le tro breiz

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le tro breiz
LE TRO BREIZ
Par les champs et les grèves
Sur les pas des sept Saints
Qui fondèrent la Bretagne
par
ANNE KERGOFF
Éditions Saint-Remi
– 2009 –
© Tous droits réservés
Éditions Saint-Remi
BP 80 – 33410 CADILLAC
www.saint-remi.fr
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PRÉFACE
A
vec cet ouvrage sur le Tro Breiz, c’est un passionnant
cheminement « d’un sanctuaire à l’autre des Sept Saints de
Bretagne emmi les guérets et les champs » que nous convie Anne
Kergoff. Après quatre siècles de sommeil, l’antique pèlerinage
breton, expression de l’unité du pays, était quasi effacé des
mémoires et n’aurait jamais dû reprendre vie dans une société
dont les clercs semblaient avoir pris le parti d’un christianisme
incolore…Il fallait croire que le feu couvait sous la cendre
puisque voici quelques années seulement, quelques fils de
Bretagne arrachèrent de la braise un premier scintillement. Faible
et tremblant…Mais ils savaient qu’il suffit d’une toute petite
flamme pour allumer de grands incendies…
Contre toute attente, pied de nez aux théoriciens du fatalisme
et de la résignation, le Tro Breiz est à nouveau bien vivant. Un
Tro Breiz bigarré et joyeux qui jette, chaque année, sur les routes
une impressionnante colonne d’enfants et d’aïeux, de gens qui
croient au ciel et d’autres qui partent randonneurs pour se
découvrir d’inattendus pèlerins au terme du périple.
Sans doute, Dieu seul sonde les reins et les cœurs. Mais que
vont-ils chercher tous dans ce Tro Breiz revisité ?
S’il est un chemin de croix pour beaucoup qui apportent leurs
souffrances dans leur besace, il est aussi surtout une route de
fraternité. Et l’assurance d’une rencontre éblouissante avec euxmêmes, avec les autres, avec Dieu… « On ne fait pas le Tro Breiz,
c’est le Tro Breiz qui nous fait, confient en substance ces pèlerins d’un
nouveau genre. On se laisse conduire, on nous attend sur le chemin… »
C’est dire si l’ouvrage d’Anne Kergoff qui nous ouvre les
portes des cités saintes de Bretagne est un guide précieux dans
cette itinérance sacrée. L’auteur nous rappelle combien Pol
Aurélien, Tugdual, Brieuc, Malo, Samson, Patern, Corentin sont
toujours des guides étonnamment jeunes dans un monde
déboussolé. A leurs côtés, la Bretagne est en marche. Nous en
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LE TRO BREIZ
sommes sûrs : le Tro Breiz sera l’un des grands pèlerinages du
XXième siècle.
Puissions-nous dès lors puiser sans retenue à la spiritualité des
saints celtiques comme à des sources vivifiantes !
Philippe Abjean
Président
« Les chemins du Tro Breiz »
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« Les vies des saints sont aussi de l’histoire ; elles nous instruisent
sur le courant de la vie »
Fustel de Coulanges
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AVANT PROPOS
L
e « Tro Breiz » ou tour de Bretagne, est un pèlerinage aux
lieux où furent fondés les premiers évêchés de Bretagne
par sept saints appelés les fondateurs de la Bretagne : saint
Samson à Dol, Saint Brieuc, Saint Malo, saint Tugdual à Tréguier,
saint Pol-Aurélien à Saint Pol-de-Léon, saint Corentin à Quimper
et saint Patern à Vannes.
Les comtés de Nantes et de Rennes, qui constituaient les
marches franco-bretonnes, furent conquis par le roi Nominoë
entre 849 et 851, année de sa mort.
On trouve mentionnés les sept saints celtiques dans la Chanson
de Roland, écrite entre 1060 et 1070, dans la laisse 47 :
« La bataille est merveilleuse et grande
Beaucoup de Francs sont las et se plaignent.
Pinnax a une verte enseigne
Il est écrit aux sept saints de Bretagne ».
Un siècle plus tard, Alain de Lille (1114-1203) cite les sept
saints de Bretagne dans un passage de son curieux commentaire
sur les prophéties attribuées à Merlin (Prophetia Anglicana
Merlini).
En 1249, les sept saints figurent dans les legs testamentaires de
Haïssia, femme de Bertrand Pagnon, qui lègue quatre deniers à
chacun des Sept Saints. Ce document ne nous renseigne pas sur le
pèlerinage. On peut seulement conclure, d’après le passage de La
Chanson de Roland, que ce culte existait au XIème siècle et qu’il
avait une popularité assez étendue au XIIème siècle.
Il semble qu’en ce siècle, le pèlerinage connut la faveur
matérialisant en quelque sorte, la dévotion collective aux sept
Saints. Mais quelle est l’origine de ce culte ?
Selon toute vraisemblance, il faut la situer au IXème siècle, au
temps où Nominoë, voulant assurer l’indépendance de la
Bretagne, rompit avec l’archevêque de Tours, en tant que
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LE TRO BREIZ
métropole, et déclara Dol, archevêché et métropole de Bretagne.
La querelle dura jusqu’en 1199.
C’est à l’occasion de ce sursaut de patriotisme que les Bretons
inaugurèrent le culte collectif aux sept saints fondateurs de leurs
sept évêchés.
Les vies des saints ne doivent pas être considérées comme des
histoires authentiques et véridiques pour la simple raison que, le
plus souvent, les documents scripturaires ou autres manquent, et
les hagiographes ont remédié à cette carence en se servant d’un
modèle qu’ils ont plus ou moins adapté à leur héros, ajoutant au
besoin des faits miraculeux ou édifiants empruntés à d’autres
saints personnages.
L’un des modèles fut saint Samson dont la Vita remonte à la
plus haute antiquité, ayant été écrite à Dol sous la dictée du
vénérable octogénaire Heinoc, cousin du saint. L’authenticité de
cette pièce fut reconnue par d’éminents historiens et
hagiographes, tels Joseph Loth, Arthur de La Borderie, l’abbé
Duine. Néanmoins, elle n’est pas exempte d’emprunts comme le
miracle des oiseaux qui semble bien une adaptation, à peine
remaniée, du prodige relaté dans la vie de saint François d’Assise.
C’est une hypothèse impossible à vérifier, mais vraisemblable.
L’adjonction du miracle aurait été insérée plus tard dans la Vita
de saint Samson puisque saint François vécut entre 1181 et 1226.
Ces incises empruntées sont fréquentes dans les Vitae, comme
nous l’avons dit.
Toute Vita recèle des enjolivements imaginaires, toute
hagiographie comporte sa création littéraire, sa légende dorée. Ces
légendes ne sont pas, pour autant, des fables : « legenda » est ici
l’équivalent de « lectio » qui, dans le Bréviaire, désigne le passage
des auteurs consacrés que le prêtre est tenu de lire entre deux
oraisons.
De ce premier exode d'avant 500 des Bretons en Armorique
ne firent point partie les saints fondateurs de la Bretagne ni, en
général, les religieux. A partir du VIème siècle commence la
AVANT-PROPOS
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seconde émigration bretonne, encadrée par des moines qui
remplissent une double fonction politique et religieuse.
Un autre aspect, particulier et banal, de la vie de nos saints
bretons est leur migration, aux IVème et Vème siècles d’Irlande,
de Cambrie vers l’Armorique ; celle-ci n’est pas encore la
Bretagne, mais une province de l’empire romain rattachée à la
IIIème Lyonnaise. Cette émigration est la conséquence de
l’invasion de la Bretagne insulaire par les Pictes et les Saxons. Et
c’est ainsi que l’Armorique devint la Bretagne, la petite Bretagne à
cette époque, et que la Bretagne insulaire s’appela la GrandeBretagne.
Du moins était-ce l'opinion bien établie des meilleurs
historiens bretons jusqu'au milieu du XXème siècle où une
nouvelle école d'historiens inaugurée par les travaux de Chadwick
et de Fleuriot entreprit des recherches encore plus poussées et
plus approfondies. L'histoire, écrite par les hagiographes bretons
du IXème siècle et les chroniqueurs inspirés par les « De Excidio
Britaniae » de saint Gildas (mort en 560), est battue en brèche par
la nouvelle interprétation des textes, ce que résume clairement
André Chedeville, cité par Bernard Merdrignac (Les premiers
Bretons d'Armorique p.75) :
« L'émigration bretonne est le résultat d'un lent mouvement.
Dès vers 350 arrivèrent des Bretons pour renforcer les défenses
côtières, puis ce furent de plus en plus des réfugiés. Certains
s'installèrent à l'embouchure de la Seine, d'autres, même assez
nombreux, firent souche au Nord-Ouest de l'Espagne. On crut
longtemps qu'ils avaient fui la menace des Saxons et des Angles
qui progressaient à partir du bassin de Londres. En fait, ils ont
surtout été victimes de l'expansion des Scots d'Irlande, celtes
comme eux. A la différence des peuples germaniques, pour la
plupart, qui s'installèrent alors en Gaule; ces Celtes ne sont pas
des Barbares, ils sont en théorie citoyens romains et ils sont
chrétiens orthodoxes. Leur fusion avec les populations locales ne
dut pas être difficile, d'autant que le gaulois qui n'avait pas pu
disparaître complètement est très proche du Breton ».
Michel de Mauny
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LE TRO BREIZ
Le Tro Breiz est une expression moderne d’ailleurs impropre
puisqu’il ne fait pas le tour de Bretagne et qu’il a remplacé
l’appellation originelle « pèlerinage aux sept saints de Bretagne ».
Cette pérégrination avait pour but d’honorer les saints fondateurs
de la Bretagne, et elle revêtait aussi un caractère pénitentiel avec
l’espoir de gagner des indulgences.
Le Tro Breiz a perdu son esprit religieux, il n’est qu’une
promenade touristique, au mieux agrémentée d’une teinte
d’histoire et d’archéologie.
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SAINT SAMSON À DOL
L
’itinéraire de notre Tro Breiz suivra le tracé logique, celui
de la géographie. Nous commencerons donc à Dol et
terminerons à Vannes.
En premier lieu, cherchons la signification de Dol et ce que
désigne ce mot. Dans ses Enwau Lleoedd « noms de lieux », Ifor
Williams explique le sens du mot en gallois et ses différents
emplois :
« Quand une rivière coule en terrain plat, elle n’est guère
pressée, et erre nonchalamment d’un côté à l’autre, en décrivant
des boucles (dolen-nau). Aussi, appelle-t-on ces boucles des dol
(« dol-au »).
Puis le mot dol s’est appliqué tout naturellement au terrain
contourné par la boucle.
Cette description convient parfaitement à la ville de Dol, sur
une légère éminence qu’enserre à moitié une boucle de la rivière
du Guioult.
Malgré les multiples variantes entretenues autour des « vies des
saints », nous nous efforcerons à rester aussi fidèles que possible
à leur biographie.
La vie de saint Samson fut à plusieurs reprises l'objet de
controverses ; nous nous attacherons alors aux sérieux écrits de
l’abbé Duine, Joseph Loth, Arthur de la Borderie…
Néanmoins, la légende s’est emparée de saint Samson et nous
dit qu’à sa naissance, ses parents ont consulté un magicien qui
leur a prédit l’avenir de leur fils. De même, nommé évêque de
Dol, saint Samson part mécontent et demande qu’après sa mort
son corps soit transporté au monastère de saint Iltud pour y être
enterré. Dieu va exaucer cette supplique : « Après sa mort, son
corps fut placé dans un sarcophage (in sarcofago) qu’un vent
puissant ébranla et souleva puis conduisit jusqu’à la mer (…). Puis
il vint au-dessus des flots, en volant comme une foulque (quasi
TABLE DES MATIÈRES
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PRÉFACE .......................................................................................................... 3
AVANT PROPOS .............................................................................................. 7
SAINT SAMSON À DOL ................................................................................11
SAINT MALO ..................................................................................................17
SAINT BRIEUC ...............................................................................................21
SAINT TUGDUAL A TREGUIER.................................................................28
SAINT PAUL AURELIEN À SAINT-POL DE LEON...................................36
SAINT CORENTIN À QUIMPER ..................................................................44
SAINT PATERN À VANNES .........................................................................50
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE......................................................................58

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