LA BELLE DE CADIZ

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LA BELLE DE CADIZ
LA BELLE DE CADIZ
MARDI 26 JUILLET 2011
Lundi 1 août 2011
« La Belle de Cadiz », de Mohamed Rouabhi, Théâtre du Chienqui-Fume à Avignon
En direct d’Avignon
Claire debout
Parmi beaucoup de bons spectacles, le Théâtre du Chien-qui-Fume présente
« la Belle de Cadiz », de Mohamed Rouabhi. Un joli solo théâtral, qui balance
quelques vérités l’air de rien, porté à bout de générosité par l’excellente
Claire Nebout.
Claire adulte nous raconte l’enfance et l’adolescence de Claire enfant en Bretagne. Et c’est pas tous
les jours rigolo, notamment avec un père malade « couché depuis quatre mois maintenant depuis
son accident de travail. Il respire dans une espèce de masque ».
Et il faut changer les bouteilles d’oxygène « à peu près tous les
trois jours ». Un papa presque déjà récupéré dans le Caddie de
la Camarde, en quelque sorte. « La mort traverse le monde des
morts avec son Caddie pour venir traverser le monde des vivants,
traverser la mer, traverser la terre, traverser les champs et
traverser la ville, traverser les rues, chercher le nom des rues,
plisser les yeux pour trouver le bon numéro dans la rue et
traverser le jardin devant la maison pour traverser la porte de la
maison, traverser le couloir, monter les escaliers, trouver la
chambre et traverser la porte de la chambre sans faire de bruit
et, au moment de traverser le corps et l’âme du corps caché sous
les couvertures, la mort sort de sa poche une craie blanche, elle
fait une croix à ta place, elle te pose délicatement dans son
Caddie. »
Côté mère, c’est pas vraiment la joie, non plus, mais elle, elle
planque sa détresse. « Je me souviens très bien des sanglots de
ma mère. Je veux dire la discrétion avec laquelle elle pleurait, il
fallait vraiment être collée à elle pour se rendre compte qu’elle
était en train de pleurer. C’était comme si elle voulait pas faire de
bruit comme si moi qui la tenais tout contre moi je devais pas
recevoir une seule goutte […]. Quelqu’un qui pleure et où t’aurais
tout qui coule à l’intérieur. » Mais, annoncé à la petite Claire de
14 ans par quelqu’un qui « avait les yeux qui tremblaient », le
pire est à venir. Le plus beau, aussi…
La lumière de Nathalie Lerat, la bande-son et la mise en scène de Mohamed Rouabhi se consacrent
discrètement à l’essentiel : faire briller de mille feux le texte et la passeuse d’émotion.
Pour un texte aussi dramatique, aussi fort, aussi doux, aussi triste, aussi gorgé d’espoir, il fallait une
interprète qui se donne autant du cœur que du corps. Avec son sourire à blanchir une âme noire, la
belle Claire Nebout remplit le contrat haut la main. Elle danse sur les mots d’une dizaine de
personnages avec grâce. Avec rage, avec passion, avec douceur. Claire comme de l’eau de roche.
Claire Nebout. Claire debout. Sacrée comédienne. Sacrée femme
La Belle de Cadiz, de Mohamed Rouabhi
Cie Les Acharnés-Mohamed Rouabhi
www.lesacharnes.com
Mise en scène : Mohamed Rouabhi
Avec : Claire Nebout
Chorégraphie : Caroline Marcadé
Lumière : Nathalie Lerat
Son : Mohamed Rouabhi
Costumes : Barbara Gassier
Graphisme : Roma Napoli
Administration : Fabien Méalet
Photo : © Pascal Gély
Théâtre du Chien-qui-Fume • 75, rue des Teinturiers • 84000 Avignon
Site du théâtre : http://www.chienquifume.com
Courriel : [email protected]
Réservations : 04 90 85 25 87
Du 8 au 31 juillet 2011 à 14 h 10, sauf les 18 et 25 juillet 2011
Durée : 1 h 15
17 € | 12 €
JANVIER 2013
JEUDI 24 JANVIER 2013
VENDREDI 25 JANVIER 2013
Claire Nebout, une belle en tous ses éclats
Par Armelle Héliot
Mohamed Rouabhi a écrit pour elle La Belle de Cadiz. Il la met en scène et Caroline Marcadé a réglé
la chorégraphie d'un spectacle qui permet à la comédienne qui a pratiqué la danse et sait chanter,
de donner la mesure de ses talents divers.
En attendant d'écrire le papier que méritent et Claire Nebout et
Mohamed Rouabhi, quelques lignes sur La Belle de Cadiz.
L'héroïne se nomme Claire. C'est pour Claire Nebout que
Mohamed Rouabhi a écrit ce texte qui mêle un fil de vie, un fil
événementiel pris dans le courant de la vie -le naufrage de l'Amoco
Cadiz- et d'autres éclats -la mort de Claude François. Etc...
Une femme, très belle. C'est l'été : une robe rouge en fludité, une
petite veste blanche qu'elle abandonne très vite, des chaussures
ouvertes à talons.
Une femme sculpturale qui s'engueule avec sa mère au téléphone.
Elle est dans la maison de son enfance. Elle se souvient en
particulier de 1978. Elle avait 14 ans. Claire Nebout aussi.
Est-ce qu'elle passait ses vacances dans le Finistère ?
Ce qui compte ici, c'est de voir cette belle comédienne dans des registres différents. En liberté
apparente, mais guidée précisément dans le jeu et la danse.
Il y a quelques détails à régler : peut-être densifier légèrement -tout ce qui concerne l'école peut
être plus serré- car une heure vingt c'est long pour l'interprète très engagée physiquement.
Il y a des lumières qui sont mal réglées, qui ne la flattent pas, elle qui a un si intéressant visage -en
particulier lorsqu'elle est assise à la table.
Mais pour le reste, on la suit, on l'écoute. On aime bien le personnage qui surgit.
De l'écriture, et de la présence très forte de Claire Nebout, naît ce personnage. Naissent des scènes
très fortes comme celle de l'oiseau mazouté que l'adolescente tente de sauver et qui meurt.
Naissent les moments de danse, qui sont superbes.
Est-ce elle ? N'est-ce pas elle du tout ou un peu ou beaucoup ? Ce sont aussi les questons que l'on
se pose. Forcément, puisqu'elle est ici aussi inspiratrice de l'écriture, Claire Nebout est forcément
un peu beaucoup dans le personnage de Claire !
Et c'est passionnément qu'on la regarde s'emparer de ce texte, dans la mise en scène fluide de
l'auteur lui-même et que l'on écoute cette femme mystérieuse et belle, comme une belle passante
dans un poème de Baudelaire.
MARDI 29 JANVIER
PERSONNALITÉS
VIDEO. CLAIRE NEBOUT
: LA "BELLE DE CADIZ"
NOUS FAIT UNE SCÈNE
Rencontre avec la comédienne qui joue au théâtre de la Commune,
à Aubervilliers une pièce de Mohamed Rouabhi.
Aubervilliers, Théâtre de la Commune. Seule sur scène, déjà, Claire Nebout répétait encore
ce jour-là sa "Belle de Cadiz", pièce écrite par Mohamed Rouabhi. Si la comédienne a bien
des yeux de velours, rien à voir avec l'opérette où de toute façon la ville d'Andalousie s'écrit
à la française, car née sous X.
L'auteur metteur en scène donne ses derniers conseils, mais la Nebout nous époustoufle
déjà. Et encore, on ne l'a pas encore vue sur la chorégraphie dessinée par Caroline Marcadé
pour cette pièce où l'histoire d'une femme se mêle avec l'Histoire, celle d'un navire joliment
baptisé jusqu'à ce que son nom soit englué à jamais dans une catastrophe épouvantable :
l"Amoco Cadiz." Rencontre avec Claire, femme debout, qui a l'élégance d'évoquer au
passage son non moins célèbre époux, un certain Frédéric Taddeï.
http://www.dailymotion.com/video/xwyvjw_claire-nebout-la-belle-de-l-amoco-enrepetition_news
VENDREDI 01 FEVRIER 2013
VENDREDI 01 FEVRIER 2013
Critique . « La belle de Cadiz ». Mohamed Rouabhi. Théâtre de la Commune
Djalila Dechache
Le titre est joli, se prête au charme de la musique et de la danse. A ne pas confondre avec Cadix de l’Espagne
flamboyante et tout le tralala. L’image aussi de Claire -Claire Nebout a de quoi faire plaisir. On l’attendait ce
spectacle écrit sur mesure pour la comédienne par Mohamed Rouabhi, mis en scène par lui -même, un peu trop
rare ces derniers temps. Il dit que :
« Nous avions envie de travailler ensemble depuis longtemps avec Claire Nebout. Je me suis mis à écrire une
partition à plusieurs voix. De son côté, elle avait l’envie intime d’affronter seule la scène, pour la première fois. »
Il nous surprend avec cette histoire simple d’une jeune femme ordinaire dans la France des gens simples. C’est
un voyage au cœur d’une jeune fille de Bretagne qui a connu l’ennui de l’adolescence tout en se sentant
différente, ballottée entre une mère un peu rude mais si délicate jusque dans sa manière discrète de
pleurer« c’était comme si elle voulait pas faire de bruit » un père malade, invalide, elle travaillera à la
boulangerie du coin en été, jusqu’au moment où éclate le scandale de l’Amoco-Cadiz. Ce pétrolier qui avait tout
détruit sur son passage, en mer, sur terre n’épargnant rien ni personne, Clo-clo qui tire sa révérence en pleine
gloire, etc …..
Une belle fille comme moi.
Pas facile de tenir presque 1h30mn dans un décor épuré de maison d’enfance, une valise à terre avec des objets
familiers, d’avant, dans les années 78 et plus, solo linéaire, descriptif, introspectif. Ce n’est pas pour autant un
texte facile. Heureusement Claire Nebout dans sa totale simplicité est là, avec son énergie, sa beauté, son regard
de félin, sa tranquillité et son coup de gueule lorsqu’elle décrit combien la marée noire a tout sali y compris les
gens en dedans et pour longtemps. Quand elle se place entre lumière et pénombre, bras tendus vers le geyser
lumineux, les néons la déshabillent et ne lui épargnent rien au point de montrer les contours détaillés de son
corps moulé dans sa robe rouge. C’est osé parce que ce n’est pas forcément flatteur pour une femme. Mais la
lumière ici se veut caresse, se veut nudité et vérité, montre Claire comme elle ne s’est jamais montrée. Comme
cet amant qui la caressait avec ses mains en laissant des traînées noires sur elle, comme « s’il dessinait mon
corps »dit-elle. Alors elle bouge, Claire, de cour à jardin et de jardin à cour, boit la mirabelle de maman ou de
l’oncle Jean, se roule par terre, sort du champ du plateau, se déchausse, se met à genoux, revient, repart et
termine en beauté en se lançant dans un pas de danse, montrant savamment ses jambes dans une envolée
langoureuse à la Cyd Charisse, furtivement.
LUNDI 04 FEVRIER 2013
Mohamed Rouabhi a écrit sur mesure pour Claire Nebout la Belle de Cadiz, un
texte dont il signe aussi la réalisation scénique (2). L’histoire court plusieurs
lièvres à fois. Ce n’est pas un délit, dès lors que cela permet à la comédienne, à
l’élégante beauté farouche, de faire montre de son aptitude à se mouvoir sur
plusieurs registres. C’est donc un monologue à plusieurs entrées. Une jeune
femme, revenue dans son Finistère natal, va feuilleter devant nous le roman
vrai de son adolescence ; la mort du père et celle de Claude François,
l’apprentissage à la boulangerie, un amour brutalement perdu de vue… Il y a
que nous sommes en 1978. Désastre de l’Amoco Cadiz ventre ouvert,
vomissant un bouillon puant. En prime, au début, des fragments d’un reportage
radio sur les manifestations contre le projet de construction d’une centrale
nucléaire à Plogoff. C’est peut-être beaucoup pour une seule femme, mais
Claire Nebout a du ressort, d’authentiques ressources plastiques et du cœur à
l’ouvrage. Elle se paie même le luxe de clore en dansant cette chronique
provinciale, chargée d’affects intimes tramés dans des luttes collectives.
Jean-Pierre Léonardini