1 DEVOIR SURVEILLÉ DE PREMIÈRE S - ANALYSE

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1 DEVOIR SURVEILLÉ DE PREMIÈRE S - ANALYSE
DEVOIR SURVEILLÉ DE PREMIÈRE S - ANALYSE D’UN DOCUMENT
Consigne
Vous montrerez dans quelle mesure ce document rend compte de la domination du Royaume-Uni
dans l’économie mondiale au cours du XIXème siècle.
Document
« Manchester, 2 juillet 1835,
Caractère particulier de Manchester : La grande ville manufacturière des tissus, fils, coton, comme
Birmingham l’est des ouvrages de fer, de cuivre et d’acier.
Circonstance favorable : à dix lieues (50km) du plus grand port de l’Angleterre, Liverpool, lequel
est le port de l’Europe le mieux placé pour recevoir sûrement et en peu de temps les matières
premières d’Amérique. A côté, les plus grandes mines de charbon pour faire marcher à bas prix ses
machines. A 25 lieues (125 km), l’endroit du monde où on fabrique le mieux ces machines
(Birmingham). Trois canaux et un chemin de fer pour transporter rapidement dans toute
l’Angleterre et sur tous les points du globe ses produits.
A la tête des manufactures, la science, l’industrie, l’amour du gain, le capital anglais. Parmi les
ouvriers, des hommes qui arrivent d’un pays (l’Irlande) où les besoins de l’homme se réduisent
presque à ceux du sauvage, et qui travaillent à très bas prix ; qui forcent les ouvriers anglais qui
veulent établir une concurrence, à faire à peu près comme eux. Ainsi, réunion des avantages d’un
peuple pauvre et d’un peuple riche, d’un peuple éclairé et d’un peuple ignorant, de la civilisation
et de la barbarie.
Comment s’étonner que Manchester qui a déjà 300.000 âmes s’accroisse sans cesse avec une
rapidité prodigieuse ?
Alexis de Tocqueville,
« Œuvres complètes : Voyages en Angleterre, Irlande, Suisse et Algérie »,
Ed. J.P. Mayer, tome V, Gallimard, Paris, 1958 pp.78-82.
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PROPOSITION DE CORRECTION
PRESENTATION DU DOCUMENT
Ce texte est un extrait d’un journal de bord, comme l’atteste l’indication du lieu et de la
date au début du document ainsi que le côté descriptif du texte. L’auteur de ce journal est
Alexis de Tocqueville, un écrivain et économiste français qui a réalisé de nombreux
voyages au milieu du XIXème siècle, en Angleterre, en Irlande, en Algérie et aux EtatsUnis. Ses voyages étaient motivés par la volonté d’observer, de comprendre les sociétés
qui vivaient des changements importants. Ce texte nous montre qu’il était admiratif de
l’Angleterre et du peuple anglais qu’il qualifie d’ « éclairé ». A l’issue de ses voyages, A. de
Tocqueville publia ses carnets de bord auxquels il donne le titre de « Voyages en
Angleterre, Irlande, Suisse et Algérie ». Il était destiné à un public averti d’économistes, de
journalistes ou de politiciens. Le récit lui-même date de 1835, tandis que l’Angleterre a
déjà réalisé sa révolution industrielle depuis plus de quatre décennies. Au même moment,
le reste du continent est encore peu industrialisé, ce qui explique la domination exercée
par le Royaume-Uni sur le système économique mondial ainsi que l’enthousiasme que
suscite alors le Royaume-Uni chez de nombreux intellectuels du continent européen.
Comment ce document d’Alexis de Tocqueville témoigne t-il de cette domination
britannique et quelles sont ses limites ?
RÉPONSE À LA CONSIGNE
Nous allons maintenant analyser dans quelle mesure ce texte témoigne de la domination
du Royaume-Uni sur l’économie mondiale au cours du XIXème siècle.
L’auteur se réfère ici à de nombreux fondements de la puissance britannique, à savoir :
Le RU domine les industries de la première industrialisation
Durant ce siècle, la croissance et la mondialisation de l’économie connaissent des progrès
notables. Ce phénomène est lié à la première industrialisation qui débute au RoyaumeUni, notamment dans le bassin de Londres. Ce pays abrite alors de nombreuses usines de
production textile et métallurgique, les deux fleurons de l’industrie au début du XIXème
siècle, comme l’indique l’auteur dès la première phrase du document. Tocqueville se
réfère ici à la région de Birmingham, Manchester, Liverpool, triangle industriel du
Royaume-Uni.
Les machines-outils y fonctionnent grâce à la machine à vapeur, alimentée elle-même par
le charbon des mines locales. En 1870, le Royaume-Uni réalise en effet 1/3 de la
production industrielle mondiale.
La modernité des infrastructures fascine Alexis de Tocqueville car elle permet au RU de
dominer le commerce mondial.
En effet, la puissance de l’économie britannique rayonne sur le monde grâce à une marine
marchande puissante et moderne, elle-même protégée par la puissante Royal-Navy. Elle
est dotée en outre d’un port moderne qui permet de connecter le Royaume-Uni au reste
du monde et en particulier aux Etats-Unis : Liverpool. Dans un contexte d’essor du
commerce international, l’existence en Angleterre d’un grand port moderne renforce
l’avance prise par le R.U. sur le reste du monde, puisqu’il lui permet de dominer les
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échanges commerciaux mondiaux. La modernité des installations portuaires de Liverpool
en font le centre du commerce mondial. En effet, on y trouve dès 1847 un des premiers
exemples au monde de quai en construction fermée, ce qui en fait « le port d’Europe le
mieux placé pour recevoir sûrement les matières premières d’Amérique » (lignes 3-4) . La
modernité de ses équipements est à l’origine de l’accroissement constant du trafic du port
de Liverpool tout au long du XIXème siècle.
En outre, le port est relié à son arrière-pays par de nombreux canaux et lignes de chemin
de fer.
Enfin, Tocqueville est admiratif de l’esprit entrepreneurial des Britanniques et il perçoit
les relations sociales inégalitaires ainsi que l’organisation du travail des centres
industriels britanniques comme des facteurs de la domination du Royaume-Uni sur
l’économie-monde .
L’augmentation de la population suscite l’admiration de l’auteur. Pour lui, elle est signe de
dynamisme et d’enrichissement. Le témoignage d’Alexis de Tocqueville insiste sur le type
d’organisation du travail qui domine en Angleterre. Les entreprises britanniques ont
recours à de la main d’œuvre irlandaise, peu payée (ce qui oblige les ouvriers anglais à
accepter des conditions de traitement similaires), ce qui accroit la marge des industriels.
Cette organisation du travail est le produit d’une division du travail qui opère à diverses
échelles, nationale et internationale. Profitant des inégalités de développement en tout
genre entre les populations, elle est destinée à accroitre la rentabilité. Cette méthode est
étendue à l’ensemble du monde puisque les entreprises britanniques font travailler des
cultivateurs de coton en Argentine ou encore du thé en Inde.
Alexis de Tocqueville s’inscrit ici dans la tradition libérale développée par Adam Smith
pour laquelle la recherche du profit justifie l’exploitation de la main d’œuvre.
CONCLUSION (Les limites du document)
Ce document est le point de vue d’un intellectuel assez fortuné qui appréhende le
mouvement d’industrialisation exclusivement du point de vue des industriels. Il ne
s’émeut pas de la misère ouvrière que l’industrialisation génère au XIXème siècle. Il la
perçoit, mais pour la considérer comme naturelle, puisqu’il qualifie les ouvriers irlandais
plus pauvres et pour cette raison moins bien payés, de « sauvages » et de « barbares »
contre la « civilisation ».
Tocqueville nous offre donc une analyse économique libérale de la domination du
Royaume-Uni sur le monde, mais néglige la critique sociale. Cette vision peut être
opposée à celle plus sociale de l’écrivain d’Emile Zola développée par exemple dans
Germinal, roman qui porte un regard critique sur la condition ouvrière, notamment dans
les mines et sur la vulnérabilité des ouvriers aux crises du capitalisme tout au long du
XIXème siècle.
A partir de la 2nde moitié du XIXème siècle, la critique du capitalisme se structure
davantage, notamment avec l’œuvre de Karl Marx.
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CRITÈRES D’ÉVALUATION RETENUS
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
Un paragraphe introductif qui présente le document, son intérêt historique, son
contenu, son contexte.
Une réponse organisée à la consigne.
Un paragraphe de conclusion qui indique les limites du document en tant que
source historique.
Des « va-et-vient » constants entre le contenu du document et les connaissances
personnelles.
De l’esprit critique vis-à-vis du document.
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