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Couverture45_Mise en page 1 29/11/10 13:06 Page1 jésus n° 45 Le Courrier de JONAS « pas sûr qu’il ait tout compris » ! Supplément à la revue « Jésus » n° 144 de décembre 2010 ISSN 2107-5700 - Commission paritaire n° 0110 G 79431 - Le gérant Michel Pinchon Couverture45_Mise en page 1 29/11/10 13:06 Page2 Sommaire Page EDITORIAL L’horizon fraternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 ACTUALITÉS ► Roms, un des objets de notre dissentiment ? Connaissez-vous les campements de roms ? . . . 4 Propositions de l’ANGVC (Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques) ► A propos du projet de Loi « immigration, intégration et nationalité » (Loi Besson) Déclaration de la commission pour la mission universelle de l’Eglise . . . . . . 6 Communiqué du Conseil d’Eglises Chrétiennes en France. . . . . . . . . . . . . . . 7 ► La Conférence des Baptisé(e)s vue par Jean Rigal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 ► Le peuple de Dieu a faim (Paul Falala) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 ► Message d’espérance Parvis-Lyon 12 novembre 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 ► Des pauvres lisent la Bible (Jean-Louis RATTIER) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 FRATERNITÉ Fraternité, ou la révolution reste à faire. (G. Adler) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 La fraternité, une lutte avec, une lutte contre (G. Lacroix) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 La fraternité au sens propre … (B. Bossard. La Nouvelle République) . . . . . . . . . 14 Le malheur et la fraternité (M. Pinchon) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Tous également frères. (Bloch-Lemoine, CELEM - Chrétiens et libres en Morbihan) . . . . . 17 Allez jeunesse (M. Leroux) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Quand Charles de Foucauld parle de la fraternité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 COUPLES SANS HISTOIRE(S) ► Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir (Jonas-Lyon) . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Le témoignage de Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Idéalisme moral et éthique de la responsabilité (B-M. Duffé) . . . . . . . . . . . . 23 Un message à l’Église catholique de France envoyé aux évêques . . . . . . . . . 25 ► Regards de croyants sur la sexualité du couple (Texte de Jonas-Aveyron). . . . . . . . 27 DU COTÉ DES LIVRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 COLLECTIF NATIONAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page3 éditorial L’horizon « Fraternité » En quel état d’esprit Jonas aborde-t-il Ninive ? Son étrange réaction, une fois sa mission accomplie, donne à penser qu’il gardait dans un coin de la tête que jamais de la vie Ninive ne serait détruite. Et effectivement la catastrophe n’a pas lieu, les habitants s’étant ressaisis à temps. Pour une fois une histoire qui finit bien… Enfin sauf pour notre héraut, qui s’isole et déprime. Il est mort de honte, ce sentiment-poison qui vient de la représentation qu’on se fait des autres : que les Ninivites puissent, plutôt que de se moquer de lui, lui être reconnaissants de l’avertissement salutaire qu’il a proféré, l’idée ne l’effleure même pas ! Qu’ils puissent reconnaître en lui un étranger qui s’est comporté en frère, cela dépasse son entendement ! Probablement parce qu’il ne les a pas abordés en frère… Ainsi va la fraternité entre les hommes, « horizon à construire » (« Fraternité, ou la Révolution reste à faire »). Et lorsque cet horizon fraternité semble s’éloigner, crier – de colère cette fois – est-il inconvenant ? à chacun de se faire son opinion (« Le peuple de Dieu a faim »). Mais, heureusement, la fraternité donne déjà, ici et maintenant, à se goûter : dans les nouvelles locales (« La fraternité au sens propre » et « Allez jeunesse ») et peut-être plus encore dans les choses lourdes à porter (« Le malheur et la fraternité »). Lorsque nous avons décidé de nous intéresser à la fraternité, nous ne nous doutions pas que les eaux vives de l’actualité viendraient faire tourner à ce point notre moulin : - Le travail mené depuis deux ans par Jonas Lyon (Cf. Courrier Jonas N° 41, pp. 26-28) a abouti à un fascicule « Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir à des couples non-mariés, à des personnes divorcées et à des personnes divorcées et remariées ? ». N’est-il pas en soi, ce travail, un travail de fraternité effective entre tous baptisé-e-s, laïcs, prêtres et évêques ? Là encore que chaque lecteur en juge par lui-même. - Et, dans un tout autre registre, les prises de parole des uns et des autres sur les sujets extrêmement complexes et douloureux, de la régulation de l’immigration («Déclaration des évêques de la Commission pour la Mission universelle de l’Église ») et de l’accueil des gens du voyage (« Propositions des gens du voyage ») ne crient-elles pas, à temps et contretemps, dans le tréfonds des consciences, « Fraternité » ? Brigitte Cuisinier pour le Comité de rédaction 3 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page4 ACTUALITÉS ROMS, UN DES OBJETS DE NOTRE DISSENTIMENT... Connaissez-vous les campements de roms ? Q ue n’a-t-on pas entendu ces derniers temps au sujet des Roms et de leurs campements illégaux ! Mais au fait, vous qui lisez ces lignes, savez-vous où et comment peuvent s’établir en toute légalité près de chez vous les gens du voyage ? Non probablement, car étant sédentaires vous n’avez jamais eu à vous en préoccuper… hormis pendant le temps de vacances en caravane ! Mais il y a une façon simple de vous renseigner : savez-vous si votre ville – ou bien le regroupement de communes auquel adhère la vôtre – dispose d’aire(s) de stationnement réglementaire(s) ? Pour le savoir, ayez la curiosité d’interroger un de vos conseillers municipaux, ou votre maire… Autre source d’information : rendez-vous sur internet à l’adresse http://www.angvc.fr/pages/stationner.html - Vous y trouverez une carte interactive qui vous fournira toutes les informations nécessaires. Vous verrez en prime qu’il y a un très grand nombre de communes dans l’illégalité : elles n’ont pas appliqué la loi votée voici 10 ans… c’est peut-être le cas de la vôtre… Qu’attendent les pouvoirs publics pour sévir ? Simplement que la pression de l’opinion publique se fasse en faveur de nos frères itinérants. Jean Lavergnat Propositions de l’Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques déposées à l’Elysée le 6-10-2010 I l est remarquable qu’en dépit des textes fondateurs de la République notre communauté ne puisse jouir des droits et devoirs accordés aux citoyens français. L’égalité des citoyens inscrite dans la Constitution fonde la légitimité de notre appel aux autorités. La Commission Nationale Consultative des Gens du Voyage mise en place, par sa structure et sa composition, ne constitue pas l’intermédiaire opérationnel susceptible d’obtenir la modification des aspects discriminatoires de notre statut. Nous avons donc l’honneur de soumettre aux plus hautes instances de l’État les dispositions indispensables à la reconnaissance de notre statut de français. NOS PROPOSITIONS - Abrogation des titres de circulation prévus par la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes instituant notamment les mesures de contrôle et de visa périodique de leur détenteur et des mesures discriminantes en matières d’accès à l’exercice du droit de vote. - Garantir l’accès de tous les citoyens pour la délivrance d’une carte d’identité ou d’un passeport et interdiction de toute mention discriminatoire directe ou indirecte sur tous les actes administratifs et les pièces d'identité notamment en matière de mention du domicile. 4 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page5 Actualités relative à la création et la gestion des aires d'accueil. - Modifier le code des assurances et du code du commerce afin de lever les discriminations exercées par les compagnies envers l'habitat mobile et éphémère et de proscrire tout refus de couvrir les garanties minimales obligatoires relatives à l'habitat et tout refus non motivé de non reconduction de contrat. - Développer toute mesure positive qui assure une meilleure assiduité scolaire des enfants du primaire au collège, adapter les dispositifs d'apprentissage et de formation existant pour les jeunes au mode de vie itinérant, notamment en facilitant les transferts rapides de dossiers et le suivi pédagogique sans interruption d'un département à un autre. - Instaurer un moratoire relatif aux sanctions appliquées de façon systématique à l'encontre des familles mises en défaut quant à la conformité de leurs obligations déclaratives. Durant cette période, les services de l'État, en partenariat avec le secteur associatif, devront lancer des initiatives concrètes destinées à une meilleure information et un accompagnement pédagogique des publics visés. - Développer toute initiative visant à reconnaître l’internement des familles nomades et des Tsiganes en France entre 1939 et 1946 : recherche universitaire, insertion dans les manuels scolaires, classement des sites d’internement, commémorations et inauguration de monuments. - Reconnaître la caravane comme logement ouvrant l'accès aux droits afférents et aux devoirs réciproques en matière d'imposition locale. - Lever les interdictions générales et absolues d'installation de caravanes ou d'un habitat mobile et éphémère inscrites dans les documents d'urbanisme des communes en exerçant le contrôle de légalité systématique de ces documents par les préfectures. - Introduire un droit au stationnement opposable, garanti par le préfet, dans toute commune inscrite au schéma départemental d'accueil des gens du voyage qui s'opposerait au stationnement provisoire des gens du voyage alors qu'elle n'a pas rempli effectivement ses obligations légales. Garantir ce droit au stationnement opposable dans les autres communes, non inscrites au schéma, quelle que soit l'importance de leur population, pour une durée qui sera fixée par une convention et dont la durée ne pourra être inférieure à 48 heures, lorsque la commune ne peut désigner un terrain d'accueil même sommaire. - Sanctionner les collectivités qui, 10 ans après la promulgation de la loi du 5 juillet 2000, n'ont pas rempli leurs obligations au regard du Schéma départemental. - Exercer le contrôle de légalité systématique sur les dispositions abusives des règlements intérieurs, notamment en matière de documents à produire pour accéder aux équipements publics, adoptés par les collectivités territoriales qui assument la compétence ASSOCIATION NATIONALE DES GENS DU VOYAGE CATHOLIQUES 52 rue Charles Michels 93200 Saint-Denis Téléphone : 01 42 43 50 21 Email : [email protected] Site Internet : http://www.angvc.fr 5 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page6 Actualités A propos du projet de loi « immigration, intégration et nationalité » Déclaration des évêques de la Commission pour la Mission universelle de l'Eglise En ce mois de septembre, sera présenté à l'Assemblée Nationale le projet de loi sur l'immigration proposé par Monsieur Eric Besson, Ministre. • Il serait regrettable que notre pays contribue à ce qu'on appelle la « fuite des cerveaux », dont les pays en voie de développement ont le plus grand besoin. L'Etat a le devoir d'établir des règles. Dans le domaine de l'immigration, le gouvernement est amené à procéder à la régulation des flux migratoires, prenant en compte le bien commun. Les responsables politiques ont donc à prendre des décisions difficiles, nous le savons bien. Mais, comme évêques catholiques, nous souhaitons dire ce qui, dans le projet tel qu'il est, questionne notre conscience : Avec de nombreux chrétiens qui vivent dans les quartiers les plus pauvres, notamment les communautés religieuses, nous savons ce qu'apportent à notre pays de très nombreux migrants, par leur travail, leur énergie et leur honneur. Nous n'oublions pas les épreuves qu'ils ont dû traverser lors de leur migration. • La famille est la cellule de base de la société. Pour les migrants, elle joue un rôle essentiel dans leur insertion. Il nous faut combattre toute mesure contribuant à l'affaiblir. Nous exprimons également notre reconnaissance et notre soutien à tous ceux qui, personnellement ou en association, se mettent à leur service, dans le désintéressement le plus grand. • Le droit d'asile a toujours été défendu par l'Eglise. Les mesures qui tendent à diminuer le soutien ou les garanties d'une procédure équitable sont inacceptables. 20 septembre 2010 Les évêques de la Commission pour la Mission universelle de l'Eglise (CEMUE) • L'intervention du juge des libertés est indispensable pour entendre la parole des personnes privées de liberté. Retarder cette intervention ou la limiter dans les lieux de plus grande fragilité contrevient à ce droit, y compris dans le cadre de la rétention administrative. Mgr François Garnier (Cambrai) Mgr Raymond Centène (Vannes - Pastorale des Gens du voyage) Mgr Renaud de Dinechin (Pastorale des Migrants) Mgr Thierry Jordan (Reims) Mgr Dominique Rey (Fréjus-Toulon) Mgr Claude Schockert (Belfort-Montbéliard Pastorale des Migrants) Mgr Marc Stenger (Troyes) • L'aide humanitaire aux migrants en difficulté ne doit jamais être confondue avec l'activité délictuelle des « passeurs ». 6 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page7 Actualités Communiqué du Conseil d’Églises Chrétiennes en France sur les questions des migrations Paris, le 5 octobre 2010 Au moment où un projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est discuté au Parlement, le Conseil d’Églises Chrétiennes en France (CECEF) qui s’était exprimé sur ces thèmes en février dernier, rappelle quelques-uns des points d’attention soulignés alors : « Comme responsables d’Églises chrétiennes en France, nous voudrions encourager les fidèles de nos communautés à persévérer dans leur solidarité envers les migrants… Aujourd’hui, face aux situations dramatiques que connaissent les migrants, les préjugés n’ont pas leur place. Un changement de regard est nécessaire… Aujourd’hui, un partage solidaire avec tous les déracinés qui ont besoin de notre hospitalité est indispensable et urgent… Aujourd’hui, dans une société de défiance, nous réaffirmons que le migrant est une personne humaine avec des droits fondamentaux inaliénables.… Changer notre regard ; vivre un partage concret avec ceux qui souffrent ; ne pas se taire devant les injustices… voilà le chemin qui peut être le nôtre… « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40). » Le CECEF encourage les associations qui œuvrent en faveur des migrants et dans lesquelles de nombreux chrétiens sont engagés bénévolement. Il demeure attentif aux difficultés rencontrées par ces acteurs sur le terrain, dans l’accompagnement des personnes issues de l’immigration, à leurs inquiétudes quant à certains amendements possibles au projet de loi, qui pourraient avoir des conséquences graves pour le respect du droit des personnes étrangères résidentes en France. CONTACTS MÉDIAS Conférence des Évêques de France Le cardinal André Vingt-Trois Président Conférence des Évêques de France M. Jacques CARTON Tél : 01 72 36 68 41 Fédération protestante de France Le pasteur Claude Baty Président Fédération protestante de France Mme Muriel MENANTEAU Tél : 01 44 53 47 13 Assemblée des Évêques orthodoxes de France Le métropolite Emmanuel Président Assemblée des Évêques orthodoxes de France M. Carol SABA Tél : 06 20 18 46 77 CECEF - 58, av. de Breteuil, 75007 Paris 7 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page8 Actualités La « conférence des baptisé(e)s » vue par Jean Rigal Votre démarche, à mes yeux, dépasse totalement des problèmes de vocabulaire. « Conférence » ou « pas conférence », ne sont, pour moi, que chipotages sans intérêt. Par contre, les enjeux de votre initiative m’intéressent au plus haut point. Ils me concernent en tant que baptisé, que prêtre catholique, que théologien ecclésiologue. De quoi s’agit-il dans le fond, sinon d’appliquer ce que nous a enseigné le concile Vatican II ? En référence au Christ l’unique prêtre, la priorité doit être donnée au peuple de Dieu tout entier sacerdotal au service duquel certains baptisés exercent le ministère de « pasteurs ». De ce point de vue, l’expression « année sacerdotale » peut conduire à de véritables dérives. Qu’on s’interroge sur le ministère des prêtres est non seulement légitime, mais peut être fructueux à deux conditions : 1) que la question soit posée à l’intérieur de la mission première de la communauté des baptisés ; 2) que l’on ait le courage d’affronter certains problèmes relatifs à la vie concrète des prêtres et à leur mission. S’il s’agit simplement de maintenir ce qui existe, je ne suis pas « partant ». C’est dans cette perspective que j’approuve votre démarche. L’Allemagne, depuis des années, organise différents groupes et rassemblements de chrétiens. L’Église en ressort dynamisée. En tout cas, il m’apparaît qu’au-delà de nos sensibilités respectives, c’est l’annonce de l’Évangile qui est au centre du débat. Les baptisés (hommes et femmes) en sont solidairement responsables. Le reste nous sera donné par surcroît. 8 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page9 Actualités Le peuple de Dieu a faim Intervention de Paul Falala lors du rassemblement des prêtres du diocèse d’Arras, autour de l’évêque. Cette rencontre s’est tenue à la suite du suicide de JP Brunel, prêtre très dynamique agissant en lien étroit avec l’action catholique rurale. Le Peuple de Dieu a faim. Il a faim de pain frais. Les trois quarts du temps on ne lui sert que du pain rassis, rassis, rassis, dur à s’y casser les dents. Alors les membres de ce peuple quittent les différentes instances de leur église un à un, depuis longtemps, massivement depuis peu. On s’étonne du manque de vocations ? Il n’y a pas de plaisir à présenter du pain immangeable. Ceux qui continuent sont découragés. Le maître boulanger, assis sur le siège du Vatican ne produit que du pain rassis et dur dans ses actes et décisions. On désirerait que les évêques ne se contentent pas de lui dire ‘Amen’, mais lui dessillent les yeux sur les attentes légitimes du peuple de Dieu qui désirerait un pain frais et comestible, cuit au four de Vatican II. Ils rendraient un immense service à toute l’Église, y compris au pape lui-même. La collégialité restera-t-elle un faux-semblant ? L’espoir est très faible ; faut-il l’abandonner ? Dans ce cas l’Église continuera de se dévaluer elle-même en une secte. Mais l’Esprit Saint est plus fort que nous ! Paul Falala - Boulogne-sur-Mer Message dʼEspérance PARVIS - Lyon - 12 Nov. 2010 Il ne suffit plus de se préoccuper du devenir des Eglises, il faut donc prioritairement : • Examiner l’évolution du monde auquel est destiné le Message Evangélique • Se lever pour lutter contre l’iniquité et la violence inhérentes à cette évolution technique et marchande qui ruine les valeurs constitutives de l’Humanité et met à mal la Planète • S’engager dans des lieux de solidarité, de désobéissance et de propositions alternatives • Remettre le monde à l’endroit en donnant la parole aux exclus • Laisser les prophètes prophétiser et porter à la lumière ce qui est en train de naître. Oui, pour nous le message libérateur de l’Évangile est nécessaire au monde : il ne peut plus être porté par voie d’autorité. C’est le temps pour tous, hommes et femmes, d’en être pleinement responsables dans nos sociétés sécularisées. C’est donc le temps de donner plein essor à nos communautés héritières de Vatican II pour y vivre le partage authentique de la Parole, des célébrations tissées de nos expériences, et le travail d’actualisation du Message : Une Eglise Autre est possible ! C’est le temps aussi de renforcer publiquement nos réseaux d’humanisme : Un autre monde est possible ! Le temps vient d’envisager l’avenir avec la Force et la Jeunesse de l’Esprit, Souffle d’Amour et de Vie, qui recrée le monde. Vous trouverez une vidéo sur : http://partenia2000.over-blog.com/ Des photos sur : http://www.reseaux-parvis.fr - Pensez à visiter le site : http://www.reseaux-parvis.fr 9 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page10 Actualités Amérique Latine Des pauvres lisent la bible par le Père Jean-Louis RATTIER par la justice qu'il venait de la main d'un commando gouvernemental chargé d'intimider l'Église catholique ; la communauté chrétienne voulut réagir rapidement par un communiqué ; l'un dit : il faut s'appuyer sur l'évangile de St Jean par exemple 3/19-20 : « les hommes ont préféré l'obscurité à la lumière; quiconque fait le mal, hait la lumière de peur que ses œuvres ne soient connues ; la vérité vous rendra libre... » Un autre insistait pour faire référence à la première épître de Pierre : « vous êtes les pierres vivantes du temple » ; il voulait dire : ils ont détruit l'église matérielle, mais l'Église-communauté est bien vivante, ce n'est pas cet incendie et ces menaces qui arrêteront notre vie solidaire et chrétienne. On me demande un article sur mon expérience de missionnaire, de Fidei Donum au Chili et au USA avec les migrants mexicains. Je ne parlerai que d'un seul aspect: l'importance de la parole de Dieu et le lien que les pauvres entretiennent avec la Bible. Je me souviens d'un cours biblique dans ma paroisse à Santiago; l'équipe de préparation avait couvert les murs intérieurs de l'église avec des panneaux et des références bibliques; 70 à 80 personnes (membres des communautés de base, catéchistes ou simples paroissiens) étaient rassemblées dans une ambiance fraternelle et joyeuse; après un chant et un premier mot d'accueil, arrive une petite procession: on apporte solennellement la Bible, mais surprise la bible est entourée de cordes et de chaînes ; l'animateur explique: « La Bible est un livre clos, un livre fermé qui bien longtemps a été interdit au peuple ; seuls quelques érudits la lisaient et en donnaient le «sens» ; il est temps de l'ouvrir et de la faire nôtre, de nous abreuver à cette source cachée ; quel Dieu va se révéler à nous à travers ces textes ? Cette histoire du passé est-elle si différente de la nôtre ? C'est ce que nous essaierons de percevoir et au fur et à mesure, symboliquement, nous ôterons les chaînes qui tiennent captive cette parole ». À Santiago, à l'instigation des communautés de base, chaque année se rassemblaient 5 à 6000 personnes pour un chemin de croix dans les rues et quartiers populaires ; l'itinéraire a toujours un lien avec l'actualité : on passe à proximité d'un hôpital connu pour son mauvais état, près de la zone industrielle où ferment certaines entreprises ou encore non loin d'un lieu ou la répression policière a frappé. Chaque participant portait une petite croix violette et certains montraient des pancartes avec des phrases bibliques; j'en cite quelques-unes : - Le Christ est présent dans celui qui a faim, dans celui qui demande justice, dans le prisonnier, dans le malade. Mt 25. - Face à la répression : «Tu ne tueras pas ». Ex 20, 13 - Face aux détenus disparus : « Qu'as-tu fait de ton frère? » Gen.4, 9 - Face au pouvoir: «La racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent» ou Isaïe 58 : «Le jeûne qui me plaît, c'est rompre les chaînes injustes, renvoyer libres les Les pauvres entrent avec facilité dans le monde de la Bible ; en effet leur situation concrète est proche de l'ambiance socio-cuturelle de la Palestine ancienne : eux aussi connaissent les chômeurs et les journaliers assis sur les places, le salaire non payé qui crie vers le Seigneur, la présence des malades et des mendiants, le juge inique etc. Pour eux aussi Une année un incendie intentionnel consuma notre église paroissiale et plus tard il fut établi 10 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page11 Actualités opprimés, briser tous les jougs» et aussi le magnificat : «Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles». un modèle. La mise en commun des biens, le partage, la solidarité, la prière en commun, l'Eucharistie, autant d'éléments qu'ils essaient de vivre ; dans les quartiers pauvres il paraît évident et vital de créer des groupes, des structures pour répondre aux besoins élémentaires de chacun : soupes populaires, coopératives d'achats, de logements, groupes de santé, clubs anti-alcoolique, comité des droits de l'homme, groupes de femmes etc. Ces groupes comptent de nombreux chrétiens. À l'occasion de baptêmes d'adultes ou de réunions de C.E.B (communauté ecclésiale de base), j'ai constaté l'importance de deux thèmes : l'Exode et la première communauté chrétienne, décrite dans le livre des Actes des apôtres. Les chrétiens nourris de la parole biblique reconnaissent dans l'esclavage des Hébreux en Egypte, leur propre situation. Eux aussi ils vivent dans une situation infrahumaine ; eux aussi ils sont face à un choix : rester à « manger les oignons d'Egypte» ou dire à pharaon «laisse partir mon peuple» ; eux aussi ressentent la nécessité d'une libération. Quant à la communauté des Actes (Ac.2/42. et 4/32) elle est souvent évoquée et vue comme Pour moi, je reste avec ce constat : des pauvres lisent la Bible; ils y reconnaissent leur propre histoire et découvrent le Dieu libérateur, celui de Jésus-Christ ; cela fait partie des mystères du royaume accessibles aux humbles et aux petits. Église : crise et espérance, par José Comblin Un très bel exposé a été prononcé par José Comblin, théologien de 87 ans résidant au Paraíba (Brésil), dans le cadre du congrès de théologie organisé à l’occasion du 30e anniversaire de l’assassinat de Monseigneur Romero. L’exposé complet se trouve sur le site de JONAS www.groupes-jonas.com/neojonas/ …la situation qui règne actuellement dans l’Église déstabilise un grand nombre de personnes : il y a un sentiment d’insécurité. Sainte Thérèse disait « Que rien ne les trouble, que rien ne soit source de peur ». Alors que j’étais jeune, j’ai connu semblable expérience, voire pire. C’était sous le pontificat de Pie XII. Pie XII avait condamné tous les théologiens importants de cette époque, tous les mouvements sociaux importants, le mouvement des prêtres ouvriers en France, en Belgique… En tant que séminaristes ou jeunes prêtres nous étions, nous, plus déstabilisés encore. Nous nous interrogions : « Avons-nous un avenir ? ». J’avais lu une biographie du pape Pie XII par un auteur autrichien, le jésuite Leiber. Il était le confesseur du pape et professeur d’histoire de l’Église à l’Université grégorienne de Rome. Voici ce qu’il disait : « La situation de l’Église catholique aujourd’hui est semblable à celle d’un château du moyen-âge : entouré d’eau, le pont-levis relevé, les clefs jetées à l’eau. Il n’y a aucun moyen de sortir, c’est-à-dire que l’Église est coupée du monde : il n’y a désormais aucune possibilité d’accès ». Puis vint Jean XXIII et là, ceux qui avaient été persécutés deviennent soudain les lumières du Concile ; soudain tous les interdits sont levés. Et renaquit alors l’espoir. Je raconte cela pour que vous ne soyez pas dans le trouble : il se passera quelque chose, quelque chose, on ne sait quoi mais il se passe toujours quelque chose. Comment expliquer semblable situation ? José termine sa conférence ainsi : La tâche de la théologie… Il faudra changer un tout petit peu : être moins académique, plus orienté vers le monde extérieur, vers ceux qui ne sont pas dans le réseau d’influence de l’Église, qui ne sert pas. Être une présence. Offrir une théologie lisible sans avoir une formation scolastique, parce qu’autrefois si l’on n’avait pas une formation aristotélicienne on ne pouvait rien comprendre à cette théologie traditionnelle. Et bien la philosophie aristotélicienne est morte, c’est-à-dire, les philosophes du XXe siècle l’ont enterrée. Il nous faut maintenant inventer : comment allons-nous nous ouvrir au monde ? José COMBLIN - 18 mars 2010 11 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page12 FRATERNITÉ Fraternité, ou la Révolution reste à faire La fraternité, un mot explosif. Ce mot est le troisième de la devise républicaine française. Parfois dans les pancartes des meetings ou défilés, on peut lire Liberté, égalité, Union ou encore Liberté, égalité, Solidarité. D’ailleurs les cahiers de doléances, les serments imposés au clergé lors de la Révolution ne parlent que d‘égalité et de liberté. Il faut attendre 1848 pour que ce mot prenne place à côté des deux autres dans la devise républicaine. Une gêne, un malaise à l’égard d’un mot marqué par son hérédité judéo-chrétienne ? Peut-être pas. En effet la liberté peut trouver sa place dans une constitution, l’égalité peut être réalisée par des lois ou décrets, mais la fraternité ne se décrète pas. Elle vient de l’intérieur de l’homme et là sans doute la Révolution reste à faire. Les croyants parlent plutôt de conversion, mot qui leur fait moins peur que révolution, car toute fraternité vient de Dieu. Elle est le courant qui circule dans la Trinité entre le Père, le Fils et l’Esprit et qui a été répandu parmi nous. La fraternité une affaire de tricotage Pendant la guerre de 1939-45, j’étais enfant. Et la laine était rare et introuvable. Nous grandissions régulièrement et nos tricots devenaient trop petits. Que faire sinon détricoter les tricots devenus trop petits, en faire une belle pelote qui parfois s’échappait de nos petites mains. Notre mère en faisait alors un nouveau tricot ajusté à notre taille. De temps en temps, une maille sautait, entraînant avec elle 3 ou 4 rangées de travail et avec patience notre mère reprenait le travail. Quelques essayages fragiles plus tard, le travail était achevé pour 1 ou 2 ans. Après tout peut-on empêcher des enfants de grandir ? Peut-on empêcher la fraternité de se défaire sans arrêt ? L’animateur de communautés chrétiennes connaît bien cela. Il refait constamment un peuple qui se défait et se modifie sans arrêt. Il s’y essouffle car, dans un groupe social donné, la pesanteur est normale. Dans les situations habituelles, hors menaces aux frontières, un groupe, un peuple se stabilise au niveau le moins onéreux pour lui. La fraternité, un horizon à construire Contrairement à beaucoup de discours lénifiants ou sentimentaux, du genre « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil », la fraternité est un rude travail et d’abord sur soi-même pour que des hommes et des femmes, des aveugles, des boiteux et des étrangers trouvent leur juste place au festin d’ici-bas en attendant le festin du Royaume où le Père les attend. Alors la fraternité nous sera donnée, mais demeure pour l’heure un horizon à construire. Gilbert ADLER 12 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page13 Fraternité La Fraternité : une lutte avec, une lutte contre Être frères, être fraternel, magnifique élan ! On se tient par l’épaule et on avance en chantant ! Ce n’est pas cette image qui m’a entraîné à m’engager dans une action collective, car, vivre la fraternité dans l’action militante n’est pas marcher sur un tapis de roses. Je me suis engagé au Parti Socialiste il y a des années. C’était pour moi le moins mauvais des choix car le moins mauvais des partis politiques. Mais, la politique, si vous n’en faites pas, elle, en fait pour vous. J’y ai milité longtemps dans une grande ville sans grand résultat, perdu dans la masse. C’est en venant habiter une petite localité que j’ai vu que l’on pouvait y réaliser quelque chose. En Province on connaît plus facilement les gens, on est plus facilement connu. Une « section » s’est constituée dans mon village, elle a travaillé pour faire élire quelqu’un au département, la meilleure personne puisqu’elle avait soutenu avec force notre projet. E t voilà que cette personne s’est désintéressée de l’idée, du projet, lorsqu’ayant réussi à trouver une place dans le système elle a oublié ce qu’elle défendait. Mon élan fraternel en a subi un choc, et ma première réaction a été de me dire : le salaud ! Et puis, je me suis demandé si, moins formé à l’Évangile que je le suis, je n’aurais pas fait pareil il y a des années. Il ne fallait donc pas rejeter… c’était un frère. Il ne fallait pas non plus que je quitte le groupe car l’affaire politique est affaire de tous, donc affaire fraternelle, mon affaire. Il fallait revenir aux fondamentaux, me les rappeler, les rappeler à l’intéressé. Les rappeler à l’intéressé ? Mais il est dans un système, dans un système où nombre de politiques, arrivés au niveau qu’ils convoitaient, pour le bien de la cité bien sûr, en oublient le projet. Il semble même, livres, journaux, courriels informatiques en parlent beaucoup ces temps-ci, que la chose politique soit devenue caverne d’Ali Baba. Ali Baba était-il fraternel ? Ces gens arrivés aux salles du pouvoir dont les portes ont pivoté au « sésame » des urnes, oublient que l’argent dont ils vivent est tiré de nos porte-monnaie. « Fraternité » affichent pourtant les frontons de nos palais républicains dont ils franchissant les portes. Notre élu peutil se démarquer seul des habitudes prises ? Mon élan fraternel m’amènerait à rappeler les fondamentaux à l’élu, mais pour être efficace il va falloir que je trouve des gens qui voudront bien réfléchir et travailler avec moi, car seul je ne serai pas écouté. C’est force contre force qu’il faut agir, dans la fraternité cependant. Il me faut donc trouver des gens dont le projet ne sera pas de démolir l’intéressé mais de le ramener à l’idée fondatrice, au projet. La réflexion ne se fera pas sans mots ou actes qui risqueront de n’être pas fraternels. Il faudra garder en main le gouvernail de la fraternité tout en faisant avancer l’idée. Lutter avec mes compagnons, lutter contre les déviations pour que le projet progresse. La fraternité n’existe pas sans luttes sans remises en cause, sans tensions à l’intérieur du groupe, et à l’intérieur de la personne même. Je me suis dit parfois que j’aurais mieux fait de rester chez moi. Pas de fraternité sans lutte. Mais bien sûr ! Le Jésus de l’Évangile ne nous l’avait-il pas déjà démontré ? Il avait dû lutter, et seul, pour que la religion de son peuple soit vraiment liaison avec Dieu. Il avait dû lutter pour libérer ses frères des pratiques innombrables qui cachaient l’essentiel, et même s’y opposaient. Ce faisant, il s’était mis le système à dos. Combien de fois a-t-il dû se dire : je serais plus tranquille avec mes planches, mes clous et mes rabots… Frère des hommes, il nous appelle à la lutte, à cette fraternité-là. « Vita hominis super terram, militia est » disait déjà la « Sagesse », ce livre que lisait Jésus, en Hébreu sans doute, mais certains disent qu’il savait le Grec, et même un peu de Latin ! Gilles Lacroix. Mont-près-Chambord 13 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page14 Fraternité La fraternité au sens propre « Des nettoyeurs de Loire tous en bleu et blanc » Ils étaient plusieurs dizaines, samedi, à passer les bords de Loire au peigne fin. Et au-delà, à tisser des liens autour d’un projet commun. ralliement sur la promenade Mendès-France. « On nettoie ensemble puis on mange tous ensemble. L’an passé ça avait bien marché et pour nous récompenser, la ville nous avait emmenés à Beauval. C’était un bon moment. » Ils sont une petite dizaine sans domicile, vivant la plupart du temps dans les rues de Blois, à s’être mobilisés. Pour réapprendre à porter un projet en groupe et se réapproprier leur ville. Beaucoup ne se connaissaient pas avant d’enfiler leur uniforme de la journée. T-shirts bleus et casquettes aux couleurs de la ville, ou t-shirts blancs pour les jeunes bénévoles. Plus des cirés transparents pour éviter d’être trempés par la fin de l’orage, samedi matin. Mais tous ont appris à se connaître, une fois les barrières sociales et générationnelles abattues. Car le grand nettoyage des bords de Loire animé par la ville et sa politique de solidarité n’a pas que la seule vocation environnementale. Il sert aussi à donner une place à chacun : des simples citoyens, des conseillers de quartiers, des membres d’associations, des sans-domiciles fixes. « On a conçu des jeux pour les petits enfants. Notamment un jeu de l’oie qui est un jeu de piste dans Blois. On a quadrillé le plan de la ville de 20 cases et inventé des petites questions. Par exemple qui était Louis XII… » Ceux qui étaient devenus la hantise de certains commerçants parce qu’ils squattaient des lieux publics sont allés les voir pour chercher des lots. Et ont obtenu de belles dotations pour leurs jeux : échantillons de parfum, bons de réduction, etc. En ouvrant les sacs des nettoyeurs, on voit que la pêche a été fructueuse : éponges, bouteilles, morceaux de chambres à air, etc. « Si les quais sont propres, ça incitera les gens à faire attention ! » L’après-midi, c’est du temps que la joyeuse équipe a donné aux Blésois. Avec la même intention de faire boule de neige. Cette opération nettoyage sera non seulement renouvelée, mais étendue à d’autres quartiers, car les bonnes volontés ne manquent pas. “ C’était un bon moment ” « Dès 8 h 15, ils nous attendaient de pied ferme ! », explique Geneviève Baraban, première adjointe au maire, particulièrement fière de l’implication des Blésois. Une équipe est partie du parc des Mées, une autre du pont Jacques-Gabriel pour passer au peigne fin les rives de Loire côté nord. Avec point de Béatrice Bossard La Nouvelle République 14 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page15 Fraternité Le malheur et la fraternité Enfin une dernière porte s’ouvre sur le parloir où chacun retrouve l’ami, le père, le fils qu’il vient rencontrer pour être ensemble une heure et demie. Dans chaque box, les familles essaient de ne pas perdre une minute de la rencontre. Un distributeur de boissons chaudes et de gâteaux permet de vivre un moment symbolique de partage. Quelques-uns ont passé quelques friandises en fraude pour améliorer ce petit repas. Il m’a été donné d’aller rendre visite régulièrement, pendant plusieurs années à un ami condamné à 6 ans de détention. J’ai dû d’abord découvrir le rituel de ces visites. Il faut se présenter à un poste d’accueil où un gardien vous demande et vous prend votre carte d’identité pour vous enregistrer sur la liste des visiteurs. Ensuite, il faut confier à un petit coffre-fort tout ce qui peut faire réagir un portique magnétique: montre, médailles, ceintures, monnaie, clefs de voiture... La fin du parloir est annoncée par les gardiens. Le moment de la séparation est dur pour beaucoup. Des femmes embrassent leur mari avec beaucoup de tendresse. Des enfants s’accrochent au cou de leur père comme s’ils ne voulaient plus le quitter. Les amis se serrent la main avec beaucoup d’émotion. On s’accompagne le plus loin possible jusqu’à la petite porte qui s’ouvre sur la prison. Beaucoup pleurent. D’autres cachent leur tristesse et s’efforcent de sourire. Et le parloir redevient silencieux. La première fois que je suis entré dans cette petite salle déjà pleine, j’ai été accueilli pas un jeune garçon qui, voyant mon embarras, m’a appris le déroulement de cet accueil, quelle file il fallait suivre, quels documents on allait me demander et comment utiliser sans erreur le code du coffre-fort pour pouvoir l’ouvrir au retour. Il m’a montré où je devais déposer le linge propre et comment je récupérerais le linge sale à la sortie. Il faut attendre, sagement assis sur quelques petits bancs où tous ne pouvaient trouver place. Vient un autre gardien qui va nous ouvrir la porte de la prison. Elle s’ouvre devant nous et se referme aussitôt derrière le dernier visiteur. Un premier sas nous accueille et nous passons sous un portique sonnant qui vérifie si nous ne cachons pas des armes, un couteau où tout objet métallique interdit. Le moindre morceau de fer sous un soulier peut déclencher l’alerte et obliger à passer pieds nus. Dès la première fois, j’ai trouvé que tout ce parcours se passait dans la bonne humeur. Le retour nous amène dans une nouvelle salle où les familles doivent attendre que tous les détenus soient fouillés avant de retrouver leurs cellules. Cette nouvelle attente dure un assez long temps. C’est à ce moment-là que beaucoup se parlent. Tout est sujet de conversation: D’où on vient ? Combien de temps pour rentrer à la maison? Le temps de détention qui reste encore? C’est là que je me suis senti membre d’une vraie fraternité, avec ces gens que je ne rencontrais qu’épisodiquement et qu’à cet endroit. Des petits groupes se forment, on parle, on rit, on raconte... Ensuite, dans une seconde salle, il faut attendre que les gardiens aient eu le temps d’aller chercher les détenus dans leurs cellules. Les conversations s’engagent. Ceux qui ont le même rythme de visites se retrouvent, se connaissent, se demandent et se donnent des nouvelles. Au bout de quelques visites on fait partie du groupe. Ces visiteurs sont d’origines très variées. Plus de la moitié sont des « blancs ». On rencontre des Africains de divers pays : des Maghrébins, des Sénégalais, des Congolais... des Asiatiques. Le monde est rassemblé et tous sont de nationalité française. 15 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page16 Fraternité hautes. On sent que tout le monde ici est dans la même peine, plus ou moins forte, plus ou moins longue. Je trouve qu’on se retrouve beaucoup plus frères qu’on le pensait. Et ça fait du bien. La porte s’ouvre vers la liberté. Nous nous serrons la main. - À la prochaine, je reviens dans 15 jours. Chacun regagne sa voiture. Certains sont venus par le train. Ils repartent à pied vers la gare en traînant leur gros paquet de linge sale. La gare est à plus d’un kilomètre. Les voitures s’arrêtent pour monter ces piétons jusqu’à ce que tous aient trouvé un chauffeur. Ici, cette aide va de soi. Et là encore, pour quelques instants, une nouvelle conversation va naître. Mon ami est mort cet été. Je suis triste de l’avoir perdu avant qu’il ait retrouvé sa liberté. Mais je reste heureux au souvenir de ces rencontres, au souvenir de ces visages que je garde en mémoire. J’ai appris beaucoup. Je ne savais pas que rassembler des hommes et des femmes qui ont les mêmes angoisses, les mêmes inquiétudes pour un être cher pouvait être source d’amitié. Je ne savais pas que lorsqu’on vit la même épreuve, les différences raciales ne comptent plus et que les visages n’ont plus de couleur que celle de la fraternité. Je ne savais pas que ce partage de la souffrance et de la patience rendait bien minces les murs qui séparent les églises et les religions. A côté de moi un Algérien s’est assis. Je lui demande d’où il vient. - Je viens de Lille... - Mais à quelle heure avez-vous dû partir? - À quatre heures du matin. - Vous venez souvent? - Tous les 15 jours. Mon fils est là pour 10 ans et il lui en reste encore 5 à faire. Je viens le voir. Je lui apporte son linge. C’est mon fils et je l’aime. Quelquefois ma femme vient avec moi ou un de ses frères. Je ne veux pas l’abandonner. Je l’avais déjà vu plusieurs fois, mais je ne lui avais jamais parlé. Notre échange m’a semblé naturel et profond. Ses paroles étaient remplies d’affection, de patience. L’échange continue. Il me demande: - Et vous, vous venez de loin? - Non je n’ai que 40 kilomètres à faire. L’ami que je viens voir a aussi plusieurs années de détention à faire. - Et vous faites quoi dans la vie? - Je suis prêtre catholique. Silence. - Alors nous ne sommes pas du même bord. Moi, je suis musulman. Je vais à la mosquée. A Lille il y en a plusieurs. Je vais à la prière quand je peux, je fais le ramadan tous les ans. Silence. Il reprend: - Mais quand on parle comme nous le faisons maintenant, quand on se rencontre pour la même misère, pour le même malheur, les barrières ne sont plus bien Michel Pinchon 16 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page17 Fraternité Tous également Frères devant le Saint Père ? Impair et passe… pour le père évêque … Voici le texte, retranscrit mot à mot, du passage de l’émission « La voie est libre » … sur FR3 Bretagne, consacré à la question posée par Thérèse Joubioux, de « Chrétiens et libres en Morbihan », à Mgr Pierre d’Ornellas, Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo… Rappelons que le texte préparé pour cette rencontre était le suivant : avec les intégristes, disciples de Mgr Lefebvre. Pourtant, d’autres catholiques, disons : réformateurs, souhaitent une Église plus ouverte sur la société contemporaine. Pourquoi ceuxlà ne font-ils pas l’objet de la même attention que les précédents ? L’Église a-t-elle peur de ce qui bouge, donc de ce qui est vivant ? » « Depuis quelques mois, le Vatican se préoccupe activement d’un rapprochement des intégristes schismatiques disciples de Mgr Lefebvre. Pourquoi les catholiques dits réformateurs ou progressistes, qui souhaitent d’autres visages d’Église plus ouverts sur la société actuelle, ne font-ils pas l’objet de la même attention ? Leur tort serait-il de n’avoir pas été excommunié ? » Au moment de l’enregistrement de Thérèse, les journalistes de FR3 ont demandé de modifier la question finale, ce qui avait pour but de supprimer le terme « excommunication », qui aurait, pensaient-ils, prêté à confusion pour un public non spécialiste avec la réalité canonique de la levée d’excommunication, qui n’est pas une suppression d’excommunication. Avant la question de Thérèse, Mgr d’Ornellas a répondu à une question sur les attaques dont Benoît XVI fait l’objet et à une question sur la pédophilie. Le texte ci-dessous reproduit intégralement la réponse de l’archevêque à Thérèse. Dès le dernier mot de cette réponse, ci-dessous, une autre question lui a été posée - Mgr Pierre d’Ornellas : « L’Église, au contraire, est heureuse de tout ce qui est vivant. Je pense que dans ce que cette personne a dit, elle avait en tête ce que Benoît XVI a fait pour les intégristes. » - Autre journaliste : « Il n’a pas renforcé l’image du conservatisme de l’Église, finalement, en tendant la main aux intégristes ? » - Mgr Pierre d’Ornellas : « Est-ce que c’est lui qui renforce l’image, ou c’est ceux qui donnent l’image qui renforcent l’image ? Comment se fait-il qu’on ne parle jamais de ses rencontres avec les Juifs ? Comment se fait-il qu’on ne parle jamais de sa rencontre avec les Luthériens ? C’est le premier Pape qui va prêcher dans un temple luthérien. Comment se fait-il qu’on ne parle jamais du colloque avec les scientifiques qu’il fait sur l’évolution ? Ce colloque est entièrement publié, et qu’est-ce qu’on voit ? On voit Benoît XVI qui écoute, qui pose des questions pour mieux comprendre les scientifiques, qui sont des scientifiques au titre de leur science ; je ne sais pas s’ils sont croyants ou pas, ça n’a aucune importance et je pense qu’on est en train de mettre une image complètement faussée de Benoît XVI. Ce n’est pas du tout ça, - Nathalie Rossignol, journaliste : « C’est Thérèse Joubioux qui vous pose une question. C’est une chrétienne qui fait partie des Réseaux du Parvis, une association de chrétiens qui ne se reconnaissent plus vraiment dans l’évolution de l’Église, un peu dans la lignée de Mgr Gaillot en 1995. Elle fait partie de l’association des Chrétiens et libres en Morbihan. Je vous propose de l’écouter. » - Thérèse Joubioux : « Monseigneur, bonjour. On voit que le Vatican se préoccupe fort d’un rapprochement 17 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page18 Fraternité des moindres, ne veulent pas prendre acte de l’existence de groupements tels que les Réseaux du Parvis. Interpellés à propos des avances de Rome aux lefebvristes, ils répondent par la parabole de la brebis perdue à la recherche de laquelle se précipite le berger en abandonnant les brebis fidèles. On pourrait pourtant parier sans grand risque, me semble-til, que le nombre d’intégristes au monde est largement dépassé par celui des hommes et des femmes qui, depuis des décennies, migrent vers les marges de l’Église sans même s’attarder sur ses parvis, et la quittent, parce que cette Église, au niveau de son magistère, n’a pas fait en leur direction le moindre effort pour retrouver, déjà, un langage commun et actualiser des solidarités. Nous n’avons donc pas plus de chance avec l’Archevêque de Rennes qu’avec l’évêque de Vannes, Mgr Raymond Centène auquel, dès son arrivée, nous écrivions en avril 2006 pour nous présenter à lui et lui demander un rendezvous. N’ayant jamais reçu de réponse, nous lui avons à nouveau écrit en mai 2009 pour renouveler notre demande. Nous attendons toujours la réponse, ou même un simple signe de la part du Vicaire général ou de l’un des trois Vicaires épiscopaux auxquels nous avions adressé une copie de cette dernière correspondance. Devant ce déni de notre existence, s’étonnerat-on si, un jour, nous décidons de ne plus nous reconnaître le moins du monde membres de cette Église ? À tout le moins est-il temps, aujourd’hui, de cesser de critiquer en vain ce magistère engoncé dans ses certitudes d’un autre âge, et de vivre au plus près de la parole évangélique, dans les petites choses comme dans les grandes, entre nous comme avec toutes celles et tous ceux que nous côtoyons quotidiennement. En vérité, je vous le dis : le temps est venu ! c’est un homme tellement ouvert, tellement doux, humble, bon, et ouvert sur la société. Et effectivement, il est tellement ouvert sur la société qu’il n’a pas exclu une catégorie de la société, c’est-à-dire cette petite minorité qui s’enferme dans de l’intégrisme. Il essaie de lui tendre la main, et on oublie que – ça paraît tellement normal qu’il parle à des scientifiques – qu’on n’en parle pas dans les médias. C’est intéressant, ces colloques avec les scientifiques, le nombre de fois où il les écoute. Quand il a prêché dans un temple luthérien, c’est quand même pas mal, c’est la première fois qu’un Pape le fait, il a osé aller là ! ». ………………. Le moins que l’on en puisse dire, c’est qu’objectivement Mgr d’Ornellas n’a pas répondu à la question de Thérèse Joubioux. A-t-il bien entendu la question ? L’a-t-il comprise ? L’ayant entendue et comprise, n’a-t-il pas su, ou pas voulu y répondre ? Il est vrai que l’intervention de l’« autre journaliste » lui fournissait l’occasion de dévier sa réponse, et il semble que ce soit ce qu’il n’a pas manqué de faire, en bifurquant de façon un peu confuse sur le thème de « l’image du conservatisme de l’Église » contredite par les multiples ouvertures du Pape vers les Juifs, les luthériens, les scientifiques. Alors, on continue de s’interroger. Un homme rompu aux contacts avec les médias comme Mgr d’Ornellas, ancien secrétaire du Cardinal Lustiger, n’était-il pas capable de retenir la totalité de la brève question de Thérèse tout en en situant précisément le point fort sur le sort fait aux réformateurs ? Dans la présentation par Nathalie Rossignol, admettons que le vocable « Chrétiens et libres en Morbihan » ne lui ait rien dit, mais on aurait pu espérer qu’il réagisse à l’annonce des Réseaux du Parvis, et l’on ne me fera pas croire que le nom de Jacques Gaillot lui soit inconnu ! Alors, on en arrive à penser qu’il avait plus ou moins bien compris la question, mais qu’il n’a pas voulu y répondre. Certains évêques, et non Michel Bloch-Lemoine CELEM Chrétiens et libres en Morbihan 18 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page19 Fraternité Allez jeunesse ! Égoïstes et sans projets les jeunes d'aujourd'hui ? Certainement pas ceux qui se sont levés tôt samedi matin pour encadrer le nettoyage des bords de Loire. La plupart ne sont pas encore majeurs mais ont voulu s'impliquer dans le plan canicule-solidarité mis en place par la ville. La plupart du temps, ils vont visiter les personnes isolées, éventuellement leur apporter de l'eau. Et s'inscrivent dans des opérations tout au long de l'été, pour renforcer le lien social auprès de ceux qui en ont besoin « Je suis venue sur conseil d'amis, plutôt que de ne rien faire cet été. C'est très sympa, on rencontre plein de gens très différents » explique Hildegarde, 14 ans. « La bonne ambiance de l'opération nettoyage me donne envie de recommencer! » Elle s'est fait une copine, Marine 16 ans, du quartier Quinière, rejointe par Thibault, 19 ans, de Blois Vienne : « On a vraiment l'occasion d'être les acteurs de notre ville. » Il y a aussi les jeunes de l'auto-école sociale, qui sont en parcours d'insertion et qui viennent offrir leurs services. Pour redonner leur bonne humeur à la collectivité qui leur a tendu la main, comme Kevin 21 ans et Marlène, 20 ans. Et puis il y a Alexis, Thomas et Kolia, 16 ans, des potes de NotreDame-des-Aydes venus avec leurs guitares. « On apprend à tous à se respecter, c'est ça la mixité sociale. Qu'on soit blanc, black ou sans abri, on fait tous le même travail. Ça nous rend très fiers. » Ils n'ont qu'un souhait : qu'on arrête de dire que les jeunes ne bougent pas... Nouvelle République. « Ouvrez votre cœur » nous a dit le Saint-Père. « … On ne doit pas accepter que la mondialisation nous rende plus proches mais moins fraternels. Les chiffres nous disent que l’émigration atteint deux cents millions de personnes. Trentetrois millions sont actuellement sous mandat du Haut-commissaire des Nations Unies ». « Nous avons parlé d’eux, en leur nom, avec amour et respect ; mais eux… où étaient-ils ? « Quelques-uns, à la porte de notre assemblée, vendaient des bracelets ou demandaient ’aumône… » « Nous sommes tous encore sur un chemin de conversion… » Sœur Mercé déléguée des Petites Sœurs de Jésus VIème Congrès international sur les migrants et les réfugiés (Rome, 9-12-09) (in : Nouvelles des Fraternités, N° 36, 2010) 19 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page20 Fraternité Quand Charles de Foucauld parle de la fraternité « pasteurs indifférents ». « Vous qui mettez sur vos timbres et partout ‘‘liberté, égalité, fraternité, droits de l’homme’’ … » « Nous, Chrétiens, professant une religion d’amour… Français incroyants criant sur les toits fraternité… » Arrivant à Beni Abbès, pour se consacrer aux « frères de Jésus qui l’ignorent », l’abbé Charles de Foucauld est stupéfait de découvrir que la France tolère, par opportunisme politique, l’esclavage dans des territoires sous sa responsabilité. Il veut alerter sur ce scandale pour le faire cesser, il écrit aux uns et aux autres, à commencer par les autorités religieuses, lesquelles l’engagent… à la discrétion. Réponse argumentée à l’abbé de NotreDame-des-Neiges (7 février 1902) : Foucauld est très lucide : « Notre Algérie, on n’y fait pour ainsi dire rien pour les indigènes. » « Nous avons là plus de trois millions de musulmans depuis plus de 70 ans pour le progrès moral desquels on ne fait pour ainsi dire rien, desquels le million d’Européens habitant l’Algérie vit absolument séparé, sans le pénétrer en rien, très ignorant de tout ce qui les concerne, sans aucun contact intime avec eux, les regardant toujours comme des étrangers et la plupart du temps comme des ennemis…» avait-il constaté le 22 novembre 1907 dans une lettre à son père spirituel. Il lui réécrit, le 1er janvier 1908 : « Ce que vous dites est ce que je fais vis-à-vis des esclaves […] Mais ceci dit, et en les soulageant dans la mesure du possible, il me semble que le devoir n’est pas fini : et qu’il faut dire – ou faire dire par qui de droit – « Ce n’est pas permis » : « Malheur à vous hypocrites » qui mettez sur vos timbres et partout « liberté, égalité, fraternité, droits de l’homme » et qui rivez les fers des esclaves, qui condamnez aux galères ceux qui falsifient vos billets de banque et qui permettez de voler des enfants à leurs parents et de les vendre publiquement, qui punissez le vol d’un poulet et permettez celui d’un homme : (en effet presque tous les esclaves de ces régions sont des enfants nés libres enlevés violemment par surprise à leurs parents) […] Il ne faut pas nous mêler de gouvernement temporel, nul n’en est plus convaincu que moi, mais il « faut aimer la justice et haïr l’iniquité », et quand le gouvernement temporel commet une grave injustice contre ceux dont nous sommes dans une certaine mesure chargé […] il faut le lui dire, […] et nous n’avons pas le droit d’être des « sentinelles endormies » des « chiens muets » des « Croyez là-dessus votre enfant qui est devenu presqu’un vieillard, qui vit au milieu de misères infinies pour lesquelles on ne fait rien et on ne veut rien faire ; pouvant et devant faire tant de bien, on aggrave au contraire l’état moral et intellectuel si lamentable de ces peuples en ne voyant en eux qu’un moyen de gain matériel. Ce que voient les indigènes de nous chrétiens, professant une religion d’amour, ce qu’ils voient des Français incroyants criant sur les toits fraternité, c’est négligence, ou ambition, ou cupidité – et chez presque tous, hélas, indifférence, aversion et dureté. » « Outre la fraternité chrétienne et la fraternité entre fils du Père commun qui est aux cieux, la fraternité française… » Lettre à sa sœur, le 27 avril 1916 : « Je suis allé il y a 15 jours passer 48 heures au Fort-Motylinski, capitale de l’Ahaggar, à Suite du texte page 34 20 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page21 COUPLES SANS HISTOIRE(S) ? Quel accueil l’Église catholique peut-elle offrir à des couples non-mariés, à des personnes divorcées et à des personnes divorcées et remariées ? Présentation Durant deux ans un groupe d’une quarantaine de personnes de la région lyonnaise a discuté des expériences des uns et des autres, rencontré divers spécialistes, lu des documents et finalement rédigé un appel aux évêques de France. Quelques extraits de ce travail sont fournis dans ce numéro du Courrier, l’ensemble du document étant disponible à l’adresse suivante : Christian Biot 19 rue Desaix 69003 Lyon ([email protected]). Sommaire complet du document : I. ‘Ils vivent ensemble’ (Christian Biot) ‘Questionnaire’ (Pierre de Givenchy) Témoignage et Appel de Marie. . II. Quelques réactions exprimées autour de ces documents. - Note de Monique Chomel - Écho de la réunion du 31 janvier 2009 - Jérôme Dupré La Tour rend compte de l’ouvrage de Eric Jacquinet et Jacques Nourrissat : « Fidèles jusqu’à l’audace » - Idéalisme moral et éthique de la responsabilité. (Bruno Marie Duffé) - La patience et le soin (Luc 13,1-9) (Christian Biot) III. Rencontre du 7 novembre 2009 avec la pasteure Anne Faisandier IV. Deux rencontres avec Michel Legrain les 22 et 23 janvier 2010 V. La rencontre du 29 mai 2010 autour de Jean Peycelon. VI . Un message à l’Église catholique de France adressé aux évêques. Pour entrer en contact avec Jonas – Lyon : [email protected] 21 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page22 Couples sans histoire(s) ? Le témoignage de Marie Pendant une vingtaine d’années, j’ai été très engagée dans la pastorale de la santé et la catéchèse sur le diocèse de… . Formée avec mon mari à l’institut de formation des laïcs pendant deux années, nous avions reçu chacun une lettre de mission de notre évêque pour nous engager, l’un dans la pastorale de la santé, l’autre dans l’aumônerie des jeunes. Des années au cours desquelles j’ai pu approfondir et nourrir ma foi, entourée et soutenue. Puis les difficultés se sont accumulées. Nous étions dans la tempête. Pendant dix ans, j’ai tout fait pour ne pas en arriver au divorce, mais je n’ai pas pu. Des années douloureuses, difficiles, à essayer de suivre l’idéal avec lequel j’avais toujours vécu dans la foi chrétienne. Un jour, il a fallu prendre une décision et nous avons divorcé. Le choc a été rude ! La communauté ecclésiale dans laquelle je vivais depuis longtemps, qui me soutenait sans le savoir, a pris instantanément de la distance. Je me suis retrouvée seule, pas seulement dans ma vie personnelle mais aussi, à ma grande surprise, dans l’Eglise. Quelques années avant ce divorce, devant les difficultés qui s’accumulaient, j’avais repris une vie professionnelle. Moins de temps pour le bénévolat, une nette prise de distance de mes anciens amis, une blessure profonde avec, sans doute, une sensibilité exacerbée, une culpabilité difficile à dépasser : tout cela ne facilitait pas les relations, sans doute. Après mon déménagement à Lyon, j’ai voulu m’investir et agir. Accueillie par un groupe de divorcés et entourée de la prière de la paroisse St Irénée, j’ai animé un groupe de réflexion à « l’Agora Tête d’Or ». Et puis j’ai rencontré mon futur mari. Comme il est organiste, nous passons beaucoup de temps dans les églises et nous fréquentons souvent des prêtres, mais, étonnamment, nous avons été très seuls pour gérer cette nouvelle situation : il fallait éviter de parler de cela ! Alors, j’ai appris à prier seule, à communier avec Dieu et le Christ par la musique, à accompagner du regard les foules qui se présentent pour recevoir l’Eucharistie, du haut des tribunes, à prier pour notre Église, aussi imparfaite que moi qui rejette, blesse et fait du mal au nom d’une loi que je ne comprends pas, qui ne ressemble pas à ce que j’entends dans l’Évangile. Jésus dit au paralytique : « Lève-toi et marche. » Cette parole d’Évangile entendue au cours d’une messe m’a aidé à me relever et à repartir. Mais comme le publicain, consciente de mes imperfections, je reste au fond de l’église et n’ose plus m’avancer. Je n’ai pas envie de polémiquer et, en général, je me contente de prier pour que nous progressions tous, avec notre Église. Aujourd’hui, par hasard, je relis cette phrase que Monseigneur Le Bourgeois nous a dite lors d’une de ses homélies : « Nous sommes appelés à porter témoignage. Il est des hommes qu’on ne veut pas écouter, et parce qu’ils dérangent, on les fait taire… Beaucoup sont témoins d’un Évangile exigeant, défenseur des faibles, que l’on fait taire par tous les moyens. Posons-nous la question : avons-nous le courage, la volonté d’être des témoins ? » Voilà pourquoi il m’arrive parfois de témoigner, en espérant que nous serons un jour entendus, écoutés. Marie 22 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page23 Couples sans histoire(s) ? Idéalisme moral et éthique de la responsabilité Les pages suivantes sont tirées d’un texte de Bruno Marie Duffé destiné aux membres de la pastorale de la santé du diocèse de Lyon C ’est un peu trop dire que les récentes déclarations du Pape Benoît XVI à propos du sida, leur amplification médiatique et les effets de leur réception dans l’opinion, ont provoqué un malaise. Il convient désormais de parler d’une fracture, qui n’est pas sans rappeler celle que provoqua, au sein des catholiques comme de la société civile, la publication en 1968 de l’encyclique du Pape Paul VI « Humanae vitae », à propos de la contraception et de la régulation des naissances. À bien des égards, on pourra dire que le même type de discours provoque les mêmes effets. En se situant résolument sur un registre qui se veut idéal mais qui est par trop réduit au comportemental, le discours du Magistère catholique manque la question essentielle : comment vivre au mieux ce que l’on croit ? Comment devenir ce que l’on est ? Comment faire tout ce que l’on peut, en vérité et en conscience ? et le comportement qui doit lui correspondre. D’une certaine manière, l’idéalisme considère l’idéal – le lien entre sexualité et conjugalité, le lien entre sexualité et fidélité – avant les personnes… Il s’agit d’une morale qui précède l’histoire de chacun et qui se traduit en impératifs. Or notre manière contemporaine de penser la vie a rompu avec l’idéalisme moral – ce qui ne veut pas dire que nous vivions nécessairement dans l’anomie, l’absence de normes et de loi morale. Nous nous efforçons de vivre en « sujet » responsable qui cherche à assumer ce qu’il croit et ce que sa conscience lui conseille de faire. Certes, notre conscience peut s’égarer mais notre existence reste un chemin. Pas après pas, nous tentons de nous affirmer, faisant de nos découvertes et de nos erreurs elles-mêmes un enseignement. Le discours d’une autorité morale, comme celle de l’Église catholique, consiste bien évidemment à proposer un idéal et un accomplissement pour la personne humaine. Le discours idéaliste, qui creuse nécessairement l’écart entre ce que nous vivons et ce qu’il faudrait vivre pour coïncider avec l’idéal, se doit d’être accompagné d’une autre parole : une parole d’humanité, de discernement et d’encouragement permanent afin d’inviter chacun à avancer encore d’un pas. « Mon ami, monte plus haut ». On l’aura compris, en l’absence d’une considération de cette éthique de la responsabilité – qui passe évidemment par le souci de protéger l’autre et de se protéger soi-même quand on vit une sexualité qui ne s’inscrit pas dans la fidélité – le discours idéaliste peut en venir à cautionner des attitudes qui mettent en danger la vie, en l’autre comme en soi-même, parce qu’il ne fait pas la place à une approche Idéalisme moral et expérience de la responsabilité Parler de fracture, c’est envisager le moment où la conscience individuelle ne parvient plus à entendre le discours moral qui lui est adressé, en dépit des efforts pédagogiques et de l’accompagnement que l’Église, dans son langage propre, nomme la « pastorale ». Aujourd’hui les pasteurs eux-mêmes vivent un écart tel entre le discours de l’autorité et le conseil moral et spirituel qu’ils sont amenés à apporter à chacun, au long des jours, qu’ils sont écartelés dans leur propre conscience. L’idéalisme moral - qu’il importe ici d’entendre au sens strict, à savoir : une démarche qui part de l’affirmation idéale et non du réel existentiel – vise à une adéquation entre la représentation que l’on développe (de la sexualité) 23 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page24 Couples sans histoire(s) ? « compréhensive », un ajustement aux situations, aux sensibilités, aux états de vie. Entre l’idéalisme moral dont on perçoit bien qu’il interroge radicalement une éthique individualiste et nécessairement relativiste, et une éthique de la responsabilité qui prend en considération la situation présente, s’efforçant de considérer notre humanité là où elle en est, il y a sans doute place pour un discours de la « gradualité » que le magistère catholique ne semble plus valoriser, après l’avoir pourtant promu, en particulier dans le domaine des questions conjugales (cf. Jean-Paul II : « Familiaris consortio 1981 n°9). Il est clair que nos contemporains sont, plus que jamais, en attente d’un discours idéal - mais non idéaliste – qui réintègre et relie le principe et le réel, la loi et le désir, la responsabilité et l’horizon exigeant du respect. La considération de ces tensions n’est pas nécessairement une caution au relativisme moral car il est bien sûr que tous les comportements ne se valent pas et qu’il importe d’éclairer les consciences. a toujours présentée comme « le sanctuaire » de la liberté humaine où l’homme est seul avec lui-même et avec Dieu (cf. Pie XII, radiomessage du 23 mars 1952). Sans pouvoir la développer dans les limites du présent propos, on croise ici la délicate et inévitable question de la « loi naturelle » : cette approche théologique traditionnelle du discernement premier que tout sujet peut et doit exercer, grâce à sa raison (cf. Concile Vatican II, Gaudium et spes, n° 16, 17 et 50). 2. Entre l’éthique de type « paternaliste » qui sait pour l’autre ce qui est bon pour lui et l’éthique de type autonomiste qui renvoie l’autre à « trouver ce qui est bon pour lui », s’ouvre aujourd’hui un espace pour la parole partagée grâce à laquelle nous sommes appelés à chercher ensemble « ce qui est préférable pour chacun et pour tous », au nom de l’idéal commun de la dignité de tout être humain, un idéal par essence à poursuivre. 3. Dans son autorité et sa mission, l’Église qui parle au nom du Christ, ne saurait réduire le service qu’elle offre à l’humanité (cf. Vatican II, Gaudium et Spes, le rôle de l’Église dans le monde de ce temps, n° 40 à 44) à la seule production d’un discours moral qu’il soit exhortatif ou prophylactique. C’est d’un message et d’un témoignage qui allient espérance et responsabilité dont beaucoup ont besoin aujourd’hui, en matière de sexualité comme dans les questions sociales. À la manière du Christ dans les Évangiles, l’Église est appelée à parler au cœur de l’homme et à le soutenir sans cesse dans son effort inachevé d’humanisation. Bruno Marie Duffé Trois questions touchent à la relation entre le catholicisme et la société contemporaine. 1. Si l’on intègre, comme le fait désormais le discours moral officiel de l’Église, la référence aux droits humains, il faut s’attendre à ce que les questions morales constituent un objet d’échanges et de confrontations entre des approches plurielles. Et l’on ne saurait en appeler aux droits humains et à la liberté de conscience sans écouter cette conscience, dans ses aspirations aussi bien que dans ses faiblesses, et même dans ses errances. Seule l’attitude de l’accompagnement et du conseil peut donner pleine considération à cette conscience que la théologie catholique 24 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page25 Couples sans histoire(s) ? Message à l’Église catholique de France adressé aux évêques De 2008 à 2010, le groupe ‘‘Jonas – Lyon’’ a essayé de conduire une réflexion sur la situation faite aux personnes divorcées remariées dans l’Église catholique. Cette réflexion a été conduite selon cinq perspectives : 1. Écouter des couples dans cette situation : d’abord prendre en compte leur souffrance, celle provoquée par la rupture d’un couple et celle du rejet par l’Institution ecclésiale ; ensuite découvrir leur attachement à l’Église. 2. Déchiffrer une certaine diversité dans les orientations exprimées par Rome, par des évêques et par des théologiens depuis le Concile Vatican II. 3. Clarifier le sens de mots qui sont utilisés dans les discours, notamment les mots légalité, moralité, sacramentalité. 4. Mettre en valeur l’enseignement moral habituel qui distingue le rôle de la ‘‘Loi’’ et la place de la ‘‘conscience’’. 5. Observer l’évolution des mœurs sur les relations sexuelles, sur les significations qui leur sont données et observer l’évolution de la vie réelle des couples établis dans la perspective de la liberté, de la fidélité, de la fécondité, cette vie réelle qui peut être révélatrice de la sacramentalité du mariage selon l’Église catholique. C’est cette réflexion (souvent paisible, parfois douloureuse) qui nous conduit à adresser un nouvel appel à l’épiscopat français : peut-on en effet rester bloqué dans les règles actuelles ? Ne devons-nous pas envisager résolument une démarche pastorale, attentive à la promesse que vivent les personnes divorcées, lesquelles éprouvent un enfermement et une souffrance dans l’application à leur endroit de prescriptions purement et simplement réglementaires ? L’exigence rappelée dans l’Évangile selon St Matthieu est beaucoup plus qu’une injonc- tion morale et juridique : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » (Mat. 19,6). Elle est, entre autres considérations, un appel à considérer et à prendre soin de la rencontre et de la confiance qui nous permettent de déployer notre pleine humanité, selon le désir de Dieu. 1. La vie conjugale est un chemin marqué de lumières et d’ombres ; sa dimension sacramentelle s’inscrit dans une histoire qui a précédé la célébration du mariage et qui se déploie d’année en année, avec ses phases de maturation et de transformation, selon l’humanité des conjoints et la part imprévisible de leur histoire commune. 2. L’attention que nous sommes appelés à offrir, comme pasteurs et au sein de nos communautés ecclésiales, à l’histoire individuelle et conjugale des individus ne saurait se réduire à une loi ou à un modèle qui ferait fi de l’expérience vécue par chacun : histoire souvent traversée de doutes et de remises en question d’engagements assumés de bonne foi mais parfois mis à mal par un mode de vie où la fatigue physique ou morale domine. 3. La foi en la Résurrection du Christ et de tout homme, à sa suite, fait naître au cœur des croyants une considération de l’histoire des individus, des couples et des communautés, dans laquelle prime le passage de la mort à la vie. Or nous sommes amenés à remarquer que certaines expériences d’épuisement d’une relation – devenue invivable – s’ouvrent sur une vie nouvelle dont la foi et l’espérance ne sont pas absentes. Elles sont parfois même le commencement d’une nouvelle quête spirituelle. La Parole du Christ ressuscité vient toucher et relever toute personne qui se lève avec lui du tombeau de la méfiance et de l’incompréhension, voire de la violence. 25 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page26 Couples sans histoire(s) ? 4. L’Église, en la personne de tout baptisé comme en chacun de ses ministres, est appelée à demeurer dans cette attitude diaconale qui consiste à s’approcher du frère pour lui offrir l’écoute et l’espérance d’un amour plus fort que toute rupture. L’attitude diaconale prend appui sur un Christ qui fait grâce et dont la grâce est plus forte que nos règles les plus légitimes. Il s’agit de laisser agir en chaque être l’Esprit qui nous réconcilie avec nous-mêmes et avec l’autre. Dans cet esprit de fraternité, ne croyez-vous pas que nous sommes appelés à aider des chrétiens sincères à marcher sur le chemin d’un amour qui les relève et les reconstruit ? Adresse du Collectif National de Jonas aux Évêques de France Voici quelques semaines chacun de vous receviez l’appel ci-dessus rédigé par le groupe de Lyon. Quinze jours après sa publication, seuls deux d’entre vous avaient simplement accusé réception du document.… Et maintenant, qu’allez-vous dire et surtout, faire ? Carpe Diem Vis le jour d’aujourd’hui Dieu te le donne, il est à toi, Vis-le en lui. Le jour de demain est à Dieu, Il ne t’appartient pas. Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui. Demain est à Dieu : remets-le lui. Le moment présent est une frêle passerelle : Si tu le charges de regrets d’hier, De l’inquiétude de demain, La passerelle cède et tu perds pied. Le passé, Dieu le pardonne. L’avenir, Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui En communion avec lui ; Et s’il y a lieu de t’inquiéter Pour un être bien-aimé Regarde dans la Lumière du Christ Ressuscité. Prière trouvée sur une petite Sœur du Sacré-cœur tuée en Algérie le 20 novembre 1995 26 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page27 Couples sans histoire(s) ? Regards de croyants sur la sexualité du couple Madeleine et Raymond Salles, Monique et Jean-Michel Dols, médecins. Jean Rigal, Théologien La foi en un Dieu-Trinité (Père, Fils, EspritSaint) apporte une lumière décisive à ces différents enseignements. Dieu est « relation » en son être même, révèle Jésus de Nazareth. Il est foyer d’amour, communion, communication, le contraire d’un être solitaire. Pas d’amour dans la solitude, pas d’amour sans échange, sans respect des différences, sans reconnaissance mutuelle. Bref, instaurer des rapports de réciprocité où chacun donne et reçoit. Notre première préoccupation est de tenir un langage positif lorsque nous parlons de la sexualité. Cette dimension de l’existence, source de plaisir et d’épanouissement, est constitutive de la personne et il importe d’en comprendre la signification. « La sexualité est une composante fondamentale de la personnalité, une façon d’exister, de se manifester, de communiquer avec les autres, de ressentir, d’exprimer et de vivre l’amour humain » (Instruction de la Congrégation romaine pour l’Éducation catholique, 1984). On peut affirmer que la sexualité est « révélée », qu’elle est l’image de la communion trinitaire. (cf. les Audiences de Jean-Paul II sur le corps humain, année 1980). Ces considérations prennent un nouveau relief lorsqu’on les met en rapport avec ce que la Bible nous dit de la création de l’être humain. Le Livre de la Genèse déclare qu’il est créé par Dieu « à son image et à sa ressemblance ». C’est reconnaître que l’image de Dieu en nousqu’il soit homme ou femme- est liée, pour une part importante, à la manière dont nous assumons cette réalité incontournable de l’existence humaine. L’enseignement biblique ne porte pas sur « l’acte sexuel » à proprement parler, mais sur les enjeux qui doivent l’éclairer, le rendre profondément humain. Et c’est infiniment plus important à nos yeux. C’est cette dynamique, fondée sur Dieu et sur la réalité humaine, qui nous tient à cœur. À notre avis, le discours de l’Église reste empêtré dans des considérations où l’on semble mettre sur le même plan, les méthodes, les moyens et les enjeux ou la finalité. D’autre part, l’Église a trop souvent lié femme et sexualité au péché et à la licence. De plus, l’institution ecclésiale ne pourra en sortir que si elle parvient à se libérer de son souci obsessionnel de la continuité de son enseignement. Celui-ci s’enrichirait en tenant davantage compte de l’opinion des chrétiens et des recherches actuelles. Ce même Livre de la Genèse montre la création comme un acte d’Amour : « Et Dieu vit que cela était bon » et même « très bon » lorsqu’il s’agit de l’être humain. Plus encore, Dieu s’est fait chair (Jn1,14) dans un corps humain sexué, « devenant semblable à nous en toute chose, excepté le péché ».(He 4,15). Cet enseignement sur le corps humain prend une nouvelle ampleur à la lumière de la foi de l’Église en la résurrection des corps promis à la vie éternelle. Il n’est pas de motivation plus profonde pour donner toute sa place au corps, manifestation de notre identité et rencontre privilégiée avec Dieu, aujourd’hui et pour toujours. N’est-il pas surprenant et douloureux de penser qu’une religion qui insiste tant sur « DieuAmour » et ses implications dans notre vie, puisse donner naissance à de si profonds malaises dès qu’on parle de sexualité ? 27 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page28 Couples sans histoire(s) ? tale entre le sacré et la sainteté. Si le sacré est extérieur à la liberté humaine et s’il est terrifiant, la sainteté, elle, passe par la liberté de l’homme. Toujours avec sa collaboration, elle est le déploiement de la vie divine dans tous les aspects de l’existence humaine. » (L’amour et la sexualité dans la Bible. Nouvelle cité, p. 25). En tout cas, c’est dans la dynamique gratifiante et exigeante d’un amour réciproque que s’inscrivent nos réflexions sur la relation sexuelle. Celle –ci nécessite altérité, cheminement, fécondité, dépouillement. Altérité : L’altérité appelle le respect de l’autre, l’échange, le don mutuel. La sacralisation sépare, la sainteté met en relation. Elle ne se reconnaît pas dans une image purement idyllique de la sexualité. Fécondité : La fécondité constitue l’un des quatre piliers du mariage chrétien avec la liberté, la fidélité et l’indissolubilité. Le sacrement est vécu tout au long de la vie du couple. Le dialogue, le respect du conjoint, la compréhension, les gestes d’attention et de tendresse sont constituants de la vie de couple. Cela ne va pas sans tensions, et ce n’est pas une affaire de méthode. « C’est tout le mariage qui est sacrement. Disons même que l’on entre progressivement dans le sacrement. Sacramentels sont les actes qui le constituent : les repas pris en commun, les étreintes charnelles, l’accueil des hôtes, l’éducation des enfants, les attentions mutuelles et même les crises et les réconciliations » (X Lacroix Le mariage Tout simplement / Ed de l’Atelier P 89) D’une certaine façon, « il n’y a pas d’équilibre possible en amour ! Le seul équilibre dans une vie amoureuse c’est la routine, la mort psychique et la mort sentimentale. En amour, comme dans toutes les relations affectives, les deux êtres qui se font face sont des êtres vivants. Chacun évoluant différemment, pour son propre compte et, à l’intérieur de la relation, l’équilibre ne peut être qu’instable ». (B. CYRULNIK, Psychologies, oct. 2003). Cet équilibre souvent fragile demande à être soutenu par un amour mutuel et le souci d’aider l’autre à être lui-même. En 1966, la Commission instituée par Paul VI, pour éclairer les questions de fécondité, adopte, à une large majorité, le texte suivant : « La moralité des rapports sexuels dans le mariage prend la signification première et spécifique du fait de leur ordonnance dans une vie conjugale et féconde, c’est-à-dire pratiquée dans l’esprit d’une paternité responsable généreuse et prudente, et elle ne dépend par conséquent pas de la fécondité directe de chaque rapport en particulier. » Cheminement : La sexualité est un cheminement et peut être une voie de sainteté comme le souligne Pierre Debergé, recteur de l’Institut catholique de Toulouse : « pour la Bible, la sexualité et la fécondité ne sont pas des forces mystérieuses que l’homme doit apprivoiser… ; le corps et la sexualité ont été remis à la responsabilité des hommes pour qu’ils participent à la puissance rédemptrice de Dieu. Car tel est le changement fondamental opéré par la Bible : on ne participe pas à une sexualité divinisée mais à la puissance créatrice de Dieu (…). De ce fait, la sexualité ne doit pas être sacralisée mais sanctifiée. Ainsi apparaît une différence fondamen- Cette ouverture à une fécondité de l’ensemble de la vie conjugale nous semble pertinente. En écho, les évêques allemands et les évêques belges, ont renvoyé les couples à leurs responsabilités et à leur conscience éclairée, c’est-àdire attentive aux critères de l’Évangile. Dans le même sens, le père Yves Congar, éminent théologien, expert au concile Vatican II, écrivait, de son côté : « Je n’arrive pas vrai28 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page29 Couples sans histoire(s) ? dans le pain partagé et la croix du Christ, inséparable de la résurrection, révèlent le mystère de Dieu comme dépouillement et don total. ment à juger que des époux qui ont exercé ou exercent une paternité raisonnable et généreuse contreviennent à la volonté de Dieu si, pour espacer ou éviter une nouvelle naissance…, ils usent d’un moyen artificiel plus sûr que l’abstinence périodique (Dossier « Assemblée plénière de l’épiscopat, novembre 1968). La sexualité est un chemin, parfois dans l’obscurité, les turbulences de l’existence, mais jamais absente. Elle peut connaître les pires dérives. À l’inverse, elle reste, pour sa part, un véritable lieu de sainteté, particulièrement noble, épanouissant et exigeant, en réponse aux appels de l’Évangile. Dépouillement : Il n’y a pas de véritable amour sans dépossession, renoncement, patience, pardon. Le dépouillement s’inscrit dans la vie du couple, y compris dans la relation sexuelle. Cette dimension –les chrétiens le savent- est au cœur de la Pâque de Jésus ; le lavement des pieds, le don Avec ce texte, nous ne voulons donner de leçons à personne, mais simplement partager avec vous cette visée positive et stimulante, en espérant qu’elle suscitera vos réactions et contribuera à notre réflexion commune. 29 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page30 DU CÔTÉ DES LIVRES André FOSSION DIEU DÉSIRABLE e présent ouvrage défend l'idée d'une pastorale du désir de Dieu. Le Dieu des chrétiens ne s'impose pas. Croire en Lui n'est pas nécessaire pour être heureux, pour rendre heureux et être engendré à la vie que Dieu donne. Mais la foi en un Dieu bon, sauveur et libérateur est un don précieux et gratuit. Cette grâce-là pousse vers les autres, pour les écouter, les comprendre, les aimer. Cette grâce-là permet la reconnaissance, dans les autres, de Dieu. Cette grâce-là rend Dieu désirable. Tel est le thème de ce livre de pastorale, divisé en quatre parties : évangéliser, catéchiser, enseigner, lire les Écritures. L'enjeu est de faciliter l'accès à la reconnaissance joyeuse de la grâce de Dieu. L Sur le site de JONAS dans la rubrique à Lire voir l’article sur cette question de la foi en Dieu. www.groupes-jonas.com/neojonas/ André FOSSION Jésuite, est professeur au Centre International Lumen Vitae à Bruxelles, Il a été directeur de ce Centre de 1992 à 2002 et président de l'équipe Européenne de Catéchèse de 1998 à 2006. Il est auteur de Lire les Écritures. "Théorie et pratique de la lecture structurale" (Lumen Vitae, 1980), de "La catéchèse dans le champ de la communication" (collection « Cogitatio fidei », Cerf, 1990), de "Dieu toujours recommencé" (Lumen Vitae, Cerf, Novalis, 1997) et de "Une nouvelle fois. Vingt chemins pour (re)commencer à croire" (Lumen Vitae. Novalis, l'Atelier, 2004). Vincent Petit ÉGLISE ET NATION La question liturgique en France au 19 e siècle Presses Universitaires de Rennes 2008 Voici un ouvrage récent dont le sous-titre attirera tous ceux qui s’agacent ou se passionnent face aux querelles persistantes agitant les milieux catholiques français, quarante ans après Vatican II. Sur les deux cents pages, une centaine seulement constitue la thèse présentée par l’auteur, l’autre moitié des pages apportant en annexes bon nombre de textes épiscopaux (circulaires, mandements) et des extraits de documents romains, des cartes, un ensemble d’informations d’ordinaire inconnues du commun des lecteurs. Le livre est érudit donc, mais il est présenté par Vincent Petit, son auteur, comme un essai. Il tente en effet de montrer par quelles logiques, interne et externe, le catholicisme ultramontain intransigeant l’a emporté en France grâce à certaines personnalités, certains courants (Dom Guéranger notamment, les mennaisiens), et ce malgré les 30 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page31 Du côté des livres traditions antérieures, ainsi que le gallicanisme de beaucoup d’évêques. Paradoxalement, les révolutionnaires imposant la Constitution Civile du clergé relayés ensuite par les décisions de Bonaparte (concordat), leur volonté politique commune de constituer une église nationale pour mieux la contrôler, tout cela a renforcé la papauté dans sa résistance aux nouveautés du siècle (démocratie, citoyenneté individuelle, égalitarisme, etc.) Au cours de ce 19e siècle qui a vu en Europe l’émancipation des états nations de la tutelle romaine, qui a connu l’effondrement des pouvoirs territoriaux du souverain pontife, l’Eglise catholique a survécu en magnifiant son universalité contre les traditions locales mêmes anciennes, jouant de la prépondérance romaine en tout domaine, notamment en liturgie moyen d’expression par excellence de sa visibilité sociale. Le lecteur est ainsi plongé dans les querelles de rénovation du calendrier des saints, de l’imposition du bréviaire romain, de l’uniformisation du chant liturgique, etc. En cours de lecture il comprend mieux les tensions existant entre l’Eglise catholique et la démocratie, la crainte de la modernité, la place du latin face à la langue vulgaire… toutes querelles que seule l’ignorance historique fait dater du concile Vatican II. Jean Lavergnat Jacques LAGROYE APPARTENIR A UNE INSTITUTION Catholiques en France aujourd'hui LIBRAIRIE dialogues Forum Rouil 29200 BREST tel : 02 98 44 35 09 - site : www.librairiedialogues.fr Ce livre est indiqué par Gérard BESSIÈRE, voici ce qu'il en dit "Ce livre est extrêmement intéressant, j'ai désiré vous le signaler car il apporte des éléments de lucidité et pourrait faire l'objet d'échanges entre nous. L’ouvrage est "lisible" sans jargon ni abondance de tableaux "sociologiques. Il va très profond dans l'analyse de ce que nous avons vécu et vivons dans l'Église. É glise catholique est durement affectée par des processus variés qui ébranlent, les uns après les autres, les fondements mêmes de son existence en tant qu'institution. En analysant les différentes facettes de cette crise, en étudiant les façons dont les catholiques en France « appartiennent» à l'Église mais aussi la contestent ou s'en détournent, Jacques LAGROYE (1936-2009), ancien directeur du département de science politique de la Sorbonne (Université Paris I Panthéon-Sorbonne), nous montre que « bien des ruptures résultent d'un amour déçu, mais aussi bien des efforts, parfois pathétiques, pour préserver une relation .. dans laquelle on a trouvé une forme de bonheur et en laquelle, en dépit du désarroi, on veut encore croire ». Cet ouvrage est une contribution importante à la compréhension des transformations contemporaines du catholicisme... qui met tout à la fois l'accent sur les modalités d'appartenance des fidèles à l'Église, sur les modes d'exercice du pouvoir de ses dirigeants, sur les formes d'entretien de la docilité en son sein et donc, aussi, sur les contestations et les ruptures. Mais c'est également, et peutêtre d'abord, une contribution à la sociologie des institutions, qui cherche à comprendre les relations 31 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page32 Du côté des livres entre un collectif organisé et les multiples manières de vivre l'appartenance à ce collectif, de participer à ses activités, de le construire en pratique tel qu'il est. Ce livre posthume d'un grand universitaire catholique,qui retrace en creux un itinéraire intellectuel, est une leçon de sociologie,attentive à comprendre les différences entre la posture du spécialiste en sciences sociales et celle du théologien, respectueuse des croyances pour comprendre ce qui les rend possibles. Sous la direction dʼOlivier Bobineau et Jean Guyon LA CORESPONSABILITÉ DANS LʼÉGLISE, UTOPIE OU RÉALITÉ ? V ient de paraître, aux éditions Desclée de Brouwer, un ouvrage important sur la coresponsabilité dans l’Église. Le thème n’est pas nouveau, mais il a pris une telle ampleur, au cours des dernières décennies, qu’il est devenu un mot d’ordre adressé à la communauté catholique, et pas seulement en France. Ce livre reprend le riche enseignement d’un Colloque organisé par la Communauté Saint-Luc de Marseille, en janvier 2009. Il comporte trois parties, profondément reliées entre elles. La 1ère partie est le fruit de trois regards différents et complémentaires : une approche sociologique que l’on doit à Olivier Bobineau, maître de conférences à l’Institut catholique de Paris et à Sciences-Po ; une approche théologique d’Alphonse Borras, professeur à l’Université catholique de Louvain et vicaire général de Liège ; une approche psychosociologique de Vincent Hanssens, professeur émérite de l’Université catholique de Louvain. en lien avec l’Église. Communauté missionnaire et coresponsabilité trouvent leur essor avec le concile Vatican II. C’est à partir des années 1990, que l’on va assister, du moins en France, à de véritables modelages paroissiaux. La pénurie des prêtres, avant tout, les favorise. D’autre part, l’aménagement des paroisses reçoit un support canonique important avec le Code de 1983 : la paroisse n’est plus définie d’abord comme un territoire mais « comme la communauté précise des fidèles » et « dont la charge pastorale est confiée au curé ». Bref, la paroisse est conçue « comme un pôle de fidèles, territorialisée le plus souvent, La sociologie (1er volet) ne peut ignorer l’histoire. La gouvernance paroissiale émerge progressivement à partir du 12ème siècle dans l’Église d’Occident. On peut dater de cette époque « la naissance du curé », une fonction qui trouvera des fondements plus affirmés avec le concile de Trente, au 16ème siècle. Le curé devient le « médiateur » entre les fidèles et Dieu, chargé de la Parole, des sacrements et de l’action pastorale. L’héritage tridentin va durer durant des siècles jusqu’à l’apparition claire d’une société sécularisée dans les années d’après-guerre. La dimension missionnaire prend du relief. La paroisse est composée de tous ceux qui l’habitent, qu’ils soient ou non 32 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page33 Du côté des livres ouvert à la mobilité géographique et sociale des croyants » (page37). L’enracinement de ces ouvertures dans l’enseignement de Vatican II est manifeste. Ces déplacements sont portés par de nouvelles structures, essentiellement le conseil pastoral, le conseil des affaires économiques (rendu obligatoire par le Droit canon) et les équipes pastorales, sorte d’organe exécutif. Il va de soi que tout ceci entraîne une évolution du rôle du curé et plus largement de tous ceux qui exercent une responsabilité pastorale : les diacres, les laïcs salariés, les laïcs investis dans les structures paroissiales (conseil pastoral, conseil des affaires économiques, équipe pastorale). Le sociologue ne manque pas de souligner que « la coresponsabilité paroissiale est traversée par les tensions de la modernité : « autonomisation du croyant mais en même temps valorisation de son engagement, croire dérégulé et régulation institutionnelle, déterritorialisation et reterritorialisation des fidèles » (p.61). Les enjeux théologiques et institutionnels (2e volet) sont relevés par A. Borras. Le fondement majeur de la coresponsabilité est le Baptême, et non les circonstances qui, bien évidemment, le favorisent comme la pénurie des prêtres ou les évolutions démographiques. C’est au titre du baptême que les chrétiens prennent part à la triple fonction prophétique, sacerdotale et royale du Christ et du corps ecclésial. Ces charges sont aussi des responsabilités. « Elles sont autant de l’ordre de l’être que du faire » (p.73). Et la responsabilité missionnaire ne s’ajoute pas à l’incorporation missionnaire, elle lui est inhérente. Toutefois, le mot « coresponsabilité » met en relief la responsabilité de tous mais il ne dit pas en quoi chacun est responsable (p.77). D’autre part, le terme n’est-il pas utopique, au sens courant mais restreint de « promesse non tenue », ce qui ne signifie pas qu’il faut l’exclure, car il est exhortatif et mobilisateur. Il importe plutôt de mesurer les limites de son utilisation (p.78). Le théologien développe le contenu de la notion de « communion » comme participation solidaire à une charge, mais à la condition qu’elle soit conjuguée avec le concept de « synodalité », c’est-à-dire avec un « marcher » ensemble et chacun selon son rythme» (p.83). En fait, on ne peut parler de coresponsabilité qu’au sens de coresponsabilité différenciée. Après avoir relevé la primauté de la communauté sur la diversité de ses membres, vient la nécessité de préciser le ministère du prêtre : « Le curé n’est plus au centre, les laïcs tournent autour de lui. C’est désormais le prêtre qui « tourne » allant de l’une à l’autre communauté locale » (p.87). Le troisième volet est d’ordre psychosociologique. On souhaiterait que beaucoup de chrétiens prennent connaissance de ces principes majeurs concernant l’exercice concret de la coresponsabilité dans l’Église. Les observations de Vincent Hanssens se montrent très précieuses à cet égard. Par exemple, qu’est- ce qui préside à la délégation des pouvoirs ? Ou encore, quelles sont les attitudes requises pour une coresponsabilité réellement vécue ? Considérer les différences d’opinion comme des éléments positifs. Mais alors comment gérer les conflits ? Que penser des compromis ? Rester préoccupé du problème et ne pas s’engager trop rapidement dans un processus de solution. « Il ne s’agit plus d’une relation de dépendance des laïcs par rapport aux clercs, mais d’interdépendance » (p. 111). La 2e partie de l’ouvrage est une sorte « d’étude de cas » ou de témoignages concrets. Il est impossible d’en faire une présentation exhaustive, mais on peut relever des convergences. Transparaît d’abord un « esprit » proche de celui des communautés locales de Poitiers. La participation des laïcs ne relève pas d’abord d’exigences d’ordre pratique mais d’une commune responsabilité fondée sur le baptême. Celle-ci s’exprime par des instances diverses de fonctionnement et d’animation. Un projet stimulant oriente les efforts et les échanges. On parle volontiers d’une « pastorale du seuil ». Les appartenances à la communauté sont parfois très floues : de l’engagement fervent aux différentes formes d’incroyance. La liberté de choix devient un facteur déterminant. Le rôle du prêtre apparaît comme le signe 33 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page34 Du côté des livres de l’identité de l’Église « qui se reçoit du Christ ». La 3e partie du livre est le fruit d’une « table ronde » où s’expriment « les experts » et l’ensemble des participants du Colloque. L’exercice du pouvoir reste une question essentielle, notamment dans la relation « prêtres-laïcs » mais pas uniquement. Néanmoins, la vie ecclésiale dépasse cette dimension institutionnelle. Elle « est ordonnée autour de deux pôles : l’un institutionnel, bien sûr, et l’autre pneumatique. Si elle n’est qu’institution, elle est vouée à la mort, faute de souffle » (p. 202). La formation des chrétiens en responsabilité reste essentielle, mais elle doit rester ouverte, c’est-à-dire « tout le contraire du formatage ». Il importe aussi de prendre le temps du dialogue, sans passer trop vite à des recherches de solution. Ce livre est surtout attentif aux réalités urbaines, et il s’intéresse essentiellement à l’exercice de la coresponsabilité dans les com- munautés paroissiales qui deviennent, de plus en plus, des ensembles de communautés locales, notamment en rural. Ce point appellerait d’autres réflexions. L’ouvrage n’a pas la prétention – heureusement – de couvrir l’immense et complexe question de la coresponsabilité en Église. Bien sûr, il n’aborde pas directement des thèmes plus fondamentaux qui affectent désormais profondément les communautés chrétiennes, tel le statut de la foi dans la société sécularisée et les nouvelles cultures. Un livre ne peut tout dire. Cet ouvrage ne donne pas des solutions en forme de recettes. Il souligne les évolutions. Il affronte, sans détour, les inévitables difficultés que « l’on retrouve dans tout groupe humain », comme le fait remarquer Bruno Duriez, directeur de recherche au C.N.R.S. Bref, c’est un livre stimulant. Il sera éclairant pour un grand nombre de chrétiens – clercs et laïcs – en responsabilité. Jean RIGAL théologien Suite de la page 20 50 km E.S.E. d’ici ; je n’y étais pas allé depuis janvier 1913 ; j’y ai été reçu on ne peut plus fraternellement par les six Français et les trente Arabes de la garnison […]. Il m’a été doux de passer deux jours au milieu de ces braves gens. Outre la fraternité chrétienne et la fraternité entre fils du Père commun qui est aux cieux, la fraternité française est très chaude, en ce coin reculé de la patrie, et elle existe non seulement entre Français mais aussi entre eux et les soldats indigènes de la France. » gence et de tout son cœur, à devenir véritablement « frère universel ». Ce n’était pas pour lui un sentiment océanique, une embrassade générale ; cela n’empêchait pas les tensions – tout au contraire, du fait même de ce « feu » que Jésus a allumé sur la terre. Ce fut un incessant travail de conversion personnelle, d’approche réaliste, humble et patiente, pour établir avec les uns et les autres des relations interpersonnelles d’une qualité telle qu’on en vienne à l’adopter comme un frère, comme « l’ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute ou la peine ; sur l’affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument ». (à René Bazin, 29 juillet 1916). Charles de Foucauld devenu prêtre (9 juin 1901), est parti au Sahara à la rencontre des « frères de Jésus qui L’ignorent ». Jusqu’à sa mort, pendant quinze ans, à Beni Abbès puis à Tamanrasset, il a cherché, de toute son intelli- Brigitte Cuisinier 34 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page35 Du côté des livres Céline Béraud PRÊTRES, DIACRES, LAÏCS Presses Universitaires de France. (Recension par Michel PINCHON ) C e livre que nous recommandons à tous les membres des équipes Jonas, est l'œuvre d'une femme qui enseigne à l' « Institut européen en science des religions ». Elle est Docteur et Maître en sociologie à l'Université de Caen. Cette étude s'inscrit dans un courant nouveau. Depuis longtemps, la sociologie religieuse se spécialisait dans les nouvelles formes de croyance, sur l'évolution de la foi dans les sociétés modernes et dans la vie chrétienne. Un nouveau courant s'est créé, soucieux de se concentrer sur les institutions religieuses et spécialement sur celle de l'Eglise catholique dans son évolution depuis le Concile. Danièle Hervieu Léger qui préface ce livre avait ouvert cette route dans plusieurs de ses ouvrages et spécialement dans « La fin du Catholicisme ». Céline Béraud, à partir d'entretiens très variés auprès de prêtres de diacres et de laïcs, analyse en sociologue, les bouleversements profonds de cette Eglise et spécialement les conséquences de la crise actuelle, particulièrement apparents dans la diminution lente mais constante du nombre de prêtres et dans la tendance très inquiétante de la pyramide de leurs âges. On sait qu'en 40 ans le clergé français a perdu la moitié de ses membres et que l'âge moyen se situe autour de 72 ans. La moitié membres de ce clergé a dépassé l'âge de la retraite. Sur ce fond de tableau, face à cette situation nouvelle, l'auteur se préoccupe en premier lieu de la redistribution des tâches entre prêtres, diacres et laïcs « missionnés » et spécialement des femmes dont les responsabilités se font de plus en plus nombreuses. Le corps sacerdotal n 'est plus seul en scène, même si les responsables actuels de l'Eglise lui gardent la responsabilité de la mission en priorité, ainsi que des différentes cultures, paroisses, aumôneries, mouvements et services. Cet entêtement fait illusion et dissimule les nouvelles formes que prend aujourd'hui cette « division du travail ». Celle-ci s'est mise en place progressivement depuis 30 ans et ce changement est considérable et généralement répandu. Il ne peut plus être méconnu. Céline Béraud parle d'une « révolution silencieuse ». Elle propose une étude sociologique de ce mouvement irréversible. elle en analyse les conséquences et repère les difficultés de la mise en place de ce nouveau type de collaboration. Se posent des questions de pouvoir, d'accueil de la recherche de solutions nouvelles. Elle montre par exemple combien la réservation au prêtre de tous les sacrements, et spécialement du baptême et du sacrement des malades, rend souvent la collaboration entre les responsables de la mission moins facile. Elle note aussi beaucoup de « flou » dans ces recherches et dans ces initiatives. sur ces chantiers, les prêtres se situent de façon très variée, allant de l'autoritarisme le plus étroit à une ouverture peu précise. Le rôle du diacre, lui aussi, devient de plus en plus imprécis entre l'envoi en mission par l'évêque vers un secteur social précis (Santé, Presse, Médias, Jeunes, Prisons, Monde rural...) et la récupération actuelle pour pallier le manque de prêtres dans la préparation et la célébration des sacrements. Naissent donc des situations très variées, peu précises, non réglementées, dont C.B. pense qu'elles sont peut-être le champ où germe l'avenir de l'Eglise, au moins en France. Ce « flou » permet un certain « bricolage » d'initiatives, de propositions, d'essais en tous genres d'où sortira, pense-t-elle, une Eglise renouvelée. 35 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page36 Du côté des livres Jacques Musset QUAND LA MALADIE RAMÈNE À LʼESSENTIEL Éditions Siloë es « méditations » qui constituent ce livre, ont été écrites durant ma traversée de la maladie. Atteint d’un cancer au pronostic incertain, soumis à une opération délicate, j’ai affronté six mois de chimiothérapie éprouvante et je traîne actuellement certaines séquelles Ce qui s’énonce dans mes méditations relève moins de la relation de mon expérience de malade que d’un essai s’attachant à réfléchir une nouvelle fois – peut-être la dernière – sur l’essentiel qui me fait vivre et m’anime de l’intérieur. La maladie a été l’occasion de moments silencieux d’intense recueillement ; et ce qui en émane est comme l’ultime aveu de ma propre vérité d’homme. Menacé dans mon existence, conscient plus que jamais de ma finitude, recentré sur les valeurs fondamentales qui donnent sens à la vie, j’ai laissé se redire en moi ce qui me semblait l’unique nécessaire, hors de quoi nous sommes dans la figuration ou l’illusion. Je poursuis mon chemin, dans la paix et la sérénité, en ignorant toutefois de quoi demain sera fait. Mais je suis confiant que le trésor intérieur ne me fera jamais défaut, quoi qu’il arrive. Jacques Musset L Jacques Musset - 12, rue du Ballon, 44680 Ste Pazanne - [email protected] La notion de fraternité dans l'enseignement de Vatican II par Jean Rigal A visiter sur le site Jonas : www.groupes-jonas.com/neojonas "La fraternité est toujours en chantier. Elle est sans cesse à construire. Elle est à la fois contestation et action". "La fraternité est déjà mise en œuvre lorsque l’on fait tomber les frontières, lorsque l’on renverse la logique de Babel." La notion de fraternité ne fait pas l’objet d’un chapitre particulier de l’enseignement du concile Vatican II comme c’est le cas pour celle « d’Eglise peuple de Dieu » ou « de dignité de la personne humaine ». La notion de fraternité est présente plutôt de manière diffuse, mais répétée, tout de même 28 fois, à l’intérieur de différents documents, essentiellement « la Constitution pastorale Gaudium et Spes » (G.S.). Bien entendu, la conception conciliaire de la fraternité dépasse le strict emploi du mot. C’est ainsi qu’elle n’est pas éloignée d’autres concepts : communauté, société, unité, solidarité, partage, corps, cité etc. Le concile ne donne pas de définition du terme « fraternité », ni même de référence à une doctrine philosophique ou politique. Il ne s’offre donc pas d’autre solution que de relever la signification donnée par le texte lui-même. Je regrouperai cet enseignement autour de trois questions : - les fondements théologiques de la fraternité, - construire une communauté fraternelle, - l’Église « ferment de fraternité ». 36 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page37 Du côté des livres Matthew B. Crawford ÉLOGE DU CARBURATEUR Essai sur le sens et la valeur du travail. Matthew B. Crawford La Découverte - 9 bis, rue Abel-Hovelacque www.editionsladecouvertez.fr C e livre m'a été offert à l'occasion d'une fête qui se voulait valoriser une trentaine d'années passées dans la formation professionnelle dans les métiers de la métallurgie niveau CAP et BP. Cette fête avait réuni une centaine d'anciens maintenant presque tous à la retraite. Presque tous terminaient avec des postes de responsabilité et certains de créations d'entreprises. Intéressant de constater ce qu'étaient devenus ces manuels d'origine et je ne peux que me réjouir de la publication de "'Éloge du carburateur" dans lequel j'ai retrouvé bon nombre d'anecdotes qui auraient pu se produire en nos ateliers d'apprentissage. Le travail et pourrait-on dire le travail manuel particulièrement est à l'ordre du jour. Si vous avez envie d'entendre autre chose que les discours tout faits et en même temps sourire et peut-être rire l'auteur vous livre dans cet ouvrage intelligent et drôle l'une des réflexions les plus fines sur le sens et la valeur du travail dans les sociétés occidentales. Il montre que le travail manuel peut même se révéler beaucoup plus captivant d'un point de vue intellectuel que tous les nouveaux emplois de l'« économie du savoir ». Peut-être que la conclusion fait partie de la révolution dont on dit qu'elle vient ? « Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et de mettre les mains dans le cambouis... » ML 37 Intérieur45_Mise en page 1 29/11/10 13:08 Page38 Du côté des livres Francis AYLIES LE CORPS DU CRIME Éditions Jc Lattés Je n'ai pas l'habitude de lire des polards. Pour une fois ! J'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture, avec un suspense qui dure jusqu'au dernier chapitre. Pensez donc : un livre qui sait dans les tensions actuelles en Église ouvrir le débat entre traditionalistes et ceux inspirés par Vatican II pour une spiritualité renouvelée. C'est aussi la rencontre avec une bande de jeunes autour de Marcia et du père Stefano : ils ont dix-huit ans, vivent en marge, entre le chômage, la drogue, la prostitution… Marcia va progressivement s’intégrer au groupe, partager leurs angoisses, s’ouvrir à leurs indignations… et surtout comprendre que ses propres interrogations sur le sens de la vie peuvent trouver des orientations dans les Écritures, où Jésus est un homme confronté comme chacun d’entre nous aux tourments de l’existence. Avec tout cela le Père Francis AYLIÈS – il est de Bordeaux avec des situations nées de l'intégrisme – se lance et écrit un polard. Tout à fait exact ce qu'écrit l'éditeur : " Un livre ambitieux qui cherche à allier l’art du suspense à la réflexion sur la spiritualité." ML Rue des fillettes : le col romain bof ! Directeur d’une École professionnelle. Voici ce qui m’est arrivé : La section chaudronnerie soudure étant avait besoin d’une rouleuse (une machine qui sert à rouler des tôles). Je me suis rendu, rue des Fillettes à Saint-Denis, Région Parisienne ; une usine y mettait en vente la machine que nous cherchions. A l’heure du déjeuner, je m’installe à la terrasse d’un café. Le serveur n’a pas l’air pressé, ni moi non plus, je lie conversation et lui commande un sandwich et une pression. - « Voilà, Monsieur le curé » me dit-il apportant ma commande. Surprise de ma part, j’étais comme on dit en « péquin » - et bien entendu sans col romain et n’ayant à aucun moment parlé religion. De nouveau j’engage la conversation et lui commande un café. De nouveau c’est du : « Monsieur le Curé ». Intrigué par cette reconnaissance je lui demande le pourquoi du « Monsieur le Curé » ? - « Vous savez, me dit-il, désormais pour être gentils avec nous, nous considérer, s’intéresser à ce que nous vivons, il n’y a plus que les curés et les bonnes sœurs, même sans costume on les reconnaît » ! C’était en 1969 : un curé, rue des fillettes, Plaine Saint-Denis cherchant une « rouleuse » ! Maurice LEROUX 38 Couverture45_Mise en page 1 29/11/10 13:06 Page3 Équipe nationale de Jonas Gilbert ADLER 74, rue des Vosges 67000 STRASBOURG 03 88 25 15 39 - 06 32 08 22 38 E.mail : [email protected] Michel ANGLARES 27, rue Gaultier 92400 COURBEVOIE Thérèse BORDES rue des Chénevières 70100 GRAY-LA-VILLE 03 84 65 26 85 E.mail : andrebordes@ libertysurf.fr Yves COLARDELLE 1, rue de l' église Brigitte CUISINIER 6 Plan du Framboisier 34750 VILLENEUVE les MAGUELONE E.mail [email protected] Michel DEHEUNYNCK 59, rue de l’Union - 93000 BOBIGNY Henri DENIS 74, rue du Fort-St-Irénée 01 43 33 35 44 - Fax 01 47 89 24 44 E.mail : [email protected] 55110 VERDUN-SUR-MEUSE 03 29 80 94 42 E.mail : [email protected] et fax 01 48 32 83 57 - 06 37 39 75 29 E.mail : [email protected] 69005 LYON 04 72 38 21 81 E.mail : denishenry5 @wanadoo.fr Paul-Maurice DUPONT 96, avenue du Tournaicis 78990 LANCOURT 01 30 50 41 72 E.mail : [email protected] Jean-Marie FALLOUX Les Sablons 72500 LAVERNAT Gilles LACROIX 54, rue du Gué 41250 MONT-PRÈS-CHAMBORD 02 54 70 70 87 E.mail : [email protected] Maurice LEROUX 4, rue du 8 Mai Jean LAVERGNAT 20, rue de Nantes 75019 PARIS Michel PINCHON Presbytère Guy POISLEY 32, me rue de l'Église 78520 LIMAY Gaby ROGNON La Tuilerie 25130 27240 GOUVILLE N’oubliez pas de signaler vos changements d’adresses (en indiquant l’ancienne) à : JONAS Presbytère 27240 DAMVILLE 41500 SUÈVRES VILLERS-le-LAC 02 43 46 41 65 E.mail : [email protected] 02 54 87 83 08 - 06 75 86 16 18 E.mail : [email protected] 01 40 34 57 18 E.mail : [email protected] et fax 02 32 29 83 16 E.mail: [email protected] 01 34 77 10 76 E.mail : [email protected] 03 81 68 10 68 E.mail : [email protected] Direction et Secrétariat Michel PINCHON - Presbytère 27240 GOUVILLE Tél. et fax : 02 32 29 83 16 E.mail: [email protected] Pour tout règlement : Les Amis de Crespiat 27240 DAMVILLE CCP 2931 15 G Rouen Couverture45_Mise en page 1 29/11/10 13:06 Page4 Fraternité Déclaration Universelle des Droits de l'Homme 1948 : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» 1 Celui que tu connais, tu l'aimes comme un frère. Il est né près de toi, tout est normal ainsi ; Mais celui qui naquit sur la terre étrangère, Pourquoi ne pas l'aimer aussi ? 2 Ton amour fraternel aurait-il des frontières, ou le bonheur de tous est-il ton seul souci ? L'étranger, comme toi subissant des misères, Pourquoi ne pas l'aimer aussi ? 3 L'Ancêtre vénéré, naissant avant tes pères, Qui toujours combattit, sans demander merci, Pour que l'humanité sorte de sa galère, Pourquoi ne pas l'aimer aussi ? 4 Et l'enfant qui naîtra, venant à la lumière, Dans un monde aveuglé qui va sans but précis, Cet enfant dont le sort est encore un mystère, Pourquoi ne pas l'aimer aussi ? 5 Enfin l'humanité, si sage et si légère, Dont les comportements sont toujours indécis, Peux-tu t'en isoler ? mon ami, mon frère ? Pourquoi ne pas l'aimer aussi ? "Oh cette petite souris, combien d'informations, de communications elle peut procurer !" Le Courrier et le site ne vont pas l'un sans l'autre. Internet est pour tous âges. Site : www.groupes-jonas.com/neojonas/ Adresse Mail du site : [email protected] Impression et mise en page : Imprimerie St-François - 41000 Blois Texte : Lucien Damiens ; Musique : Jacques Filleul (1951) Loge lyonnaise : Les amis des Hommes