Comas non traumatiques

Transcription

Comas non traumatiques
Les symptômes généraux
2
E. Mathieu
„„
Prise en charge immédiate d'un patient comateux
Vérification et évaluation de la profondeur du coma
Évaluation et maintien des fonctions vitales
Réalisation d'une glycémie capillaire
En cas de surdosage en opiacé
Anamnèse
„„
Prise en charge hospitalière
„„
Étiologies des comas
Coma toxique
Coma métabolique
Coma neurologique
Diagnostic différentiel des comas
„„
Traitement
L'échelle de Glasgow (de 3 à 15 points) est la plus
pratiquée et permet, par sa bonne reproductibilité,
d'évaluer l'état de conscience et de suivre son évolution (tableau 2.1). Un score de 15 points témoigne
de l'absence de troubles de la conscience. La réponse
motrice est cotée après stimulation douloureuse.
Une résistance à l'ouverture des yeux oriente vers
une manifestation oppositionnelle post-critique ou
une simulation.
La persistance d'une ouverture des yeux et de mouvements de suivi des globes oculaires évoque un
« locked-in syndrome » (atteinte ischémique bilatérale du pied de la protubérance).
Le coma est défini par une altération profonde de
l'état de conscience, liée au dysfonctionnement de
la substance réticulée activatrice du tronc cérébral
responsable de l'éveil physiologique.
Les atteintes de la conscience peuvent être plus ou
moins marquées (obnubilation, stupeur, coma),
mais répondent à des étiologies similaires. Dans le
coma, stade ultime, il n'y a pas de communication
ni d'ouverture des yeux, et le patient peut être difficilement, ou non, réveillé.
Un coma peut être le terme de l'évolution d'une
pathologie chronique par altération progressive de
la conscience ou entrer dans le contexte d'un polytraumatisme grave.
Évaluation et maintien des fonctions
vitales
I
Comas non traumatiques
L'altération de l'état de conscience retentit sur la
ventilation et la perméabilité des voies aériennes
supérieures. Les manœuvres de libération des voies
aériennes et le maintien d'une oxygénation satisfaisante sont nécessaires.
Lorsque le coma est profond, sans autres atteintes
vitales (respiratoires ou hémodynamiques), la mise
en position latérale de sécurité diminue le risque
d'inondation bronchique en attendant un médecin
capable de réaliser une intubation endotrachéale.
Les constantes hémodynamiques devront être maintenues si nécessaire au moyen d'un remplissage.
La mise en place d'une voie veineuse est nécessaire
dès que possible.
Prise en charge immédiate
d'un patient comateux
Réalisation d'une glycémie capillaire
Le coma est une urgence qui peut engager rapidement le pronostic vital. Sa prise en charge nécessite
le recours rapide à une structure hospitalière de
réanimation via le SAMU (centre 15). En attendant
les secours médicalisés, le patient doit être pris en
charge de la manière suivante.
L'injection de glucosé 30 % doit être réalisée au
moindre doute d'hypoglycémie, ou s'il s'agit d'un
patient diabétique traité par insuline ou par sulfamides hypoglycémiants.
En cas de surdosage en opiacé
Vérification et évaluation
de la profondeur du coma
Si le contexte est évocateur d'un surdosage en
opiacé (myosis, point d'injection, etc.), l'injection
de naloxone (une demi-ampoule en intraveineuse lente) peut être réalisée en cas de pauses
respiratoires.
On recherche une ouverture des yeux spontanée ou
à la demande, la réalisation d'un ordre simple verbal
et la réaction à une stimulation douloureuse.
Tableau 2.1 Score de Glasgow.
Points
4
1
2
3
Ouverture des yeux
Nulle
À la douleur
Aux ordres
Spontanée
Réponse motrice
Aucune
Extension
stéréotypée
Flexion
stéréotypée
Réponse verbale
Aucune
Inintelligible
Propos
incohérents
Du diagnostic à la prescription
© 2014, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
0002148954.INDD 9
5
6
Mouvement
de retrait
Localise la
douleur
Répond
aux ordres
Propos
confus
Propos
adaptés
9
9/5/2014 7:18:36 PM
Les symptômes généraux
Comas non traumatiques
Anamnèse
Le recueil auprès de l'entourage ou de témoins de
données sur le mode d'installation du coma (circonstances, rapidité d'installation), la présence de
symptômes inauguraux (fièvre, céphalées, convulsions, vomissements, déficit neurologique, etc.), la
prise de médicaments, de drogue ou d'alcool, et
l'existence d'une pathologie chronique sous-jacente
(insuffisance respiratoire, hépatique ou rénale) est
particulièrement utile pour la prise en charge ultérieure du patient.
Tableau 2.2 Huit réflexes physiologiques du tronc
cérébral.
Réflexes
Caractéristiques
Réflexe ciliospinal
Dilatation pupillaire après
stimulation sus-claviculaire
Réflexe
fronto-orbiculaire
Fermeture palpébrale après
percussion glabellaire frontale
Réflexe
oculocéphalique
vertical
Mouvement conjugué des
yeux :
–dans le sens vertical
–dans le sens inverse du
mouvement imprimé de
flexion/extension de la tête
Réflexe
photomoteur
Contraction pupillaire par
stimulation lumineuse
Réflexe cornéen
Fermeture de la paupière
par stimulation cornéenne
(arc réflexe V, VII et III)
Réflexe massétérin
Contraction du masséter par
percussion mentonnière
Réflexe
oculocéphalique
horizontal
Mouvement conjugué
des yeux :
–dans le sens horizontal
–dans le sens inverse
du mouvement imprimé
de rotation de la tête
Réflexe
oculocardiaque
Ralentissement cardiaque
après compression des globes
oculaires
Prise en charge hospitalière
L'évaluation et le maintien des fonctions vitales priment sur l'enquête étiologique.
L'examen neurologique recherche, dès que la ventilation et l'hémodynamique sont contrôlées :
• un traumatisme crânien passé inaperçu ;
• une morsure de langue ;
• un déficit focalisé ;
• une raideur de nuque.
Des signes généraux, tels que la fièvre, une éruption
ou des anomalies respiratoires, sont recherchés.
Si le coma est profond, l'étude oculaire permet de
réaliser une approche lésionnelle en précisant les
réflexe photomoteur, cornéen et les mouvements
oculaires :
• l'examen des pupilles et le réflexe photomoteur
représentent le premier élément d'orientation :
–une pupille en mydriase peu réactive évoque
un processus expansif intracrânien,
–les deux pupilles en mydriase aréactive
évoquent une atteinte mésencéphalique sévère
ou une intoxication aiguë aux anticholinergiques,
–un myosis réactif bilatéral s'observe dans les
encéphalopathies métaboliques et dans les
intoxications aux opiacés et aux barbituriques ;
• les mouvements oculaires spontanés et provoqués doivent être analysés à la recherche d'une
atteinte du tronc cérébral (tableau 2.2). Une divergence oculaire est normale. L'abduction d'un œil
associée à une mydriase évoque une atteinte du
nerf crânien III et l'adduction, une atteinte du VI.
La « skew deviation » (un œil plus bas que l'autre)
témoigne d'une lésion cérébelleuse ou pontique.
Une déviation horizontale conjuguée témoigne
d'une lésion hémisphérique du côté de la déviation
ou d'une lésion controlatérale du tronc ;
• le réflexe cornéen (stimulation de la cornée par
un coton) entraîne normalement une occlusion
palpébrale bilatérale. Son abolition témoigne d'une
abolition des connexions pontiques entre le V et les
deux VII.
Les prélèvements sanguins permettent une analyse
biochimique complète (glycémie, calcium, fonction
rénale et hépatique, acidose, osmolarité, etc.) et des
recherches toxicologiques (alcool, médicaments,
carboxy-hémoglobine, etc.).
Une imagerie par TDM ou IRM sera réalisée dès que
possible, associée éventuellement à un électroencéphalogramme (EEG) et une ponction lombaire, si
l'origine du coma reste inconnue ou suspecte d'être
neurologique.
Étiologies des comas
Coma toxique
L'hypothèse d'une intoxication, cause la plus fréquente, est évoquée devant tout coma. La recherche
de toxiques dans le sang et dans les urines est systématique, et peut être complétée par spectrométrie
de masse.
Les comas pharmacologiques sont volontaires ou
liés à un surdosage accidentel. Les barbituriques
sont responsables d'un coma calme, hypotonique
avec dépression respiratoire ; les antidépresseurs
tricycliques entraînent un coma avec mydriase et
risque de troubles du rythme et de convulsions.
10
0002148954.INDD 10
9/5/2014 7:18:36 PM
Les symptômes généraux
Les causes exogènes à rechercher sont : intoxication oxycarbonée, alcoolique aiguë, produits
organophosphorés, overdose aux opiacés (coma,
myosis serré réactif, dépression respiratoire, traces
de piqûres).
Coma métabolique
Les atteintes métaboliques engendrent des troubles
de la vigilance allant de la confusion au coma profond (progression rapide), avec des antécédents
évocateurs :
• les encéphalopathies respiratoires (anoxiques ou
hypercapniques), hépatiques (hyperamoniémie)
et rénales (hyperazotémie), où les troubles de la
vigilance s'associent à des mouvements anormaux
(astérixis, clonies, rigidité) ;
•
les encéphalopathies carentielles (GayetWernicke par carence en vitamine B1) ou accompagnant des affections endocriniennes (hypothyroïdie
sévère, insuffisance surrénale aiguë) ;
• les autres anomalies métaboliques (hyponatrémies sévères, variations rapides de la calcémie, coma
diabétique hyperosmolaire, coma hypoglycémique,
etc.).
Quelle que soit la cause d'un coma, un facteur
métabolique peut être surajouté.
Coma neurologique
Un coma brutal évoque un saignement méningé,
un hématome cérébral ou un infarctus du tronc
cérébral ; les autres causes intracrâniennes donnent
plus volontiers des troubles de la vigilance évoluant
secondairement vers un coma profond. L'infarctus
cérébral n'est à l'origine d'un trouble de la conscience
que lorsqu'il est massif avec œdème cérébral et engagement temporal. Le pronostic est alors très sombre.
Lorsque l'examen clinique retrouve des signes de
localisation (déficits focaux), l'imagerie cérébrale
(TDM ou IRM) permet de rechercher des éléments
pour :
• une hémorragie cérébrale ;
• un accident vasculaire ischémique ;
• une thrombophlébite cérébrale du sinus longitudinal supérieur ou de la veine de Galien ;
• une encéphalopathie hypertensive ou un processus occupant avec hypertension intracrânienne
(tumeurs primitives ou secondaires sus-tentorielles
ou sous-tentorielles, hématome sous-dural chronique, abcès cérébraux, etc.).
Une atteinte méningée (raideur de nuque) doit
être systématiquement recherchée. Mais lorsque
le coma est profond, la raideur de nuque peut
disparaître. La ponction lombaire permettra de
faire le diagnostic ; elle est réalisée devant tous
les troubles inexpliqués de la vigilance. Chez un
patient fébrile, en présence d'un purpura ou si
un scanner est réalisé avant la ponction lombaire
(signe de localisation), la première injection d'antibiotique est réalisée immédiatement. En dehors
d'un contexte fébrile, on recherchera une hémorragie méningée par un scanner cérébral (présence
de sang au scanner dans les espaces sous-arachnoïdiens) complété éventuellement par une ponction
lombaire. Les étiologies sont essentiellement en
rapport avec des malformations anévrismales du
polygone de Willis.
Une crise d'épilepsie, même en l'absence de notion de
crise tonicoclonique, est évoquée devant une perte
d'urine, une morsure de langue, une respiration stertoreuse. La phase post-critique d'une crise d'épilepsie
excède rarement 20 à 30 minutes avant le retour à
une conscience normal. Au-delà, il faut envisager
une complication traumatique, vasculaire, tumorale,
infectieuse, toxique ou métabolique. En l'absence de
phénomènes convulsifs cliniques, l'hypothèse d'un
état de mal épileptique non convulsif justifie la réalisation d'un EEG (activité paroxystique infraclinique).
I
Comas non traumatiques
Diagnostic différentiel des comas
Un patient qui garde les yeux ouverts mais n'obéit
pas aux ordres n'est pas dans le coma. S'il est capable
de se mobiliser, il peut s'agir d'une aphasie globale
ou d'un état psychotique hallucinatoire ou déficitaire. S'il ne bouge pas, on peut évoquer un lockedin syndrome ou un mutisme akinétique (atteinte
frontale bilatérale).
Le diagnostic de coma hystérique est plus délicat.
Le patient :
• ne parle pas ;
• ne bouge pas ;
• et garde les yeux fermés.
On recherche des phénomènes d'opposition (résistance à la levée des paupières, évitement, tonus de
fond lors de la mobilisation brusque contrastant
avec l'absence de réactivité aux stimulations nociceptives, etc.).
Traitement
Les traitements disponibles dépendent essentiellement de l'étiologie du coma associée à la prévention
des lésions surajoutées.
L'hyperthermie, l'hypoglycémie, l'hypercalcémie,
l'hypercapnie et l'hypoxie doivent être corrigées le
plus rapidement possible.
L'hémodynamique est maintenue par remplissage
vasculaire et drogues vasoactives.
La correction des troubles métaboliques est effectuée au cas par cas.
La ventilation mécanique avec intubation trachéale
est systématique, en raison du risque d'inhalation,
lorsque le score de Glasgow est inférieur ou égal à 7.
On peut y surseoir lorsqu'une amélioration rapide
est attendue : antidote de type naloxone (Narcan®)
11
0002148954.INDD 11
9/5/2014 7:18:36 PM
Les symptômes généraux
Comas non traumatiques
pour les opiacés et l'alcool ou flumazénil (Anexate®)
pour les benzodiazépines, phase post-critique d'une
crise convulsive.
En raison du pronostic sévère des troubles de la
conscience associés aux accidents vasculaires ischémiques, l'intubation doit être discutée en fonction
du pronostic neurologique.
Bibliographie
Clavier N. Évaluation clinique et paraclinique d'un coma.
In : Conférences d'actualisation SFAR 1997. Paris :
Elsevier ; 1997. p. 417–28.
Ille O, De Recondo A. Diagnostic des comas. In : Urgences.
Encycl Med Chir (Elsevier, Paris) ; 1996. 24-001-C-10. p. 14.
www.sfar.org/sfar_actu/cs97_028/97_28.htm.
12
0002148954.INDD 12
9/5/2014 7:18:36 PM