PDF - Marc Dio

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PDF - Marc Dio
Cette histoire relève de la fiction. Toutes ressemblances avec des personnages
existants ou ayant existé ne saurait être que fortuite. Elle est la propriété de son
auteur. Merci de mentionner son origine en cas de citation.
marcdio.com
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Mon téléphone portable se mit à sonner. Je l'attrapais rapidement et eu un petit
coup au cœur en apercevant le nom de mon correspondant : Gus.
Depuis que nous nous étions quittés une semaine plus tôt, après notre petite
escapade familiale près de Disneyland, il m'avait appelée deux fois. Une première
fois le dimanche soir pour me dire qu'il était bien arrivé et qu'il s'ennuyait beaucoup à
faire la plante verte aux côtés d'Edward, son associé franco-britannique, et une
deuxième fois le mercredi, pour m'informer qu'il rentrait en France le vendredi aprèsmidi. Nous étions samedi, il n'était pas loin de treize heures et j'attendais son appel
depuis bien trop longtemps. Je décrochais donc sans attendre une sonnerie de plus
sous l’œil incrédule de Victor qui était en train de terminer ses pâtes.
— Gus ! Comment ça va ?
Je m'éloignais quelque peu de Vic et tentais de maîtriser mon enthousiasme.
— Bonjour Ali, je ne te dérange pas, j'espère ?
— Oh non, non, M'empressais-je de le rassurer, Victor termine de manger là.
Il rit doucement.
— OK. Bon appétit à lui alors.
Il y eut un blanc.
— Et... que me vaut le plaisir de cet appel ?, Demandais-je avec espoir.
— Heu... et bien, en fait... Voilà, je suis libre cet après-midi et je voulais savoir si
Victor et toi étiez d'accord pour... disons, passer un peu de temps avec moi ?
— Oh, mais oui ! Évidemment !
— On pourrait aller au Jardin des plantes ou bien, voir un film, selon ce que Vic
préfère.
Je me tournais vers Vic et me souvenais tout à coup des projets de l'après-midi.
— Mer... Heu, mince !, Me repris-je, une main sur le front, J'avais complètement
oublié, mais on doit aller à la piscine aujourd'hui.
— A la piscine ?
— Oui, j'ai promis à Vic de lui apprendre à nager, Expliquais-je un peu déçue.
— Oh, d'accord. Je comprends.
Je soufflais en baissant les épaules : impossible de ne pas tenter quelque chose.
— Mais on peut peut-être se retrouver plus tard ? Pour dîner par exemple ?
— Ou je peux venir avec vous ?
J'écarquillais les yeux.
— Tu... tu veux venir à la piscine ?
— Oui.
— La piscine d'Argenteuil ?
— Oui.
— Avec nous ?, Demandais-je encore.
Il éclata de rire.
— Oui. Je vous rejoins pour quatorze heures, quatorze heures trente, ça ira ?
— Parfait !, Dis-je toujours sous le choc.
— Je passerai vous prendre et on ira tous ensemble.
Je ne pouvais m'empêcher de sourire.
— Encore mieux !
— A tout à l'heure, alors.
— Ça marche, à tout à l'heure.
Je raccrochais et souriais bêtement, les yeux rivés à l'écran de mon portable. Je
m'approchais de Vic.
— Gus va venir avec nous à la piscine, Annonçais-je à celui-ci.
— Gus ? Génial !, Répondit-il.
Je l'embrassais avant de filer mettre quelque chose d'un peu plus seyant que mon
jeans usé et mon vieux chemisier bleu marine un peu trop grand pour moi.
A quatorze heures pétantes, mon téléphone sonna. J'attrapais le sac contenant
nos affaires de piscine et descendais en sautillant les quatre escaliers qui nous
séparaient de Gus. On aurait cru que j'avais le même âge que Vic.
En arrivant sur le trottoir, j'aperçus immédiatement la voiture de Gus. Nous nous
y précipitâmes avec Victor. Celui-ci gagna largement notre petite course, mes
sandales compensées ne me permettant pas tellement de sprinter.
J'ouvrais la portière arrière et invitais Vic à monter.
— Salut bonhomme !, Lui adressa Gus depuis le siège conducteur.
Je refermais la porte pour faire le tour de la voiture et m'installer à côté de Gus.
— Salut, Lançais-je en m'asseyant.
Je faisais claquer la portière. Gus me contemplait avec de grands yeux ébahis.
Je devais reconnaître que j'avais fait fort : petite blouse blanche à lacet croisé sur
le devant laissant mon cou et une partie de mes épaules apparents, jupe en jeans ultraserrée qui mettait en valeur mes longues jambes lisses et dorées, maquillage discret
rehaussant le vert de mes yeux et ma bouche pulpeuse, et cheveux négligemment
nattés sur le côté... Ma semaine passée à me bichonner et à soigner ma peau à coup de
gommage et d'autobronzant ne me semblait pas vaine tout à coup.
— Sa... lut, Articula-t-il exagérément.
Ses yeux ne quittaient plus mes jambes.
Je gloussais comme l'adolescente attardée que je redevenais lorsque j'étais avec
lui. Je l'aurais volontiers attrapé par le cou pour le serrer contre moi avant de
l'embrasser goulûment, histoire de lui rappeler notre dernier tête-à-tête... mais il y
avait la petite tête de Victor entre nos deux sièges.
— C'est quoi ça ?, Demanda Vic en attrapant un sac en papier bleu marine.
Gus se tourna vers Vic.
— Oh, ça, c'est... hum, Fit-il un peu embarrassé, Je vous ai ramené... un petit
souvenir de Londres.
L'attitude de Gus me fit sourire.
— C'est adorable Gus, mais tu n'aurais pas dû t'embêter, tu sais.
Il baissa la tête, un sourire timide aux lèvres.
— Ça ne me dérangeait pas.
Victor ouvrit le sac et se saisit d'une tirelire en forme de cabine téléphonique
rouge et d'un mug aux couleurs de l'Union Jack dans lequel avait été glissée une boîte
de thé.
— Je ne savais pas si tu buvais du thé, alors..., Dit Gus comme pour s'excuser.
Je me concentrais sur son petit cadeau qui me touchait démesurément. J'en avais
les larmes aux yeux.
— Merci, c'est... c'est super, Dis-je en peinant à cacher mon émotion.
Je relevais les yeux vers lui. Il regardait attentivement ses doigts qui jouaient sur
son volant.
— Ce n'est pas grand-chose.
Je soupirais en le contemplant : impossible pour moi d'attendre plus longtemps.
Je dépliais la veste en jeans que j'avais emportée au cas où il ferait un peu frais et que
j'avais dans les mains. Gus me jeta un œil incrédule tandis que Vic était toujours
occupé à manipuler sa tirelire.
— Vic ?, L'appelais-je sans détacher mes yeux de ceux de Gus.
— Oui ?, Répondit-il en relevant le nez.
Je lui balançais ma veste sur la tête et attrapais vivement Gus par le cou pour
l'embrasser.
— Mais Ali ! Arrête !, Pesta Vic en retirant la veste que je lui avais placée sur la
tête.
Je souris à Gus qui restait immobile, les yeux écarquillés et le rose aux joues.
Il avait été un peu surpris par mon élan et n'avait pas eu le temps de réagir, mais
ça ne lui avait clairement pas été désagréable.
Vic leva les yeux au ciel.
— C'est bon Ali, je t'ai dit que...
— Vic, qu'est-ce qu'on dit pour les cadeaux ?, L’interrompis-je.
Il soupira.
— Merci Gus, c'est super.
Il se leva et se pencha en avant pour pouvoir embrasser Gus sur la joue. Gus
sembla presque aussi ému par ce qu'avait fait Vic que par ce que je venais de faire
moi.
— Alors, on y va ?, Demanda Victor en se rasseyant pour boucler sa ceinture.
Gus secoua vivement la tête.
— Heu... oui, d'ailleurs, dites-moi, je connais un endroit où on sera plus
tranquille pour apprendre à nager, ça te dit, Vic ?
Victor hocha la tête.
— Ouais, ça me va.
— Vic..., Fis-je menaçante.
— Oui, ça me va, Se reprit-il.
— OK, alors direction Maisons-Laffitte, Dit Gus, ravi.
Je bouclais ma ceinture tandis que Gus démarrait.
— Maisons-Laffitte ?, Demandais-je méfiante.
Gus approuva d'un signe de tête.
— Je pense que ça va vous plaire !, Se contenta-t-il de répondre.
Maisons-Laffitte... Voilà bien un endroit où la somme qui se trouvait sur mon
compte en banque m'interdisait de mettre les pieds. Est-ce que c'était sa maison ?
— On va... chez toi ?, Demandais-je en ayant un peu de mal à cacher toutes mes
inquiétudes.
Il sourit.
— En quelque sorte, oui. Disons que ça a longtemps été chez moi.
Je tremblais : était-ce la maison qu'il devait sans aucun doute posséder avec sa
femme ?
— Quand j'avais l'âge de Victor, c'était l'endroit que j'appelais ma maison, Me
précisa-t-il, amusé par ma mine déconfite.
Je soufflais, soulagée : nous allions chez ses parents. Chez ses parents ?!
— Heu, attends une minute, là... Tu veux dire que...
— Mes parents sont en voyage en Italie. Nous aurons la maison rien qu'à nous !,
S'empressa-t-il de me rassurer.
Je soufflais sans discrétion et retrouvais le sourire.
Victor passa tout le temps du trajet jusqu'à Maisons-Laffitte à poser des
questions à Gus. D'abord sur l'Angleterre et sur Londres, puis ensuite sur tous les
pays que Gus avait eu l'occasion de visiter. Et autant dire que Gus aimait les voyages,
hein !
Après une petite demi-heure de route, nous arrivâmes dans un joli quartier où les
quelques maisons que nous pouvions apercevoir cachées derrière les immenses
clôtures et les jardins richement arborés, ressemblaient à des hôtels. Gus s'arrêta
devant un immense portail blanc et chercha quelque chose dans sa boîte à gant, une
sorte de télécommande qu'il actionna pour ouvrir les portes.
— Ah ouais, carrément, Ne pus-je m'empêcher de dire en découvrant la
splendide demeure et ses jardins parfaitement entretenus.
Gus sembla satisfait de me voir réagir de cette façon et Victor, lui, ne réalisait
absolument pas la chance que nous avions de pouvoir entrer dans un endroit pareil, se
contentant d'admirer les lieux comme on admire le château de la belle au bois
dormant et les décors en plastique de Disneyland. Gus arrêta la voiture devant la
maison, une superbe bâtisse blanche d'au moins dix pièces qui devait dater... du
XIXème siècle ? Mes connaissances en architecture étaient un peu limitées, difficile
pour moi d'évaluer l'âge d'une maison pareille, mais une chose était certaine : elle
n'était pas d'hier. Je descendais de la voiture en tremblant.
Je n'avais jamais vraiment réfléchi à la façon dont pouvait vivre Gus. J'avais
bien vu qu'il vivait dans un joli quartier de Paris, qu'il n'était pas habillé n'importe
comment et qu'il conduisait une voiture qui avait sans aucun doute coûté dix fois le
prix de la mienne. J'avais bien remarqué ses manières sophistiquées et son
vocabulaire châtié qui laissait penser qu'il ne fréquentait pas n'importe qui et cela,
depuis longtemps, mais j'essayais de ne pas trop me poser de questions. Quelque part,
je n'avais pas envie de voir toutes nos différences, mais là, difficile de passer à côté et
la prise de conscience était rude : je n'étais même pas digne de nettoyer les carreaux
de cette immense baraque.
Je ravalais péniblement ma salive, mes yeux rivés à la maison, et me sentais
mal.
J'avais des sentiments pour Gus, de vrais sentiments, sincères, mais je n'avais
pas encore pensé à notre avenir ou à ce que représentait notre relation. Je nous
laissais le temps, mais là, découvrir le monde auquel il appartenait me faisait
violemment comprendre que nous n'avions pas grand-chose à faire ensemble.
Les cris de joie de Victor qui était descendu de la voiture me sortirent de mes
turpitudes.
— T'as vu, Ali ? C'est trop génial !, S'écria-t-il en sautant sur les marches du
perron.
Je souris discrètement.
— Venez, je vais vous montrer un peu, Nous dit Gus en nous invitant à le suivre
à l'intérieur.
Je faisais le tour de la voiture et tentais de mettre de côté les tristes pensées qui
m'avaient traversées l'esprit pour profiter de ce bel après-midi.
La maison des parents de Gus était magnifique. Les pièces étaient immenses et
ressemblaient à celles d'un château avec leurs meubles d'époques, leurs lustres à
pampilles et leurs parquets d'époque. La hauteur sous plafond devait être presque le
double de celle des pièces de mon appartement, la seule salle à manger faisait le triple
de notre salon et la cuisine comportait même un cellier qui faisait la taille de la
chambre de Vic.
Nous échangions des regards amusés avec Victor.
— C'est dingue, Ali, tu trouves pas ?, Me dit-il en serrant ma main dans la
sienne.
— Oui, c'est complètement fou !
— Et attendez, vous n'avez pas tout vu !, Nous annonça fièrement Gus en nous
invitant à passer devant.
Nous avançâmes prudemment dans la direction qu'il nous indiquait et
découvrîmes une immense piscine intérieure. Nous restâmes quelques secondes à
admirer la véranda où se trouvait l'immense bassin d'eau bleu ciel entouré de
carrelage dans les tons blanc et turquoise. Il y avait des transats joliment disposés ci
et là, et quelques plantes vertes, qui n'étaient pas sans rappeler les tropiques, trônaient
élégamment dans de gigantesques bacs en bois.
— Génial !, Laissa échapper Victor en lâchant ma main pour descendre les
quelques marches qui nous séparaient de la piscine.
L'enthousiasme de Vic fit sourire Gus.
— Bon, c'est pas un bassin olympique, mais je pense que pour apprendre à nager,
ça devrait suffire !
Victor s'agenouilla près de la piscine pour plonger sa main dans l'eau.
— C'est chaud !, S'extasia-t-il.
Sa réaction me fit rire.
— Tu peux aller te changer là-bas, Lui dit Gus en lui désignant le fond de la
pièce.
Victor s'éloigna avec son sac à dos Mario Bros pour aller se changer derrière le
paravent que venait de lui désigner Gus. Je me tournais vers ce dernier.
— Merci beaucoup, Dis-je avec un sourire timide.
Gus se tenait debout et regardait dans la direction où Vic avait disparu.
— Merci à vous de me tenir compagnie, Soupira-t-il tristement.
Je l'observais attentivement. Son regard était vide et son visage crispé : il n'était
pas bien.
Je me rapprochais et hésitais un instant à attraper sa main. Il avait fait des efforts
depuis ce début d'après-midi pour que nous ne puissions pas voir. Il ne voulait pas
que nous sachions et il n'avait sans doute pas envie de notre compassion.
Il se tourna vers moi et... sourit discrètement en me regardant. Ce petit signe me
donna le courage et j'attrapais franchement sa main pour la serrer avec force au creux
de la mienne. Je voulais qu'il compte sur nous. Et puis, Vic était loin et ne pouvait pas
nous voir, alors j'avais le droit. Je glissais ma main libre sur sa nuque et l'invitais à se
rapprocher pour l'embrasser. Vraiment cette fois, pas un petit truc rapide et ridicule
comme plus tôt dans la voiture. Il ne resta pas longtemps insensible à mes avances et
répondit timidement. Je m'éloignais pour reprendre mon souffle qui s'emballait,
comme d'habitude.
J'avais eu peur que les choses aient changé pendant cette semaine, que les
sentiments se soient estompés d'un côté ou de l'autre, mais tout était exactement
comme avant qu'on ne se sépare.
Il me caressa doucement la joue.
— Je vais rejoindre Vic, Dis-je dans un murmure.
Mon ton laissait parfaitement deviner que j'aurais aimé pouvoir me diviser en
deux à ce moment-là. Gus hocha la tête et m'embrassa rapidement avant de me laisser
filer rejoindre Vic. Je savais qu'aussitôt changé, celui-ci ne résisterait pas à l'envie de
sauter dans l'eau et, aux dernières nouvelles, il ne savait toujours pas nager.
Quand j'arrivais près du paravent, Vic en sortit habillé de son maillot de bain
bleu marine.
— Tu m'attends, Ordonnais-je fermement en le pointant du doigt.
Il savait pertinemment qu'il n'avait pas intérêt à me désobéir quand je prenais ce
ton-là.
— OK, Répondit-il sérieusement.
Il s'éloigna, le temps que je me change.
J'attrapais le sac à dos Mario Bros qu'il avait laissé par terre et trouvais mon
maillot de bain. J'avais apporté un maillot une pièce noir uni, un truc assez simple, ne
voulant pas jouer les pin-ups à la piscine municipale, et je regrettais un peu de ne pas
avoir pris mon petit bikini noir et blanc. J'aurais aimé faire tourner la tête de Gus en
paradant devant lui dans une tenue mettant ma silhouette et ma bonne mine en valeur.
A charge de revanche !
J'enfilais donc mon maillot de bain insipide et tentais de remonter un peu mes
seins, histoire d'être un peu plus appétissante, quand j'entendis le bruit de quelqu'un
sautant dans l'eau suivi des cris de Victor. Je sortais en trombe et tombais sur Victor et
Gus qui chahutaient dans l'eau.
Je soufflais, soulagée, et m'approchais du bord de la piscine.
— Vous m'avez fait peur !, Leur reprochais-je en défaisant l'élastique qui retenait
ma natte.
Gus se tourna vers moi et me détailla pendant plusieurs secondes. Son petit air
perdu me fit sourire: ah, si seulement j'avais emporté mon bikini noir à pois blancs...
Je fixais Gus qui m'adressait un sourire plein de malice. Je voyais bien ce qu'il
avait dans la tête à ce moment-là, ce petit coquin, et j'avais drôlement chaud tout à
coup.
La petite voix de Vic calma rapidement nos ardeurs.
— Pourquoi tu la regardes comme ça ?
Je pouffais. Gus sourit un peu plus.
— Et bien, je la regarde parce que je la trouve jolie, Expliqua-t-il à Vic.
Celui-ci fit un petit signe de tête pour approuver.
— Elle dit qu'elle est moche.
Gus releva le nez vers moi, amusé. Moi, je me retrouvais un peu embarrassée.
— Non, non, Vic, c'est pas ça. C'est..., Tentais-je de me défendre.
— Bah tu dis toujours que t'as des grosses fesses !
Je plissais les yeux. La vérité et les enfants, hein ?
— Non, en fait...
— Moi, je la trouve parfaite, Dit Gus à Victor.
Victor approuva de nouveau.
— Moi aussi, je trouve qu'elle est très belle.
Gus m'adressa un regard plein de sous-entendu et je lui donnais le change. Vic
ne semblait pas bien comprendre ce qui nous arrivait.
— Bon, Soufflais-je pour passer à autre chose, On te montre comment on nage,
mon Vic ?
Je m'asseyais sur le rebord de la piscine et me glissais dans l'eau pour les
rejoindre.
Nous passâmes deux heures dans l'eau à expliquer à Victor comment nager en
faisant régulièrement des interludes destinées à chahuter un peu. Tantôt c'était Gus
qui jetait Vic dans l'eau, tantôt c'était moi qui le faisais sauter depuis mes épaules. A
la fin de l'après-midi, Victor avait compris comment faire même si, par sécurité, nous
lui avions laissé ses brassards. Je jetais régulièrement des coups d’œil vers Gus
lorsque celui-ci était occupé à jouer avec Vic. Je le trouvais tellement attirant,
tellement séduisant. Ce sourire, ses cheveux humides et désordonnés, son corps que
je trouvais incroyablement sexy et, surtout, sa façon de se comporter avec Vic, à la
fois tendre et protectrice... Tout ça éveillait étrangement mes sens. Je soupirais en
contemplant l'eau bleue et repensais à notre dernier interlude amoureux, au fond de
mon canapé-lit...
— Ali ?, M'appela Gus.
Je sortais de mes pensées et tombais sur son regard gris.
— Heu... oui ?, Répondis-je dans un souffle.
— On va manger quelque chose ? Vic a faim.
— Oh ! Oh, oui, oui, bien sûr. Allons-y, Dis-je avec un petit ricanement nerveux.
Je m'éloignais pour pouvoir sortir de l'eau.
Une fois séchés et rhabillés, Gus nous conduisit vers la cuisine où il nous offrit
un succulent goûter à base de tartines au Nutella et de jus d'orange bien frais, pour le
plus grand bonheur de Vic. Je ne résistais pas longtemps face à l'insistance des deux
garçons et me laissais aller à manger une tartine. Ce n'était pas très raisonnable et
sortait carrément du programme anti-hanches, mais comment résister quand mes deux
compagnons se gavaient littéralement devant moi ?
— Mince, Dit tout à coup Victor. Il était assis sur le plan de travail de la cuisine
et faisait battre ses pieds dans le vide, J'ai oublié ma console.
Je levais les yeux au ciel en reprenant un morceau de ma tartine.
— Sérieux, Vic, y a autre chose que les jeux vidéo dans la vie ! Tu es dans une
maison magnifique avec une piscine et un jardin immense... profite un peu ! Tu veux
pas aller jouer dehors ?
Victor haussa les épaules, visiblement pas emballé par l'idée. Gus rit. Je
l'interrogeais du regard, histoire de comprendre l'origine de cette soudaine hilarité.
— Non, c'est juste que moi aussi, j'ai entendu cette phrase des milliers de fois,
M'expliqua-t-il en refermant le pot de pâte à tartiner.
Je fronçais les sourcils.
— Viens, Vic, Dit Gus, Je vais te montrer ma chambre.
Gus lui tendit la main pour l'aider à descendre et commença à s'éloigner. Je
mangeais mon dernier morceau de tartine et les suivais d'un peu plus loin en me
frottant les mains l'une contre l'autre.
Nous montâmes un superbe escalier recouvert d'un épais tapis richement décoré
pour arriver dans un long couloir. Nous passâmes devant plusieurs portes avant de
nous arrêter devant une porte blanche où se trouvait accroché un panneau « défense
d'entrer ». Gus ouvrit la porte et nous invita à entrer devant lui. Nous tombâmes alors
en admiration devant la chambre de Gus, l'adolescent.
Il y avait des étagères partout recouvertes de livres ou de boîtiers plastiques
contenant des cartouches de jeux vidéo, et les murs étaient couverts de posters
représentants des super-héros. Il y avait également plusieurs consoles de jeux posées
proprement près d'une télévision cathodique, et un vieil ordinateur qui devait trôner
sur ce bureau depuis au moins dix ans à en juger par sa taille.
La pièce était impeccable et semblait avoir été figée dans le temps.
— Waouh, génial !, Cria Vic en se jetant sur le lit.
— Vic !, Tentais-je de le retenir.
— C'est rien, Me rassura Gus, Ça fait tellement longtemps que personne n'est
venu ici, ça fait du bien de voir cette pièce revivre.
Je souris en coin. Vic sauta du lit pour se diriger vers les jeux qui étaient
proprement rangés sur une des étagères. Il attrapa une des boîtes.
— Je le connais pas ce Mario là.
Gus s'approcha de lui et regarda ce qu'il avait dans les mains.
— Ah bon ? Pourtant, c'est le meilleur ! Je vais te montrer.
Il attrapa la boîte que Vic avait choisie et en sortit la cartouche de jeu avant de se
diriger vers une de ses consoles.
Gus se mit alors à faire une démonstration de tous les jeux qu'il affectionnait
lorsqu'il était jeune devant mon Victor complètement fasciné.
— J'ai toujours aimé les jeux vidéo, Expliqua Gus, absorbé par sa partie de
Mario Kart, Mais mes parents, eux... aimaient nettement moins ça !
Vic tentait tant bien que mal de rattraper Gus.
— Ali, elle veut toujours que je fasse mes devoirs quand je lui dis que je veux
jouer à la console...
Je ris, assise sur le lit de Gus, occupée à feuilleter un album photos représentant
la scolarité de celui-ci dans un prestigieux établissement franco-américain.
— Vic, je ne suis pas contre les jeux vidéo, Me justifiais-je, Mais je trouve qu'il
faut aussi savoir faire autres chose dans la vie ! Si je t'écoutais, tu passerais tout ton
temps dessus.
Gus rit franchement.
— Moi, je jouais tout le temps aux jeux vidéo, et j'ai continué longtemps ! C'est
comme ça que je suis devenu ce que je suis.
Vic posa sa manette par terre, battu à plate couture.
— Tu fais quoi comme travail ?
Gus rit une nouvelle fois. Je réalisais alors que je ne lui avais jamais posé la
question.
— Et bien, j'ai créé une société avec mon meilleur ami. On développe des
programmes de gestion et on explique aux gens comment s'en servir.
Victor le fixait par en dessous, la bouche ballante ; il n'avait rien compris.
— OK !, Dit-il en reprenant la manette qu'il avait abandonnée une seconde plus
tôt.
Gus sourit.
— Dit comme ça, ça paraît pas très amusant, mais c'est très intéressant, Ajouta-til, les yeux rivés à l'écran de la télévision.
Je me penchais vers les deux joueurs et arrachais littéralement la manette des
mains de Gus. Celui-ci se tourna vivement vers moi.
— Hey, moi aussi, je sais jouer, hein, Le narguais-je.
Gus sembla ravi de me voir aussi sûre de moi... et fut assez surpris par mon
niveau !
— Put... heu, punaise, mais t'es une vraie tigresse !
Je venais de l'annihiler violemment sur un jeu de combat et mon personnage, un
gros catcheur russe, paradait en slip pour célébrer sa victoire.
Je levais la main vers Vic qui était assis à côté de moi. Il fit claquer sa paume
contre la mienne, enchanté de voir enfin Gus perdre un peu.
— Tu crois quoi ? J'ai trois frères, et je peux te dire qu'ils ne m'ont jamais fait
aucun cadeau. J'avais intérêt à savoir faire un trois-cent soixante si je voulais m'en
sortir !, Dis-je en effectuant la fameuse manipulation sur la manette de la console.
Nous passâmes la fin de l'après-midi à nous affronter sur tout un tas de jeux.
Jeux de combat, de course, de foot, de tennis, de plates-formes... tout y passa. Vers
vingt heures, alors que Vic était absorbé par sa partie de Tomb Raider, Gus nous
proposa de manger quelque chose. Il revint avec deux pizzas et une bouteille de soda,
et nous restâmes tous les trois là, à jouer comme des adolescents.
— Tu triches !, M'accusa Gus tandis que je le battais à plate couture sur Tetris.
— Comment ça je « triche » ?!, Répondis-je outrée, Et comment tu triches à
Tetris ? Tu m'expliques ?
Il rit franchement en se laissant retomber contre son lit.
— Je sais pas comment tu fais, mais tu triches, c'est évident !
Je secouais la tête, amusée par sa mauvaise foi.
— Mauvais joueur... Vic, Appelais-je en reposant la manette par terre.
Je me tournais vers l'homme de ma vie. Il était allongé sur le lit de Gus et
dormait profondément ; la piscine avait usé toutes ses forces. Je me levais et me
penchais sur lui.
— Hey, Vic, Répétais-je tout bas en passant ma main dans ses cheveux.
Il ne réagit pas.
— Victor, Insistais-je un peu plus fort.
Je sentis la main de Gus se poser sur mon épaule.
— Laisse-le, Me dit-il tout bas.
Je relevais les yeux vers lui.
— Vous n'avez qu'à dormir ici ce soir.
Je me mordais la lèvre.
— Heu... OK. Si... si ça ne te dérange pas, ça me va.
Il sourit.
— Ça ne me dérange pas le moins du monde, au contraire, Dit-il en m'attrapant
par la main.
Je laissais ses doigts s'emmêler aux miens et le suivais hors de sa chambre. Nous
redescendîmes vers la cuisine.
— Ça te dérange si je t'abandonne deux minutes ?, Lui demandais-je, Il faut que
je passe un coup de fil pour Hug.
— Oh bien sûr, vas-y. Champagne ?, Me proposa-t-il.
— Volontiers, Dis-je en le regardant se diriger vers la cuisine.
J'attrapais mon téléphone portable et m'éloignais vers le salon. Ma mère répondit
immédiatement.
— Ali ? Un souci ? C'est rare que tu appelles à cette heure-ci.
Elle semblait... suspicieuse. Il allait falloir la jouer finement.
— Non, non, tout va bien, rien de grave, t'inquiète. Dis-moi, je suis coincée à
Maisons-Laffitte là, et j'ai Hug qui attend à la maison. Tu crois que tu pourrais passer
le chercher ?
— Maisons-Laffitte ?! Mais... qu'est que tu fous à Maisons-Laffitte ?
— Je suis chez une copine et je ne peux pas rentrer ce soir, Répondis-je
naturellement.
— Tu veux que je vienne te chercher ? Où est Victor ?
Je levais les yeux au ciel.
— Vic est avec moi, évidemment, Dis-je sans pouvoir cacher mon agacement, Il
s'est endormi chez mon amie et j'ai pas envie de le réveiller. Alors, est-ce que tu peux
t'occuper de Hug, s'il te plaît ?
Il y eut un long silence.
— Mais c'est qui cette copine ? Depuis quand t'as des copines qui habitent à
Maisons-Laffitte, toi ?
Je laissais échapper un soupir d'exaspération.
— Tu la connais pas.
— Ali..., Dit-elle en insistant sur la dernière voyelle.
Je baissais les épaules.
— Quoi ?
— Je veux tout savoir ! Tout : nom, prénom, âge, adresse, mensurations,
couleurs des yeux, revenus, modèle de voiture...
— Maman !, La réprimandais-je en jetant un œil vers la cuisine, comme si Gus
aurait pu entendre l'interrogatoire de ma mère et s'en sentir offusqué.
— Si tu as un nouveau chéri, je veux savoir si c'est quelqu'un de bien. Pour Vic,
tu comprends.
Je fermais les yeux et me tenais l'arête du nez. Pour Vic, oui, bien sûr...
— J'ai pas de nouveau chéri, Répliquais-je un peu sèchement.
— Ali !
— Bon, tu peux t'occuper de mon chien, oui ou merde ?
— Ah, commence pas à me parler comme ça, hein ! Son nom et je m'occupe de
ton chien.
Je soufflais une nouvelle fois.
— Jack.
— Jack ?, Répéta-t-elle incrédule.
— Oui. Jack, oui.
— Jack comment ?
— Bauer. Jack Bauer.
— Jack Bau... ? Tu te fous de mo...
Je raccrochais et éteignais mon portable dans la foulée.
Je rejoignais Gus dans la cuisine. Il avait sorti une bouteille de champagne et
deux verres qu'il était en train de remplir.
— Alors, c'est bon ? Hug est sauvé ?
Je soupirais en m'accoudant au bar qui marquait la séparation entre le salon-salle
à manger et la partie cuisine.
— C'est bon, oui.
Mon air contrarié le fit sourire.
— C'était ta mère, c'est ça ?
Je hochais la tête.
— Et si j'ai bien compris, Continua-t-il, Jack Bauer, c'est mon nouveau nom... il
va falloir que je m'habitue à faire les choses en vingt-quatre heures !
Je souris discrètement en regardant le bar.
— Je n'ai pas envie qu'elle s'immisce dans ma vie. Elle a des idées bien précises
sur ce qu'elle voudrait pour moi et surtout, pour Vic, alors... je préfère ne pas aborder
le sujet avec elle.
Il hocha la tête.
— Je comprends. Même si à un moment, j'ai cru que tu avais honte de moi.
Je relevais les yeux vers lui. Il ne riait pas et moi non plus.
— Franchement Gus, entre nous, je crois que ce serait plutôt à toi d'avoir honte.
Il reposa la bouteille de champagne sur le bord de la cuisine et me regarda droit
dans les yeux.
— Tu penses vraiment ça ?
Je baissais les yeux et regardais ailleurs.
— Je sais pas, mais... quand je vois dans quoi tu as grandi, dans quoi tu vis, je
me dis que... qu'on n'a pas grand-chose à faire ensemble.
Il sourit et avança jusqu'au salon-salle à manger luxueusement meublé. La pièce
baignait dans la lumière du crépuscule et les derniers rayons du soleil se reflétaient
dans le miroir qui ornait le dessus de la cheminée d'époque.
— L'argent ?, Demanda-t-il soudain.
Je fis la moue.
— Un peu, oui.
Il prit une profonde inspiration en regardant le vide.
— Tu peux accumuler tout l'argent que tu veux, il y a des choses que tu ne
pourras jamais acheter, Dit-il tristement.
Je le regardais en coin et me souvenais soudain d'un détail. Lors de notre
première rencontre, lorsque je l'avais agressé avec ma cigarette, il avait mentionné un
cancer : celui de sa mère. Je m'approchais de lui et posais une main rassurante sur son
épaule. Il ne réagit pas.
— La santé de tes parents ?, Supposais-je prudemment.
Il rit doucement en baissant la tête.
— Oui, Souffla-t-il, Oui, la santé, entre autre.
Il resta silencieux un long moment, perdu dans ses pensées. Je lui laissais le
temps, ce genre de confessions n'étant pas des plus évidentes.
— Elle est en rémission, alors elle profite de la vie, M'expliqua-t-il enfin.
Un sourire bienveillant réapparut sur son visage. Je souris à mon tour, soulagée
de le voir redevenir lui-même.
— Et elle a bien raison ! Qu'elle s'éclate, ta maman !
Il réfléchit encore un peu puis se tourna vers moi.
— Je t'assure qu'il faudrait vraiment, vraiment être très très con pour avoir honte
de toi.
Il y avait de la tendresse dans ses yeux à ce moment-là, et je sentis mon cœur
trembler en voyant ce regard qu'il avait été le premier à m'accorder. Je prenais ses
mains dans les miennes et regardais ailleurs.
— Quand tu auras fait le tour de la jolie idiote que je suis, tu auras vite fait de
m'expédier hors de ton monde, Dis-je résignée.
Il secoua la tête en riant.
— Je te trouve magnifique, Ali...
Je fronçais les sourcils : il n'avait rien compris à ce que je venais de dire ou
quoi ?
— Et je ne parle absolument pas de ton physique, Termina-t-il d'une voix toute
douce.
Je me sentis rougir et regardais nos mains.
— Merci, Gus.
Il m'embrassa sur le front et me prit dans ses bras. Je fermais les yeux et me
laissais aller contre lui, comme je ne pouvais jamais le faire devant Vic.
— On se boit ça sur la terrasse ?, Proposa-t-il en faisant un signe de tête vers la
bouteille de champagne posée un peu plus loin.
Je souris et hochais la tête pour lui donner mon approbation.
Nous sortîmes tous les deux pour aller nous installer sur la terrasse. Il faisait un
peu frais, mais c'était une bien jolie soirée de printemps. J'enfilais rapidement la veste
que j'avais emportée et m'asseyais sur un des fauteuils que Gus m'avait désigné. Un
fauteuil blanc immaculé garni d'épais coussins. J’attrapais la flûte de champagne qu'il
me tendait.
— Un toast ?, Suggéra-t-il avant de s'asseoir dans le fauteuil le plus proche du
mien.
Je hochais la tête et regardais le ciel.
— Hum... Au printemps ?, Proposais-je.
Il approuva d'un signe de menton.
— Alors, au printemps !
Il fit tinter son verre contre le mien. Je buvais une gorgée de champagne puis
admirais les petites bulles qui se formaient dans mon verre.
— Je ne savais pas que tu possédais ta propre société, Avouais-je un peu
honteuse.
Il ricana.
— En même temps, tu ne m'as pas posé beaucoup de questions.
Je piquais un fard.
— Oui, je sais, mais ce n'est pas parce que ça ne m'intéresse pas ou que je ne
pense qu'à moi, c'est juste que...
— Tu t'en fous, M'interrompit-il.
Je restais une fraction de seconde à l'observer. Il ne semblait ni vexé, ni
offusqué... pourtant, présentée comme ça, je passais vraiment pour la dernière des
connasses.
— Non, en fait, c'est que..., Tentais-je d'argumenter.
— Ça fait partie de ce que j'aime chez toi.
Il ramena son verre à ses lèvres, ses yeux rivés au jardin. Moi, je me sentis
rougir, mais cette fois-ci, rien à voir avec la honte. L'entendre me dire ce qu'il aimait
chez moi me faisait vraiment beaucoup d'effet : j'avais l'impression de sentir mon
cœur s'envoler dans ma poitrine.
Je ne savais pas trop comment rebondir après un tel aveu et prenais le partie de
l'imiter. Nous dégustâmes ainsi notre champagne en silence pendant quelques
minutes. Il semblait d'humeur pensive ce soir et se contentait d'admirer le jardin en
faisant jouer ses doigts sur l'accoudoir. Je m'arrêtais sur sa main gauche.
— Pourquoi est-ce que tu portes toujours ton alliance ?, Demandais-je en
désignant l'anneau du doigt.
Il sourit en contemplant sa main.
— C'est compliqué.
Je hochais la tête en comprenant que le sujet n'était pas facile. Il restait
silencieux à regarder son pouce faire tourner son alliance autour de son annulaire.
— Mais... T'es... t'es toujours amoureux ?, Risquais-je timidement.
Je me concentrais exagérément sur mon verre à ce moment-là pour éviter d'avoir
à croiser ses yeux.
— Non. Ça fait longtemps que tout ça a... disparu.
Je levais le nez vers lui, en quête d'explications. Il ne quittait pas sa main gauche
des yeux.
— C'est plus... les espoirs que tout ça représentait à une époque..., Il soupira, Le
jour où je lui ai fait cette promesse, j'y croyais vraiment, et c'est ce souvenir-là que
j'ai un peu de mal à laisser derrière moi.
Il releva enfin ses yeux vers les miens. Il me semblait vulnérable tout à coup.
— Tu as le droit de te moquer, tu sais, Me dit-il avec un sourire timide.
Je lui fis signe non de la tête : je n'avais absolument pas envie de rire.
— Il n'y a rien de drôle.
Il baissa les yeux et prit une profonde inspiration.
— Quand je lui ai demandé de m'épouser, je croyais que ce serait pour la vie...
Je le fixais attentivement. Gus me paraissait être un homme moderne et sûr de
lui, et j'avais un peu de mal à comprendre qu'il ait ressenti le besoin de se soumettre à
ce concept poussiéreux qu'était le mariage. Je l'imaginais assez mal s'abaisser à faire
ce genre de demande... je l'imaginais d'ailleurs assez mal se mettre à genou devant
quelqu'un.
— Tu lui as demandé comment ?, Demandais-je piquée par la curiosité.
Il fronça les sourcils.
— Ça t'intéresse ?, Demanda-t-il méfiant.
Je haussais les épaules.
— J'ai du mal à comprendre l'engagement. Surtout venant de toi... alors oui,
quelque part, ça m’intéresse, oui.
Il rit un peu gêné et regarda ses pieds.
— Et bien... c'était à Venise. J'avais tout préparé dans son dos, même si on vivait
ensemble depuis un moment et que je pense que, contrairement à ce qu'elle m'a
toujours affirmé, elle se doutait de quelque chose.
Je ne pus m'empêcher de pouffer.
— Quoi ?, Demanda-t-il, un peu surpris par ma réaction.
— Venise... c'est super cliché ! T'as fait ça sur une gondole ?, Me moquais-je.
Il sourit.
— C'était sa ville préférée... et j'ai fait ça à l'hôtel et pas sur une gondole !, Dit-il
en levant les yeux au ciel.
Je ris doucement en reprenant mon verre de champagne.
Je découvrais une autre facette de sa personnalité : un Gus attentionné et un peu
fleur bleue. Non pas qu'il était rustre ou malpoli avec moi, mais je voyais bien qu'il y
avait quelque chose de blessé chez lui, qu'il avait du mal à se dévoiler et qu'il n'avait
pas encore complètement confiance. Tout ça à cause d'un mariage raté... pourtant ce
n'était qu'un mariage !
— C'est marrant, pour des tas de gens, le mariage, c'est un truc super important,
Commençais-je en regardant droit devant moi, Et la demande en mariage... Oh mon
Dieu ! Il pose un genou à terre, une bague hideuse à la main, Je faisais de grands
gestes théâtraux pour mimer la scène, La fille se plaque les mains sur la gueule en
pleurant toutes les larmes de son corps et lui dit un « oui » à peine audible tellement
elle chiale...
Je faisais semblant de vomir. Gus ne disait rien et se contentait de me regarder
en biais.
— Ose dire que j'ai tort !, Dis-je en riant.
— Tu regardes beaucoup trop la télé, Me reprocha-t-il gentiment en reprenant
son verre.
Je secouais la tête, le sourire aux lèvres.
— Non, mais, en fait... moi, j'imaginais ça... pas comme une décision à prendre,
mais comme quelque chose d'évident.
Il m'adressa un regard sceptique.
— Je croyais que tu ne comprenais pas cet engagement ?
J'approuvais d'un petit signe de tête.
— Oui, je reconnais qu'aujourd'hui, je comprends pas, oui, mais ça veut pas dire
qu'un jour, j'en n'ai pas rêvé comme la plupart des filles.
— Ah oui ? Et comment est-ce que la Duchesse D'Aquitaine imaginait qu'on lui
demanderait sa main ?, Demanda-t-il avec un sourire narquois.
Je le fixais en biais : son ton légèrement condescendant ne me disait rien qui
vaille.
— Tu vas te foutre de moi, Dis-je en reprenant ma flûte de champagne.
— Pourquoi ?
— Parce que c'est niais.
Il bascula la tête en arrière en riant.
— Attends, je viens de t'avouer que j'avais demandé mon ex-femme en mariage à
Venise, et tu as peur que je trouve ta vision du mariage « niaise » ?
Je me pinçais les lèvres en contemplant mon verre.
— Tu me jures que tu rigoles pas ?
— Oui.
— Promis ?
— Promis ! Allez, dis-moi.
Je me rasseyais correctement et prenais une profonde inspiration.
— Bon, et bien, en fait, ce que j'imaginais... c'était un truc unique et spontané. Tu
vois, ils sont là, tous les deux dans la cuisine, un matin, en train de prendre le petit
déjeuner, ils discutent de la facture d'électricité, des trucs qu'il faudra acheter pour
remplir le frigo ou même pour habiller leurs enfants, et là, elle dit un truc drôle. Et
lui, il s'arrête. Il la regarde sourire et il sait, il sait que c'est ça qu'il veut pour le
restant de ses jours, que c'est avec cette fille avec laquelle il peut rire entre un paquet
de céréales et une brique de lait qu'il serait heureux de se réveiller tous les matins.
Alors comme ça, sans réfléchir, sans avoir préparé un discours re-pompé vingt fois
sur des téléfilms à l'eau de rose, sans avoir passé des heures chez un joaillier débile à
se demander ce qu'elle préférerait, sans se mettre dans une position humiliante, il lui
demande comme ça « épouse-moi », et elle sourit un peu plus, parce qu'elle aussi
c'était ce qu'elle avait dans la tête à ce moment-là.
Je m'arrêtais là et m'apercevais que je m'étais un peu emballée : j'avais beaucoup
parlé, un peu trop peut-être. Je relevais timidement un œil vers lui. Il me fixait en
souriant, l'air songeur.
— Avoue, tu trouves ça ridicule, hein ?, Demandais-je sur un ton qui ne cachait
qu'à moitié mes inquiétudes.
Il rit doucement et secoua la tête.
— Non, absolument pas.
Nous nous tûmes quelques secondes, chacun à nos pensées. Je réalisais alors que
parler de ce genre de chose à un homme sur le point de mettre un terme à son mariage
n'était sans doute pas l'idée du siècle. Je lui avais certainement ramené à l'esprit des
souvenirs qu'il aurait préféré laisser de côté ce soir.
— Si ça peut te rassurer, Repris-je tout à coup, Ça fait un moment que je
n'envisage plus le mariage de cette façon, hein. C'était juste la vision d'une godiche
qui croyait encore à l'amour unique. Aujourd'hui, je vois ça comme... une... une sorte
de contrat désuet, un truc qui n'a plus vraiment de raison d'exister à notre époque.
Il me regarda en coin.
— J'espère sincèrement que tu mens.
Je soupirais.
— En réalité, je crois que j'adorerais être encore une godiche... même si je le suis
toujours pour certains trucs, hein, mais... pas pour ça.
Il reprit son verre de champagne, pensif.
— Je pense que tu as mieux compris certaines choses que moi qui ait été marié
pendant huit, Soupira-t-il.
Je ne savais pas trop quoi dire pour le consoler. Tu oublieras ? Ça passera ? Je
n'étais personne pour lui assurer ces choses-là.
— Huit ans, c'est... beaucoup, Me contentais-je de dire.
Il souffla.
— Oh oui... huit ans, c'est beaucoup. Pour nous, c'était trop, sans doute.
Je lui adressais un sourire compatissant.
— Les gens changent.
Il leva les sourcils et soupira en contemplant son verre.
— Ah, ça, c'est certain !
Il but une gorgée de son champagne et pencha la tête sur le côté, intrigué.
— Mais... il n'y a jamais eu une personne avec laquelle tu aurais eu envie de
t'engager ?
On ne m'avait encore jamais posé cette question, et celle-ci m'amusa : ça me
paraissait tellement évident !
— Ho, ho, ho, Ricanais-je exagérément, Oh non ! Oh non, non, non.
Il sembla amusé par ma réaction.
— Pourquoi autant de non ?
Je ris doucement.
— Ah, Gus... Je suis... une emmerdeuse, tu sais. Avec le temps, j'ai bien compris
que personne ne me supporterait jamais. Je sais que je n'aurai jamais d'enfants, que je
ne me marierai pas, que je n'aurai pas la baraque en banlieue et le break familial. Et je
crois que... j'en n'ai pas besoin.
Il ne semblait pas comprendre.
— Même sans rentrer dans les schémas classiques. Juste... vivre avec quelqu'un,
être amoureuse, partager une famille...
Je contemplais mon verre presque vide.
— Victor prend toute la place !
— Mais Victor...
— Oui, L'interrompis-je en devinant ce qu'il allait dire, Victor n'a pas toujours
été avec moi et c'est vrai qu'il est arrivé sans que je ne le prévois, Je soupirais, Je
l'aime, même si je sais que ce n'est pas sain, que quelque part, c'est malhonnête de ma
part.
— Malhonnête ?, Répéta-t-il surpris.
Je hochais la tête.
— Oui, parce que... je sais parfaitement que je ne suis pas une vraie mère et qu'il
aurait besoin de quelque chose d'autre... d'une vraie famille avec un papa, une
maman, des frères et sœurs, une grande maison et de la stabilité... Toutes ces choses
que je ne pourrais jamais lui offrir. Et pourtant, je peux pas me faire à l'idée de ne
plus le voir grandir.
Je secouais la tête en regardant le vide.
— Des fois, je me dis que... je le garde avec moi juste pour avoir l'impression
que je sers à quelque chose, juste pour me dire que j'ai pas tout raté. Si j'avais pas
Vic...
Je m'arrêtais là. Gus ne disait rien, concentré. Je ne savais pas trop où j'en serais
si je n'avais pas eu Vic.
— Tu es encore jeune, peut-être qu'un jour, tu pourras lui donner toutes ces
choses.
Je pouffais.
— Quoi ?, Me demanda-t-il intrigué par ma réaction.
— Si tu savais, Gus..., Dis-je en regardant mes genoux.
— Raconte !, Insista-t-il curieux.
Je réfléchis un peu : après tout, il avait bien le droit de savoir quel âge avait
vraiment la femme avec laquelle il couchait, hein.
— Je peux t'avouer un truc ? Tu me jures que tu le gardes pour toi !
— Promis.
Je prenais une profonde inspiration.
— J'ai pas vingt-neuf ans. J'en ai trente-deux.
Il ne sembla pas particulièrement ému par ma révélation.
— Pourquoi tu racontes que tu as vingt-neuf ans ?
Je haussais les épaules.
— Je sais pas. Je crois que je m'étais pas imaginée dans cette vie minuscule à
trente-deux ans. Je cherche un sursis, sans doute.
— Ah, ça... Moi non plus, je ne m'étais pas imaginé en être là où j'en suis à
trente-six ans, Dit-il tristement.
Je posais ma main sur son épaule. Il releva le nez vers moi.
— Toi... tu es en train de prendre un nouveau départ ! Tu as toutes les cartes en
main pour changer ta vie.
Il sourit discrètement.
— C'est vrai.
Il déposa son verre par terre et s'approcha un peu plus près de moi. Je souris en
le voyant se rapprocher. Ses doigts se saisirent d'une mèche de mes cheveux
légèrement raidis par le chlore et le sel de la piscine.
— Toi aussi, tu pourrais prendre un nouveau départ, Me dit-il tout bas.
Il se pencha vers moi pour m'embrasser. Je fermais les yeux et me laissais faire
avec plaisir. Il se montrait d'une douceur infinie ce soir et j'adorais cette façon de
m'embrasser à laquelle j'étais si peu habituée. Je faisais glisser mes deux mains sur
ses épaules tandis que ses lèvres s'échappaient vers mon cou. Je soupirais : ce que
c'était bon le bonheur !
— Tu veux qu'on monte ?, Me demanda-t-il avant de m'embrasser une nouvelle
fois à la base de la gorge.
Je tentais de remettre mes pensées dans l'ordre pour pouvoir lui répondre.
— Oui, Soufflais-je en riant, Oui, j'aimerais qu'on monte.
Il m'embrassa une dernière fois puis me prit par la main pour m'inviter à me
lever. Je le suivais à l'intérieur en abandonnant là mon champagne. Nous montâmes
tous les deux à l'étage. Il s'arrêta devant une des portes situées à l'opposé de la pièce
où se trouvait endormi Vic et l'ouvrit. Je ne bougeais pas, les yeux rivés au fond du
couloir, à la chambre où nous avions joué un peu plus tôt. Gus me ramena contre lui
et m'embrassa sur le front.
— Je vais aller vérifier qu'il va bien, Me dit-il avec un petit sourire.
Je rougis un peu en m'apercevant qu'il avait parfaitement compris ce qui me
trottait dans la tête. Je suivais Gus des yeux puis entrais dans la chambre. J’eus un
léger mouvement de recul et m'arrêtais, intimidée par cette pièce tout en rouge et or
qui ressemblait à l'intérieur d'un coffret à bijoux. Le papier peint donnait l'impression
que les murs étaient couverts de velours et une grande partie du parquet en chêne était
cachée par un épais tapis aux motifs orientaux ocres et cramoisis. Les somptueux
rideaux étaient lacés d’énormes embrasses à pompons dorés et le lit à baldaquin en
fer forgé était recouvert d'une magnifique parure de draps vermillon qui me paraissait
faite d'un coton de grande qualité. Je levais le nez pour apercevoir un imposant lustre
scintillant. C'était étourdissant.
— Il dort toujours aussi profondément !
Je me tournais vers Gus qui refermait la porte de la chambre derrière lui. Il
avança vers moi, le sourire aux lèvres.
— Alors ? Ça te plaît ?
Je hochais la tête pour lui signifier la positive.
— Oui, c'est... waouh, comme dirait Vic, mais, rassure-moi, c'est pas la chambre
de tes...
— Oh non !, M'interrompit-il en riant. Il m'attrapa par la taille, Jamais je
n'oserais déshonorer le lit de mes parents avec ce que j'ai prévu de te faire ce soir...
J'eus à peine le temps d'apercevoir la petite lueur lubrique dans ses yeux avant
qu'il ne se penche pour m'embrasser. Je l'attrapais par la nuque.
— Et qu'est-ce que tu as prévu de me faire ?, Demandais-je de ma voix la plus
sensuelle.
Je faisais jouer mes doigts dans ses cheveux tandis qu'il m'embrassait dans le
cou.
— Surprise...
Je ne pus m'empêcher de rire.
Il m'obligea à reculer lentement, sans cesser d'embrasser mon cou ou mes
épaules que ma blouse laissait visible. Je gloussais, impatiente, et me laissais tomber
sur son lit. Une semaine pour retrouver l'homme de mes rêves... c'était beaucoup trop
long ! Je me redressais rapidement et retirais ma veste que je jetais par terre.
— Ouah, Lâchais-je en m'allongeant confortablement sur son lit, Ça, c'est ce
qu'on appelle un lit !
Il sourit en me rejoignant. Sa main glissa sagement sous ma blouse pour me
caresser le dos. Je faisais passer ma jambe au-dessus des siennes et l'embrassais.
— J'ai beaucoup pensé à toi cette semaine, M'avoua-t-il dans un murmure.
Je m'éloignais pour pouvoir le regarder dans les yeux.
— Vraiment ? Tu t'es ennuyé à ce point ?
Il rit doucement en levant les yeux au ciel avant de reprendre ses baisers au
creux de mon cou. Il était extrêmement consciencieux et pas un millimètre de ma
peau n'était oublié.
— Moi aussi, j'ai beaucoup pensé à toi, Soufflais-je en le serrant contre moi.
Il défit lentement le lacet qui tenait ma blouse fermée, prenant le temps,
savourant nos retrouvailles.
— Non, je mens, Dis-je en l'attrapant par le cou pour l'inviter à revenir
m'embrasser, C'est faux, en réalité, j'ai pas arrêté de penser à toi.
Il me laissa l'embrasser. J'avais passé la vitesse supérieure et ma façon de presser
avec insistance mes lèvres sur les siennes ne semblait pas lui déplaire... au début. Il
ralentit progressivement la cadence, jusqu'à ne plus m'embrasser du tout. Il baissa la
tête, les yeux fermés. Il était à bout de souffle.
— Hey, ça va pas ?, Demandais-je en passant ma main dans ses cheveux.
Peut-être que j'avais été un peu rapide et que je lui avais fait peur.
— Désolé, Dit-il en se redressant complètement.
Il m'abandonna là et s'assit au bout du lit. J'avais l'impression qu'il cherchait à
me fuir. Il prit sa tête dans ses mains, les deux coudes posés sur ses genoux, et souffla
longuement. Je me redressais et m'asseyais à côté de lui. Je l'embrassais dans le cou,
une main caressant ses épaules. Je lui laissais le temps. Je ne voulais pas le brusquer,
je voulais juste qu'il se sente bien avec moi et rien d'autre.
— Qu'est-ce qui se passe ?, Osais-je enfin demander après plusieurs minutes de
silence.
Il gardait la tête et les épaules basses.
— C'est rien. C'est juste... J'ai eu un début de journée... un peu difficile.
Il leva enfin ses yeux vers moi. Ses yeux brillaient beaucoup et la vision de ce
regard d'homme meurtri me fit mal. Je le prenais dans mes bras et le serrais contre
moi sans un mot. Il me laissa faire.
Je ne savais pas ce que ça faisait de voir sa vie réduite en miettes, mais je
pouvais l'imaginer. Lorsque je pensais à Vic, à ses véritables parents, à ce qui se
passerait en moi si on me l'enlevait, j'arrivais à imaginer la douleur de Gus.
— Je suis désolée de ne pas pouvoir t'aider, Dis-je tout bas.
Il ne répondit rien et se contenta de me serrer un peu plus contre lui.
— Si tu as envie d'en parler, je suis là, tu sais, Ajoutais-je sur le même ton
rassurant.
Il m'embrassa sur l'épaule.
— Merci, Ali.
Nous restâmes un petit moment l'un contre l'autre. Je lui caressais le dos et
profitais de sa chaleur au creux de mes bras. Je n'avais besoin de rien d'autre.
— Tu sais, Commençais-je sur un ton désinvolte, le menton calé au creux de son
épaule, On n'est pas obligé de jouer à la princesse et au chevalier ce soir, hein, on a le
temps pour ça !
Je l'entendis rire. Il se redressa pour pouvoir me regarder dans les yeux. Je
faisais glisser mes deux mains sur ses joues, mon regard plongé dans le sien. Le voir
enfin sourire me procurait un étrange sentiment d'apaisement. Il fit glisser ses doigts
dans mon cou pour dégager une mèche de mes cheveux.
— Tu es un vrai rayon de soleil, tu sais ça ?, Me demanda-t-il.
Ses yeux débordaient d'admiration à ce moment-là et je rougis un peu, touchée
par le compliment. Je l'obligeais à s’approcher pour l'embrasser sagement.
— Tu sais quoi ?, Dis-je en m'éloignant, Je vais m'occuper de toi ! Allez, viens
là !
Je l'attrapais par les épaules sans lui laisser le temps de me dire non. Je
l'obligeais à s'allonger sur le lit. Je lui retirais ses chaussures et calais sa tête sur deux
immenses oreillers écarlates. Il essayait de m'aider ou de faire à ma place, mais je le
grondais à chaque fois.
— Voilà, Dis-je en me rasseyant sur le bord du lit, Tu es bien là ?
Il rit en levant les yeux au ciel.
— Ali, je ne crois pas que...
— Chut !, Lui intimais-je en levant le doigt, Laisse-moi faire !
J'attrapais son pied et retirais sa chaussette. Je contemplais quelques secondes
ses doigts de pieds : est-ce qu'il y avait seulement un truc que je n'aimais pas chez cet
homme ?
— Ali, je te jure que c'est pas une bonne idée, Dit-il en riant.
— Ma mère dit toujours que je ne sais faire que deux choses susceptibles de
séduire un homme, Dis-je en maintenant son pied contre moi tandis qu'il se débattait
pour essayer de me le retirer, La cuisine et les massages des pieds, alors profite !
Je faisais jouer mes pouces sur la plante de son pied. Il fit un drôle de
mouvement et retira vivement son pied d'entre mes mains.
— Si je peux me permettre, tu sais faire beaucoup d'autres choses susceptibles de
séduire un homme, alors arrête ça, je te jure que c'est une très mauvaise idée.
Il se redressa pour s'asseoir. Je le regardais en riant : Monsieur semblait bien
chatouilleux !
— Ha ha !, M'exclamais-je ravie, Aurais-je enfin trouvé le point faible de
Monsieur Perfection ?
Je faisais rapidement jouer mes doigts sur son pied. Il s'assit en tailleur pour
m'empêcher de l’atteindre.
— Personne ne peut me toucher la plante des pieds, c'est impossible. Et je ne
suis pas « Monsieur Perfection », Dit-il un peu vexé.
Il levait les mains vers moi pour me tenir à distance.
— Oh, alors là, mon petit père, si tu crois que tu vas m'empêcher de te toucher...
Je me jetais sur lui. Il m'attrapa avant que je n'arrive à mes fins. Il plaisantait
mais il me tenait suffisamment fermement par les poignets pour que je ne puisse pas
l'atteindre.
— Allez, laisse-moi faire !, Implorais-je.
— Non, Dit-il en secouant la tête, Je ne contrôle pas mes réactions et je risque de
te faire mal.
— Allez !, Insistais-je, Juste un petit peu ! Je te jure que je suis super douée !
Il attrapa mes deux poignets dans une seule main, faisant ainsi en sorte d'avoir
une main libre pour pouvoir me chatouiller. Je me tortillais dans tous les sens pour lui
échapper.
— Ah non, ça, c'est pas du jeu !, Protestais-je en riant.
— On fait moins la maline là ?
— Oh ne me provoque pas, Gustave : j'ai des dents et je sais m'en servir !
— Ah oui, Aliénor ?, Fit-il en se rapprochant.
Ses lèvres étaient désormais toutes proches des miennes.
— Oh oui, Dis-je en essayant de rester concentrée, même si nous étions
beaucoup trop proches pour que je puisse espérer me contrôler.
Je le regardais là, tout près de moi, ses yeux plongés dans les miens, et j'avais le
vertige. Exactement le même que le soir où nous avions couché ensemble pour la
première fois. Sauf que cette fois-ci, je n'étais pas seule à tomber de haut. Cette fois-
ci, il tombait avec moi.
Il relâcha progressivement la pression de ses mains sur mes poignets. Je retirais
doucement mes mains des siennes et l'attrapais par le cou. Il ferma les yeux au
moment où mes lèvres retrouvèrent les siennes. Je sentis sa main me caresser la joue
tandis que nos lèvres se faisaient de plus en plus insistantes. Je m'appuyais contre lui
et l'obligeais à s'allonger. Il m'obéit docilement en m'emmenant avec lui. Sa main
remonta lentement le long de ma jambe et je ne pus m'empêcher de frissonner de
façon visible. Ma réaction le fit sourire. Il remonta encore un peu le long de ma
cuisse pour s'arrêter sur l'ourlet de ma jupe qui semblait constituer pour lui la limite.
Il faisait doucement jouer ses doigts sur le rebord du tissu sans jamais le franchir.
J'avalais avec difficulté : la simple sensation de ses doigts à cet endroit me mettait au
bord du malaise extatique.
— Aurais-je réveillé le prince endormi ?, Demandais-je dans un souffle.
Il sourit discrètement avant de m'embrasser.
— Tu es une magicienne, Répondit-il sans cesser de faire jouer ses doigts près de
ma jupe.
J'aurais pu le supplier de continuer, de monter un peu plus haut, mais j'aurais eu
du mal, complètement emportée par cette sensation désespérément timide et
follement excitante.
— Non, je suis une princesse !, Le corrigeais-je en me serrant contre lui.
Ses lèvres jouaient de nouveau au creux de mon cou. Ma main se posa sur la
sienne : je n'en pouvais plus.
— Oui, Répondit-il doucement, tandis que je faisais glisser sa main plus haut
sous ma jupe, Et une très jolie princesse, même !
Je soupirais bruyamment, satisfaite de sentir enfin sa chaleur sur un endroit où je
désespérais de le sentir depuis qu'il était passé nous chercher en début d'après-midi.
Il s'écarta un peu, mais ne retira pas sa main.
— Heu... Et une princesse un peu coquine aussi, Observa-t-il.
Il était drôlement rose.
— Hey, à quoi ça sert que je me trimballe de la lingerie hyper inconfortable toute
la journée si mon prince charmant s'arrête là ?
Je faisais un mouvement de la main sur ma cuisse pour marquer le niveau de ma
jupe. Il regarda ailleurs, un peu gêné.
— Peut-être que... tu l'impressionnes un peu et qu'il a envie de prendre le temps
de savourer le temps que tu acceptes de partager avec lui.
Je faisais jouer mes doigts sur le premier bouton de sa chemise.
— C'est à moi de savourer le précieux temps qu'il daigne m'accorder, Répondisje tout bas.
Il me prit dans ses bras et me ramena contre lui. Je me blottis dans son cou.
— Je ne suis pas un prince charmant, Ali, Me dit-il à l'oreille.
Il y avait quelque chose de désespéré dans sa voix, quelque chose qui ne collait
pas avec le ton léger que nous adoptions toujours lorsque nous plaisantions sur ce
sujet.
Je me redressais pour le regarder dans les yeux. Je ne comprenais pas bien la
détresse que je lisais aux fonds de ses yeux à ce moment-là, mais sa sincérité
m'ébranla. Je secouais doucement la tête.
— Si, tu es mon prince charmant, Dis-je avant de l'obliger à revenir contre moi
pour l'embrasser langoureusement.
Je faisais glisser ma main le long de son épaule, de son bras, de son poignet et
m'arrêtais sur sa main gauche. J'arrêtais de l'embrasser et le regardais par en dessous,
les lèvres pincées. Il me fixait sans comprendre.
Je ne savais pas s'il serait d'accord, mais j'en avais besoin. A partir de ce soir, il
n'était plus à elle. A partir de ce soir, il n'était qu'à moi. Je baissais les yeux sur sa
main. J'attrapais son alliance et la faisais lentement glisser le long de son doigt. Il me
regarda faire sans bouger, sans sourire, mais sans m'arrêter.
Je m'étirais et déposais l'anneau sur la table de nuit la plus proche avant de
revenir vers lui. A ce moment-là, il y avait quelque chose de différent dans ses yeux,
quelque chose de simple et évident. Je comprenais alors que moi aussi, je possédais
une petite part de lui, et j'étais bien décidée à ne jamais lui rendre.
Je levais le menton vers lui et l'embrassais. Nos baisers se faisaient à la fois
tendres et passionnés, et nos gestes trahissaient une pointe d'impatience. Il s'arrêta
une seconde, à bout de souffle, et posa son front sur le mien.
— Mon nouveau départ..., Chuchota-t-il le sourire aux lèvres.
Je souris, un peu intimidée, puis recollais mes lèvres aux siennes pour entamer
une voluptueuse chorégraphie, prémices d'une chaude et inoubliable nuit de
printemps.
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