Antigone Henry Baucau - Musée Royal de Mariemont

Transcription

Antigone Henry Baucau - Musée Royal de Mariemont
Antigone
Henry Bauchau, L'épreuve du temps
Musée royal de Mariemont
B-7140 Morlanwelz
064 21 21 93
www.musee-mariemont.be
(02/11/2012 - 24/02/2013)
Documentation pédagogique
Travail réalisé par S. Roucou dans le cadre du cours de Médiation Muséale et Patrimoniale,
UCL année académique 2011-2012
Henry Bauchau : Biographie
Henry Bauchau est un écrivain
belge, à la fois poète, romancier,
dramaturge et psychanalyste. Si
ses premiers écrits datent du
début des années 1930, il ne
publie pour la première fois qu'en
1958.
Une grande partie de son
parcours d'écrivain est influencé
par la psychanalyse. Avant sa
rencontre
avec
Blanche
Reverchon, Bauchau a surtout
réalisé
une
production
considérable de textes journalistiques ou d'articles en tout
genre. Par la suite, son écriture se développe autour d'une
approche tournée vers la conscience de soi et l'étude et
l'analyse de sa propre intériorité. Ses premières publications
littéraires ont lieux à la fin des années 1950. A cette époque,
Henry Bauchau part vivre en Suisse, où il commence
notamment à pratiquer les arts graphiques comme loisir dès
1962. Dans les années 1970, il s'installe à son propre compte
en tant que psychanalyste, tout en continuant de pratiquer
l'écriture. Malgré les nombreux prix qu'il reçoit, il ne jouit
cependant d'une vraie reconnaissance publique de son œuvre
que dans le début des années 1990.
Jusqu’à sa mort le 21 septembre 2012, Henry Bauchau vivait à
Louveciennes, près de Paris. À près de 100 ans, il consacrait
toujours une partie de son temps à l'écriture.
22 janvier 1913 : naissance Henry Bauchau à Malines.
1914 : La maison familiale est incendiée lors de l'invasion
allemande, alors qu'il n'a que dix-huit mois.
1932-1939 : Il poursuit des études de droit aux Facultés SaintLouis puis à l'Université de Louvain.
1936 : Il se marie avec Mary Kosireff, avec qui il aura trois
enfants.
1940-1945 : Henry Bauchau participe à la campagne des 18
jours. Il fonde également le Service des Volontaires du Travail
pour la Wallonie. Il quitte ce dernier en 1943 pour rejoindre la
Résistance d'abord dans les Ardennes puis à Londres.
1947 : Il rencontre Blanche Reverchon Jouve, avec qui il
entreprend une psychanalyse. Elle l'encourage à écrire. Cette
analyse va profondément marquer Bauchau et sa pensée.
1951 : Henry Bauchau fonde l'institut Montesano, un collège
international pour jeunes filles, à Gstaad, en Suisse. Il y donne
également les cours de littérature et d'histoire de l'art.
1953 : Il épouse en secondes noces Laure Henin.
1958 : Publication de son premier recueil de poésie, intitulé
Géologie.
1960 : Publication de Gengis Khan, sa première pièce de
théâtre.
1975 : Après la fermeture de l'institut Montesano, il part
travailler au centre psychopédagogique de la Grande Batelière
à Paris. Il s'installe ensuite à son compte en tant que
psychanalyste et pratique la thérapie par l'art avec ses patients.
1990 : Publication du roman Œdipe sur la route.
1991 : Bauchau entre à l’Académie royale de Langue et de
Littérature françaises de Belgique. Publication de Diotime et les
lions.
1997 : Publication d'Antigone.
2012 : 21 septembre. Il décède dans son sommeil
Louveciennes.
Le mythe d'Œdipe et le cycle Œdipien de Bauchau
Antigone
Le roman Antigone d'Henry Bauchau, publié en 1997, appartient à
un cycle comprenant trois ouvrages : Œdipe sur la route, Antigone
et Diotime et les lions. Ce cycle se base sur le mythe du héro grec
Œdipe, roi de Thèbes, et de sa famille.
Déjà dès l'Antiquité, le thème d'Antigone rencontre un grand succès,
notamment grâce aux nombreuses tragédies écrites à ce sujet, la
plus célèbre étant celle de Sophocle. Au cours du temps, il sera
plusieurs fois réutilisé et réinterprète, aussi bien dans la littérature
que dans l'art et dans la psychanalyse.
Œdipe est le fils du roi Laïos de Thèbes et de la reine Jocaste. Or
un oracle avait prédit à Laïos que, s’il avait un fils, celui-ci le tuerait
et règnerait à sa place. Suite à ce mauvais présage, le nourrisson
est abandonné dans la montagne pour mourir. Il survit cependant et
est recueilli par le roi de Corinthe et sa femme. Devenu adulte, il
apprend son destin par l’oracle de Delphes : il tuera son père et
épousera sa mère. Craignant pour ceux qu'il croit être ses parents,
il quitte Corinthe. Sur la route, il rencontre Laïos, avec lequel il a
une altercation. Sans savoir qu'il s'agit de son véritable père, il le
tue et continue son chemin. Lorsqu'il arrive à Thèbes, la ville est
sous l'emprise d'un sphinx, qui soumet des énigmes aux voyageurs
et dévore ceux qui ne savent pas lui répondre. Œdipe affronte la
créature et en ressort victorieux. Pour le remercier, les habitants de
Thèbes le font roi et lui offre la main de Jocaste. Ainsi s'accomplit la
terrible prédiction de l'oracle. De cette union incestueuse naissent
quatre enfants : Étéocle, Polynice, Ismène et Antigone.
Henry Bauchau, dans le premier ouvrage de son cycle, commence
son histoire lorsque, alors que la vérité sur ses origines et sur ses
crimes est enfin connue, Œdipe se crève les yeux et quitte Thèbes
pour partir en exil, accompagné seulement de sa fille Antigone. Tout
au long de ces trois romans, il met ainsi en scène la famille des
Labdacides, c'est-à-dire la famille royale de Thèbes.
Antigone de Bauchau raconte l'histoire de la
fille d'Œdipe qui, après la mort de son père
qu'elle a accompagné en exil, retourne à
Thèbes afin d'empêcher la guerre entre ses
deux frères, Polynice et Etéocle. A la
différence des autres récits mettant en scène
Antigone, Henry Bauchau ne se contente pas
de raconter les dernières heures de sa vie.
Au contraire, il suit son personnage depuis la
mort de son père, évoque son retour dans sa
ville natale et nous conte la guerre fratricide
dans toute son ampleur. Bauchau donne
ainsi une place aux autres protagonistes du
drame, à savoir Polynice, Etéocle et Ismène.
Le personnage d'Antigone est un personnage que Bauchau a
développé à travers plusieurs œuvres et auquel il a donné une
personnalité complexe et recherchée. Antigone apparaît pour la
première fois dans un poème, en 1982, plus de dix ans avant la
parution du roman qui lui est éponyme. En tout, Bauchau lui a
consacré plusieurs poèmes ainsi que plusieurs récits, en plus de
son apparition dans Œdipe sur la route. Tout au long de son
parcours de création, Bauchau a fait évoluer le caractère et l'identité
d'Antigone. Dans Œdipe sur la route, elle est d'abord simplement
envisagée comme un personnage complémentaire, servant à
former et clarifier le caractère de son père. Au fil des réécritures,
elle prend de plus en plus d'importance et s'affirme, au point que
Bauchau décide de lui consacrer un roman, Antigone.
En tout, Bauchau réécrit quatre fois Antigone. La rédaction est
entièrement rapportée dans un ouvrage intitulé le Journal
d'Antigone, dans lequel Bauchau rend compte de son travail depuis
1989 jusqu'à la publication de la version finale de son roman en
1997.
Antigone est une figure féminine forte, qui ose s'opposer aux lois
lorsqu'elle estime que celles-ci sont injustes. Elle est un symbole de
paix et de féminité qui prend la défense des plus démunis et des
parias contre l'ordre établi, guidée à la fois par sa conscience et son
sens de l'éthique. Cependant, sa démarche est avant tout le résultat
d'une révolution intérieure plutôt que d'une volonté de changer le
monde pour un mieux. Ses actions et ses choix ne sont pas réalisés
pour le bien de la communauté mais pour son propre besoin de
justice et son propre accomplissement personnel.
La place d'Antigone dans l'œuvre et la vie de l'auteur
La période durant laquelle Bauchau écrit Antigone, à savoir la fin
des années 1980 et le début des années 1990, correspond à la
période de maturité littéraire et à une forme d'épanouissement
personnel de l'auteur. C'est aussi à cette époque que l'œuvre de
Bauchau commence à obtenir une large reconnaissance publique et
qu'il reçoit plusieurs prix et autres formes de distinctions. Sa
renommée devient internationale et ses écrits sont traduits en
plusieurs langues.
Jusqu'au 19e siècle, Antigone est une figure mythologique qui
s'apparente aux thèmes du héros : elle met en effet en évidence un
caractère, en l'occurrence le respect des parents et, par la suite, le
respect et la défense de la patrie. S'il n'ignore rien des
interprétations antérieures à la sienne, Bauchau donne à son
Antigone une personnalité qui va bien au-delà du dévouement filial.
Il lui donne la capacité de se réaliser intérieurement, à travers sa
féminité. Il dit d'elle qu'elle «est la fille patiente, intrépide, d'un
monde nouveau, qui, après dix ans d'initiation et d'échec en échec,
devient celle dont une autre femme peut dire avec confiance : "Si
elle tombe, elle se relèvera. Elle est comme ça."»
Plus qu'avec aucun autre de ses personnages, Bauchau entretient
une relation particulière avec Antigone. En effet, l'Antigone de
Bauchau doit beaucoup au propre combat intérieur de son auteur,
qui affronte un «moi» divisé, à la recherche d'une acceptation d'un
féminin intérieur qu'il considère à la fois comme un mystère et une
«faute originaire». Cette recherche intérieure est à la fois émotive,
culturelle et imaginative. La psychanalyse chez C. Stein s’étend de
1965 à 1968, soit 22 ans avant la parution d’Œdipe sur la route.
Au final, Antigone représente l'aboutissement du «moi» féminin
bauchaulien. Elle est, selon les mots de Bauchau, «un modèle de
ce que pourrait être une pensée, une éthique, une action féminine
délivrée des modèles masculins qui pèsent encore tant sur les
femmes».
Pistes d'exploitation
Lire le roman Antigone et en faire un résumé critique/une critique
du texte.
Réaliser une comparaison entre l'interprétation d'Antigone d'Henry
Bauchau et d'autres Antigone de la littérature (quelques exemples
d'auteurs qui ont écrit sur ce sujet : Sophocle, Jean Anouilh, Jean
Cocteau, Bertolt Brecht, Marguerite Yourcenar...).
Dans le récit, Antigone s'oppose à la loi de Créon qui lui interdit
d'enterrer son frère Polynice, considéré comme un criminel et un
traître à la cité. Deux logiques s’affrontent : celle de la morale, de la
« raison d’Etat », représentée par Créon, et celle de l’éthique,
représentée par Antigone. Réaliser un débat/une dissertation sur
les différences entre la morale, dont les actions ont pour objectif le
bien de la communauté, et l'éthique, comme une pratique ayant
pour fin la vie bonne.
Le récit d'Antigone a très souvent été l'objet d'une écriture théâtrale.
L'œuvre d'Henry Bauchau est l'une des rares à le présenter sous
forme de roman. Récrire/mettre en scène un passage du roman en
l'adaptant comme une pièce de théâtre.
Antigone est une figure forte qui, tout au long du roman, s'engage
pour différentes causes : la paix, les démunis et les pauvres, la
justice... C'est un personnage qui suit ses convictions et qui remet
en cause le fonctionnement de la société à laquelle elle appartient.
Dans un sens, elle représente un éveil d'une conscience politique
face à un pouvoir autocrate. Réaliser un travail/une recherche sur :
- un personnage de la littérature classique ou moderne
similaire à Antigone et réaliser un travail comparatif sur
différents points
- un mouvement ou un personnage (politique, écrivain,
journaliste,...) de la société actuelle ou passée qui, comme
Antigone, est connu pour son engagement dans une cause
similaire (quelques exemples : Aung San Suu Kyi, le
mouvement des Indignés,...).
Réaliser un travail retraçant l'évolution d'Antigone à travers l'œuvre
de Bauchau.
***
Bibliographie
-
BAUCHAU H., Antigone, Arles, 1997.
-
BAUCHAU H., Journal d'Antigone (1989-1997), Arles, 1999.
-
AMMOUR – MAYEUR O., Henry Bauchau : une écriture en
résistance, Paris, 2006.
-
SURMONTE E., Antigone, la sphinx d'Henry Bauchau, Bruxelles,
2011.
-
WATTHEE – DELMOTTE M., Henry Bauchau, Bruxelles, 1994.
-
WATTHEE – DELMOTTE M., Parcours d'Henry Bauchau, Paris,
2001.
-
WATTHEE – DELMOTTE M., «L'Antigone d'Henry Bauchau ou
l'intraitable
espérance»,
dans
Mythe
et
littérature
contemporaine, Ottawa, 1995, pp. 228-236.
-
«Écriture d’après désastres : Henry Bauchau, une (sur)vie en
toutes lettres », dans OUTERS J-L., W ATTHEE-DELMOTTE M. et
LAGHOUATI S., Henry Bauchau, Bruxelles, 2010, pp. 17-72.
-
Site officiel du fond Henry Bauchau :
http://bauchau.fltr.ucl.ac.be/
Annexe
Extrait d'une interview d’Henry Bauchau :
Benoit Vreux : Dans le poème Sophocle sur la route, vous écrivez
que Sophocle jette Oedipe...sur la scène des grands brûlés. Quelle est
cette scène ?
Henry Bauchau : Dans mon esprit la scène des grands brûlés c'est
la tragédie même. C'est-à-dire le moment où les personnages
s'avancent dans leur aventure personnelle au point qu'ils ne peuvent
se rattraper qu'au prix d'un effort extrême et deviennent ainsi des
grands brûlés. Et je pense que les personnages de Sophocle se
brûlent. Quant à moi, je prends Œdipe quand il est déjà brûlé, après
Œdipe roi, quand il est prostré dans les caves du palais de Thèbes et
où tout d'un coup l'énergie lui revient. Quand, au lieu de la vision de
la grande mouette blanche qui lui donnait le courage de supporter
les horreurs, car il s'imaginait alors qu'il était encore dans son
enfance à Corinthe ou en mer, tout d'un coup apparaît un aigle qui
voile le soleil, son propre astre, et qui va le tuer. A ce moment là, il
se retrouve d'un coup prêt au combat. Il trouve le courage de sortir
de Thèbes et de s'en aller n'importe où, n'importe comment. Ce qui
se serait certainement terminé très mal si Antigone n'était pas
intervenue. Le départ d'Antigone est également une vision. Elle croit
entendre Œdipe qui l'appelle, alors qu'il ne l'appelle pas. Elle
comprend alors qu'il l'appelle dans son cœur. Mais elle comprend
également que ce n'est pas elle qu'il appelle, il appelle simplement
un secours et même finalement c'est son propre secours, son propre
courage qu'il attend. Simplement Antigone agit et soudain elle ne
peut plus rien faire d'autre que le suivre, parce que son courage ne
lui suffira pas, qu'il finira dans un trou quelconque pour répondre à
son désir de mort. Or, on ne peut lutter contre le désir de mort que
par un désir d'amour.
Cela voudrait-il dire que vos personnages, d'Œdipe à Antigone,
parce qu'ils se sont déjà brûlés quand débute le roman, ne sont pas
ou plus des personnages de la scène tragique ?
Mon Œdipe je le vois comme le personnage d'un type de tragédie
nouvelle. Ce n'est plus celui qui va jusqu'au bout de son crime,
comme Jocaste personnage tragique du temps ancien, mais au
contraire un personnage qui a le courage de regarder en face ce
qu'il est et d'essayer de devenir ce qu'il est. Et donc, de faire appel
en lui à des richesses qu'il a négligées. Si vous vous rappelez le
personnage d'Œdipe lorsqu'il chante pour la première fois à la fête
que donne Diotime. Tout le monde s'aperçoit que la voix d'Œdipe
qu'on croyait faite pour rendre la justice, pour commander, n'était
pas faite pour cela, elle était faite pour chanter, mais Œdipe ne le
savait pas. C'était une richesse en lui qu'il n'avait pas encore
découverte. Et nous sommes tous comme cela, faits de richesses que
nous ne découvrons pas.
En quoi est-ce encore une tragédie ?
C'est encore une tragédie parce que se découvrir soi-même c'est très
difficile, douloureux. Devenir ce qu'on est est une lutte constante
contre l'esprit, contre le découragement, contre une vision assez
petite que nous avons généralement de l'humanité. La tragédie, ce
n'est pas nécessairement l'abandon complet à la passion, c'est l'idée
de lutte. Il faut maintenir la lutte entre ce qui émerge de
l'inconscient en ébullition et vous pousse vers une expression
exagérée de l'ego et, de l'autre côté, ce qui en soi appelle à l'ordre, à
l'harmonie, à la beauté : le concert des neuf muses qui entremêlent
leurs voix, leurs actions, pour produire quelque chose de beau,
d'utile, qui apporte quelque chose d'agrandissant à l'homme.
Maintenir la lutte entre Dionysos et Apollon.
Votre œuvre est donc une tragédie moderne qui ne se termine pas
mal ?
vous continuez votre lutte, le maître sera Créon et jamais Antigone
ne supportera sa tyrannie".
Non, je ne pense pas. Il y a une très grande différence entre la fin de
mon Antigone et celle de Sophocle dans laquelle l'héroïne se suicide
comme sa mère plutôt que de mourir de faim ou d'étouffer. Dans
mon roman, elle se sacrifie parce qu'il n'y a pas moyen de faire
autrement. Antigone ne souhaite pas la mort mais elle ne peut pas
supporter l'idée qu'à cause d'elle, une nouvelle guerre commence.
C'est une idée juste, sage, pas démesurée... Elle se sacrifie dans des
conditions où elle pourvoit à sa pérennité, ce n'est pas simplement
un sacrifice individuel. Elle crie d'un cri qui ne s'arrêtera plus. Cette
fin n'est pas une fin que j'ai voulue, c'est une fin que j'ai vue.
Exactement comme la mort des deux frères, j'avais d'abord écrit tout
à fait autre chose, et puis, à un moment donné, j'ai vu que c'est
comme cela qu'ils mourraient. Quand les personnages prennent
suffisamment de force en nous, on peut voir ce qu'ils font et soudain,
on ne peut qu'écrire cette vision ! Tant qu'il y a un doute dans les
situations décisives, c'est qu'on n'a pas trouvé.
Pour Œdipe, les affaires politiques sont derrière lui dès la première
page du roman. Il n'est plus le roi et n'a plus aucune velléité de l'être.
Mais plus fondamentalement, cette vie publique qui l'a probablement
motivé pendant plusieurs années est alors remplacée par une quête
artistique, une recherche de la lumière.
Que va réussir à transmettre Antigone par ses visions et son cri audelà de la mort ? Comment aujourd'hui résonne ce cri ?
Ce qu'Antigone transmet essentiellement est sa pensée indépendante
en tant que femme. Elle ne doit plus se soumettre à la pensée des
hommes ni prendre les hommes pour modèle. Ce qui compte pour
Antigone, ce n'est pas sa pensée, ce n'est pas un message, c'est son
être, qui est généreux, courageux. Elle transmettait peut-être autre
chose dans l'Antigone de Sophocle où elle a une obsession de la
mort très forte. Moi je vois au contraire Antigone comme quelqu'un
qui aime la vie et qui ne peut pas supporter certaines injustices et
tyrannies comme celles de Créon. Comme le dit Œdipe à la fin : "Si
Cela vient du fait qu'il veut retourner dans la société et c'est un
moment important pour pouvoir parler avec les autres librement et
donc pouvoir chanter... Dans la scène où il va dans les quatre
directions de l'espace et où chaque fois les gens l'écoutent mais
n'osent pas lui dire : "Viens vers nous", c'est alors seulement que,
poussé par Diotime, Narsès l'invite chez lui et lui dit qu'il l'accepte
comme un homme parmi les autres hommes. Cette scène est très
importante. A ce moment là, commence pour lui une autre vie
publique. Est-ce que cela veut dire qu'il n'y a pas de politique làdedans ? Simplement Œdipe est un criminel réintégré dans la
société comme, au fond, il est juste que les criminels le soient. On
n'a pas encore trouvé tous les moyens de le faire mais la voix de la
justice et de la justesse est dans cette direction-là. Car chacun porte
en soi la force de sa rédemption.

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