La chasse aux talents s`internationalise

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La chasse aux talents s`internationalise
dossier
recrutement
La chasse aux talents
s’internationalise
Quelle que soit la branche d’activité, la mobilité
internationale se développe dans l’assurance.
Côté salaire, le principe d’équilibre par rapport
au pays d’origine s’applique le plus souvent.
Etude de cas dans quatre sociétés.
Par Florence Duflot
A
vec la mondialisation,
la chasse des talents
est ouverte par les
multinationales. Sur
les marchés matures où elles
veulent se renforcer et sur les
marchés émergents où elles
souhaitent s’implanter, il leur
faut trouver les experts pour participer au développement de
leurs activités. D’après l’étude de
Maxis Global Benefits Network
– un réseau international formé
par Axa et MetLife pour fournir de la protection sociale et
des avantages sociaux –, dans
les cinq ans à venir, le nombre
de cadres travaillant à l’étranger devrait s’accroître. Conséquence, une réelle compétition
est née au niveau mondial en
ce qui concerne la recherche de
talents. Certains secteurs comme
la santé, l’informatique, l’industrie pharmaceutique ou encore
les biotechnologies se montrent
très préoccupés par la pénurie de
talents et les difficultés de recrutement. Ce n’est pas encore le cas
dans les secteurs de l’assurance,
de la réassurance et de l’assistance. Car les grands groupes
agissent de façon proactive en
matière d’évaluation des talents
disponibles et gèrent leur mobilité internationale. Zoom sur
la politique de recrutement à
l’international de quatre acteurs :
un courtier, un assureur, un réassureur et un assisteur.
Aon promeut la diversité
Dans le monde du courtage, Aon
se définit comme un groupe global. En France, ses trois activités
sont regroupées dans une seule
entité juridique. Et dans son département international, Aon
Dans les cinq ans à venir,
le nombre de cadres travaillant
à l’étranger devrait s’accroître.
Conséquence, une réelle
compétition est née au niveau
mondial en ce qui concerne
la recherche de talents.
Global Client Network, une quinzaine de nationalités sont représentées. Sur 1 200 collaborateurs
travaillant dans l’Hexagone, le
courtier américain compte environ une cinquantaine d’étrangers. « C’est une vraie richesse
pour l’entreprise que d’accueillir
des profils internationaux, estime
Antoine Bossonnet, DRH. Cela
fait partie de notre politique de
diversité que nous cherchons à
promouvoir. Certains proviennent
de filiales d’Aon dans le monde,
d’autres sont recrutés notamment
par le biais des stages. Il s’agit là
Zoom sur quatre acteurs ouverts à l’international
Nombre de pays d’implantation
Effectif monde
(dont Français expatriés)
Effectif France
(dont impatriés en France)
Allianz Global Assistance
28
10 920 (20)
194 (40)
Société
Aon
120
62 000 (20)
1 200 (50)
Axa
57
114 000 (300)
23 000 (130)
Scor
35
2 200 (20)
600 (60)
Source : LTA
Aon aux quatre coins du monde
Si peu de salariés d’origne française d’Allianz Global Assistance tente l’aventure dans l’une des filiales du groupe, 20% de l’effectif hexagonal
est constitué d’étrangers.
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d’étudiants étrangers qui font
leurs études dans des universités
françaises. Mais il y a aussi des
jeunes diplômés issus de quartiers
populaires. Aon France a noué
un partenariat avec l’association
"Nos quartiers ont des talents". »
Ces collaborateurs étrangers occupent pour la plupart des postes
de chargés de compte, ce sont
des commerciaux qui peuvent
s’appuyer sur des experts techniques dans chacune des lignes
de métier. De niveau bac + 5, ils
sont diplômés le plus souvent
d’écoles de commerce, d’écoles
d’assurance ou de facultés de
droit. En dehors de leur langue
maternelle, ils doivent parler
impérativement l’anglais. Ils sont
amenés à placer des risques de
leur pays d’origine sur le sol
français.
Ceux qui restent moins de 3 ans
sont considérés comme détachés et conservent leur contrat
de pays d’origine. En revanche,
ceux qui dépassent cette durée
se voient proposer un contrat
français. A ces postes, les salaires
fixes sont compris entre 40 et
80 K€ auxquels s’ajoutent un
variable de 10 % à 30 % selon
la performance. « Nous veillons
à appliquer le principe de la tax
equalisation, c’est-à-dire qu’en
net après imposition, le salarié
perçoive la même somme que celle
de son pays d’origine. »
Aon France attire les étrangers
La Tribune de l’assurance // octobre 2012 // n°173
Témoignage
Judith Dourneau
consultant benefits chez Aon
« I l faut bien préparer son départ »
DR
Diplômée de la promotion 2008 de l’Enass, Judith Dourneau a choisi
l’expatriation en s’installant à Melbourne.
« A la suite d’un stage réalisé chez Aon, j’ai été embauchée par ce courtier
au pôle Global Benefits (retraite et santé à l’international). Un domaine
qui se développe mondialement. Durant 3 ans, j’ai travaillé sur différents
projets internationaux depuis Paris. Il s’est trouvé qu’un poste similaire
au département Global Benefit s’est ouvert en Australie ; Aon cherchait
un candidat en interne. J’ai accepté de relever ce défi et ne regrette rien. Dans une structure légère, j’interviens
en tant que consultant benefits sur divers types de projet : gouvernance, politique internationale en assurance
de personne, fusion-acquisition, benchmarking, ouverture de filiales a l’étranger… Un travail passionnant ! Si les
process d’Aon sont identiques, en revanche la culture est bien différente. Sous contrat local, je bénéficie du système
social australien et cotise à un fonds de pension australien. ». En fonction du profil, la rémunération sur un poste de
ce type varie entre 70 000 et 100 000 dollars australiens sur 12 mois (entre 57 000 et 81 000 €), auxquels s’ajoute
un bonus de 10 % à 20 %. Avis aux intéressés, mais attention, « il faut bien préparer son départ et être clair sur la
définition du poste », insiste la jeune femme disposant de la double nationalité franco-australienne.
Propos recueillis par F.D.
Axa gère ses talents
Dans l’assurance, contrairement
à ce que l’on pourrait croire, du
moins chez Axa, les salariés français sont demandeurs pour partir
à l’étranger. C’est ce qu’observe
Guillaume Floquet, DRH adjoint
du groupe. « Les jeunes diplômés
ne sont pas les seuls à montrer
cette appétence – c’est même de-
venu pour eux un critère de sélection de l’employeur. La tranche des
35-40 ans et les seniors en fin de
carrière se montrent aussi intéressés. Les trentenaires le voient
comme un accélérateur professionnel et les seniors comme un
transfert de compétences utile au
groupe. Ils peuvent, par exemple,
stabiliser un business là où ils sont
envoyés sans pour autant freiner
la progression des locaux. » Aussi,
Axa a mis en place une vraie politique de gestion des talents et de
développement à l’international.
« Nous avons élaboré une cartographie de la mobilité internatio-
© Franck Dunuouau
et inversement ses ressources
internes sont chassées par les
autres filiales basées notamment
à Chicago, Singapour, Hong
Kong, Toronto et Melbourne
(voir témoignage ci-dessus).
« Une vingtaine de Français sont
actuellement en mobilité internationale au sein du groupe. Chaque
année, cinq à dix de nos collaborateurs partent à l’étranger. Les
mêmes principes s’appliquent qu’à
l’import. Les mêmes types de poste
sont concernés. Nous offrons aussi
aux jeunes la possibilité d’acquérir une expérience à l’étranger.
Le broking center de Londres,
ouvert depuis 2009, constitue
par ailleurs un appel d’air pour le
placement des risques internationaux », résume le DRH.
La Tribune de l’assurance // octobre 2012 // n°173
nale ; nous effectuons une réunion
hebdomadaire sur les mouvements internationaux et une
revue annuelle des talents. Nous
disposons d’outils spécifiques.
Aujourd’hui, sur un effectif de
114 000 salariés dans le monde,
67 % de nos troupes sont répartis
en Europe, 18 % en Asie, 12 %
dans les deux Amériques et 3 %
en Afrique. Dans l’Hexagone, nous
employons 23 000 personnes.
300 Français sont actuellement
partis à l’étranger pour acquérir
une expérience internationale. »
Ils sont basés en Asie, aux EtatsUnis, au Mexique, au Royaume-
« Les jeunes diplômés
ne sont pas les seuls
à montrer une appétence
pour l’international.
La tranche des 35-40 ans
et les seniors en fin
de carrière se montrent aussi
intéressés. »
Guillaume Floquet
Axa
Uni, en Europe du Nord et dans
le bassin méditerranéen. Ce sont
pour l’essentiel des personnes
ayant des fonctions de management, en dommages, en vie,
en finance et dans les fonctions
transversales comme l’IT. Leur
mission, d’une durée variable,
leur permet de renforcer leurs
liens avec le groupe, tout en se
créant une expérience internationale, en interaction avec les
autres patrons de business.
« En revanche le nombre d’étrangers accueillis en France est
moindre, de l’ordre de 130 »,
selon Susanna Warner, directrice de la mobilité internationale du groupe. « Ils viennent
majoritairement des Etats-Unis,
d’Europe – Royaume-Uni, Suisse,
Allemagne, Belgique – et d’Inde.
Ils sont soit actuaires, contrôleurs
de gestion, directeurs de risque
ou encore informaticiens. Leur
Dans l’assurance,
contrairement
à ce que l’on
pourrait croire, les
salariés français
sont demandeurs
pour partir
à l’étranger.
point commun : ils sont détachés
de leur entité pour une courte
durée, de 3 mois à 1 an, ou sous
contrat français lorsqu’ils restent
plus longtemps. Ils sont payés en
euros avec un salaire fixe plus un
variable, comme l’ensemble des
salariés. » Axa veille aussi à ce
que leur rémunération soit cohérente avec celle de leur pays
d’origine, afin de conserver le
même pouvoir d’achat. Pour faciliter leur intégration, ils peuvent
bénéficier par exemple, de cours
de langues, de formations interculturelles ou d’allocations scolarité pour leurs enfants. A ces
130 impatriés temporaires, il
faut ajouter ceux qui ont fini par
prendre souche en France ou ont
été recrutés localement comme
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>>
dossier
>> Susanna Warner. Pour continuer
En pleine
croissance,
les marchés
asiatiques et sudaméricains offrent
aujourd’hui
de belles
opportunités
de carrière.
d’attirer les meilleurs, le groupe
Axa est en train de mettre en
place un programme international pour les jeunes titulaires de
master susceptibles de travailler
au sein des équipes de gestion
des risques.
50
4,5 M€ en 2012. Les étrangers
sous contrat français local sont
rémunérés comme les autres, un
salaire fixe (en moyenne 70 K€
après plusieurs années d’expérience), un bonus (de 6 % du
fixe jusqu’à 40 % en fonction de
la performance individuelle) et
des actions gratuites (de l’ordre
de 20 000 € par an pour le premier niveau de partnership). Un
quart des collaborateurs Scor
sont en effet considérés comme
partner. Pour la retraite, des
clauses d’équivalence sont introduites dans les contrats. Les programmes de santé et prévoyance
locaux leur sont appliqués.
« Nous avons constaté une accélération de la demande de mobilité
des collaborateurs français vers
d’autres hubs ou bureaux (une
vingtaine par an). Les destinations les plus sollicitées sont les
Etats-Unis et l’Asie ; et les métiers
les plus demandés sont des postes
d’actuaire ou de management.
Dans tous les cas, l’expertise
humaine prévaut. » Plusieurs
Allianz Global Assistance
baigne dans
le multiculturalisme
Dans le secteur de l’assistance, la
globalité et le multiculturalisme
sont aussi de mise. Pour preuve,
chez Allianz Global Assistance,
par exemple, les membres du
Comex proviennent de cinq
pays différents et pas moins de
18 nationalités sont représentées
au siège. « Nos salariés sont formés à une culture internationale,
explique d’emblée Didier Lebret,
chief corporate officer du groupe.
Avec une présence dans 29 pays,
nous favorisons la mobilité interne. Lorsque nous implantons
une filiale dans un pays, nous y
plaçons généralement à sa tête,
les premières années, un homme
du groupe. Christophe Aniel, exDGA France, est un exemple type.
Il dirige la filiale chinoise depuis
« Nos salariés sont formés
à une culture internationale.
Avec une présence dans
29 pays, nous favorisons
la mobilité interne. Lorsque
nous implantons une filiale
dans un pays, nous y plaçons
généralement à sa tête, les
premières années, un homme
du groupe. »
DR
Scor prône la mobilité
internationale
La réassurance est par nature
une activité internationale. Et
les réassureurs recherchent des
compétences pointues partout
où ils opèrent. « Le groupe Scor
s’appuie sur des équipes internationalisées et a construit une
politique RH mondiale », souligne Sébastien Musset, DRH.
Le groupe est structuré autour
de six hubs (New York, Paris,
Londres, Zurich, Cologne et
Singapour) qui témoignent du
caractère décentralisé et multiculturel convenant parfaitement à l’activité internationale
de réassurance, auxquels il faut
ajouter 41 bureaux de front office
répartis sur les cinq continents.
Scor est propulsé par trois moteurs, à savoir la réassurance
vie (Scor Global Life), la réassurance non-vie (Scor Global P&C) et la gestion d’actifs
(Scor Global Investments). En
France, le groupe compte près
de 600 collaborateurs (environ
25 % de l’effectif monde), dont
10 % d’origine étrangère. Scor
attire spontanément les candidats souhaitant travailler dans
un environnement international
et multiculturel. « Nous n’avons
pas de difficulté à recruter. Nous
identifions les bons profils via les
réseaux et les cabinets de chasse.
La cooptation fonctionne bien également. Nous proposons des postes
d’actuaires pricing et reserving,
de souscripteurs traités ou dans
différentes spécialités comme en
énergie, marine, aviation, d’experts avec une dimension managériale. »
La diversité culturelle est profitable. En l’espace de 4 ans, Scor
est passé de 3,5 M€ de primes
émises par salarié en 2007 à
solutions leur sont proposées :
contrat de détachement (pour
moins de 3 ans), et d’expatriation, mais sans prime associée,
transformable en contrat local.
La politique de rémunération
de Scor est appliquée uniformément entre les différents hubs
et sites du groupe dont les trois
composantes sont un revenu fixe,
un bonus annuel et des actions
gratuites. « Nous avons pour souhait de développer cette mobilité
internationale horizontale, qui
permet aux collaborateurs de Scor
d’accroître leurs compétences »,
conclut Sébastien Musset.
Didier Lebret
Allianz Global Assistance
5 ans. Le portefeuille constitué,
nous confierons sous peu la direction à un Asiatique. 95 % des salariés dans nos filiales étrangères
sont des locaux. » Les Français
travaillant à l’étranger bénéficient soit d’un contrat local – ils
peuvent cotiser à la Caisse des
Français de l’étranger (CFE)
pour ne pas perdre leurs droits
à la retraite – soit d’un contrat
d’expatrié. En termes d’évolution professionnelle, ils relèvent
toujours de leur N + 1 en France.
Les fourchettes de rémunération
annuelles se situent entre 100 K€
et 170 K€ en fonction de la taille
des filiales et des missions. La
part variable peut représenter
de 15 à 30 % du fixe.
« Les postes ouverts à l’étranger,
notamment pour les Français,
sont des postes de direction générale, direction financière, direction des systèmes d’information
ou encore direction des ressources
humaines. Nous avons aussi des
besoins sur des métiers experts,
techniques et assurantiels, tels
qu’analystes, souscripteurs, actuaires », explique Didier Lebret.
En pleine croissance, les marchés asiatiques et sud-américains
offrent aujourd’hui de belles opportunités de carrière.
« Les postes vacants sont communiqués au Comex et publiés dans
nos filiales et au siège, précise
Aurélie Nicot, responsable des
RH du siège. Si nous ne trouvons
pas dans nos ressources, nous pouvons faire intervenir des agences
de recrutement internationales.
Nous utilisons encore peu les réseaux sociaux. » Actuellement au
sein d’Allianz Global Assistance,
près d’une centaine de cadres
sont en mobilité dans le monde.
Les étrangers viennent aussi en
France. Ainsi, le poste de chief
risk officer est entre les mains
d’un Néo-Zélandais. Pour les
projets transversaux, en finance
et informatique notamment, les
candidatures étrangères sont
encouragées. Allianz Global
Assistance recherche aussi à
intégrer de jeunes Européens
prêts à s’expatrier. n
La Tribune de l’assurance // octobre 2012 // n°173