trod d'Espoir a été conçu en partenariat avec AIDES 91. Aujourd'hui comme avant le Trod, là où nous sommes bloqués, nous demandons des conseils à la délégation 91. Le Trod nous a permis d'approfondir notre travail de prévention en l’adaptant selon les personnes ainsi que l'orientation. Par ailleurs, le Trod nous a apporté un partenariat avec des structures d'accompagnement aux personnes en difficulté. Ceci nous rassure d'avoir un partenaire qui peut prendre en charge une personne pour l'hébergement et autres problèmes sociaux .» 19 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Ouro, Chargé de projet Réduction des risques sexuels (RDRS) à AIDES Nice « À Nice, les questions d’accompagnement social des personnes en situation de prostitution sont portées par l’association ALC-Les Lucioles, partenaire de AIDES depuis de nombreuses années dans la revendication de leurs droits. L’introduction de l’offre de dépistage dans nos actions nous a donné l’opportunité d’une nouvelle forme de partenariat, en intégrant le dépistage communautaire aux actions des Lucioles, dans leurs locaux ainsi qu’en maraude, permettant ainsi d’aborder avec les travailleuses du sexe, les questions de RDRS et de santé globale et sexuelle. Cette offre a répondu aux besoins des travailleuses du sexe qui nous ont identifiées. Elles ont fait la démarche de réaliser un test de dépistage lors de nos interventions et en ont assuré la promotion auprès de leurs collègues. La demande se faisant plus importante, nous avons maintenu une permanence une fois par mois dans les locaux des Lucioles, mais nous avons amplifié nos actions de rues en tournant maintenant seuls deux fois par mois sur Nice et une fois par mois sur Cannes. C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE Depuis 2012, une convention a permis à nos organisations de travailler ensemble et d'unir nos forces. Forte de son expérience dans le champ du dépistage rapide, AIDES a formé une quinzaine de délégué-e-s de l’Enipse leur offrant la possibilité d’intervenir aux côtés de AIDES sur toutes ses actions de prévention avec une offre de dépistage auprès des HSH et du public échangiste. L’Enipse a, quant à lui, une force de médiation indispensable permettant l’accès aux établissements susceptibles d’accueillir ce type d’action. Enfin, à la satisfaction des établissements et de la clientèle, nos associations ont travaillé de concert pour informer et inciter les gays à se saisir de ce nouvel outil au service de la santé communautaire. Aujourd’hui ce sont plus de 200 établissements gay ou échangistes qui soutiennent l’offre de dépistage et la mise en place d’actions de santé sexuelle. Les délégué-e-s de l’Enipse ont réalisé plus de 1 200 dépistages au sein de AIDES et ont également développé et fortement contribué au succès d’actions avec d’autres partenaires (ex : Flash Test). Ensemble, et avec d’autres associations, continuons à tirer le meilleur profit du dépistage rapide démédicalisé, à militer afin de mettre à disposition l’ensemble des nouveaux outils de prévention essentiel à une meilleure santé sexuelle chez les LGBT ! Le partenariat avec les associations du Raac-Sida Nous rencontrons essentiellement des personnes migrantes, originaires de l’Europe de l’Est et d’Afrique, ainsi que des personnes transgenres originaires pour la majorité d’entre elles d’Amérique latine. La mise en place de l’offre en santé sexuelle nous permet d’orienter les personnes vers le médecin gynécologue intervenant dans nos locaux une fois par mois et nous espérons prochainement proposer sa présence sur notre unité mobile lors de nos tournées de rue. » >> Les partenariats nationaux L’Enipse, partenaire historique de AIDES Depuis sa création, l’Enipse (ex : Syndicat national des entreprises gay) diffuse dans l’ensemble des établissements gays des préservatifs, gels, documents de prévention et a créé une multitude de campagnes de prévention. AIDES et l’Enipse sont des partenaires historiques dans la lutte contre le sida et la défense des droits des communautés LGBT. L’arrivée du dépistage rapide démédicalisé a relancé dès 2011 une nouvelle dynamique dans cette collaboration et dans la prévention du VIH. 20 Dans le cadre du partenariat avec les associations afro-caribéennes réunies au sein du collectif Raac-Sida, AIDES a mis en place une formation spécifique réservée aux acteurs des associations partenaires afin de partager l’outil Trod, permettant de démultiplier les actions de dépistage en direction des populations africaines et caribéennes surtout les plus éloignées des centres-villes et des systèmes de santé. Six associations au total ont participé à ces formations : Alcos, Marie Madeleine, Bamesso et ses amis, Espoir et Vie Enfance Espoir et Les Pagneuses. Seules deux associations au sein du Raac-Sida disposaient de l’agrément de l’ARS et des ressources financières et humaines suffisantes. Ainsi, et afin de permettre aux autres associations d’agir, AIDES a proposé une convention tripartite engageant la personne habilitée, la structure et AIDES. Sur le terrain, plusieurs modes d’intervention sont recensés allant de la concertation pour agir en complémentarité à la réalisation d’actions conjointes. Ce type d’actions est souvent organisé à la sortie des gares de grandes villes de banlieue telle la gare de Saint-Denis, les festivals, ou encore lors des actions du type « Semaine Flash Test ». La démarche est plutôt bien accueillie dans les communautés africaines et caribéennes : l’action de proximité avec un dépistage proposé marque un tournant dans la relation de confiance avec le public. 21 C DANS AIDES >> LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE VIII - L’INTÉGRATION DES NOUVEAUX OUTILS : ÉLARGIR NOTRE OFFRE POUR MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS L’expérience du dépistage communautaire nous a permis d’asseoir des bases et construire des repères pour l’intégration de nouveaux outils de prévention pour réduire l’épidémie du VIH, les hépatites et les IST. Les Trod VHC, VHB, IST et les autotests viendront compléter l’offre existante. Ceux-ci permettront aux personnes d’augmenter leur autonomie vis-à-vis du dépistage et de réaliser leurs propres choix en fonction des besoins, des pratiques et des modes de vie. Ils contribueront à la banalisation du dépistage dans l’idée de faire de celui-ci un acte régulier pour ceux qui, en raison de leurs expositions au risque du VIH, des hépatites et des IST, en ont le plus besoin. Pr Yazdan Yazdanpanah, Praticien et co-chercheur sur Comtest : « Cinq ans après, le dépistage communautaire est rentré dans les mœurs. Ce n’est pas la stratégie principale du dépistage, qui reste le médecin de ville. En lui-même, il ne suffit pas, mais c’est un nouveau moyen de tendre vers plus de prévention. Et le Trod a été la porte d’entrée vers les autotests du VIH. On ne pouvait pas passer des laboratoires aux autotests. Il fallait le Trod. C’est grâce aux Trod que l’on a pu montrer que cela était faisable. Un outil en plus, complémentaire des autres déjà existants. Et on ne peut pas opposer ces deux moyens de prévention. Ils ne s’adressent pas aux mêmes personnes. Quand les Trod permettent d’aller vers, d’atteindre ceux qui jusque-là n’avait pas recours au dépistage, les autotests seront pour ceux qui se dépistent souvent. Comme lors de l’arrivée du dépistage communautaire, il faut arrêter de s’inquiéter quant au suivi des personnes nouvellement dépistées séropositives. Sans banaliser l’annonce, ne plus avoir peur de la réaction des gens. Grâce au Trod, on n’a pu montrer que le VIH était une maladie comme les autres et qu’elle n’était pas un obstacle vers le soin par la suite. » Le dépistage communautaire nous a permis de constater d’autres besoins en santé qui ne trouvent pas, à ce jour, de réponses dans une simple offre de dépistage ou dans les ressources communautaires existantes. Des besoins d’ordre médical (dépistage des IST, vaccination contre l’hépatite B, contraception, etc.) mais aussi d’ordre psychosocial (troubles de la sexualité, violences liées au genre, etc.). Aujourd’hui, nous nous mobilisons dans la construction d’une réponse plus adaptée qui va au-delà de la simple orientation : une réponse plus globale, de santé sexuelle dans laquelle nous pourrons inscrire ces nouveaux outils. 22 LE DÉPISTAGE COMMUNAUTAIRE AIDES milite depuis toujours en faveur de la réduction des risques et de la santé sexuelle. Sa bataille pour un dépistage adapté mène à l’inscription d’un programme de santé communautaire dans une politique de santé publique : le dépistage communautaire, réalisé par et pour les communautés les plus exposées au VIH. Ce nouvel opus de la collection « C dans AIDES » retrace le parcours de cette nouvelle approche. À travers les témoignages des acteurs de terrain et des partenaires, ce document offre un panorama des démarches et méthodes d’intervention que propose AIDES pour lutter efficacement contre le sida et les hépatites : diversifier ses lieux d’intervention et ses partenariats, former et informer les publics concernés pour être au plus près des personnes qui en ont besoin. Un travail de longue haleine qui ouvrent le chemin à d’autres outils de prévention contre le VHC, VHB et autres IST dans un seul et unique but, celui de proposer une offre de santé la plus accessible possible et augmenter l’autonomie des personnes dans leur choix en fonction de leurs besoins, de leurs pratiques et de leurs modes de vie. C DANS AIDES