Beaumarchais dramaturge et metteur en scène
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Beaumarchais dramaturge et metteur en scène
BEAUMARCHAIS DRAMATURGE ET METTEUR EN SCENE BEAUMARCHAIS DRAMATURGE Au théâtre classique, on parle de la règle des trois unités : Le Lieu, Le Temps et l’Action. Dans le Mariage de Figaro, l’unité de temps est-elle respectée ? Justifiez. La pièce doit s’ouvrir au lever du soleil et se terminer au coucher. L’acte I se déroule le matin « matin des noces » deuxième réplique de Figaro. L’acte II a lieu l’après midi, le comte dit à Suzanne : « tu m’as traité ce matin si durement » sc 9. L’acte VI est éclairé de « lustres allumés » et enfin, l’acte V se déroule dans un jardin « le théâtre est obscur ». On a souvent l’impression que le temps s’emballe d’où le sous titre « ou la folle journée » De plus Figaro cherche toujours à accélérer les choses afin d’être sûr d’épouser Suzanne tandis que le comte ne pense qu’à les ralentir. L’unité de lieu est-elle respectée ? Justifiez. I. Future chambre de Figaro et Suzanne. II. Chambre à coucher de la comtesse III. Salle du trône du château, servant de salle d’audiance. IV. Galerie décorée pour la fête. V. Sous les marronniers avec un kiosque de chaque côté, un banc. Les décors changent à chaque acte mais l’action reste dans le château d’Aguas-Frescas L’action est rondement menée, elle est intimement liée au temps. Relisez les scènes 10 à 19 de l’acte II. Quelles remarques faites-vous ? Tout doit être réglé tellement l’action est rapide Sc 10, Cherubin « Il court au cabinet de toilette, y entre, et tire la porte sur lui. » Sc 12 au milieu de la réplique du comte « LE COMTE. Heureusement le docteur est ici. (Le page fait tomber une chaise dans le cabinet.) Quel bruit entends-je ? » Sc 13 « SUZANNE, entre avec des hardes et pousse la porte du fond » tandis que le comte s’adresse à elle tourné vers le cabinet. « Suzanne s'arrête auprès de l'alcôve dans le fond. ». Le comte va chercher de quoi ouvrir mais se montre prudent : « Il va fermer la porte du fond et en ôte la clef » puis quitte le chambre avec la comtesse. « Le Comte l'emmène et ferme la porte à la clef » Sc 14 « SUZANNE sort de l'alcôve, accourt vers le cabinet et parle à travers la serrure » et Chérubin « Il l'embrasse et court sauter par la fenêtre. » Sc 15 Suzanne a un moment de répit, elle s’enferme dans le cabinet. Sc 16 « LE COMTE, LA COMTESSE rentrent dans la chambre » Ces quelques scènes menées tambour battant, durent tout au plus 3 ou 4 minutes et la vraisemblance de l’enchaînement dépend d’une mécanique créée par un ancien horloger virtuose. Beaumarchais Metteur en scène METTRE EN SCENE, C’EST INTERPRETER C’est à dire donner du sens, ou – plus exactement choisir le sens à donner, donner UN sens. En effet, le passage du texte à la représentation implique une multitude de choix concrets, qui constituent autant d’interprétations du texte : 1) LE CHOIX DES ACTEURS Beaumarchais peut-il être considéré comme un metteur en scène ? cf séance 2 : Caractères et habillements de la pièce. 2) LE CHOIX DE L’ESPACE SCENIQUE Il s’agit du choix du théâtre et des décors Planche représentant l'organisation de l'espace scénique au cinquième acte dans une édition pirate du Mariage de Figaro publiée lors de la création. Cette illustration est empruntée à l'édition Folio Classique du Mariage (n°3249). 3) LE CHOIX DE L’EPOQUE DE REFERENCE On ne peut bien entendu parler ici de Beaumarchais (bien qu’il ait choisi l’Espagne) La conception des costumes, des décors, des accessoires, implique pour être cohérente le choix d'une époque de référence. Les indications de Beaumarchais, en tête de sa pièce, évoquent une Espagne à peu près contemporaine. Les metteurs en scène d'aujourd'hui respectent rarement ce choix, dont le pittoresque est passé de mode. On joue souvent le répertoire de Beaumarchais en costumes français du XVIII° siècle, en s'appuyant notamment sur la peinture de cette époque. Mais certains metteurs en scène font le choix de la modernisation : c'est le cas notamment de la production des Noces de figaro par le Staatoper de Berlin en 1999. Le comte y est vêtu en costume de cuir noir (sensé signifier sa sensualité libertine); la comtesse porte un manteau de fourrure et lit des magazines de mode féminins; le mobilier, les automates, sont plutôt XVIII°, mais il pourrait très bien en être ainsi dans un luxueux hôtel particulier d'aujourd'hui. Un tel choix s'explique par la volonté de rapprocher le spectacle du public, de rendre plus facilement lisibles les connotations sociales ou psychologiques des éléments visuels du spectacle. 4) LE CHOIX DE L’ACCOMPAGNEMENT MUSICAL La pièce comporte des parties chantées et les airs sont indiqués. Le metteur en scène est libre de ses choix. 5) LE CHOIX DES ACCESSOIRES Ils sont assez nombreux et ont des connotations. Que symbolise le fauteuil ? C’est un fauteuil de malade, on peut voir une référence au malade imaginaire de Molière mais aussi la précarité du jeune couple en comparaison avec la chambre de la comtesse mais il est surtout une cachette pour Chérubin puis pour le comte (c’est le procédé du troisième lieu) il tient un rôle important pour le registre comique. Le ruban de la comtesse apparaît à la scène I,7 et reparaît à plusieurs reprises : II,6-7-8-9 ; II,25 ; IV,3-4 ; V,19. Retracez cet itinéraire et dégagez sa signification symbolique. A l’acte I, Chérubin dérobe à Suzanne le « ruban de nuit » de la Comtesse. Ce morceau d’étoffe qui entoure la nuit les cheveux de son idole prend pour lui la signification d’un objet intime, dont la possession le rapproche de l’être aimé. A l’acte II, la Comtesse découvre son ruban taché de sang au bras de Chérubin. Elle fait mine de gronder le page pour son larcin, et exprime son intention de le garder par devers elle, en alléguant les vertus médicinales prêtées par le jeune homme à l’objet convoité. Elle les testera, dit-elle, sur ses servantes. En réalité, elle accorde à ce ruban taché de sang, c’est à dire de ce qu’il y a de plus intime, une valeur sentimentale. Le ruban devient à l’acte II le symbole de l’attirance de la Comtesse pour Chérubin. Les apparitions suivantes du ruban confirment cette interprétation. A la fin de l’acte II, la Comtesse prend le ruban sur la bergère, le roule et le glisse contre son cœur en disant : « tu ne me quitteras plus ». A l’acte IV, en détachant sa lévite pour chercher une épingle, la comtesse laisse tomber le ruban qu’elle tient serré sur son cœur. Elle refuse de le confier à Suzanne pour qu’elle le nettoie en prétextant qu’elle l’offrira à Fanchette la prochaine fois que la jeune fille lui apportera un bouquet. Puis, quand Chérubin entre déguisé en fille, elle cache vite le ruban. Toutes ces péripéties soulignent le prix que la Comtesse accorde au ruban. Son mensonge à Suzanne la montre consciente du caractère coupable de cet attachement. Le ruban symbolise désormais la tentation de l’adultère. A l’acte V enfin, l’assistance réclame à Suzanne « la jarretière de la mariée ». Selon une tradition, l’épousée lance aux garçons de la noce cet objet très personnel, acceptant par là publiquement le sacrifice de sa virginité. La Comtesse s’empresse alors de jeter dans la mêlée, en guise de jarretière, son propre ruban taché de sang, et c’est Chérubin qui s’en empare. Cette nouvelle péripétie célèbre une noce symbolique entre la Comtesse et Chérubin. Elle fait naître le soupçon que l’idylle entre le jeune page et la Comtesse soit allée, ou puisse aller un jour, plus loin qu’on ne le croyait possible. De fait, La mère coupable apportera un éclairage nouveau sur les relations entre la Comtesse et le Chérubin. Une épingle de la comtesse joue un rôle important au cours de l’Acte IV : retracez le parcours de cet objet et commentez les significations symboliques qu’on peut lui donner. L'épingle pourrait symboliser la défaite du Comte devant le complot des femmes. Au début de l'acte IV (scène 3), la Comtesse prête à Suzanne une épingle pour cacheter le billet où elle donne rendez-vous au comte. L'épingle porte en quelque sorte témoignage de la complicité des deux femmes (la substitution de l'une à l'autre imaginée pour piéger le Comte). Par ailleurs, elle est la réplique de l'autre "cachet", celui destiné par le comte à Chérubin pour l'éloigner (comme les femmes le soulignent dans le dialogue). A la fin de l'Acte IV (scène 9), lorsque Suzanne lui remet le billet pendant la cérémonie du mariage, le Comte se blesse avec l'épingle. Il jette l'épingle à terre dans un geste de rage, mais se voit contraint de la ramasser. D'après la lettre, en effet, l'épingle doit être renvoyée à Suzanne en signe d'assentiment. En piquant le Comte, l'épingle remplit déjà sa mission vengeresse. Et le Comte, en s'abaissant pour la ramasser sous l'œil goguenard de Figaro, est placé dans une situation quelque peu humiliante. Enfin, à l'acte IV (scène 14), Figaro intercepte Fanchette, chargée par Almaviva de ramener l'épingle à son expéditrice. Habilement interrogée, la jeune fille révèle naïvement à Figaro le complot qui se trame sans qu'il n'en sache rien. Jaloux, le voilà à son tour "épinglé". 6) LE CHOIX DE L’ECLAIRAGE Dans quel acte l’éclairage a-t-il un vrai rôle ? Dans l’acte V, le plan de la Comtesse et de Suzanne ne peut fonctionner que si l’action se passe dans la pénombre voire le noir car les deux protagonistes ont échangé leurs vêtements (qui sont là aussi des accessoires) et le comte ne doit pas les reconnaître. C’est la même chose pour les cachettes (les kiosques). La scène ne peut avoir de sens que dans l’obscurité, elle n’en est que plus drôle que les personnages ne savent plus avec qui ils se trouvent. 7) LA DIRECTION DES ACTEURS, LE CHOIX D’UN JEU DE SCENE. C’est, bien sûr, le plus important et le plus constant des travaux à réaliser pour donner vie à un texte de théâtre. La façon dont Beaumarchais exploitait les ressources dramaturgiques de ses pièces et imposait ses inventions par des indications scéniques nombreuses, fait de lui un metteur en scène autant qu’un auteur. En 1777, il fonda la Société des auteurs voulant ainsi protéger les droits d’auteurs…