vie au poil ? - Patricia Coignard

Transcription

vie au poil ? - Patricia Coignard
MODE D'EMPLOI
VIE SANS POIL
vie au poil ?
Face au diktat de la “pilosité zéro”,
la rébellion gronde et l'on observe
le retour en grâce du poil long et
décomplexé. Au cœur de ce débat
esthétique, une question prévaut :
les poils servent-ils vraiment
à quelque chose ? Par Patricia Coignard
LES POILS SE REBIFFENT
Aisselles touffues de Madonna, Gwyneth Paltrow et Cameron Diaz faisant l’apologie
de la pilosité pubienne : les poils s'allongent et font le buzz. Pour le sociologue
Frédéric Monneyron*, ce phénomène qui bouscule les canons de la beauté
marque « le retour au naturel, à une certaine animalité après des décennies
de domestication à marche forcée des corps, et exprime une lassitude des
contraintes. » Quant aux barbes fleuries des hommes, elles s’interprètent comme
une « recherche de virilité dans un mode de vie “vintage”, très codifié ».
*auteur de l’essai La Frivolité essentielle, édité en poche.
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P
our la plupart des
femmes, l’épilation
est devenue un geste
aussi banal que le
brossage des dents :
87 % déclarent ainsi
la pratiquer régulièrement, 12 %
lorsque le poil est visible, contre
1 % qui n’y a jamais recours (1).
Évolution notable depuis une
vingtaine d’années, s’épiler ne
serait plus une option mais bien
une injonction, autant esthétique
que sociale. Plus de trois femmes
sur quatre estiment ainsi qu’il est
important de s’épiler pour être
physiquement séduisante. Et pour
45 % des moins de 35 ans, que ne
pas être correctement épilée est le
comble du laisser-aller pour une
femme à la plage(2).
Les poils nous rendent
de nombreux services
Plus récemment, par souci hygiéniste ou sous influence indirecte
des stars du porno, l’épilation intégrale féminine et masculine a gagné
du terrain. Trop radicale pour devenir une tendance durable, la pilosité zéro ou presque demeure en
vogue, dans une époque qui traque
sans répit la ride et la graisse. Chez
les hommes, le crâne rasé à la
Bruce Willis, masquant une calvitie galopante, apporte même une
note de séduction.
Que vous soyez tricophile (amateur de poils) ou tricophobe (vous
les avez en horreur), rappelons
à toutes fins utiles que la nature
est bien faite. Vestige de l’homo
sapiens, le poil a eu pendant des
millénaires pour fonction principale d’isoler du froid, de protéger
de la chaleur et de réguler la température du corps. « Aujourd’hui,
les poils servent à ralentir et/ou à
retenir l’écoulement de la sueur au
niveau des sourcils et des aisselles.
Ils contribuent à la conservation
du film hydrolipidique de la peau :
À SAVOIR Les poils participent au sens
du toucher et jouent un rôle
important dans notre sexualité
la glande sébacée guide le sébum
– une sécrétion grasse et hydratante – le long du poil vers l’extérieur. Les cils, les poils des narines
et des oreilles empêchent les poussières de pénétrer dans le corps.
Enfin, les poils protègent des zones
fragiles comme les parties génitales
ou les ganglions », explique le docteur Nadine Pomarède, dermatologue et allergologue à Paris. Plus
subtilement, notre pilosité participe également au sens du toucher
en jouant le rôle d’antennes.
Enfin, appelés “caractères sexuels
secondaires”, les poils témoignent
de la maturité sexuelle de la personne. Et grâce à eux, les odeurs
sexuelles – un puissant signal
érotique – sont parfaitement préservées.
cystites. Les poils ne font pas non
plus transpirer davantage puisqu’ils
servent à évacuer la sueur. Ils ne
favorisent pas davantage les mauvaises odeurs. C’est la stagnation et
la macération de la transpiration
à la surface de la peau qui développe les bactéries responsables
des effluves désagréables. D’où la
présence d’antiseptique dans les
déodorants. Enfin, si vous avez
choisi l’épilation, reste la question
de la méthode : crème dépilatoire,
épilateur électrique, cire à la maison ou en institut ? Optez pour la
voie la moins traumatisante selon
votre peau et la présence ou non
de varicosités sur les jambes. Pour
les parties intimes, le mot d’ordre
est la prudence afin d’éviter une
infection.
Quant à l’épilation définitive : « le
Entre recherche d’hygiène laser dépilatoire et les lampes flash
et risques d'infection
permettent une épilation définitive
Dès lors, faut-il ou non les conser- du poil foncé dans 80 % des cas du
ver ? Afin de vous aider à choisir fait de leur action sur les structures
votre camp, voici quelques don- mêmes du follicule pileux », note
nées qui remettent en question Nadine Pomarède. n
certaines idées reçues. Vous pensiez qu’un pubis glabre était un Selon une enquête Ipsos pour Nair
« Les Françaises et l'épilation », 2009
élément d’hygiène ? En fait, cela
Selon une enquête Ipsos 2013
pour Femme actuelle
augmente le risque d’attraper des
(1) (2) ALOPÉCIE : UNE PERTE DE PILOSITÉ SUBIE
L'alopécie se caractérise par une perte de cheveux abondante (au-delà
de 100 par jour). Si la chute n'est pas ralentie, elle aboutit à la calvitie,
c'est-à-dire l'absence totale de cheveux. Il existe différentes formes
d’alopécie (congénitale, acquise, localisée, diffuse, chronique) dont les
causes et les mécanismes sont variés. Le phénomène peut aussi toucher
les sourcils voire le corps entier (alopécie universalis), qui perd alors tous
ses poils. Trois types de traitements sont possibles : des micro-greffes
de cheveux ; des applications quotidiennes sur le cuir chevelu de produits
contenant du minoxydil ; l'ingestion de dérivés soufrés (cystine), souvent
en association avec de la vitamine B6, ou une association de vitamines (B5,
B6 et B7). La prescription d’un médicament spécifique (la finastéride*) peut
stabiliser le processus chez l'homme.
* Inhibiteur puissant de l’enzyme 5 alpha réductase de type 2, principale responsable de l’alopécie
masculine.
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