La mode des "laits végétaux" présente-t-elle un

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La mode des "laits végétaux" présente-t-elle un
Jean-Paul BLANC – Catherine POGGI
Diététiciens-Nutritionnistes
Neuilly sur Seine
www.cabinet-de-nutrition-et-dietetique.eu
La mode des « laits végétaux » présente-t-elle un risque pour la santé?
Tout dépend si on s’adresse à un adulte ou à un enfant. Les jus végétaux sont abusivement dénommés
« laits », sans aucune légitimité car interdit par la législation (lait d’amande, de soja, de châtaigne...) et
seuls les laits provenant d’animaux ont droit à cette appellation (lait de chèvre, lait de jument, lait
d’ânesse). Ces derniers ne sont pas des laits adaptés aux besoins nutritionnels et physiologiques du
jeune enfant de moins de 3 ans et il ne faut en aucun cas les substituer aux laits infantiles spécifiques.
Leur consommation peut avoir des conséquences dramatiques sur le développement et la santé du bébé
à court, moyen et long terme.
Le plus connu de ces jus végétaux est le tonyu, jus issu des graines de soja. Il n’a pas les mêmes
propriétés que le lait de vache ou de brebis et contient en particulier très peu de calcium (sauf lorsqu’il
est enrichi). Le jus de soja contient des protéines végétales, des graisses en majorité insaturées et pas
de cholestérol (or l’apport en cholestérol est indispensable pour le bébé, au niveau des membranes
cellulaires notamment pour le développement cérébral et permet de mettre en place une bonne
régulation de celui-ci pour plus tard). Enfin, le tonyu est une source de phyto-oestrogènes
(isoflavones) à raison de 18 à 47 mg par litre. Ces phyto-oestrogènes peuvent être utiles dans les
troubles de la ménopause chez la femme mais sont contre-indiqués chez les enfants jusqu’à trois ans
et de toutes façons, chez les garçons.
Valeur nutritionnelle moyenne des « laits » de soja et de vache pasteurisé demi-écrémé
Valeur nutritionnelle pour 100 ml
Kcal
P (g)
L(g)
G (g)
Calcium
(mg)
Jus de soja
39
3,7
2,1
1,4
0,8 à
139*
Lait de vache demi - écrémé
46
3,2
1,6
4,6
118
* selon que le jus est enrichi ou non en calcium
Sources : CIQUAL-AFSSA 2008
Jusqu’à 3 ans le bébé quadruple son poids et double sa taille de naissance. Dans cette phase de
croissance importante, le lait (de femme ou maternisé) reste l’aliment essentiel chez le jeune enfant.
Ainsi pour l’alimentation du bébé jusqu’à 3 ans, pour assurer un bon développement au nourrisson et
garantir sa santé future, il est primordial de ne pas choisir n’importe quel « lait »... le meilleur choix
reste le lait maternel, puis en relais de l’allaitement, le lait 2ème âge jusqu’ à 10-12 mois et ensuite le
lait de croissance jusqu’aux 3 ans du bébé.
Dans certaines situations telles que coliques du nourrisson, reflux persistant, voire troubles du
sommeil, les parents, pensant bien faire ou étant mal informés, peuvent être amenés à arrêter le lait
infantile et à le remplacer par des jus végétaux ou des laits d’animaux ne répondant pas à aux besoins
des nourrissons et enfants en bas âge. Les « jus végétaux », abusivement dénommés « laits » ne sont
pas adaptés et leur composition révèle rapidement leurs points faibles :

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
Une grande pauvreté en calcium, voire un déficit total,
Une grande pauvreté en minéraux, en lipides (acides gras), fer et manque de vitamines A et
B12
Une moindre richesse en protéines (les protéines d’origine végétale sont de moins bonne
valeur nutritionnelle que celles d’origine animale),
Une moindre richesse en calories.
Dès la diversification et jusque 3 ans, l’apport lacté reste essentiel dans l’alimentation du bébé et
indispensable à son bon développement. Les 3 premières années de la vie sont décisives du fait de
l’accroissement staturo-pondéral et du développement cognitif et sensoriel du bébé. Pour assurer ce
développement extraordinaire et garantir une bonne santé future, l’organisme du bébé a des besoins
très spécifiques en fer, en calcium, en acides gras essentiels, en protéines, en vitamine D. C’est pour
répondre à ces besoins nutritionnels particuliers que les laits infantiles ont été conçus : les laits 2ème
âge à partir de 6 mois jusqu’à 10-12 mois, puis les laits de croissance pour les enfants en bas âge de 1
à 3 ans. Trop de mamans l’ignorent encore: 500 ml de lait infantile couvrent la plupart des besoins
essentiels en nutriments de l’enfant de 6 mois à 3 ans. En effet, les laits infantiles apportent :
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

Une dose adaptée de protéines, pour ne pas surcharger l’organisme,
Des vitamines et des minéraux dont le fer,
Des acides gras essentiels (AGE), dont les fameux oméga 3 et les oméga 6, dans des
proportions encadrées.
La composition nutritionnelle des laits infantiles est strictement encadrée par une réglementation
beaucoup plus exigeante que celle imposée aux aliments courants.
En conclusion, pour les nourrissons et les jeunes enfants de moins de trois ans, les jus de soja ne sont
pas adaptés à leurs besoins nutritionnels. Selon l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de
l’alimentation, de l’environnement et du travail) et la Société Française de Pédiatrie, ils sont même
tout à fait contre-indiqués. Quant aux préparations infantiles à base de protéines de soja (PPS), elles
sont désormais déconseillées au moins jusqu'à 6 mois, si l'enfant est à risque allergique, car le soja luimême peut être responsable d'allergies.
Chez l’adulte, les choses sont plus simples et le fait de prendre un jus végétal est moins susceptible de
porter préjudice car on peut se passer du lait et des produits laitiers pour couvrir ses besoins en
calcium. On entend souvent que les besoins en produits laitiers/en calcium sont surestimés en
occident : les femmes japonaises, chinoises ou africaines par exemple n’en consomment pas et ont
très peu d’ostéoporose. Le lait et les produits laitiers ne sont pas indispensables pour assurer les ANC
(apports nutritionnels conseillés) en calcium, mais le choix des autres produits riches en calcium et la
composition du menu quotidien ne seront pas simples. Les ANC ont été établis et justifiés par les
meilleurs spécialistes dans l’ouvrage « apports nutritionnels conseillés pour la population française »
publié en 2001. Les scientifiques proposent 900 mg de calcium par jour pour un adulte et 1200 mg par
jour pour les adolescents, les femmes de plus de 50 ans et les personnes âgées. Ces données
correspondent à peu près à ce qui est préconisé dans les autres pays d’Europe et d’Amérique du nord.
Quand on étudie des rations alimentaires, la part non lactée du calcium journalier représente entre 400
et 450 mg soit moins de la moitié des besoins. Il manquerait donc entre 450 et 800 mg de calcium soit
environ 2 à 4 portions de produits laitiers.
On peut compenser en utilisant des aliments, des boissons, ou bien des compléments alimentaires ou
médicamenteux :
eaux minérales riches en calcium, jus de fruits enrichis en calcium, fruits secs (noix et amandes
apportent 100 à 250 mg pour 100 g, les figues sèches 160 mg aux 100g), mais aussi les petits poissons
avec arêtes comme la sardine, les anchois frais (200 mg aux 100g), les crustacés tels le crabe, les
crevettes, les mollusques qui apportent tous en moyenne 100 mg de calcium aux 100 g.
Mais il vaut mieux compter sur ces bons aliments pour compléter et non remplacer l’apport en
calcium par les produits laitiers. En effet, c’est dans ceux-ci que le calcium est le plus concentré et le
plus facile à assimiler par l’organisme. Sans eux, il est difficile de combler nos besoins.
Ce type de « régime », sans produits laitiers, s’il est faisable, n’est pas très digeste à la longue et peut
entraîner des troubles du transit.
Chez l’adulte, on sait qu’au delà des 20 premières années, le capital calcique ne peut plus augmenter ;
et même qu’il ne fera que baisser avec l’âge, si vous ne consommez pas assez de calcium et si l’apport
en vitamine D quotidien n’est pas suffisant. C'est le cas chez les adeptes de régimes déséquilibrés, les
anorexiques ou dans certaines situations de précarité. Un effort permanent est alors à fournir tout au
long de la vie. Particulièrement, chez les femmes dont les os se déminéralisent au rythme de 2 à 3%
par an à partir de la ménopause. Les fractures du col du fémur, du poignet et les tassements vertébraux
sont fréquents chez les personnes âgées. Responsable principal : l’ostéoporose parfois due au fait de ne
pas avoir constitué un capital calcique suffisant pendant les 20 premières années de sa vie *.
Heureusement, si nous ne pouvons pas toujours enrayer ce phénomène, nous pouvons le réduire en
continuant de consommer au moins 3 produits laitiers par jour et en ayant une pratique sportive en
plein air suffisante, l’activité physique permettant une meilleure fixation du calcium sur l’os et les UV
une meilleure synthèse de la vitamine D. Les personnes âgées devraient recevoir au moins une dose
concentrée de vitamine D pendant l'hiver (en parler à son médecin).
* la génétique joue un grand rôle dans l’ostéoporose. Il existe des familles à risque et d’autres pas.
NB :

50% des français digèrent mal le lait pur. L’intolérance au lactose, contrairement à l’allergie, n’est
pas une réaction immunologique. Elle est due à un déficit en un enzyme, appelé lactase, qui permet
de digérer le lactose du lait. L’activité lactasique intestinale dépend des individus et diminue avec
l’âge, sauf chez les consommateurs réguliers de produits laitiers. On pense qu’environ la moitié de
la population française aurait un déficit en lactases et aurait du mal à digérer le lait pur (sauf en
petite quantité). Par contre, le lait dans les préparations ou sous forme de yaourt (principalement au
lait entier) est bien toléré.

Pour ce qui concerne les laits d’ânesse, de jument, de chèvre, de brebis, ils ne répondent pas
toujours aux besoins des nourrissons et enfants en bas âge et peuvent exposer l’enfant à des
carences en fer, en vitamines A, C, D, B9 et B12. Certains contiennent trop de protéines ou sont
trop gras comme le lait de brebis. Enfin, le lait d’ânesse, proposé par certains éleveurs, ne présente
pas de garanties suffisantes en matière de contrôle infectieux. Le lait de chèvre est moins utilisé que
le lait de vache mais au niveau des nutriments, a une composition proche du lait de vache,
notamment en protéines, lipides et glucides.