Développement de l`oralité chez le nouveau-né prématuré

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Développement de l`oralité chez le nouveau-né prématuré
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Développementdel'oralitéchezlenouveau-né
prématuré
ARTICLEinARCHIVESDEPÉDIATRIE·JANUARY2007
ImpactFactor:0.41·DOI:10.1016/S0929-693X(07)80009-1
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ChantalLau
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Archives de pédiatrie 14 (2007) S35-S41
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C. Lau / Archives de pédiatrie 14 (2007) S35-S41
Développement de l’oralité chez le nouveau-né prématuré
Development of oral feeding skills in the preterm infant
C. Lau
Department of pediatric sand neonatology, Baylor College of Medicine, One Baylor Plaza, MC 06104, Houston TX 77030, États-Unis
Résumé
Un grand nombre de prématurés ont des difficultés pour passer de l’alimentation par voie entérale à celle par voie orale. Ceci retarde leur
retour à domicile ainsi que le rapprochement mère-enfant. Ainsi, une compréhension du développement des attributs infantiles nécessaires
pour l’oralité est essentielle. Il est bien reconnu à présent qu’une succion mature, définie par l’alternance rythmique des composants succion
et expression, n’est pas une condition suffisante pour une oralité sans risque. En effet, une coordination adéquate de la succion, déglutition,
et respiration en serait la condition requise si l’on veut que l’enfant se nourrisse par voie orale sans épisodes de désaturation, apnée,
bradycardie et/ou fausse route. Des études ont montré que certaines interventions pouvaient accélérer la progression de l’oralité chez le
prématuré. Il reste à déterminer si ces bénéfices peuvent être généralisés.
© 2007 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Preterm infants cannot readily transition from tube to oral feeding. Such difficulty often delays their discharge from the hospital and
mother-infant reunion. Therefore, understanding the development of the necessary skills preterm infants need to acquire for safe and
successful oral feeding is essential. It is now recognized that a mature sucking pattern consisting of the rhythmic alternation of suction and
expression is not sufficient for an infant to feed by mouth safely. Rather, an adequate coordination of sucking, swallowing, and respiration
appear to be crucial if the infant is to feed with no episodes of desaturation, apnea, bradycardia, and/or aspiration. Studies have shown the
benefits of some interventions in facilitating oral feeding in the preterm infant. However, it remains to be determined whether these effects
can be generalized.
© 2007 Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Succion ; Déglutition ; Nouveau-né ; Prématuré.
Durant les 20 dernières années, la survie des prématurés
a continué de croître [1-4]. Les difficultés que ces enfants
ont pour passer de l’alimentation entérale (par sonde naso ou
orogastrique) à l’alimentation par voie orale retarde souvent
leur retour à domicile et le rapprochement mère-nouveau né,
ce dernier aspect étant primordial pour la sauvegarde de
l’intégrité de la dyade mère-enfant [5,6]. Un nombre important de ces enfants maintiennent des difficultés d’oralité à
long terme [7]. Il est essentiel donc d’obtenir une compréhension du développement des attributs infantiles nécessaires pour l’oralité afin d’aider ces jeunes patients à se nourrir
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Lau).
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
avec succès et sans risque au sein/biberon aussi bien à court
qu’à long terme. En général, succès est défini par la compétence du nourrisson prématuré à finir une tétée dans un
temps défini (exemple : 20 minutes). La notion de « sans
risque » ou sécurité est définie par l’absence d’épisodes de
désaturation, d’apnée, de bradycardie, et/ou de fausses routes. Succès et sécurité dictent l’avancement du nombre quotidien de tétées offertes aux prématurés.
L’alimentation par voie orale nécessite une coordination
adéquate de la séquence succion (S), déglutition (D), et respiration (R). Cette coordination est caractérisée par une synchronisation rythmique de ces trois fonctions. Si celle-ci est
présente chez les enfants nés à terme qui dès leur naissance
peuvent se nourrir au sein/biberon, la situation est bien dif-
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férente pour les enfants nés prématurés ou avec diverses
complications médicales.
2. Développement des fonctions oromotrices
Cet article porte spécialement sur le développement de la
séquence S-D-R et leur coordination durant la tétée chez le
prématuré. Une grande partie de la recherche dans ce
domaine est basée sur des études conduites avec l’usage du
biberon. Cette approche ne doit pas être interprétée comme
une préférence pour l’usage du biberon au détriment du sein,
mais principalement comme un choix des chercheurs en
raison de la plus grande facilité et objectivité des études
conduites en l’absence du facteur maternel. En effet, ce
dernier contrôle la quantité de lait ingérée par le nouveau-né
de par sa production et éjection de lait [8].
La succion, déglutition, et respiration apparaissent chez
le fœtus à des périodes gestationnelles différentes : vers la
15-18e semaine pour la succion, la 12-13e semaine pour la
déglutition et la 10 e semaine pour la respiration [14-16]. Il
est probable que leur apparition durant les premiers temps
de la gestation et leur développement durant la grossesse ne
jouent pas un rôle physiologique significatif chez le fœtus,
mais les préparent pour leur rôle postnatal. Nous avons déjà
mentionné que ceux qui naissent à terme peuvent coordonner la S-D-R dès leur première tétée. Mais en cas de prématurité, le degré de coordination de ces trois fonctions est
incertain.
2.1. Succion
1. Compétence du nourrisson à se nourrir par voie orale
Il y a peu de marqueurs spécifiques permettant de déterminer et d’apprécier la compétence d’un prématuré à se
nourrir par voie orale. L’introduction au sein/biberon se fait
de coutume vers 33-34 semaines post-conceptionnelles (pc)
à un âge où le pattern de la succion commence à ressembler
à celui du nouveau-né terme [9], une succion mature étant
caractérisée par l’alternance rythmique des composants succion et expression (Fig. 1). Il est important de réaliser que le
succès d’une tétée orale sans risque ne dépend pas uniquement d’une succion et d’une coordination S-D-R adéquate,
mais aussi d’autres facteurs, tels le comportement du nourrisson, l’environnement du service hospitalier (lumière,
bruit environnant), et la méthode par laquelle le lait est offert
à l’enfant [10]. Cette dernière réalisation a introduit dans un
nombre croissant de services de néonatologie des programmes de soins de développement incluant, par exemple, le
programme néonatal individualisé d'évaluation et de soins
de développement (NIDCAP), plus de stimulations sensorielles, et/ou la pratique de la méthode « kangourou » [1013].
On différencie la succion nutritive, lors de l’ingestion de
lait, et la succion non-nutritive, sans ingestion de liquide
(exemple : sucette)
2.1.1. Succion nutritive (SN)
La SN mature est constituée de deux composants, la succion même et l’expression. Le composant succion provient
de la pression intra-orale négative qui tire le lait du biberon
ou du mamelon et le composant expression, correspond à la
pression positive produite par la compression ou « stripping
» du mamelon/tétine entre la langue et le palais pour l’éjection de lait [17-19]. Nous avons caractérisé le développement de la succion en 5 stades (Fig. 2) [20]. La succion
débute avec l’émergence arythmique de l’expression et en
l’absence du composant succion (stade 1). Au stade 2,
l’expression devient rythmique et un composant succion
arythmique apparaît. Ce dernier acquiert une rythmicité au
stade 3. Aux stades 4 et 5, l’alternance rythmique succion/
expression est mature et devient plus stable avec une amplitude croissante de la succion (Fig. 1, 2). Il est important de
réaliser qu’une succion mature n’est pas nécessaire pour le
Fig. 1. Fréquence (%) des interfaces déglutition-respiration chez le nouveau-né prématuré et terme [20].
* Wilcoxon Sign Rank test, p ? 0,05 vs DA
# 1-2 tétées/jour: 34,0 ? 1,2 sem pc
6-8 tétées/jour: 36,7 ? 1,8 sem pc
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Fig. 2. Tracés simultanés de la succion, expression, déglutition, et respiration chez un nouveau-né terme à huit jours – succion mature caractérisée par
une alternance rythmique des composants succion et expression.
succès d’une tétée, l’usage de l’expression seule permettant
à l’enfant d’ingérer le volume prescrit sans difficulté [21].
Nous avons remarqué que les nourrissons peuvent passer
d’un pattern immature composé d’expression seule à un pattern mature constitué de l’alternance des composants succion et expression. Il est probable que la sélection d’un
pattern spécifique de succion dépendrait du flux de lait que
l’enfant peut manier à un moment particulier de son développement (Fig. 3) [22]
2.1.2. Succion non-nutritive (SNN)
La SNN offre certains avantages qui ne sont pas impliqués directement dans l’oralité. Par exemple, elle favorise le
gain pondéral [23,24], produit un effet analgésique, réduit le
stress [25,26], stabilise le comportement de l’enfant et accélère la progression de la nutrition par voie orale [27,28]. Elle
stimule la motilité gastro-intestinale [29], mais non la sécrétion des hormones gastro-intestinales comme la gastrine, la
motiline, l’insuline, l’insulin-like growth factor 1 [IGF-1],
cholecystokinine [CCK] [30,31]. Cependant, selon une
méta-analyse publiée par le Cochrane Database, tous ces
bénéfices ne sembleraient pas généralisables bien qu’aucun
effet néfaste ne fut rapporté. Les limitations présentées par
ces études sont dues principalement à leur nombre limité et
à celui des sujets recrutés, à la diversité des protocoles utilisés et des paramètres mesurés. En outre, des études supplémentaires seront nécessaires pour vérifier les effets
bénéfiques de la SNN à long terme [32]. La maturité de la
SNN a été proposée comme un bon marqueur de l’aptitude
des nourrissons à se nourrir par voie orale. Mais ceci ne semble pas être un indicateur fiable de leur compétence. En
effet, nous avons observé que la SNN mûrit (alternance rythmique succion/expression) bien avant la SN [33]. La figure
4 représente le tracé d’un prématuré (30 semaines gestation,
43 jours) prenant quatre tétées par jour qui démontre une
SNN mature (stade 5) mais une SN immature (stade 2). En
l’absence de la déglutition durant la SNN, il est probable que
la succion et respiration fonctionnent indépendamment
l’une de l’autre. Cependant, avec la SN, la respiration
devient obligatoirement dépendante de la fréquence de
déglutition (Fig. 5). Ainsi la SNN semblerait être un bon
Fig. 3 a et b. Cinq stades dans le développement de la succion nutritive chez
le prématuré.
marqueur du niveau de maturation de la succion même, mais
ne serait pas prédictive de la coordination S-D-R, une condition nécessaire pour l’oralité sans risque.
2.2. Déglutition
Avec la maturation, la déglutition devient plus malléable.
Le nourrisson peut s’adapter à des bolus de volume plus
important et/ou varié [34]. La fréquence de déglutition de
même que la pression intra bolus augmentent [35,36]. Cette
dernière définit la force exercée par la langue dans la propulsion du bolus vers la paroi postérieure du pharynx pour susciter le réflexe de la déglutition [36].
Une tétée est sans risque si la déglutition s’effectue lorsque le larynx est occlus par l’épiglotte afin d’empêcher la
pénétration/fausse route de liquide dans les poumons. Ceci
nécessite non seulement la fermeture de l’épiglotte à un
moment opportun, mais aussi celle de l’aryépiglotte et des
cordes vocales. Une aspiration peut se produire avant la
déglutition lorsque la formation du bolus est retardée et le
passage vers le larynx est ouvert, durant la déglutition quand
la fermeture du passage pharynx-larynx est retardée, et après
la déglutition lorsque le liquide résiduel autour des vallecu-
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Fig. 4. Tracés simultanés de la succion, expression, déglutition, et respiration chez un prématuré (27 semaines de gestation) à 59 jours démontrant
que l’enfant peut passer aisément d’une succion immature (expression
seule) à mature (alternance succion/expression).
lae et des sinus piriformes pénètre dans le larynx à l’ouverture de l’épiglotte [3].
2.3. Respiration
Dès leur naissance, les prématurés présentent souvent des
problèmes pulmonaires de gravités diverses, allant de
besoins variés d’oxygène supplémentaire au syndrome de
détresse respiratoire et à la dysplasie broncho-pulmonaire.
Cependant, en général, ces conditions s’améliorent. La fréquence respiratoire des prématurés est de 40 à 60 cycles/min
ou de 1,5 à 1 cycles/s. La durée d’une déglutition varie entre
0,35 à 0,7 s [38]. Dans le cas extrême où un enfant respire à
60 cycles/min avec une durée de déglutition de 0,7 s, il ne
reste que 0,3 s pour le cycle respiratoire (inspiration/expiration). Avec un temps si limité pour la respiration, il est évident que la nutrition par voie orale n’est pas recommandée,
risquant d’aboutir à des épisodes de dyspnée et d’étouffement éventuellement liés à la pénétration de lait dans les
poumons.
Fig. 5. Tracé de la succion-expression d’un prématuré (30 semaines de gestation) à 43 jours prenant 4 tétées par jour. Succion non-nutritive de stage
mature (sucette) pendant 2 min (a) suivie de suite d’une succion nutritive
de stage immature au biberon (b).
supposée atteinte si le nourrisson ne démontre aucun épisode de désaturation, bradycardie, et/ou apnée durant une
tétée. Cependant le risque d’une aspiration/fausse route
silencieuse ne peut être détecté sans une étude de la déglutition par vidéofluoroscopie. Si cette dernière condition n’est
pas identifiée rapidement, une pneumonie vraisemblablement s’ensuivrait. Nous avons proposé récemment une nouvelle définition de la coordination S-D-R ; notamment un
rapport S-D constant (exemple : 1-1, 2-1, etc.) et une interface D-R avec minimum de risque [35].
2.4.1. Rapport succion-déglutition (S-D)
Nous avons observé qu’un rapport S-D de 1-1 est déjà
acquis quand des prématurés de < 30 semaines de gestation
sont initiés au biberon vers 33-34 semaines pc (Tableau 1).
Il semble donc que la première étape dans la coordination SD-R serait déjà mature vers cette époque. Cependant, les fré-
2.4. Coordination de la succion-déglutition-respiration
(S-D-R)
Le but principal de la coordination S-D-R est de minimiser la pénétration/fausse route de liquide dans le larynx et
d’optimiser les échanges gazeux d’oxygène et de dioxyde de
carbone. Ceci peut être accompli en allouant suffisamment
de temps pour un cycle respiratoire approprié. Bien que
l’importance de la coordination S-D-R soit bien reconnue,
les études menées jusqu'à présent ont été principalement
descriptives se focalisant sur les éléments anatomiques tels
les muscles péri-oraux et la langue impliqués dans la succion et la déglutition [38-40]. En général, la S-D-R est présumée coordonnée lorsque le rapport S-D-R est à 1-1-1 ou
2-2-1 [39,41]. Au niveau clinique, cette coordination est
Fig. 5. Schéma représentant les interactions des fonctions succion, déglutition, et respiration durant la succion non-nutritive et nutritive.
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Tableau 1
Rapport et fréquence succion-déglutition [20]
Succion
(#/min)
Déglutition
(#/min)
45 ± 10
41 ± 11
Prématuré
51 ± 18
(36,7 ± 1,8 sem pc; 6-8 tétées/j)
49 ± 16
Terme (< 2 sem, ad lib)
62 ± 12
56 ± 18
Terme (> 2 sem, ad lib)
57 ± 13
55 ± 13
Prématuré (combiné)
48 ± 14*
45 ± 14*
Terme (combiné)
59 ± 12
55 ± 15
Prématuré
(34 ± 1,2 sem pc; 1-2 tétées/j)
Fig. 7. Interfaces déglutition-respiration. La déglutition pouvant se produire
durant les différentes phases du cycle respiratoire.
*T-test independant : p < 0,01 vs terme (combiné)
quences succion et déglutition ne sont pas encore au niveau
de celles des enfants termes.
2.4.2. Interface déglutition-respiration (D-R)
Durant une tétée, la fonction pulmonaire peut être menacée par trois différentes interactions entre la déglutition et
respiration :
• une diminution de la ventilation minute et de la durée
de la phase inspiratoire suivie d’une prolongation de la
phase expiratoire, toutes dues à l’arrêt respiratoire
causé par l’avalement régulier des bolus [42-44] ;
• un prolongement de la durée de déglutition et/ou une
augmentation de sa fréquence ;
• l’interface D-R, i.e., la phase respiratoire durant
laquelle la déglutition a lieu. En effet, cette dernière
peut se produire durant l’inspiration, l’expiration, la fin
d’inspiration/début d’expiration, la fin d’expiration/
début d’inspiration, et l’apnée de déglutition (Fig. 6).
Nous avons observé chez des prématurés de < 30 semaines de gestation, que la déglutition se passe préférentiellement durant l’apnée de déglutition et l’inspiration, deux
phases respiratoires où, respectivement, le risque de désaturation/apnée et de fausse route est plus élevé. Avec la maturation, l’interface D-R se produit plus souvent durant la fin
de l’expiration et la fin de l’inspiration, des phases moins
critiques du cycle respiratoire (Figure 1) [35,45,46].
Tableau 2
Introduction précoce de l’oralité [47]
Groupe
Contrôle
Expérimental
p#
Introduction de l’oralité
33,7 ± 0,9*,§
31,1 ± 1,3
< 0,001
8 tétées/j
36,0 ± 1,5
34,5 ± 1,6
< 0,05
#
T-test independant
moyenne ± SD
*semaines postconceptionnelles (pc)
§
Tableau 3
Effets d’une stimulation orale non-nutritive [48,49]
Groupe
Contrôle
Experimental
p#
Nombre de jours : introduction
à oralité complète
18 ± 7§
11 ± 4
0,005
1-2 tétées/j
-27,6 ±
21,4*
-25,4 ± 22,3
0,780
6-8 tétées/j
-37,5 ±
27,7
-38,9 ± 25,2
0,880
Amplitude du composant s
uccion (mmHg)
Amplitude du composant expression (mmHg)
1-2 tétées/j
7,9 ± 9,0
6-8 tétées/j
10,6 ± 14,0 12,4 ± 8,8
32,9 ± 36,6
0,020
0,680
#
T-test independant
moyenne ± SD
*semaines postconceptionnelles (pc)
§
3. Est-il possible d’accélérer la progression de l’oralité
chez le prématuré ?
Nous avons mentionné auparavant que la succion, déglutition, et respiration apparaissent durant la première moitié
de la gestation et que le moment où ces trois fonctions peuvent être coordonnées en cas de prématurité est incertain.
Durant ces dernières années, dans le but de déterminer si la
progression de l’oralité chez ces enfants pouvait être avancée, nous avons évalué l’effet de deux interventions sur la
rapidité par laquelle nos sujets pouvaient transiter de l’alimentation par voie entérale (sonde naso/orogastrique) à
celle par voie orale.
3.1. Introduction précoce de l’oralité
Dans l’étude de Simpson et al [47] conduite chez des
sujets de moins de 30 semaines de gestation, l’oralité fut
introduite 48 heures après qu’ils aient toléré entièrement par
voie entérale la nutrition requise (120 kcal/kg/j). La progression de l’oralité fut imposée selon un régime quotidien de 1,
2, 3, 4, 6, et 8 tétées ; l’avancement ne se produisant que
lorsque le nourrisson complétait toutes les tétées du jour précédent. Le tableau 2 montre que par rapport au groupe contrôle qui ne fut initié à l’oralité qu’entre 33-34 semaines
postconceptionnelles, le groupe expérimental fut introduit à
l’oralité vers la 31e semaine et put se nourrir entièrement par
voie orale 1 semaine plus tard. Cette étude ne doit pas être
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interprétée comme une recommandation par laquelle les
enfants nés avant la 30e semaine de gestation devraient être
introduits à l’oralité vers cet âge. Mais principalement que,
chez ceux qui sont médicalement stables, le développement
des fonctions oromotrices est suffisamment mature pour que
l’enfant soit initié à l’oralité.
Références
[1]
[2]
[3]
3.2. Intervention préventive d’une stimulation non-nutritive
orale
[4]
Dans une seconde étude, nous avons observé que la présentation d’une stimulation orale non-nutritive de 15 minutes par jour pendant 10 jours consécutifs, introduite 48
heures après cessation de la ventilation assistée (CPAP
nasale) et avant l’introduction de l’oralité, a accéléré d’une
semaine la période requise par des prématurés (semblables à
ceux de l’étude précédente) pour passer de l’alimentation
entérale à l’alimentation orale [48,49]. Cette intervention
renforça la force du composant expression, mais pas celui de
la succion (Tableau 3). Bien que nous n’ayons pas pris de
mesures directes de la coordination S-D-R, le fait que les
enfants ayant reçu ces interventions ont pu transiter plus
rapidement vers l’oralité que leurs partenaires contrôles suggère que la maturation de leur coordination S-D-R était plus
avancée. De ces deux études, nous proposons que l’acquisition d’un certain niveau de dextérité pour l’oralité peut être
facilitée ou avancée par l’administration d’interventions
visant l’entraînement de fonctions liées aux structures oromotrices impliquées dans la succion, déglutition, et respiration.
[5]
[6]
[7]
[8]
[9]
[10]
[11]
[12]
[13]
[14]
[15]
[16]
[17]
4. Conclusion
[18]
Cet article est une revue des connaissances accumulées
pendant les 20 dernières années sur le développement des
fonctions nécessaires pour l’oralité chez le prématuré. Il est
reconnu maintenant qu’une succion mature, avec une alternance rythmique des composants succion et expression,
n’est plus la seule condition requise pour qu’un enfant
puisse se nourrir par voie orale sans risque. Au contraire,
l’usage d’une succion immature, avec expression seule, peut
permettre à un prématuré de compléter une tétée sans difficulté. Il semble donc que la condition requise pour l’oralité
serait une coordination adéquate de la S-D-R permettant à
chacune de ces fonctions de ne pas interférer l’une avec
l’autre afin de minimiser les risques de fausse route, désaturation, bradycardie, et/ou apnée. Nous devons aussi nous
rappeler qu’une telle performance peut être optimisée si
considération est portée à l’environnement hospitalier aussi
bien qu’au comportement du jeune patient. De nos études
récentes, nous proposons qu’une coordination adéquate de
la S-D-R peut être accélérée par des interventions se focalisant sur le développement non seulement de la succion,
déglutition, et respiration, mais aussi de la synchronisation
de l’interaction S-D-R.
[19]
[20]
[21]
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