courrier joint le 3/9/2013. - Sgen-CFDT Orléans
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courrier joint le 3/9/2013. - Sgen-CFDT Orléans
Une PLP d’éco-gestion de l’académie d’Orléans-Tours nous a adressé ce courrier le 3/9/2013. Le Sgen-CFDT est très attentif à ce témoignage décrivant les conditions de travail des personnels. Notre fédération abordera très prochainement ces problématiques avec la DGESCO. Septembre 2012 a vu arriver les premières promotions du Bac pro Gestion Administration, Bac pro qui remplace les deux Bac pro comptabilité et secrétariat. L’objet de ce courrier n’est pas de remettre en cause la nécessité de réformer ces diplômes mais de vous alerter sur la façon dont les inspecteurs nous demandent d’appliquer le nouveau référentiel et surtout sur ce que cela suppose pour les enseignants et leurs conditions de travail. Je ne parlerai que des enseignements professionnels. En premier lieu, l’obtention du diplôme ne se fait pas par une épreuve ponctuelle de fin d’études mais par une évaluation en CCF tout au long du cycle des élèves (un module reste en ponctuel). Cela veut dire, que systématiquement ou presque, toute activité effectuée en classe (correspondant à une des 55 activités qui composent le référentiel) fait l’objet d’une évaluation qui sera prise en compte pour l’obtention du diplôme. Pour se faire, il est demandé que les élèves alimentent eux-mêmes, en parfaite autonomie, en dehors des cours, leur passeport professionnel sur le logiciel CERISE PRO (équivalent de CERISE pour le socle commun de compétences en collège). L’élève doit donc compléter une fiche (annexe 1) et s’auto-évaluer. L’enseignant quant à lui doit donc « surveiller » l’alimentation du passeport professionnel de sa classe (qui peut comprendre jusqu’à 32 élèves dans mon académie) et évaluer les élèves un par un, en appliquant un code couleur selon le niveau d’acquisition de la compétence évaluée. Comme l’auto-évaluation de l’élève peut ne pas correspondre à celle de l’enseignant on demande à ce dernier de justifier son appréciation de façon précise (au cas où il y aurait contestation sur la différence d’évaluation et que les parents veuillent intenter une action au tribunal administratif : sic notre inspectrice tertiaire). Cela ne nous dispense pas d’évaluer l’élève de façon « traditionnelle », par la notation, car nous continuons bien entendu à avoir des bulletins et des livrets scolaires. Cela revient à dire que nous évaluons deux fois les activités des élèves. Si nous considérons que le référentiel comporte 55 activités, que nous devons aller crescendo dans la difficulté au fil des trois années (le référentiel nécessite que l’on ajoute des aléas et complexités), nous pouvons considérer que nous évaluons chaque activité au moins deux fois sur les trois ans. Je me suis livrée au calcul suivant : 55 activités évaluées au minimum 2 fois = 110 évaluations/3 ans = 36 évaluations par an 36 * 32 élèves = 1 152 « copies » par an. L’enseignement professionnel est effectué en binôme donc 576 évaluations/an*enseignant. Cela peut paraître « normal » mais il faut tenir compte du temps de lecture des passeports professionnels des élèves qui entraîne souvent des demandes de modification et de complément d’où une relecture. Il faut ensuite justifier chaque évaluation du passeport. Nous sommes là dans l’hypothèse optimiste. Donc dans un moment de lucidité, nos têtes pensantes ont pris conscience que nos élèves, en particulier en classe de seconde, ne sont pas autonomes et qu’il leur est difficile de rédiger les fiches (nous savons que c’est un exercice difficile pour nos élèves). Aussi, les inspecteurs demandent aux enseignants de mettre en place des entretiens d’explicitation. En voici le principe : Lorsqu‘un élève n’a pas su rédiger correctement la description d’une activité sur son passeport professionnel, l’enseignant va le questionner afin de l’aider à verbaliser (sic) ce qu’il a fait. Dans les exemples que l’on nous a montrés, cela peut prendre la forme d’un entretien de 5 à 10 minutes. Il est entendu que pendant ce temps, les autres élèves travaillent en autonomie et dans le calme. En revenant au premier calcul, on sait qu’un élève doit en moyenne renseigner une fiche par semaine. Cela signifie que lorsque l’on a une classe de 32 élèves, nous pouvons donc passer au minimum 2h30 dans la semaine, sur notre temps de cours, à procéder à ces entretiens d’explicitation dont le but est d’aider les élèves à verbaliser afin qu’ensuite il puissent conceptualiser leur compétence et ainsi l’acquérir (sic !!!) comme cela nous a été expliqué lors des journées d’information (officiellement nommées « formation ») intitulées « enseigner en Bac pro GA ». Dans un second temps, dès la présentation du référentiel du Bac pro GA il nous a été dit qu’il n’y avait plus de distinction entre le professeur de comptabilité et celui de secrétariat. S’il est vrai que le titulaire du Bac pro GA est multivalent, les enseignants ne le sont pas nécessairement. Il semble difficile d’enseigner les ficelles d’un métier quand les enseignants eux-mêmes n’ont pas la connaissance de ce métier. Comment un enseignant peut expliquer et créer des scénarii (j’y reviendrai plus tard) de gestion des ventes s’il ne maîtrise pas la gestion commerciale par exemple (il ne suffit pas de savoir qu’après une commande on imprime un bon de livraison lui-même suivi d’une facture !!!) ? Comment un enseignant de comptabilité peut enseigner la communication écrite s’il ne maîtrise pas lui-même les pratiques et les exigences de cette dernière ? Il faut également que les élèves soient capables d’analyser des documents comptables mais nous ne devons pas enseigner la comptabilité elle-même (ils l’apprendront en post bac : sic). Bizarrement le concours fait toujours apparaître deux spécialités distinctes ! Il est vrai qu’à la lecture du référentiel les activités mêlent comptabilité et secrétariat mais ça n’est pas pour autant que c’est applicable en l’état. Tertio, le Bac pro GA nécessite l’utilisation de logiciels multiples. L’évolution du métier de gestionnaire administratif exige que les élèves soient formés sur des logiciels de gestion intégrée. La plupart des établissements se sont donc équipés soit d’openERP (préconisation de l’inspection générale mais qui n’est pas utilisé par les entreprises) soit d’EBP. Que les établissements se soient équipés n’est pas une difficulté. En revanche, la formation des enseignants est inexistante. Il leur appartient de se former seuls. Si l’on reprend le point précédent on voit tout de suite où le bât blesse. Comment un enseignant qui ne maitrise pas un métier peut s’auto-former efficacement sur un logiciel « métier » et dispenser ensuite un enseignement de qualité ? A l’heure actuelle, cela ne fait qu’ajouter à la confusion et à la lourdeur de cette réforme. Le PGI n’est pas le seul logiciel qu’il faut utiliser. CERISE PRO demande également un temps d’adaptation même si celui-ci n’est en rien comparable au temps qu’il faut pour maitriser un PGI. Et il faut ajouter le fait que CERISE est en cours d’adaptation par le CRDP de Poitiers et qu’il ne permet même pas d’avoir une vue synthétique des compétences d’un élève. Il appartient donc une fois encore au professeur de gérer, créer, mettre à jour ses propres tableaux de bord de suivi. Quatrièmement, notre inspectrice nous a préconisé à plusieurs reprises de ne pas utiliser de manuels car ces derniers ne sont pas, selon elle, dans l’esprit de la réforme. Il nous appartient, selon ses propos, de créer nos propres scénarii d’activités. Et il ne s’agit pas forcément de les créer seul, mais plutôt avec notre binôme. Or il est un point essentiel qui n’a pas été abordé jusqu’à présent, c’est le travail en binôme. Car s’il n’est plus de distinction entre le professeur de comptabilité et de secrétariat, ils se doivent de travailler en binôme pour ne pas dire en couple. On nous demande de préparer nos cours ensemble, d’évaluer les élèves ensemble, de remplir bulletin et livret scolaire à quatre mains mais sur la même ligne. Lorsque l’on connaît le temps de préparation nécessaire à la création d’un scénario, cela en devient presque risible. Des collègues soucieux de suivre les consignes (par crainte de l’inspecteur notamment) en arrivent à se voir plusieurs jours sur toutes les petites vacances, les demi-journées libérées sur la semaine, le week-end… Au sujet de la création de ces scénarii, les enseignants de l’académie d’Orléans-Tours ont d’ailleurs reçu un mail leur demandant d’en fournir un, fabriqué pendant l’année pour le 1er septembre au plus tard. Le scénario en question devant impérativement être mis en forme par le logiciel GSCEN (et oui encore un logiciel à maîtriser) lui aussi imposé par nos corps d’inspection. 53 des 66 enseignants « sollicités » seront relancés le 1er septembre à 21h57 pour ne pas avoir fait leurs « devoirs de vacances ». Cinquièmement, sur le sujet des PFMP que l’on nous promettait plus faciles à trouver (ce qui est faux), on nous demande de négocier nous-mêmes les stages afin de « vendre » ce nouveau Bac pro. Selon notre inspectrice c’est aux enseignants de trouver les lieux de stage. Même si nous avons tous en tête le BO de 2000 relatif aux PFMP, nous savons tous que, compte tenu des effectifs des classes, cela ne nous est pas possible car nous n’avons pas le temps de téléphoner et d’expliquer aux entreprises nos attentes en terme d’accueil des élèves (tout comme les entreprises n’ont pas nécessairement de temps à nous consacrer). Une fois encore, on renvoie sur l’enseignant une mission qui va au-delà de ce qu’il est possible de faire dans un temps de travail raisonnable. Concernant les PFMP, les élèves doivent également compléter leur passeport professionnel à partir d’activités réalisées en entreprise. L’enseignant devra ensuite évaluer le niveau de compétence de l’élève dans sa réalisation. Mais aucun des documents d’évaluation qui nous ont été fournis ne permet de savoir si l’élève a réalisé l’activité, dans quelles conditions et quel est son niveau de compétence. De deux choses l’une : soit l’élève remplit son passeport avant la visite de l’enseignant pour que celui-ci en prenne connaissance avant de rencontrer le tuteur et en parle avec ce dernier (ce qui veut dire que l’élève sait quand le professeur le visite et qu’il remplit bien son passeport pro), soit l’enseignant produit des documents qui lui permettent de pallier ce manque. La 3ème solution est que l’on évalue uniquement sur la bonne foi de l’élève. Il y a encore beaucoup de choses à dire mais je pense que l’essentiel et l’urgence figurent sur ce courrier. Je constate aujourd’hui que de nombreux collègues sont en souffrance compte tenu de tout ce qui nous est demandé et du manque de moyens mis en place pour mener à bien cette réforme dont l’enjeu n’échappe à personne. Plusieurs d’entre eux expriment très clairement leur peur de l’inspectrice mais surtout leur désarroi. Nous sommes de plus en plus nombreux à chercher un moyen décent de reconversion car l’urgence est de nous préserver. Parce que malgré toute la bonne volonté dont on peut faire preuve, à moins de laisser conjoint, enfant, vie sociale et privée, loisirs et repos, et aussi notre santé, il nous est impossible aujourd’hui de répondre à tout ce que l’on exige de nous.