Gérard Garouste, l`Intranquille Gérard Garouste est un artiste peintre

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Gérard Garouste, l`Intranquille Gérard Garouste est un artiste peintre
Gérard Garouste, l’Intranquille
Gérard Garouste est un artiste peintre, graveur et sculpteur né en 1946, un an après la seconde guerre mondiale, événement très important dans sa vie privée ainsi que dans sa vie artistique.
Gérard Garouste, Le masque de chien
A la naissance de Guillaume, le fils aîné de Gérard Garouste, au début des années 1970, le peintre Gérard
Garouste fait sa première crise et est interné à l'hôpital psychiatrique de Villejuif.
D’abord considéré comme fou, Garouste sera diagnostiqué « maniaco-dépressif », puis bipolaire.
C’est en 2011 que paraît son premier livre autobiographique, « L’intranquille, autoportrait d’un fils, d’un
peintre, d’un fou » dédié à sa femme, Elizabeth.
Aujourd'hui, Gérard Garouste peint des scènes fabuleuses et énigmatiques, des portraits qui, en dépit de ce
que le genre suppose, ne sont pas moins déconcertants ni d'un symbolisme plus aisé à démêler. Il vit et travaille dans
une campagne proche de Paris avec son épouse Elisabeth, elle-même designer célèbre, et c'est est un homme discret et
élégant : voici pour l'essentiel ce qui se dit de lui.
Mais
c’est d’abord un livre qui surprend, puisque l’artiste cachera pendant de longues années ses tempêtes. On se demande,
qu'est-ce que Garouste peut avoir à écrire ? Des histoires d'atelier ? Non. Des réflexions sur la situation actuelle de l'art
? Très peu. La peinture et le dessin ne sont pas absents. Mais ce qui fait la force et l'intérêt de L'Intranquille, c'est ce que
Garouste y révèle de son histoire, de manière clair et simple.
Tout d’abord, le père de Gérard Garouste est le personnage principal, et le mot est faible, c’est le personnage
qui ont peu le supposer et peut être l’élément déclencheur de toutes les foudres de l’artiste, en effet, tout le livre tourne
autour de ce père brutal. La première phrase du premier chapitre annonce la mort de son père, en 2009.
Henri Garouste est de ceux qui, durant l'Occupation, se font attribuer par les autorités occupantes et françaises des entreprises et des biens dont les propriétaires étaient juifs : pour lui, d'abord une entreprise de parfumerie
dont le fondateur s'est enfui, puis la société Lévitan, qui, dans l'entre-deux-guerres, fournissait les ménages en meubles
robustes et bon marché.
Dès 1940, les magasins Lévitan, rue du Faubourg-Saint-Martin, deviennent l'un des lieux de stockage de tout ce qui
est pillé dans les appartements des familles juives parisiennes. A partir de 1943, la société d'ameublement Garouste père
et fils prospère dans les ateliers qu'elle "reprend". Costumes de tailleur, dîners fins et antisémitisme affiché. A la Libération, la famille Lévitan revenue d'exil gagne son procès contre la Société Garouste, car il faut une décision de justice
pour que la restitution s'accomplisse. Après quoi, Henri Garouste continue à faire fortune dans le meuble "de style" et à
affirmer sa haine des juifs sans être inquiété pour autant, si ce n'est par les soupçons de son fils Gérard.
Celui-ci fait le récit de ses lentes recherches, qui ne se sont achevées que quand il a pu consulter les agendas
paternels, établir enfin ce qui s'était passé, et apprendre aussi que la généalogie familiale avait été réaménagée afin d' en
exclure une arrière-grand-mère aux moeurs trop libres pour une famille bourgeoise si respectable.
Mais, longtemps, rien n'a été certain à ses yeux, si ce n'est la violence extrême des rapports entre père et fils. Le premier
se donne pour un modèle de travail et de volonté, le deuxième se montre un élève désastreux et lunaire, ne sachant que
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dessiner.
D’autres internements, d’autres crises ont suivi. «Etre heureux est dangereux pour moi, être en colère aussi.
L’émotion forte m’est interdite. Elle bouscule trop de choses dans ma tête aux pensées et aux souvenirs mal accrochés.
Une crise s’annonce.» Garouste l’écrit comme une évidence : les crises interrompent la création, qui se fait contre ces
moments de délire et non grâce à eux, contrairement à une idée reçue dont Van Gogh est le héros malgré lui.
Dessiner, peindre, graver sont les moyens les plus sûrs de tenir à distance la menace : l’art ne saurait être pour lui un
métier», car ses enjeux psychiques et intimes vont bien au-delà des questions de technique et de succès.
Aussi Garouste ne s’attarde-t-il guère sur le travail à l’atelier, évoquant à peine
sa manière si particulière de peindre, les débats qu’elle a suscités et suscite encore.
En effet, il ne s’attarde jamais sur sa pratique artistique, il préfère rappeler ceux qui lui ont permis de s’engager résolument dans la création : Fabrice Emaer au temps du Palace, dans les années 1980, le galeriste new-yorkais Leo Castelli
un peu plus tard, qui a été déterminant dans sa carrière et l’a beaucoup aidé.
Ce à quoi l’on s’attend moins en tant que lecteur, c’est la conséquence : à 28 ans, alors que son premier fils va naître,
Gérard Garouste subit sa première crise de délire, déambulation hallucinée ponctuée de méfaits mineurs et de provocations. Il la dépeint avec une sobriété et une très grande précision « Je suis rentré dans un café tout près, et, armé de la
petite caisse volée à mes parents, j’ai cassé tout le coin tabac. » p.84.
Gérard Garouste,
«Véronique», 2005 Gouache sur papier 120 x 180 cm
Collection privée, Bruxelles
Garouste l’a rencontré lorsque celui ci avait « plus de quatre-vingts ans », il le décrit comme travailleur, qui aimait
la peinture et les femmes, et qu’il avait oublier de vieillir. Par ailleurs, celui-ci n’a jamais été au courant des crises de
l’artiste.
Gérard Garouste laisse percer son jugement sur l'art en France aujourd'hui "Je vis dans un pays aux idées très
arrêtées, accroché à son concept d’avant-garde. Je ne peux effectivement pas le représenter, je ne crois plus à ce mot, ni
au mot «moderne» ou «original». C’est devenu une recette, on s’installe dans l’originalité, on est acheté à Beaubourg et
on rentre dans la nouvelle académie du XXè siècle, où le discours fait l’œuvre.
L’avant-garde au musée n’est plus une avant-garde ! La provocation n’est plus une provocation si elle est à la
mode ! La France entretient pourtant cette idée comme une vieille mariée, parce qu’elle se flatte et se repent
en même temps d’avoir abrité et méprisé les impressionnistes, une bande d’Indiens géniaux qui fréquentaient le même quartier, les mêmes cafés et s’échangeaient leurs toiles faute de les vendre. Comme toujours elle
campe sur son histoire, et, d’une révolution pleine de sens, cent ans plus tôt, elle a fait un dogme." ( p.125) ,
mais ces considérations lui importent moins que l'éclaircissement de ses origines et de son passé, que l'horreur
trouble que lui inspire la figure paternelle, que son rapport à une histoire nationale qui se trouve être la sienne.
Ainsi, écrire L'Intranquille, apprendre l'hébreu pour mieux lire la Torah et poursuivre son oeuvre picturale et
graphique labyrinthique, sont les instruments, et le mot est de lui : "La peinture est mon instrument" d'une connaissance de lui-même dans laquelle la stupeur, la rage et le désir de sanction ne se séparent pas. On peut dire que Garouste et un historien, un historien de ses origines.
Ses épisodes de folie, il les vit comme une fuite, un moment où il doit se déconnecter pour survivre. Mais aussi une très
grande souffrance. Il ne lui faut pas de passion, d’émotions fortes au sens propre des mots. Or, il ne peut pas se contenter de ces pilules qui "mettent une tache blanche sur ses couleurs". Il s’analyse, essaie de comprendre et en arrive à cette
conclusion : "Je me crois enfin débarrassé d’une vieille peau, d’une croûte qu’on gratte enfant jusqu’au sang. Ma tête
s’est ouverte, elle s’est vidée d’un noir mirage, par la peinture et ici avec les mots. J’ai entretenu sur ma toile un monde
terrible et ancien, j’ai envie de passer à autre chose, d’aller vers une peinture plus gaie, j’aimerais désormais toucher les
enfants de mes amis.»
Il a peint plus de six cents tableaux, tous signés mais non datés et qui contiennent, sous les couches de peinture, des
codes destinés à former une immense phrase.
Penchons nous donc sur les oeuvres de cet artiste fou. Le peintre pratique un art figuratif, où l'exubérance
rivalise avec l'outrance des couleurs. Qu'il travaille la glaise, le bronze, l'huile ou l'acrylique, il nourrit son inspiration
de mythes et de textes fondateurs : Faust, la Bible, Dante, Cervantès, Rabelais…Ses œuvres sont peuplées d'une énigmatique présence d'animaux, d'objets et de corps déformés, laissant libre cours à l'interprétation. A travers ses tableaux,
gouaches et sculptures, l’artiste met en scène ses proches, se portraitise, sous la forme d’un malade, d’un héros biblique
ou d’un mystérieux animal. Les couleurs explosent, à la manière du Greco, grand peintre du siècle d’or espagnol dont
il est un admirateur. Ses oeuvres représentes des personnages, objets et décors qui se «tordent» sur la toile, comme
secoués par des vents contraires…
Aussi, il est vrai que ses compositions sont souvent ludiques, amusent l’œil et l’esprit, mais il faut savoir qu’elles regorgent de signes mystérieux, puisés dans les grands récits de l’humanité : la mythologie grecque, ou l’Ancien Testament.
Il explique que pour créer il part des mots et jamais d’images. C’est pour cette raison, que la bible lui sert beaucoup
dans son travail d’artiste. C’est donc là encore, un historien, et son livre le reflète bien, il est à la recherche de ses propres
origines. L’artiste trouve en effet sa matière première dans les Écritures, qu’il étudie avec une insatiable curiosité. Par
ailleurs, au chapitre 7, l’artiste parle de Don Quichotte, qu’il décrit comme un «chevalier errant, fou», un homme qui se
fiche d’etre de son temps, qui joue avec son époque, le passé, le présent, le déja-vu. Garouste écrit alors qu’il est devenu
son allié, qu’il y a reconnu son défi à la peinture et que ce personnage lui a procuré une profonde jouissance.
Gérard Garouste, Don Quichotte et les livres brûlés, 2013
97 × 130 cm Courtesy Galerie Daniel Templon,
Paris & Bruxelles
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peinture lorsqu’il créé et c’est pour cette raison que lorsque l’artiste est pris de crises de folie, sa maladie l’empeche de
créer autant qu’il le souhaite et que ce qu’il a peind pendant ses periodes de délires, il l’a souvent détruit après car il n’en
était pas satisfait.
Garouste a par ailleurs dit «Heureusement, avec les nouveaux traitements, la psychiatrie, j’ai pu avoir de longs
intervalles stables pour travailler. Je suis sûr que si Van Gogh avait eu cette chance, son oeuvre serait encore plus
riche...». La mort l’inquiète mais la maladie le hante, et lui fait peur.
Il écrit ensuite, qu’il a laissé cheminer en lui tous ces sentiments puis «tout cela devait finir en peinture».
«Selon les époques, les mots me concernant ont changés: on m’a dit maniaco-dépressif ou bipolaire... Un siècle
plus tôt, on aurait juste dit fou. Je veux bien.»
En effet, Gérard Garouste n’est pas un personnage banal, il a subit de nombreux épisodes névrotiques qui ont mis entre
parenthèses sa vie professionnelle et personnelle. L’artiste raconte précisemment quelques moments de folie qu’il a pu
subir, et on comprend très clairement, le poids que cette maladie a pu être pour lui mais également pour sa femme et
ses enfants. L’homme a été malade pour chacunes des naissances de ses deux enfants. Il raconte avoir fugué pour fuir
cet enfant qui allait faire de lui un père, un adulte, qu’il allait l’obliger à accepter le doute, à avancer, il reclamait de lui la
joie mais lui avait réveiller la douleur. Selon Garouste, les émotions sont dangereuses pour lui .
«Elisabeth était enceinte. Un matin je me suis enfui, et de tout ce qui se passa ensuite, je garde un souvenir aïgu...», puis
il raconte son épisode de folie, son épisode d’internement, «j’ai cru à l’enfer lorsqu’on m’a installé seul dans une chambre
toute blanche. (...)Puis la première nuit est venue. J’ai entendue une femme hurler dans la chambre d’à coté, elle voulaittuer son mari. J’ai taper contre la porte pour aller aux toilettes mais personne n’a répondu. J’ai donné un coup dans la
fenêtre mais elle était trop épaisse.». L’homme raconte qu’à l’interieur de l’hopitâl, «on fait avec la folie, on s’organise».
Il y a même le chef des fous, Garouste prend donc ses habitudes et ses marques dans ce monde sans politesse ni pudeur
dans lequel il est contraint de vivre durant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois. L’auteur explique également qu’il
a tenté de s’échapper plusieurs fois, qu’il ne prenait pas toujours ses médicaments, ce qui lui faisait revenir dans un état
ingérable «pour éviter toute récidive, ils m’ont retiré mes vêtements. Je me suis alors évadé tout nu, couvert d’un drap.
(...) J’ai été repris, j’ai recommencé.»
Gérard Garouste, Passage (Autoportrait), 2005
Huile sur toile
Après en avoir discuté avec son analyste, Garouste écrit qu’il en eu marre de la bonne peinture, de l’élégance et qu’il eu
besoin de «faire quelque chose de mauvais goût», de «pas très academique» . Aussi, il faut savoir que Gérard Garouste a
co écrit l’envie et le un livre sur Don Quichotte, l’intégralité du texte de Don Quichotte illustré par 150 gouaches et 126
lettrines ornées en ouverture de chaque chapitre.
Après ces moments de crises, où le délire avait fait de lui une bombe humaine, où il l’avait rendu insensible
car c’était pour lui une fuite, une grande peur qui le faisait croire u-être mort, tout-puissant ou juste un enfant, l’artiste
reprend contact avec la vraie vie, et c’est à ce moment là que c’est plus difficile, notamment pour sa famille «Ils ont
trouvés mes parents, les ont convoqués. J’ai insulté mon père.», pour sa femme, qui souhaite le voir revenir chez eux,
élever ses garçons, qui lutte contre les crises de son mari, tandis que lui souhaite lui faire payer le fait d’être à l’exterieur,
et d’être l’exterieur « Un jour, alors que nous revenions d’une permission de sortie, je lui ai proposé un autre chemin
pour rejoindre mon pavillon. C’etait un piège. J’ai ouvert une porte qui donnait sur une grande salle sans rien, ni chaise
ni table, juste de la paille au sol, où erraient les grands fous, des morts vivants faisant encore sous eux. Et j’ai rigolé
devant ses yeux bordés de larmes.» Garouste écrit que pendant ces périodes de folies, son désir était de voir sa femme
paniquée, triste, inquiète. Pourtant il écrit aussi que sa femme a été son pillier durant toutes ces années de névroses.
«J’ai retrouvé notre maison, mon atelier, Elisabeth qui avait en elle un enfant, et aussi beaucoup de force. Je l’aimais,
j’étais convaincu qu’elle seule me protègerait et pourrait me sauver, mais j’étais terrifié, je n’avais rien à lui offrir. Vivre
était Par ailleurs, l’intranquille dit que la sortie de l’hopitâl n’est pas une libération au contraire, ce serait une punition.
C’est le moment où la réalité le rattrape, où il se découvre faible et c’est ce qui l’angoisse. Il écrit avoir eu envie de faire
le chemin a l’envers, de retrouver l’univers irréel où il était protéger, de retrouver son délire. Car selon lui, le délire c’est
une manière «de se jeter dans le vide quand on a peur du vide». Ce moment d’égarement a été un moment où il a cru
dominer le temps et les lois du hasard. C’est d’ailleurs pour ça que certains ne veulent plus en sortir.
Ainsi, l’auteur parle de ce rapport au monde, un monde qu’il a parfois du mal à supporter, mais aussi de ses
relations avec les autres, en effet, il explique que sa maladie, ses crises le font devenir un peu égoïste, «J’étais le perdant,
trop prisonnier de mes angoisses pour voir celles des autres. J’accédais à un monde normal fait de rapports humains
avec des gens qu’on aime et d’autres qu’on aime pas. Personne ne résonnait comme moi.» En effet, Garouste se sent
comme seul au monde, enfermé dans sa bulle, dans son monde, un monde que personne ne peut comprendre, sauf lui
bien sûr.
Par ailleurs, cette démence, il l’a caché à quelques personnes durant sa vie. En effet, Gérard Garouste a fait une
rencontre qui a changé sa vie, et sa carrière lorsqu’il n’était que «peintre sans succès, mal remis de ses séjours à l’hôpital», Leo Castelli, un grand marchand d’art qui l’a mené vers un grand succès et une certaine notoriété. Il écrit qu’il fut
son protégé et qu’il ne lui a jamais raconté ses histoires démences «Je ne lui ai jamais rien dit de mes crises de délire, de
mes séjours en hôpital psychiatrique et du temps qu’il fallait pour se remettre à peindre, des mois, de très longs mois
qui m’ont coûté une part de ma carrière. Il n’a rien su. Rien deviné de mes angoisses si fortes que descendre l’escalier du
Ainsi, Gérard Garouste parle de sa pratique, et des ses «habitudes» d’artiste, de son processus de travail. Il écrit
qu’il a beaucoup déssiné dans des carnets, mais jamais en couleurs, par ailleurs, après avoir fait un croquis, il aime laissé
un intervalle d’au moins trois mois avant de le peindre sur une toile, il se décrit comme un artisan.
«Je cherchais le chaos des poudres sur la toile que je préparais à l’ancienne, quans ceux de mon âge faisaient de la photo,
des installations, des performances. Je me tournais vers l’originel plutôt que l’original, tout ce que je découvrais, je
voulais l’éprouver jusqu’au bout de moi-même, je voulais savoir ce qu’il y avait à l’intérieur des couleurs, des livres, des
autres, de ma tête surtout. Car la personne dont j’avais le plus peur n’était pas mon père, mais moi.»
Garouste explique dans son livre qu’il se sentait bloqué par son ignorance, qu’il se posait de nombreuses questions philosophiques, personnelles ou encore artistiques, c’est un homme qui remue sans arrêt ses souvenirs et qui veut
interroger le monde pour comprendre, il écrit qu’il a ainsi trouvé son language, par la peinture bien sûr. «La peinture
a rétablit la vérité. Il m’aura fallu trente ans. Il m’aura fallu du chemin, un long apprentissagepour abattre tous les murs,
tous les fondements de la maison où j’ai grandi et trouver enfin quelque chose de beau dans les gravas.»
Après avoir terminé une oeuvre, l’artiste a tout un rituel, sur ses toiles terminées, il y écrit un code secret constitué de chiffres et de lettres, ça lui permet de situer ses oeuvres dans le temps et de les classer, ça l’amuse également.
Par la suite, tous ces signes mis bout à bout, formeront un jour une phrase de cinquante lettres qui «sonne comme une
métaphore de ma vie».
Ce jeu est peut être le fantasme de l’artiste qui pense que tout prendra du sens après sa mort, qu’il laissera une
trace sur terre. Aussi, sous certaines toiles il a laissé des repentirs, les corrections du peintres, qui apparaitront au fil du
temps lorsque que la couleur s’use et laisse apparaître la premiere couche. Gérard Garouste écrit alors «j’en ai glissé sous
les couleurs, autant qu’il y en a dans la vie. Ils apparaîtront quand je ne serai plus là, ainsi je parlerai encore.»
L’artiste écrit de manière très simple, que lorque qu’il peind c’est comme si ses mains décidaient, c’est un moment où
satête se relache, où son corps est en action.
«Je vis la peinture au premier degré, comme une matière, une chimie, une alchimie», ainsi Garouste est imprégné de la
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métro alors qu’une foule en remonte peut me faire croire à une horde de gens qui se lancent sur moi.».
Peut-être a-t-il bien fait car Leo Castelli lui a souvent répété qu’il ne peignait pas assez, ni assez vite, il lui disait
qu’il ne pourrait pas faire une carrière internationale avec si peu de tableaux.
D’ailleurs, l’artiste n’a jamais eu un grand succès dans son pays, la France, il raconte que lors de son premier vernissage
à New York, le directeur du Centre Georges Pompidou avait fait le déplacement simplement pour lui dire qu’il n’aimait
pas sa peinture et qu’elle ne représentait en rien l’art français. Pourtant, son mentor, Leo Castelli l’avait prévenu que
lorsque l’on trvaille avec un artiste étranger, il faut que l’on soit soutenu par son pays. Et d’après lui, cela n’a jamais été le
cas, «Je suis en eaux troubles, difficile à situer et je l’ai toujours assumé, mais avec inquiétude au début.». L’artiste pense
être entré «par la mauvaise porte», l’art dans son pays d’origine serait paillettes et champagne. Il raconte avoir eu tort de
s’obstiner à faire des «empâtements et des glacis», et d’avoir fouiller les mythes. Garouste pense être à leurs yeux «englué
dans une peinture épaisse et des livres poussiéreux, coupables d’avoir accepté des commandes officielles.»
Ainsi, Leo Castelli lui a permis de faire de grandes expositions dans le monde, hors de la France... notamment
sa première en 1983 à New York, puis à Berlin, à Düsseldorf, au Canada, en Australie ect. Et, durant ces periodes de
transitions, ces periodes où il devait travailler, Garouste raconte qu’il s’enfermait pendant des mois dans sa maison
dans l’Eure, une maison qu’il a pu acheter grâce au succès de son travail. Il raconte qu’il passe de longues journées
au milieudes «tubes torturés», des «bouquets de pinceaux», puis qu’il enduits toutes ces toiles nues, de rouge pour
les rechauffés, pour ensuite inscrire au fusain les couleurs qu’il posera plus tard, afin de ne pas les oublier. Il écrit que
l’accès de son atelier était parfois interdit à sa femme car à force de passer des heures à peindre dans son atelier, il ne
voyait plus ce qu’il faisait, et il ne supporterait pas les critiques de celle ci.
mauvais cotés de son père et les sentiments douloureux qu’il éprouve envers lui, il raconte quelques anecdotes de son
enfance
«Il roulait vite mon père au volant de sa jaguar XK120 noire. Il portait des bottes d’équitation (...) Il s’habillait
comme pour le champ de course et comptait en mettre plein la vue aux gens de la campagne. J’étais sur les genoux de
ma mère (...) j’étais pas très grand mais je sentais bien que quelque chose clochait.», et plus tard «Un jour, il a finit par
avoir les honneurs de la presse locale, mais pas comme il les espérait.» la voisine était venue lui montrer le journal, où
figurait une photo de la jaguar pliée, les parents de Gérard avaient eu un accident après l’avoir déposé chez la voisine, le
petit garçon se demande alors s’ils avaient eu cet accident car son père «s’est ennervé, mis à crier, ou s’il roulait trop vite,
je ne sais pas si ses bottes de course ont eu du mal à atteindre le frein. (...) lui s’en sortirait sans mal, ma mère avec un
traumatisme crânien.».
Dans son histoire de famille, Garouste a toujours fouillé, rechercher ses vrais origines car il y avait comme
quelque chose qui clochait, quelque chose qu’il ne savait pas. Un jour, l’artiste raconte que lors d’un repas, sa grand
mère «vendit la mèche», c’est alors qu’elle lui dit «Tu sais tu dis toujours tante Gabrielle, mais ce n’est pas ta tante, c’est
ton arrière grand-mère», depuis cet déclaration, Gérard Garouste se conforte dans le fou de ses préssentiments, il va
alors rechercher la vérité, en demandant à son père qui était d’abord fou de rage puis qui a finit par lui raconter le
noeud de l’histoire, le début de la honte et de la haine. «Il m’a raconté qu’à quinze ans, mon grand-père, son père entendit Gabrielle lui déclarer: Tu sais je ne suis pas ta soeur, je suis ta mère.» Ainsi, l’artiste était déstiné à rechercher ses
origines, c’est son enfance qui l’a marqué et qui l’a, on peut le dire, traumatisé.
Enfin, à la fin de son livre, Gérard Garouste déclare, «J’ai aussi un sentiment de victoire. Je reste son fils mais
j’ai quitté pour toujours son monde et ses illusions. Ma vie a été une recherche d’erreurs, les siennes, les miennes, j’ai
démonté mot à mot, image par image, cette grande duperie que fut mon éducation. Ca a été très long. Je sais que mes
fils n’ont vu de moi qu’un père qui se cherchait. Je ne leur ai transmis que des questions». Il lui a fallu peindre enfin sa
famille pour faire sortir la vérité. Trente ans d’efforts. On songe à Goethe « Ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai pas vu».
Son père lui restera sur les bras jusqu’à la fin et au-delà. Il l’a peint à 82 ans, les poings serrés et les mâchoires aussi,
grommelant «C’est encore à cause des Juifs !». C’est l’une des très rares toiles que Gérard Garouste n’a pas vendues, sur
les 600 qu’il a signées mais jamais datées. «Je veux peindre ce qu’on ne dit pas». C’était sa vie inavouée. Désormais, il n’a
plus besoin d’en découdre. Mais que peindre encore lorsqu’on a enfin réussi à cracher le noyau ?
Je referme cette confession avec une envie de lui en demander davantage.
Parallèlement, est paru un texte de Michel Onfray qui l’éclaire dans la chaleur de l’amitié et qui, lui, poursuit la réflexion
sur la folie à l’oeuvre dans l’art et prolonge cette histoire sur le fils Garouste. Avec L’Apiculteur et les Indiens(Galilée), le
philosophe n’a pas écrit un essai ni une biographie, mais plutôt une pathographie de la peinture de Gérard Garouste,
narrant la manière dont l’artiste ressent les effets du monde avec la totalité de son corps. Il reprend le dossier Garouste,
plutôt sombre, et l’éclaire. Celle que projette l’empathie sur les cas les plus désespérés. Onfray, lui aussi, veut dénouer
l’énigme de sa vie. Onfray a réussi là un magnifique tombeau pour un artiste qui n’est pas mort.
Gérard Garouste, Le vol du fou
2003
L’atelier est un lieu très important pour la création et l’élaboration des toiles du peintre, mais il écrit, que son bureau «au
rez-de-chaussée »est une pièce bien plus importante pour lui, c’est là qu’il prend ses importantes décisions, qu’il dessine,
et qu’il stocke les livres les plus importants pour lui, ceux qui le font peindre et ceux qui l’éclaire.
Pourtant malgrès cet amour pour le mythe, la religion ect, son rapport avec l’art français a pu le «perturber», il
a parfois même éprouvé une certaine honte, et c’est à la fin du chapitre 7 que Garouste se dévoile, et assume cet amour
là. Il écrit qu’il a réussi à trouver au plus profond de lui et de sa honte, des choses qui sont pour lui universelles. «J’ai
démonté les textes et les catéchismes, j’ai voulu briser le moule qui a modelé et rendu passif notre regard, j’ai pris à bras
le corps la religion, elle a envahit mes toiles mes coups de folie qui bien souvent se sont terminés sur des parvis d’église
ou de cathédrale. » en effet, comme on a souvent pu le voir dans son écrit, la religion est très présente dans sa vie et
apparaît aussi dans les moments les plus difficiles pour lui, il a souvent voulu combattre cette force qui l’attire tant, puis
il a finit par l’accepter «J’aurais pu l’ignorer, rejoindre les athées éclairés de ma génération, mais j’ai voulu prouver qu’elle
se trompait, qu’elle avait fait des ravages dans la tête des hommes, à commencer par celle de mon père à qui j’aurais tant
voulu parler.», il finit ce chapitre par une phrase phare dans son livre «J’ai peut-être fait une oeuvre en forme de circonstance atténuante». Cette phrase sonne comme un aveu.
Son père meurt dès le début du livre, sans un mot de remords ou de regret, l’artiste ne laisse apparaître que les
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