Derniers récits de voyages en Nouvelle
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Derniers récits de voyages en Nouvelle
Du même auteur Samuel de Champlain Dans la deuxième partie de cette édition critique, l’ historien Mathieu d’ Avignon convie à nouveau les lecteurs à accompagner l’ un des plus grands explorateurs français du XVIIe siècle et l’ un des premiers administrateurs de la Nouvelle-France. Derniers récits de voyages en Nouvelle-France et autres écrits 1620-1632 Réédition intégrale en français moderne, introduction et notes par Après la génération des Charles-Honoré Laverdière et NarcisseEutrope Dionne, qui au dix-neuvième siècle ont fait connaître les écrits de Champlain, et après celle des Henry Percival Biggar, Morris Bishop, Robert Le Blant et autres qui ont enrichi la champlainologie, voici la relève avec Mathieu d’Avignon. – Marcel Trudel en collaboration De telles recherches permettront de remettre à jour une historiographie qui cherche à repenser les fondations et à formuler une histoire plus inclusive, une histoire qui transcende les mythes entourant les découvertes, les conquêtes, la colonisation et les héros nationaux. – Camil Girard, Groupe de recherche sur l’histoire, Université du Québec à Chicoutimi Mathieu d’Avignon Histoire ISBN 978-2-7637-9049-7 Samuel de Champlain Mathieu d’Avignon est historien consultant et chercheur affilié au Groupe de recherche sur l’histoire de l’Université du Québec à Chicoutimi. Samuel de Champlain Derniers récits de voyages en Nouvelle-France et autres écrits 1620-1632 A ssistez aux principaux événements survenus en Amérique du Nord et en France entre 1620 et 1632 tels que les perçoit Samuel de Champlain. Soyez témoins des rapports quotidiens des Français avec les peuples amérindiens, de la consolidation des alliances franco-amérindiennes ébranlées par les interventions diplomatiques des Hollandais et des Anglais. Le siège et la prise de Québec par les frères Kirke au nom de l’ Angleterre révéleront toute la fragilité de la colonie naissante. Ses derniers récits convaincront-ils Louis XIII et le cardinal de Richelieu de confier à nouveau à Champlain, dont l’ avenir est incertain, le commandement de la colonie de Québec ? Derniers récits de voyages en Nouvelle-France et autres écrits 1620-1632 Réédition intégrale en français moderne, introduction et notes par Mathieu d’Avignon Derniers récits de voyages en Nouvelle-France et autres écrits, 1620-1632 Réédition intégrale en français moderne, introduction et notes par Mathieu d’Avignon Samuel de Champlain Derniers récits de voyages en Nouvelle-France et autres écrits, 1620-1632 Réédition intégrale en français moderne, introduction et notes par Mathieu d’Avignon Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du anada et de la Société d’aide au développement des entreprises culturelles du Québec C une aide financière pour l’ensemble de leur programme de publication. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise de son Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Mise en pages et conception de la couverture : Hélène Saillant ISBN : 978-2-7637-9049-7 © Les Presses de l’Université Laval 2010 Tous droits réservés. Imprimé au Canada Dépôt légal 3e trimestre 2010 Les Presses de l’Université Laval Pavillon Maurice-Pollack 2305, rue de l’Université, bureau 3103 Québec (Québec) G1V 0A6 CANADA www.pulaval.com À Francine Goulet d’Avignon, ma Mare Tranquillitatis. Table des matières Liste des abréviations......................................................................................... xi Préface de Camil Girard...................................................................................... xiii Introduction........................................................................................................ 1 Les Voyages de la Nouvelle-France occidentale, dite Canada, faits par le sieur de Champlain, Saintongeais, capitaine pour le roi en la Marine du Ponant, et toutes les découvertes qu’il a faites en ce pays depuis l’an 1603 jusqu’en l’an 1629 [« Seconde partie », 1620-1632]................................... 5 Table des chapitres............................................................................................. 7 Abrégé des découvertes de la Nouvelle-France, tant de ce que nous avons découvert comme aussi les Anglais, depuis les Virgin[i]es jusqu’au Freton Davis, et de ce qu’eux et nous pouvons prétendre, suivant le rapport des historiens qui en ont décrit, que je rapporte ci-dessous, qui feront juger à un chacun du tout sans passion................................................................................. 195 Relation de ce qui s’est passé durant l’année 1631....................................... 200 Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier.................................... 209 Table des sujets du Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier......... 209 « Carte de la Nouvelle-France augmentée depuis la dernière [la carte de 1612], servant à la navigation faite en son vrai méridien, par le sieur de Champlain, capitaine pour le roi en la Marine. Lequel depuis l’an 1603 jusqu’en l’année 1629 a découvert plusieurs côtes, terres, lacs, rivières et nations de sauvages par ci-devant inconnus, comme il se voit en ses relations qu’il a fait imprimer en 1632. Où il se voit cette marque [un drapeau portant une croix], ce sont habitations qu’ont faites les Français. »............................................................... 246 Table pour connaître les lieux remarquables en cette carte........................... 248 Annexe « Noms, surnoms et qualités des associés en la Compagnie de la Nouvelle-France […] ».................................................................................................................. 257 Bibliographie....................................................................................................... 261 Index................................................................................................................... 267 Liste des abréviations ANC. Archives nationales du Canada (Bibliothèque et Archives Canada depuis 2004) DBC. Brown, G. W. et M. Trudel, dir. Dictionnaire biogra phique du Canada. Volume I: De l’an 1000 à 1700. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1967. MNF I. Campeau, L. Monumenta Novae Franciae. I. La première mission en Acadie (1602-1616). Rome et Québec, Monumenta Hist. Soc. Iesu et Les Presses de l’Université Laval, 1967. MNF II. Campeau, L. Monumenta Novae Franciae. II. Établissement à Québec (1616-1634). Rome et Québec, Monumenta Hist. Soc. Iesu et Les Presses de l’Université Laval, 1979. OC. Champlain, S. de. Œuvres de Champlain. Montréal, Les Éditions du Jour, 1973, 3 vol. Réédition de l’édition de C.-H. Laverdière. Québec, Geo-E. Desbarats, 1870, 6 vol. RHAF. Revue d’histoire de l’Amérique française Préface de Camil Girard Repenser l’historiographie des fondations Cette publication des Derniers récits de voyages en NouvelleFrance et autres écrits, 1620-1632 de Samuel de Champlain vient compléter l’œuvre amorcée il y a treize ans par l’historien Mathieu d’Avignon sur ce personnage historique et ses écrits. Parue en 2008, sa thèse de doctorat1 porte en outre sur les alliances fondatrices et invite à revoir notre historiographie dans une perspective de reconnaissance effective de la contribution des peuples autochtones à la cofondation du Québec actuel. Nous avons publié en codirection, en 2009, un ouvrage collectif portant sur les alliances fondatrices et la reconnaissance des peuples autochtones dans l’histoire du Québec2. Dans cet ouvrage, il approfondit sa réflexion sur l’alliance franco- montagnaise au temps de Champlain3. Depuis, il a signé une réédition des premiers récits de Champlain sur la Nouvelle-France, parus entre 1603 et 16194. Donc, le présent ouvrage complète ce cycle de publication. Par ailleurs, il faut mentionner que cet historien a entrepris une série d’entrevues avec des penseurs qui remettent en question l’histoire et réfléchissent sur la place des peuples autochtones dans les historiographies nationales et les sociétés américaines actuelles. Les témoignages de l’historien québécois Marcel Trudel5 et du sociologue mexicain Rodolfo Stavenhagen6 constituent les premiers jalons 1. 2. 3. 4. 5. 6. D’Avignon, M. Champlain et les historiens francophones du Québec : les figures du père et le mythe de la fondation. Thèse de doctorat. Québec, Université Laval, 2006. Parue sous le titre Champlain et les fondateurs oubliés. Les figures du père et le mythe de la fondation. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008. D’Avignon, M. et C. Girard, dir. A-t-on oublié que jadis nous étions « frères »? Alliances fondatrices et reconnaissance des peuples autochtones dans l’histoire du Québec. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009. D’Avignon, M. « L’alliance franco-montagnaise de 1603: un événement fondateur méconnu de l’histoire du Québec », ibid., p. 59-94. Samuel de Champlain. Premiers récits de voyages en Nouvelle-France, 1603-1619. Réédition en français moderne, introduction et notes par Mathieu d’Avignon. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009. Avec M. Trudel. « Connaître pour le plaisir de connaître ». Entretien avec l’historien Marcel Trudel sur le métier d’historien et la science historique au Québec. Québec, Les Presses de l’Université Laval, série Entretiens, 2005. Avec R. Stavenhagen. La reconstruction de l’histoire des Amériques. Entretien de l’historien Mathieu d’Avignon avec le sociologue mexicain Rodolfo Stavenhagen, premier rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones. Québec, Les Presses de l’Université Laval, collection Entretiens, 2010. xiv Samuel de Champlain de la collection Entretiens, éditée par les Presses de l’Université Laval, qu’il dirige officiellement depuis 2010. Je garde encore le souvenir de cette journée ensoleillée de juin 1997, lorsque Mathieu d’Avignon est venu frapper à la porte de mon bureau à l’Université du Québec à Chicoutimi. Je venais de terminer mes propres recherches pour la Commission royale sur les peuples autochtones du Canada, recherches qui avaient mené à la publication de trois ouvrages sur les revendications des Innus du Saguenay et du nord-est du Québec7. En 1995, j’avais publié un premier article avec l’historienne Édith Gagné sur l’alliance de 16038. Cette étude nous avait incités à relire les Œuvres de Champlain, éditées par Charles-Honoré Laverdière en 1870 et rééditées aux Éditions du Jour en 19739. La réédition de Laverdière se trouvait dans ma bibliothèque. Je venais, comme par hasard, de relire le récit de la fameuse rencontre du 27 mai 1603 à la pointe Saint-Mathieu, près de Tadoussac. De plus, la commission d’Henri IV accordée le 8 novembre 160310 à Pierre Dugua de Mons s’était ajoutée au dossier et confirmait déjà, selon moi, le fait historique suivant, longtemps négligé ou occulté par les historiens d’ici et d’ailleurs : les alliances franco-amérindiennes étaient au centre du titre coutumier autochtone reconnu dès les premiers contacts avec la France. Ces rencontres interculturelles ont rendu possibles la traite des fourrures, les explorations des Français et la fondation de la Nouvelle-France dans un contexte de souveraineté partagée autour des alliances entre les peuples autochtones et les Européens. Quand j’ai engagé d’Avignon comme jeune chercheur à l’époque, je lui ai remis les Œuvres de Champlain et lui ai demandé de rédiger un rapport sur les alliances franco-amérindiennes que décrivait l’auteur. Ce fut l’amorce d’une longue réflexion intellectuelle et de plusieurs recherches approfondies. Depuis, il a entrepris l’étude de cette période charnière de la fondation de Québec (1603-1635), une histoire de rencontres et d’alliances interculturelles. 7. Girard, C. Culture et dynamique interculturelle. Trois femmes et trois hommes témoignent de leur vie. Chicoutimi, Les Éditions JCL, collection « Interculture », 1997; Siméon, A.-M. et C. Girard. Un monde autour de moi. Témoignage d’une Montagnaise. Uikutshikatishun. Ilnushkueu utipatshimun. Chicoutimi, Les Éditions JCL, collection « Inter culture », 1997; Kurtness, H. et C. Girard. La prise en charge. Témoignage d’un Montagnais. Tipelimitishun. Ilnu utipatshimun, Chicoutimi, Les Éditions JCL, collection « Interculture », 1997. 8. Girard, C. et É. Gagné. « Première alliance interculturelle. Rencontre entre Montagnais et Français à Tadoussac en 1603 », Recherches amérindiennes au Québec, vol. XXV, no 3 (1995), p. 3-14. 9. Œuvres de Champlain. Montréal, Les Éditions du Jour, 1973, 3 vol. Réédition de l’édition de C.-H. Laverdière. Québec, Geo-E. Desbarats, 1870, 6 vol. 10. « Commissions du Roy & de Monsieur l’Admiral au sieur de Monts, pour l’habitation és terres de la Cadie, Canada, & autres endroits de la Nouvelle-France. Ensemble les defenses à tous autres de trafiquer avec les sauvages […] » (8 novembre 1603), dans M. Lescarbot. Histoire de la Novvelle France […]. Paris, Jean Milot, 1609, p. 453. Préface xv Comme je l’ai noté, cet ouvrage complète la réédition intégrale des récits originaux de Champlain sur la Nouvelle-France. Les récits présentés dépeignent un départ difficile de la fondation et du peuplement au cours des années 1620 et au tournant des années 1630. Le soutien accordé par la métropole ne permet aucune véritable expansion coloniale à grande échelle. La concurrence des Anglais et des Hollandais se fait déjà sentir. Les alliances des Français avec les autochtones sont mises à l’épreuve. Les Montagnais entreprennent des pourparlers de paix avec des Iroquois, premières négociations de paix du XVIIe siècle documentées par les Français, mais la complexité de la géopolitique amérindienne les fait échouer. D’ailleurs, on ne sait trop si Champlain, qui s’attribue exagérement un rôle de médiateur dans cette affaire à travers ses écrits, souhaitait vraiment que cette paix devienne une réalité… En ce qui concerne la cohabitation avec les Montagnais, elle reste marquée par divers problèmes, entre autres par l’assassinat de Français commis par un ou des guerriers alliés. La gestion des conflits montre comment les leaders montagnais (innus) et Champlain situent les enjeux politiques, notamment les alliances, au dessus de considérations strictement légales ou individuelles. Les alliances restent au centre d’une politique qui place les acteurs dans une relation de respect mutuel et de souveraineté partagée. Dans les faits, le contrôle des territoires et des ressources reste entre les mains des peuples autochtones, sauf en certains lieux où les Européens s’installent. Car, il faut bien le reconnaître, sous le Régime français, la souveraineté affirmée de la France ne dépassera pas les mots des commissions et des lettres patentes officielles, des récits des administrateurs et des missionnaires, des cartes des explorateurs, qui prétendaient tous que tel et tel territoires avaient été découverts ou conquis, colonisés parce qu’ils ont été « christianisés ». Elle ne dépassera pas les limites des zones de peuplement comme Québec et, un peu plus tard, Trois-Rivières et Montréal. En dehors des lieux de peuplement, la souveraineté prétendue de la France ne dépassera pas la portée des armes à feu des quelques soldats ou engagés des forts et des postes de traite qui assurent la défense du territoire, comme celle des habitants, et le bon déroulement des affaires commerciales. La NouvelleFrance restera dans la réalité un territoire à souveraineté partagée. Cela vaudra aussi, tout au long du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, au Canada, en Acadie et en Louisiane, principales « provinces » françaises formant la Nouvelle-France. À cet égard, Champlain montre qu’il fallait user de diplomatie, faire preuve de patience et de tolérance, recourir à des stratégies complexes et subtiles, tout en disposant de moyens insuffisants, faire taire les rumeurs, afin d’assurer la paix en Nouvelle-France. Le travail de défrichement et de mise en valeur de la terre reste minime et ne permet pas de subvenir aux besoins de la population de Québec lorsque les xvi Samuel de Champlain vaisseaux de ravitaillement tardent ou ne viennent tout simplement pas. Le soutien accordé par les compagnies de traite demeure minimal et les nombreux changements de garde dans la métropole au sein de l’administration coloniale retardent plusieurs projets et travaux sur le terrain. En regard des moyens de transport de l’époque, l’Amérique du Nord-Est, comme territoire, est immense et toujours contrôlée par les peuples autochtones. La géopolitique nord-américaine reste difficile, voire impossible à gérer : des groupes d’intérêts et des jeux de pouvoirs entre groupes, tribus, nations et confédérations autochtones, limitent souvent les projets de Champlain et des Français. À l’occasion, Champlain lui-même peine à comprendre ce qui lui arrive et les situations auxquelles il doit faire face. Mais, fin diplomate, il manœuvre la plupart du temps avec intelligence et doigté lorsque surviennent des crises importantes. Il sait tirer profit des alliances. Par exemple, en temps de disette, il sollicite l’appui des Montagnais pour conclure une alliance avec les Abénaquis, capables de fournir des farines de blé d’Inde ou d’héberger des Français pendant l’hiver. Il sollicite en même temps l’aide des Micmacs, qui acceptent de donner du sel marin, denrée précieuse, et d’héberger quelques hommes pendant l’hiver. Il continue d’accorder une grande importance à la diplomatie avec les chefs autochtones alliés et ennemis, même s’il voyage moins qu’au début de sa carrière canadienne. Ce récit décrit aussi la première conquête de Québec par les nglais aux dépens des prétentions des Français sur ledit territoire, A réalisée par les frères Kirke en 1628-1629, et son occupation de 1629 à 1632. L’Acadie aussi demeure fragile, comme en témoigne Champlain par ses récits et par ceux de contemporains qu’il reproduit. Lorsque s’affrontent pour la première fois ces puissances rivales dans la vallée du Saint-Laurent, on constate un premier échec de la France, qui ne semble pas avoir les moyens et la capacité de ses ambitions. Il n’aura fallu que deux expéditions (celles de 1628 et de 1629) pour que les Anglais prennent le contrôle de Tadoussac, du cap Tourmente et de Québec, et contraignent Champlain à rendre la place sans combattre les assiégeants ni même exiger de ses alliés amérindiens qu’ils s’impliquent dans le conflit en attaquant ces ennemis des Français venus d’Europe. Les Français, Champlain le premier, avaient beau critiquer cette entreprise anglaise qui fut couronnée de succès, il n’en demeure pas moins évident qu’un autre problème grave qu’il révèle minait le projet de fondation : les rapports mêmes entre les Français, notamment entre catholiques et protestants, créaient des tensions qui nuisaient à la colonisation et à la conversion souhaitée des Amérindiens. Et que penser de la fidélité des Français qui choisissent de servir la Couronne anglaise lorsque les Kirke arrivent et s’installent pour un moment ? Préface xvii Ainsi, le cycle de recherches sur les « origines » de Québec de l’historien Mathieu d’Avignon est complété. De telles recherches permettront de remettre à jour une historiographie qui cherche à repenser les fondations et à formuler une histoire plus inclusive, une histoire qui transcende les mythes entourant les découvertes, les conquêtes, la colonisation et les héros nationaux. Espérons qu’elles permettront de lancer de nouvelles réflexions et recherches sur les fondations françaises du temps de la Nouvelle-France et sur la cohabitation avec les peuples autochtones. Camil Girard Groupe de recherche sur l’histoire, Université du Québec à Chicoutimi Le 10 janvier 2010 Introduction C’est avec grand plaisir et le sentiment du devoir accompli que je vous présente les Derniers récits de voyages en Nouvelle-France de Samuel de Champlain, rédigés entre 1620 et 1632 dans la vallée du Saint-Laurent et en France. Ces récits figurent dans la « seconde partie » du dernier livre qu’il a publié de son vivant, en 1632, intitulé Voyages de la Nouvelle-France occidentale, dite Canada, faits par le sieur de Champlain, Saintongeais, capitaine pour le roi en la Marine du Ponant, et de toutes les découvertes qu’il a faites en ce pays depuis l’an 1603 jusqu’en l’an 1629 […]1, et édité par Louis Sevestre. Ils complètent l’œuvre originale de Champlain sur la Nouvelle-France, écrite entre 1603 et 16322. Le dernier livre de Champlain contient dans la « première partie » une réédition partielle des récits contenus dans les publications antérieures de 16033, 16134 et 16195. Il reprend le texte des publications qui relatent les voyages faits entre 1603 et 1619, tout en les modifiant considérablement. Pour des raisons pratiques, j’ai décidé de ne pas reprendre cette partie afin d’épargner aux lecteurs un nombre interminable de notes en bas de pages et d’explications au sujet des modifications apportées par l’auteur en 1632, surtout des retranchements substantiels d’informations effectués au détriment d’anciens collaborateurs. Ceux qui désirent en savoir plus sur le travail de réécriture effectué par Champlain à la fin de sa carrière pourront se référer aux études de Charles-Honoré Laverdière6 et de Lucien Campeau7, de même 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Champlain, S. de. Voyages de la Novvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain Xaintongeois, Capitaine pour le Roy en la Marine du Ponant, & de toutes les descouuertures qu’il a faites en ce païs depuis l’an 1603 iusques en l’an 1629 […]. Paris, Louis Sevestre, 1632. J’ai déjà publié les trois premiers livres de Champlain sur la Nouvelle-France, édités en 1603, 1613 et 1619. Champlain, S. de. Premiers récits de voyages en Nouvelle-France, 1603-1619. Réédition intégrale en français moderne, introduction et notes par Mathieu d’Avignon. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009. Champlain, S. de. Des Savvages, ov Voyage de Samvel Champlain de Brovage, fait en la France novvelle, l’an mil six cens trois […]. Paris, Claude de Monstr’œil, 1603. Champlain, S. de. Voyages dv Sievr de Champlain Xaintongeois, Capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine […] ov Iovrnal tres-fidele des observations faites és descouuertures de la nouuelle France. Paris, Jean Berjon, 1613. Champlain, S. de. Voyages et descouuertures faites en la Novvelle France, depuis l’année 1615 iusques à la fin de l’année 1618. Par le Sieur de Champlain, Cappitaine ordinaire pour le Roy en la Mer du Ponant. Paris, Claude Collet, 1619. Œuvres de Champlain. Montréal, Les Éditions du Jour, 1973, 3 vol. Réédition de l’édition de C.-H. Laverdière. Québec, Geo-E. Desbarats, 1870, 6 vol. Dans les introductions des livres de Champlain qu’il réédite et en notes de bas de pages, Laverdière fournit de multiples explications à ce sujet. Campeau, L. « Les Jésuites ont-ils retouché les écrits de Champlain ? », RHAF, vol. V, no 3 (déc. 1951), p. 340-361. 2 Samuel de Champlain qu’au premier chapitre du livre Champlain et les fondateurs oubliés. Les figures du père et le mythe de la fondation que j’ai signé en 20088. En 1632, Champlain publie également dans la «seconde partie» des récits inédits portant sur ses voyages de 1620-1629 et d’autres textes «annexes», dont le méconnu Traité de la marine et du devoir d’un bon marinier qu’il signe à la fin de sa carrière de navigateur. Dans ce Traité, il laisse de côté les événements passés et présents pour parler de techniques et partager ses connaissances sur l’art de la navigation. Ce sont ces récits et écrits que je publie dans cet ouvrage. Ils racontent les principaux événements s’étant déroulés au Canada, en Acadie, en France et en Angleterre au cours des années 1620 et au tournant des années 1630. Ils relatent des temps difficiles pour les Français. De nouveaux assassinats sont commis par des alliés amérindiens au cours de cette période. La présence des Hollandais et des Anglais en Amérique du Nord-Est révèle à la fois la fragilité et la durabilité des alliances conclues avec des nations amérindiennes depuis le début du siècle, mais surtout la grande liberté individuelle des Amérindiens, qui pouvaient choisir de négocier à leur guise avec les Français, les Anglais, les Basques, les Hollandais, etc., ce qui déplaisait à Champlain. C’est pour cela qu’il se servira de cas isolés de « trahisons » commises, par exemple, par des Montagnais-Innus pendant l’occupation anglaise de 1628-1632 pour formuler une critique acerbe et les qualifier presque tous de traîtres. Les conflits demeurent nombreux entre les Français mêmes et les tensions entre catholiques et protestants deviennent, du moins au dire de Champlain qui affirme plus que jamais sa catholicité9, problématiques. Les événements entourant la prise de Québec par les frères Kirke au nom du roi d’Angleterre occupent une large place dans les récits et les soucis de l’auteur qui en témoigne. Comme les livres précédents de l’explorateur et administrateur colonial, celui de 1632 connaît un certain succès : il sera réédité en 164010, cinq ans après le décès de l’auteur. Pour rééditer ses écrits et les rendre plus accessibles, j’ai procédé comme pour les Premiers récits de voyages en Nouvelle-France, 1603-1619. J’ai annoté les récits dans le texte et en notes de bas de pages, afin d’ajouter des précisions permettant une meilleure compré8. D’Avignon, M. Champlain et les fondateurs oubliés. Les figures du père et le mythe de la fondation. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008. 9. On peut se référer à d’Avignon, M. « Champlain : archétype du colonisateur français en Nouvelle-France ? », dans A. L. Araujo, G. Bouchard et M. H. Vallée, dir. Actes du 1er Colloque étudiant du Département d’histoire. Québec, CELAT et Université Laval, 2002. p. 1-8; et au premier chapitre du livre Champlain et les fondateurs oubliés […]. Op. cit. 10. Champlain, S. de. Voyages de la Novvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain Xaintongeois, Capitaine pour le Roy en la Marine du Ponant, & de toutes les descouuertures qu’il a faites en ce païs depuis l’an 1603 iusques en l’an 1629 […]. Paris, Louis Sevestre, 1640. Introduction 3 hension du texte et de renvoyer le lecteur à des études et des articles qui peuvent être consultés comme lectures complémentaires. J’ai modernisé les ethnonymes et les toponymes. Lorsqu’un toponyme répertorié par l’auteur diffère du toponyme actuel, j’ajoute entre crochets le second, afin que le lecteur puisse suivre sur des cartes modernes les déplacements de l’explorateur et des autres acteurs figurant dans ses œuvres. Lorsqu’un mot ancien ne se trouve pas dans les dictionnaires modernes, j’ajoute un synonyme ou un terme équivalent entre crochets dans le texte ou je fournis une définition en note de bas de page. Lorsque l’orthographe employée par Champlain varie plus ou moins de l’orthographe correcte, j’ajoute le terme qu’il emploie entre crochets et guillemets après l’avoir standardisé, mais à la première occurrence seulement. L’objectif que je m’étais fixé en 1997 comme « apprenti-historien », soit de rééditer en français moderne tous les récits de voyages en Nouvelle-France de Champlain, a été atteint, enfin. Mes propres explorations et discussions en compagnie de ce personnage historique célèbre s’achèvent. Les tiennes, « ami lecteur », comme il le dirait luimême, peuvent quant à elles se poursuivre… Mathieu d’Avignon 19 mars 2010 Samuel de Champlain Les voyages de la Nouvelle-France occidentale, dite Canada, faits par le sieur de Champlain, Saintongeais, capitaine pour le roi en la Marine du Ponant, et toutes les découvertes qu’il a faites en ce pays depuis l’an 1603 jusqu’en l’an 1629. [« Seconde partie », 1620-1632]. Où se voit comme ce pays a été premièrement découvert par les Français, sous l’autorité de nos rois très chrétiens jusqu’au règne de sa Majesté à présent régnante Louis XIII, roi de France et de Navarre. Avec un traité des qualités et conditions requises à un bon et parfait navigateur pour connaître la diversité des estimes qui se font en la navigation. Les marques et enseignements que la providence de Dieu a mises dans les mers pour redresser les mariniers en leur route, sans lesquels ils tomberaient en de grands dangers. Et la manière de bien dresser cartes marines avec leurs ports, rades, îles, sondes et autres choses nécessaires à la navigation. Ensemble une carte générale de la description dudit pays faite en son méridien selon la déclinaison de la guide-aimant, […] avec ce qui s’est passé en ladite Nouvelle-France en l’année 1631. À monseigneur le cardinal de Richelieu. À Paris Chez Louis Sevestre, imprimeur-libraire, rue du Meurier, près de la porte Saint-Victor, et en sa boutique dans la Cour du palais. MDCXXXII Avec privilège du roi. Table des chapitres Livre premier [des voyages du sieur de Champlain] (1620-1625) À monseigneur l’illustrissime cardinal duc de Richelieu, chef, grand maître et surintendant général du commerce et navigation de France. ......................... 11 Sur le livre des Voyages du sieur de Champlain, capitaine pour le roi en la Marine. Pierre Trichet, avocat bordelais.......................................................................... 13 Chapitre I Voyage de l’auteur en la Nouvelle-France avec sa famille. Son arrivée à Québec. Prend possession du pays au nom de monseigneur de Montmorency............... 15 Chapitre II Arrivée des capitaines Du May et Guers en la Nouvelle-France. Rencontre d’un vaisseau rochelais qui se sauva. Lettres de France apportées au sieur de Champlain. ...................................................................................... 19 Chapitre III Arrivée du sieur du Pont à la Nouvelle-France et d’Allart avec l’équipage du sieur de Caën. L’auteur fait avertir les sauvages de la venue dudit de Caën. Arrêt du Conseil permettant le trafic aux deux compagnies. De Caën saisit par force le vaisseau du sieur du Pont. .............................................................. 24 Chapitre IV Arrivée du sieur du Pont, du canot d’Allart et du sieur de Caën qui apporte plusieurs dépêches. Envoi du père Georges à Tadoussac. Dessein du sieur de Caën. Embarquement de l’auteur pour aller à Tadoussac. Différends entre eux. Magasin de Québec achevé par l’auteur. Armes pour le fort de Québec. . .......... 27 Chapitre V L’auteur fait travailler au fort de Québec. Voie assurée qu’il prépare aux entrepreneurs des découvertes. Est expédient d’attirer quelques sauvages. Arrivée du sieur Santein, commis du sieur Dolu. Réunion des deux sociétés..... 35 Chapitre VI L’auteur s’est acquis une parfaite connaissance aux découvertes. Avis qu’il a souvent donné à messieurs du Conseil. Des commodités qui reviendraient de ces découvertes. Paix que ces sauvages traitent avec les Iroquois. Forme de faire la paix entre eux. ........................................... 40 8 Samuel de Champlain Chapitre VII Arrivée du sieur du Pont et de La Ralde avec vivres. L’auteur leur raconte la paix faite entre les sauvages. Lettre du roi à l’auteur. Arrivée du sieur de La Ralde à Tadoussac. Ce qui se passa le reste de l’année 1622 et aux premiers mois de 1623. .......................................................................... 43 Chapitre VIII Arrivée de l’auteur devant la rivière des Iroquois. Avis du pilote Doublet au sieur de Caën, de quelques Basques retirés en l’île Saint-Jean. Plainte des sauvages accordée. Le meurtrier est pardonné. Cérémonies observées en recevant le pardon du roi de France. Accord entre ces nations sauvages et les Français. Retour du sieur du Pont en France. L’auteur fait faire de nouveaux édifices....... 50 Livre second des voyages du sieur de Champlain (1625-1629) Chapitre I Monsieur le duc de Ventadour, vice-roi en la Nouvelle-France, continue la lieutenance au sieur de Champlain. Commission qu’il lui fait expédier. Retour du sieur de Caën en Nouvelle-France. Trouble qu’il eut avec les anciens associés. ......................................................................................... 65 Chapitre II Description de l’île de Terre-Neuve, îles aux Oiseaux, ramées Saint-Jean, Anticosti, Gaspé, Bonaventure, Miscou, baie de[s] Chaleu[rs], celle qui environne le golfe Saint-Laurent, avec les côtes depuis Gaspé jusqu’à Tadoussac, et de là à Québec sur le grand fleuve Saint-Laurent............. 70 Chapitre III Les Français sont sollicités de faire la guerre aux Iroquois. L’auteur envoie son beau-frère aux Trois-Rivières. ............................................ 89 Chapitre IV Mort et assassinat de Pierre Magnan, Français, du chef des sauvages appelé [Le] Réconcilié et d’autres deux sauvages. Retour d’Émery de Caën et du père Lalemant à Québec. Nécessités en la Nouvelle-France. ..................... 95 Chapitre V Guerre déclarée par les Iroquois. Assemblée des sauvages. Assassinat de deux hommes appartenant aux Français. Recherche de l’auteur de ce crime. Le meurtrier amené. Ce que les sauvages offrent pour être alliés avec les Français. L’auteur veut venger ce meurtre. ........................................... 99 Chapitre VI Défauts observés par l’auteur au voyage du sieur de Roquemont. Sa prévoyance. Sa résolution contre tout événement. Le sauvage Erouachy arrive à Québec. Le récit qu’il nous fit de la punition divine sur le meurtrier. Erouachy conseille de faire la guerre aux Iroquois. . .......................................... 118 Livre premier [des voyages du sieur de Champlain] (1620-1625) Livre troisième des voyages du sieur de Champlain (1629-1632) Chapitre I Rapport du combat fait entre les Français et les Anglais. Des Français emmenés prisonniers à Gaspé. Retour de nos gens de guerre. Continuation de la disette des vivres. Chomina, fidèle ami des Français, promet [de] les avertir de toutes les menées des sauvages. Comme[nt] l’auteur l’entretient. ......................................................................... 131 Chapitre II Arrivée de Desdames de Gaspé. Un capitaine canadien offre toute courtoisie au sieur du Pont. Quelques discours qu’eut l’auteur avec lui et ce que firent les Anglais..................................................................... 140 Chapitre III Le sieur de Champlain, ayant eu avis de l’arrivée des Anglais, donne ordre de n’être surpris, se résoud à composer avec eux. Lettre qu’un gentilhomme anglais lui apporte et sa réponse. Articles de leur composition. Infidèles Français prennent des commodités de l’habitation. Anglais s’emparent de Québec ......... 149 Chapitre IV Combat des Français avec les Anglais. [Émery de Caën] est pris en combattant. On le fait parler au sieur [de Champlain]. Voyage des Français à Tadoussac. Le beau-frère de l’auteur lui compte son voyage. Émery tâchait [de] regagner Québec. . ............................................................... 156 Chapitre V .Voyage de [Kirke], général anglais, à Québec. Ce qu’il dit au sieur de Champlain. Mauvais dessein de Marsolet. Réponse de l’auteur au général Kirke. Le général refuse à l’auteur d’emmener en France deux filles sauvagesses par lui instruites en la foi. .................................................................................. 166 Chapitre VI Le général Kirke demande à l’auteur certificat des armes et munitions du fort et de l’habitation de Québec. Mort malheureuse de Jacques Michel. Plainte contre le général Kirke. . ......................................................................... 174 Chapitre VII Partement des Anglais au port de Tadoussac. Général Kirke craint l’arrivée du sieur de Razilly. Arrivée en Angleterre. L’auteur y va trouver monsieur l’ambassadeur de France. Le roi et le Conseil d’Angleterre promettent rendre Québec. Arrivée de l’auteur à Dieppe. Voyage du capitaine Daniel. Lettre du révérend père Lalemant de la compagnie de Jésus. Arrivée de l’auteur à Paris. ................................................................................. 180 *** 9 À monseigneur l’illustrissime cardinal duc de Richelieu, chef, grand maître et surintendant général du commerce et navigation de France. Monseigneur, ces relations se présentent à vous comme à celui auquel elles sont principalement dues, tant à cause de l’éminente puissance que vous avez en l’Église et en l’État comme en l’autorité de toute la navigation, que pour être informé ponctuellement de la grandeur, la bonté et la beauté des lieux qu’elles vous rapportent. Partant que ce n’est pas sans grandes et prégnantes causes que les rois prédécesseurs de sa Majesté, et elle, non seulement y ont arboré l’étendard de la croix pour y planter la foi comme ils ont fait, ains[i] encore y ont voulu ajouter le nom de la Nouvelle-France. Vous y verrez les grands et périlleux voyages qui y ont été entrepris, les découvertes qui s’en sont ensuivies, l’étendue de ces terres, non moins grandes quatre fois que la France, leur disposition, la facilité de l’assuré et important commerce qui s’y peut faire, la grande utilité qui s’en peut retirer, la possession que nos rois ont prise d’une bonne partie de ces pays, la mission qu’ils y ont faite de divers ordres de religieux, leur progrès en la conversion de plusieurs sauvages, celle du défrichement de quelques-unes de ces terres. Par lequel [livre] vous connaîtrez qu’elles ne cèdent en aucune façon en bonté à celle de la France, et enfin les habitations et forts qui y ont été construits sous le nom français. À la conservation desquels, comme en une bonne partie de ces découvertes ayant ainsi que j’ai été assidûment employé depuis trente ans, tant sous l’autorité de nos vicerois que de celle de votre grandeur, c’est monseigneur ce qui excusera, s’il vous plaît, la liberté que je prends de vous offrir ce petit traité, en cette assurance qu’il ne vous sera point désagréable, non pour ma considération propre mais bien seulement pour celle du public, qui fait déjà retentir votre nom en toute l’étendue des rivages maritimes de la terre habitable, par les acclamations des effets qu’il se promet de la continuation de la gloire de vos actions. Et comme votre grandeur les a élevées en terre jusqu’au dernier degré par la paix qu’elle a procurée en ce royaume, après tant et de si heureuses victoires, aussi ne sera-t-elle moins portée à se faire admirer durant la paix aux choses qui la concernent. Surtout au rétablissement du commerce de France dans les pays plus éloignés, comme le 12 Samuel de Champlain moyen plus assuré qu’elle ait pour refleurir de nouveau sous vos heureux auspices. Mais, entre ces nations étranges, celles de la Nouvelle-France vous tendent principalement les mains, se figurant avec toute la France que, puisque Dieu vous a constitué d’un côté prince de l’Église et de l’autre élevé aux suréminentes dignités que vous tenez, non seulement vous leur redonnerez la lumière de la foi, laquelle ils respirent continuellement, mais encore relèverez et soutiendrez la possession de cette Nouvelle Terre, par les peuplades et colonies qui s’y trouveront nécessaires. Enfin, Dieu vous ayant choisi expressément entre tous les hommes pour la perfection de ce grand œuvre, il sera entièrement accompli par vos mains. C’est le souhait que je fais sans cesse, auquel je joins encore les offres que je vous présente du reste de mes ans, que je tiendrai très heureusement et nécessairement employés en un si glorieux dessein, si avec tous mes labeurs passés je puis être encore honoré des commandements qu’attends de votre grandeur. Monseigneur, votre très humble et très affectionné serviteur, Champlain. Sur le livre des Voyages du sieur de Champlain, capitaine pour le roi en la Marine. Veux-tu voyageur hasardeux Vers Canada tenter fortune ? Veux-tu sur les flots écumeux Recevoir l’ordre de Neptune ? Bien équipé fais choix soudain D’un temps propice à ton dessein, Et tu verras qu’en son empire Le vent plus violent et fort Pressant les flancs de ton navire Te fera tôt surgir au port. Que si le pilote est mal [con]duit Aux routes qu’il lui convient suivre Il pourra être mieux conduit S’il se gouverne par le livre Qu’en sa faveur a fait Champlain, À qui les grâces ont à plein Prodigué tout leur héritage : De qui Pithon a pris le soin D’orner son élégant langage, Afin qu’il t’aide à ton besoin. Va donc pilote sans frayeur Ancrer en la Nouvelle-France ; Ne crains de Thétis la fureur Ni des Autans la violence : Champlain comme s’il était fils Ou de Neptune ou de Tiphys Rendra ta nef si assurée, Que ni les monstres de la mer Ni tous les efforts de Borée Ne la pourront faire abîmer. 14 Samuel de Champlain Que si quelqu’un par vanité Estime avoir cet avantage De porter quelque déité Et ne pouvoir faire naufrage, Reproche lui qu’en ce qu’il croit Tu es sondé en meilleur droit, Si la raison trouve en toi place Car déférant aux bons avis Dieu favorise de sa grâce Ceux qui toujours les ont suivis. Pierre Trichet, avocat bordelais. Livre premier Chapitre I Voyage de l’auteur en la Nouvelle-France avec sa famille. Son arrivée à Québec. Prend possession du pays au nom de monseigneur de Montmorency 1620 ’an 1620, je retournai avec ma famille11 en la Nouvelle-France, où [nous] arrivâmes au mois de [juin12]. Nous traversâmes plusieurs îles et entre autres celles aux Oiseaux, où il y a tel nombre qu’on les tue à coups de bâtons. Le 24 [juin], nous approchâmes proche [de] Gaspé, entrée du fleuve SaintLaurent. Le 7 de juillet, nous mouillâmes l’ancre au moulin Baudé, à une lieue du port de Tadoussac, ayant été deux mois à la traverse de notre voyage, où chacun loua Dieu de nous voir à port de salut, et principalement moi pour le sujet de ma famille, qui avait beaucoup enduré d’incommodités en cette fâcheuse traverse. Le lendemain, un petit bateau vint à notre bord, qui nous dit que le vaisseau où était le sieur [François Porée] des Chênes, parti un mois auparavant nous, était arrivé, qui fut près de deux mois à sa traverse. Le sieur [Eustache] Boullé, mon beau-frère, était en ce bateau, qui fut fort étonné de voir sa sœur et comme elle s’était résolue de passer une mer si fâcheuse. Et [il] fut grandement réjoui, et elle et moi au préalable. Lequel nous dit que deux vaisseaux de La 11. Pour la première fois, Hélène Boullé, l’épouse de Champlain, voyage jusqu’à Québec. Elle y demeurera jusqu’en 1624, sans que son époux ne fasse aucune autre mention d’elle que celle annonçant son retour en France. Pour en savoir plus sur Hélène Boullé, on peut consulter Chabot, M.-E. « Boullé, Hélène », DBC, 113-114. Il existe aussi un roman historique, bien documenté, en trois tomes, qu’on peut lire : Fyfe Martel, N. Hélène de Champlain. Tome 1. Manchon et dentelle, tome II. L’érable rouge et tome III. Gracias a Dios! Montréal, Hurtubise HMH, 2004, 2005 et 2007. 12. OC, III, p. 985.