051010indépendance Kosovo

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051010indépendance Kosovo
Brève Vigie, 5 octobre 2010
L’indépendance du Kosovo, la Serbie et l’Europe
Le 22 juillet 2010, la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu que la déclaration
d’indépendance du Kosovo ne violait pas le droit international. Bien que ne signifiant pas,
juridiquement, que le Kosovo ait accédé au statut d’État, cet avis risque de créer un
précédent, qui pourrait justifier des déclarations d’indépendance dans d’autres pays, mais
qui pourrait également contribuer à stabiliser les Balkans.
Le 17 février 2008, le Kosovo déclarait unilatéralement son indépendance de la Serbie, au
terme de neuf années d’échec des négociations entre Belgrade et Pristina. Depuis 1999, le
Kosovo était administré par la MINUK, Mission d’administration intérimaire des Nations
unies au Kosovo. Ce statut, instaurée par le Conseil de sécurité des Nations unies dans la
résolution 1 244, prévoyait une large autonomie du territoire au sein de la République fédérale
de Yougoslavie (et, depuis 2003, de la République serbe). Si la résolution prévoyait un
transfert graduel des pouvoirs aux institutions du Kosovo, elle restait vague concernant le
futur statut du Kosovo.
En octobre 2008, l’Assemblée générale des Nations unies, sur demande de la Serbie, a saisi la
CIJ, basée à la Haye, pour solliciter un avis sur la légalité de cette déclaration d’indépendance, au regard du droit international, et en particulier de la résolution 1 244. En vertu du
droit international en effet, un territoire ne peut déclarer son indépendance si celle-ci viole une
« norme impérative de droit international » aussi appelée norme de jus cogens. Par
conséquent, la CIJ ne statuait pas pour déterminer si le Kosovo était indépendant mais si cette
déclaration avait violé le droit international. Dans son avis, consultatif, la CIJ a déclaré que la
déclaration unilatérale du Kosovo ne viole ni le droit international général, ni la résolution
1 244, ni le cadre constitutionnel serbe. Par conséquent, la déclaration est légale mais, selon le
président de la CIJ, cela « ne dit pas si le Kosovo a accédé à la qualité d’État ». En droit
international en effet, un État « existe » parce qu’il dispose d’une population, d’un territoire et
d’un gouvernement capable d’administrer l’ensemble du territoire, mais surtout par la
reconnaissance de son statut par les autres États.
Le Kosovo, qui est seulement membre du Fonds monétaire international (FMI) et de la
Banque mondiale, espère pouvoir intégrer, suite à cet arrêt, l’Organisation des Nations unies
(ONU) et devenir ainsi un pays à part entière. Étant donné l’opposition de la Russie et de la
Chine à la reconnaissance de cette indépendance, cette évolution ne parait pas très probable, à
court terme.
Cet avis consultatif pourrait néanmoins avoir des conséquences géopolitiques importantes. La
déclaration d’indépendance a rencontré de fortes oppositions dans le monde. Ainsi, début
septembre 2010, seuls 71 États membres de l’ONU (plus Taïwan) sur 192 avaient
formellement reconnu le Kosovo comme un État indépendant et souverain. Au sein de
l’Union européenne, 22 États sur 27 ont reconnu le Kosovo, l’Espagne, la Grèce, Chypre, la
Roumanie et la Slovaquie ayant pour l’instant refusé de le faire.
La raison principale de ce refus est la crainte que la reconnaissance de l’indépendance du
Kosovo crée un précédent dont pourraient se prévaloir les séparatistes de ces pays réfractaires.
De fait, même si les avis de la CIJ ne sont pas contraignants pour les États, ils ont toujours été
suivis dans l’interprétation du droit international.
De nombreux États font actuellement, ou pourraient à l’avenir, faire face à des revendications
séparatistes. L’avis de la CIJ vient donc affaiblir leur position. C’est le cas de certains pays
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européens (le Pays basque en Espagne ou Chypre par exemple), du Canada avec le Québec ou
encore de la Russie face aux territoires sécessionnistes du Caucase ou de la Transnistrie
Moldave. C’est la raison pour laquelle la Russie s’est fortement opposée à la reconnaissance
du Kosovo. Paradoxalement, après le conflit d’août 2008 avec la Géorgie, elle a reconnu
l’indépendance unilatéralement proclamée de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, deux
provinces géorgiennes…
Créateur de fragilité pour certains États, cet avis de la CIJ pourrait à l’inverse être facteur de
stabilité dans les Balkans. Si cette déclaration n’a rien changé sur le terrain, la position de
Belgrade semble en effet avoir évolué dernièrement. En juillet 2010, la Serbie avait déposé un
projet de résolution à l’Assemblée générale de l’ONU condamnant la sécession unilatérale du
Kosovo, en prévision du débat sur le statut du Kosovo du 9 septembre 2010. Quelques jours
avant le débat, le président serbe Boris Tadic avait rencontré à Bruxelles la haute
représentante pour la Politique étrangère et de sécurité commune, Catherine Ashton, pour
discuter de ce projet de résolution. Suite à ce dialogue, le projet de résolution serbe a été
amendé en profondeur : le paragraphe condamnant la proclamation d’indépendance a été
supprimé et la résolution est une invitation au dialogue, qui « serait en faveur de la promotion
de la coopération, et de la réalisation de progrès sur le chemin de l’Union européenne ». La
résolution, présentée conjointement par Belgrade et l’UE, a été adoptée par consensus par
l’Assemblée générale, avec le soutien de la Russie.
L’implication de l’Union européenne a donc été payante. Si les 27 n’ont pas trouvé de
position homogène quant à la reconnaissance du Kosovo, la résolution des tensions entre les
deux capitales est une priorité pour Bruxelles et un préalable non officiel à l’ouverture des
négociations d’adhésion avec la Serbie. Si ce changement de position officielle a divisé
l’opinion et les partis politiques serbes, tous sont conscients que la normalisation des relations
avec le Kosovo est de facto une étape préalable à l’entrée dans l’Union européenne, à laquelle
elle a officiellement fait acte de candidature en décembre 2009.
Maxime Roclore
Sources : DÉRENS Jean-Arnault. « Kosovo : l’Indépendance, et après ? » Le Monde
Diplomatique, 17 février 2008 : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-02-17Kosovo ; « Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance
relative au Kosovo » CIJ, Communiqué de Presse (non officiel), 22 juillet 2010, site
Internet : http://www.icj-cij.org/docket/files/141/16013.pdf ; « Belgrade serait prête à
reconnaître le Kosovo », Courrier International, n° 1 036, 3 septembre 2010 ; « L’Assemblée
générale prend acte de la teneur de l’avis de la CIJ sur la conformité au droit international de
la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo ». Compte rendu de la 120e
session plénière de l’Assemblée générale des Nations unies du 9 septembre 2010, site
Internet : http://www.un.org/News/fr-press/docs//2010/AG10980.doc.htm.
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