Risque de tuberculose parmi le personnel d`un grand hôpital public

Transcription

Risque de tuberculose parmi le personnel d`un grand hôpital public
Int J Tuberc Lung Dis; 12(8): 949-954
© The Union 2008
Risque de tuberculose parmi le personnel d’un grand hôpital public
au Kenya
T. Galgalo,*† S. Dalal , ‡§ K. P. Kain, §¶ J. Oeltmann, ¶ C. Tetteh,* J. G. Kamau, # M. K. Njenga, **
R. F. Breiman, ** J. M. Chakaya, †† H. M. Irimu, # B. Miller, ‡ K. M. De Cock, ‡‡ N. N. Bock, ‡ K. Ijaz ¶
* Field Epidemiology and Laboratory Training Programme, Centers for Disease Control and Prevention (CDC), Nairobi, †Jomo
Kenyatta University of Agriculture and Technology, Nairobi, Kenya ; ‡ Global AIDS Program, § Epidemic Intelligence Service,
¶
Division of Tuberculosis Elimination, CDC, Atlanta, Georgia, USA ; # Kenyatta National Hospital, Nairobi, ** International
Emerging Infectious Diseases Programme, CDC, Nairobi, †† National Leprosy and Tuberculosis Programme, Ministry of Health,
Nairobi, ‡‡ Global AIDS Program, CDC, Nairobi, Kenya.
Résumé
CADRE : En Afrique sub-saharienne, les taux élevés de tuberculose (TB) et d’infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) représentent une menace grave de TB professionnelle chez les agents de santé.
OBJECTIF : Pour identifier les facteurs associés à la maladie tuberculeuse parmi le personnel d’un hôpital de 1800 lits au
Kenya.
SCHEMA : Nous avons calculé l’incidence de la TB parmi le personnel et mené une enquête cas-contrôle où les cas de TB
étaient ceux diagnostiqués parmi le personnel (n = 65) et les contrôles (n = 316) des sujets sélectionnés au hasard parmi le
personnel sans TB récente.
RESULTATS : L’incidence annuelle de la TB entre 2001 et 2005 a varié entre 645 et 1 115 pour 100 000 personnes. Les facteurs
associés à la maladie tuberculeuse ont été un plus grand nombre d’heures quotidiennement passées dans les salles où des
patients étaient hospitalisés (aOR 1,3 ; IC95% 1,2-1,5), la fait de travailler dans des zones où les patients TB bénéficiaient de
soins (aOR 2,1 ; IC95% 1,1-4,2), l’infection VIH (aOR 29,1 ; IC95% 5,1-167), le fait de vivre dans un bidonville (aOR 4.7 ;
IC95% 1,8-12,5) ou dans un hébergement fourni par l’hôpital au personnel à faibles revenus (aOR 2,6 ; IC95% 1,2-5,6).
CONCLUSION : Dans cet hôpital, les expositions hospitalières sont en association avec la maladie TB des membres du personnel
quel que soit le travail qui leur est attribué, même après contrôle pour les conditions de vie, ce qui suggère une transmission en
provenance des patients. Les services de soins de santé doivent améliorer leurs pratiques de lutte contre l’infection, assurer des
services de qualité pour la surveillance des maladies professionnelles et encourager le personnel à se faire tester pour l’infection
tuberculeuse afin de faire face au fardeau de la TB parmi le personnel hospitalier.
MOTS CLÉS : tuberculose ; VIH ; transmission ; facteurs hospitaliers ; agents de santé
En Afrique sub-saharienne, les taux élevés de
tuberculose (TB) et d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) représentent une menace
grave de TB professionnelle pour les agents de santé
et par extension pour les systèmes de soins de santé
qui manquent déjà de personnel.1-3 La transmission de
Mycobacterium tuberculosis dans les hôpitaux, documentée grâce au génotypage moléculaire, a été signalée dans
les pays à ressources élevées qui bénéficient de programmes performants de maîtrise de l’infection ; elle constitue
une préoccupation importante dans les pays à ressources
limitées où de tels programmes peuvent ne pas exister.4
Des études menées en Afrique et dans d’autres parties du
monde ont démontré que le personnel hospitalier court
un risque plus important d’infection par M. tuberculosis
et de maladie tuberculeuse que la population générale.5-9
Les facteurs en association avec la transmission nosocomiale de la TB incluent les types de métiers impliquant
des soins aux patients TB, l’âge de l’agent de santé, l’infection VIH et le délai entre diagnostic et mise sous trai-
tement des patients atteints de TB.10-14 Toutefois, il existe
des données limitées sur les autres facteurs associés à la
TB d’origine professionnelle.11,15,16
Le Kenya se classe dixième au niveau mondial pour
le nombre estimé des nouveaux cas de TB. En 2004,
son taux national de déclaration des cas de TB a été de
301/100 000 habitants.17 Outre le fardeau important de
TB, le Kenya connaît une épidémie généralisée de VIH :
on estime que 6,7% de la population adulte est séropositive pour le VIH.18 L’épidémie VIH a contribué de manière significative à la résurgence de la TB dans le monde
et les personnes infectées par le VIH, y compris le personnel hospitalier, courent un risque plus important de
maladie TB.19-22 Les données publiées en ce qui concerne
la prévalence du VIH parmi le personnel hospitalier sont
limitées, mais deux études signalent que 35% à 80% ne
connaissent pas leur statut sérologique du VIH. 23,24
En mars 2005, un journal local a publié des taux élevés de tuberculose parmi le personnel d’un hôpital public
de soins tertiaires de 1800 lits à Nairobi, Kenya. Nous
Auteur pour correspondance : Kevin Cain, 1600 Clifton Rd, MS-E-10, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta,
GA 30333, USA. Tél. : (+1) 404 639 2247. Fax : (+1) 404 639 1566. e-mail : [email protected]
[Traduction de l’article : « Tuberculosis risk among staff of a large public hospital in Kenya » Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(8):
949-954]
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
avons cherché à caractériser l’épidémie de TB et à identifier les facteurs de risque dans le personnel de cet hôpital afin d’orienter les interventions destinées à réduire la
transmission de M. tuberculosis.
MéTHODES
Nous avons utilisé plusieurs approches pour l’étude des
aspects de la TB dans cet hôpital : une description du
personnel hospitalier atteint d’une TB, des observations
sur les pratiques de maîtrise de l’infection et une étude
cas-témoin afin d’identifier dans le personnel les facteurs
de risque pour la maladie TB.
Le protocole de cette étude a été approuvé par le
Comité d’Ethique et de Recherche de l’hôpital.
Epidémiologie descriptive des cas de TB
dans le personnel
Nous avons revu le registre de traitement TB du personnel de cet hôpital pour déterminer les taux de maladie
TB. Nous avons défini un cas de TB dans le personnel de
cet hôpital comme n’importe quel membre du personnel
chez qui on a diagnostiqué une TB et qui a été enregistré
pour un traitement TB à l’hôpital entre le 1er janvier 2001
et le 15 septembre 2005. Nous avons inclus les cas diagnostiqués par l’examen microbiologique (frottis de crachats positifs pour les bacilles acido-résistants [BAAR]
ou par des examens cliniques (radiographie du thorax,
symptômes objectifs et subjectifs). Nous avons colligé
les caractéristiques démographiques et cliniques de l’ensemble de ces patients. Comme le statut sérologique du
VIH n’était pas noté dans le registre, le personnel a recherché les renseignements concernant ces patients dans
les dossiers médicaux de la polyclinique TB et de l’hôpital et nous avons revu l’ensemble des données disponibles afin de déterminer le statut sérologique du VIH.
Observation des pratiques au sujet de la maîtrise
de l’infection
Nous avons conduit des interviews non structurées avec
le personnel, observé les pratiques pour la maîtrise de
l’infection en ce qui concerne les contrôles administratifs
et environnementaux ainsi que la protection respiratoire
du personnel.
Facteurs de risque pour la TB parmi le personnel
Nous avons conduit une étude cas-témoin sans appariement afin d’établir pour le personnel de cet hôpital, les
facteurs hospitaliers de risque pour la maladie TB. Nous
avons inclus tous les cas de TB diagnostiqués parmi le
personnel entre le 1er janvier 2003 et le 15 septembre
2005 et enregistrés pour un traitement TB à la polyclinique de l’hôpital. Les témoins ont été des membres du
personnel sans antécédent de traitement TB durant la
même période, sélectionnés au hasard à partir d’une liste
de 4 833 employés actuellement au travail. Nous avons
essayé d’interviewer au moins 4 témoins pour chaque cas
interviewé. Nous avons tenté de contacter tous les jours
les membres du personnel sélectionnés comme témoins
et nous avons obtenu l’information grâce à des contacts
avec les superviseurs au cours de la période d’une semaine et demi de recueil des données.
Après avoir obtenu un consentement éclairé, nous
avons mené des interviews structurées avec l’ensemble
des cas et des témoins afin de recueillir les informations
concernant les expositions hospitalières, y compris le
type de tâches, les heures de travail passées dans une
chambre avec n’importe quel patient, le site du travail
et le nombre d’années de travail à l’hôpital. Nous avons
aussi recueilli les informations au sujet de facteurs qui
pourraient être des agents confondant la relation entre la
maladie TB et les expositions hospitalières, en l’occurrence la situation démographique, le genre de vie (par
exemple habiter dans un taudis, vivre à l’étroit dans un
ménage), la possibilité d’être exposé à M. tuberculosis
dans la famille et le statut VIH.
Définitions utilisées pour l’analyse des données
A l’hôpital, les endroits à haut risque ont été définis comme des zones où les patients TB pouvaient recevoir des
soins, la salle d’urgence (accident), la polyclinique TB
et les salles de médecine pour les patients hospitalisés.
Nous avons défini comme personnes travaillant ou ayant
travaillé dans des endroits à haut risque celles auxquelles
n’importe laquelle de ces zones avait été attribuée pour
leur travail actuel ou antérieur. Pour estimer les conditions de logement, nous avons demandé aux participants
d’indiquer s’ils avaient vécu dans un taudis, dans un hébergement mis à la disposition par l’hôpital pour le personnel à bas salaires ou dans d’autres types de logement.
Les tâches attribuées au personnel ont été obtenues à partir des fiches de travail de l’hôpital. On a inclus dans cette
étude le personnel assigné à toutes les tâches (personnel
administratif, gardiens, infirmières, médecins techniciens
de laboratoire, livreurs).
Analyse des données
Dans le questionnaire de l’étude cas-témoin, la réponse
pour toute les variables, pouvait être : « non connu » ou
« refusé ». La réponse « non connu » a été utilisée pour
les analyses de variables évaluant la connaissance (par
exemple, la connaissance du statut VIH et la connaissance des directives pour le contrôle des infections hospitalières), mais dans les autres cas, la réponse a été codée
comme manquante. La réponse « refusé » a été codée
comme manquante. Pour l’analyse bivariée des variables
catégorielles, nous avons comparé les proportions en utilisant le χ2 et quand c’était approprié, les tests exacts de
Fisher. Pour les variables continues, nous avons comparé
les médianes en utilisant le rank sum test de Wilcoxon et
comparé les moyennes en utilisant le test de Student. Pour
l’analyse multivariée, nous avons réalisé une régression
logistique où nous avons inclus l’ensemble des expositions en relation avec l’hôpital et les facteurs confondants
potentiels d’une valeur de P < 0,2 dans l’analyse bivariée pour le modèle initial. Notre modèle final a inclus
les expositions hospitalières et les facteurs sans relation
avec l’hôpital qui ont été des agents confondants pour
l’association entre la maladie TB et les expositions hospitalières à une valeur alpha < 0,05. Le nombre d’heures
passées par jour dans une chambre avec les patients a été
modélisé comme une variable continue pour fournir les
estimations pour chaque heure additionnelle d’exposition
aux patients.
Risque de tuberculose parmi le personnel hospitalier
RÉSULTATS
Epidémiologie descriptive des cas de TB
dans le personnel
Tableau 2 Comparaison par variables sélectionnées des cas de
tuberculose dans le personnel hospitalier et chez les contrôles*
Entre le 1 janvier 2001 et le 15 septembre 2005,
215 membres du personnel ont été traités pour TB dans
cet hôpital. Les taux annuels d’incidence de la TB dans le
personnel sont passés de 645 à 1 115 /100 000 sur une période de 5 ans (Tableau 1). Sur les 215 cas de TB dans le
personnel, on a disposé de cartes médicales pour l’étude
de 71 cas (33%). Sur ces 71 cas, 46 (65%) ont été traités
pour TB pulmonaire. Parmi ces 46 patients, les frottis de
crachats se sont avérés positifs à la bacilloscopie chez
11 d’entre eux (24%) et négatifs chez 20 (43%), alors que
pour 15 autres (33%), les résultats de l’examen des frottis n’étaient pas disponibles. Les résultats des tests VIH
n’ont été trouvés que dans 22 des 71 cartes médicales
(31%) et parmi ceux-ci, 19 (86%) étaient positifs.
er
Observation des pratiques de maîtrise de l’infection
Les patients hospitalisés pour un diagnostic de TB sont
isolés dans deux chambres dans chacune des huit salles
de médecine générale ; toutefois, les patients suspects
de TB ne sont pas isolés avant le diagnostic. Seules les
fenêtres assurent une ventilation et elles sont souvent
fermées, particulièrement la nuit. Dans le quartier des
patients ambulatoires, les patients suspects de TB et les
autres patients sont entassés ensemble dans les salles
d’attente pendant plus de 6 heures, que ce soit dans le
service des urgences ou dans les services pour patients
externes. Les salles d’attente ne comportent ni fenêtre,
ni ventilateur. Les échantillons de crachats sont souvent
recueillis dans les zones de soins des patients, au chevet
du lit ou dans les salles d’attente. Le personnel de l’hôpital qui soigne les patients TB utilise parfois des masques
chirurgicaux en papier mais l’emploi de masques à respirateur n’est pas signalé. La majorité des membres du
personnel (88%) déclarent soit qu’ils n’ont pas connaissance de l’existence de directives de maîtrise de l’infection hospitalière, soit qu’ils n’y ont pas accès à leur poste
de travail (Tableau 2).
Facteurs de risque de TB dans le personnel
La proportion du personnel qui a répondu à la demande d’interview a été de 65/127 (51%) pour les cas et de
316/580 (55%) pour les témoins échantillonnés au hasard. Les personnes non interviewées soit avaient refusé
soit n’étaient pas libres au moment du recueil des données. Les caractéristiques des cas interviewés et non inTableau 1 Taux annuel de cas de TB dans le personnel de l’hôpital
Année
2001
2002
2003
2004
2005
Nombre de cas
parmi le personnel
34
54
58
41
40*
Nombre total
de personnel
5268
5265
5202
5153
4833
Taux /100 000
645
1026
1115
796
828
Les données de 2005 incluent les 29 membres du personnel chez qui
on a diagnostiqué une maladie TB jusqu’au 15 septembre au cours de
la collecte des données et 12 patients supplémentaires diagnostiqués
jusqu’au 31 décembre 2005 après l’achèvement de la collecte des données. Le personnel chez qui le diagnostic a été porté de 2003 au 15 septembre 2005 (n = 127) a été invité à participer à l’étude cas-contrôle.
Variables
Sexe
Féminin
Masculin
Age médian, années
( extrêmes)
Cas
(n = 65)
n (%)
Contrôles
(n = 316)
n (%)
38 (58)
27 (42)
182 (58)
132 (42)
37 (24-54) 37 (25-54)
Heures par jour dans
u
n local avec patients,
moyenne (extrêmes)
7,4 (0-15) 4,9 (0-14)
Travail dans un poste à haut risque†
Oui
21 (32)
57 (18)
Non
44 (68)
259 (82)
Type de travail
Administration
8 (13)
46 (15)
Médecins/agents
c liniques
4 (6)
7 (2)
Infirmières
17 (27)
112 (36)
Aides/nettoyeurs
28 (45)
72 (23)
Laboratoire
1 (2)
13 (4)
Techniciens/thérapeutes
1 (2)
21 (7)
Autre
3 (5)
44 (14)
Habitation
Taudis
11 (17)
25 (8)
Hébergement de l’hôpital
(faibles revenus)
16 (25)
49 (16)
Autre
38 (58)
238 (76)
Surpopulation du ménage
Nombre moyen de
personnes
par pièce
habitable (extrêmes)
1,7 (0,3-5) 1,7 (0,2-7)
VIH
Infectés par le VIH
12 (19)
2 (1)
Non-infectés par le VIH
33 (52)
163 (52)
Statut VIH inconnu
19 (30)
146 (47)
Antécédents de BCG
Dossier BCG +
c icatrice BCG
Pas de dossier BCG +
c icatrice BCG
Dossier BCG +
p
as de cicatrice BCG
Pas de dossier BCG +
p
as de cicatrice BCG
Valeur
de P
0,94
0,98
<0,0001
0,01
Référent
Référent
0,11
0,77
0,07
0,46
0,24
0,18
0,01
0,03
Référent
0,75
<0,001
Référent
0,15
48 (84)
283 (92)
0,12
1 (2)
2 (1)
0,93
4 (7)
14 (5)
0,59
4 (7)
9 (3)
Référent
52 (81)
12 (19)
197 (65)
106 (35)
0,01
Référent
Membre du ménage atteint de TB
Oui
14 (22)
Non
51 (78)
33 (11)
281 (89)
0,04
Référent
Années de travail à l’hôpital
0-4
14 (22)
5-9
18 (28)
≥ 10
33 (51)
49 (16)
104 (33)
163 (52)
Référent
0,2
0,34
A soigné des patients TB
Oui
Non
Les postes de travail disposent-ils de directives de contrôle
d
es infections hospitalières ?
Oui
12 (18)
34 (11)
Référent
Non
37 (57)
253 (80)
0,02
Inconnu
16 (25)
29 (9)
0,002
Fenêtres ouvertes pendant le travail
Toujours
34 (52)
Parfois/jamais
31 (48)
125 (40)
188 (60)
0,07
Référent
En cas de diagnostic d’une TB dans l’avenir,
v ous feriez-vous traiter dans cet hôpital ?
Oui
63 (98)
294 (94)
Non
1 (2)
19 (6)
0,18
Référent
* Dans les colonnes, les nombres de cas et de contrôles peuvent ne
pas atteindre le total N en raison de données manquantes. Les pourcentages peuvent ne pas atteindre 100 en raison de chiffres arrondis.
†
Un site à haut risque a été défini comme une zone où les patients TB
sont soignés et incluent les salles d’urgence (accidents), les salles de
médecine générale et la polyclinique TB.
VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; BCG = bacille de Calmette
et Guérin ; TB = tuberculose.
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
terviewés ont été similaires en ce qui concerne l’âge et
les postes de travail. La distribution des postes de travail
parmi les témoins interviewés a été similaire à la distribution parmi les témoins non interviewés ainsi qu’à la
distribution parmi l’ensemble du personnel de l’hôpital,
à l’exception des médecins. Ces derniers ont été sous-représentés dans le groupe interviewé.
Au Tableau 2, apparaissent les comparaisons nonajustées entre les cas et les témoins. L’âge moyen et le
sexe ont été les mêmes dans les deux groupes, de même
que le nombre de personnes par pièce habitable dans la
maison. Le nombre moyen d’heures passées par jour par
le personnel dans une chambre avec des patients s’est
avéré plus important pour les cas (7,4h ; extrêmes 0-15)
que pour les témoins (4,9 h ; extrêmes 0-14). Les cas ont
été plus susceptibles que les témoins d’habiter dans un
taudis (17% vs. 8%) ou dans un hébergement mis à la
disposition par l’hôpital au personnel à faibles revenus
(25% vs. 16%). L’infection par le VIH a été signalée chez
deux témoins (1%) et chez 12 cas (19%). La proportion
du personnel qui a déclaré n’être pas infecté ou ne pas
connaître son statut sérologique pour le VIH s’est avérée
similaire dans les deux groupes.
La régression multivariée logistique a relevé dans le
personnel plusieurs facteurs en étroite association avec la
maladie TB : chaque heure additionnelle passée par jour
dans une chambre avec des patients (odds ratio ajusté
[ORaj] 1,3 ; intervalle de confiance [IC] 95% 1,2-1,5), le
fait de travailler dans des zones où les patients ont reçu
des soins (ORaj 2,1; IC 95% 1,1-4,2), l’infection par le
VIH (ORaj 29,1; IC 95% 5,1-167), et le fait de vivre dans
un taudis (ORaj 4,7; IC 95% 1,8-12,5) ou dans un hébergement de l’hôpital pour le personnel à faibles revenus
(ORaj 2,6 ; IC 95% 1,2-5,6) (Tableau 3). Après dichotomisation du nombre d’heures passées dans une chambre
avec des patients, le fait de passer ≥ 5 h par jour dans
une chambre avec des patients a été en association étroite
avec la maladie TB dans le personnel (ORaj 5,7 ; IC 95%
2,2-14,9), après contrôle pour les autres facteurs notés
plus haut.
Tableau 3 Modèle de régression logistique multivariée pour la
comparaison de caractéristiques sélectionnées dans le personnel hospitalier entre les cas de tuberculose et les contrôles
Variable
Chaque heure additionnelle par jour
dans un local avec des patients
Travail dans un site à haut risque†
Oui
Non
VIH
Infectés par le VIH
Non-infectés par le VIH
Statut VIH inconnu
Habitation
Taudis
Hébergement par l’hôpital
(faibles revenus)
Autre
ORaj (IC 95%)
multivarié
1,3 (1,2-1,5)
2,1 (1,1-4,2)
Référent
29,1 (5,1-167)
Référent
0,5 (0,2-0,9)
4,7 (1,8-12,5)
2,6 (1,2-5,6)
Référent
* 15 dossiers ont fait défaut pour cette analyse parce que une ou plusieurs
variables faisaient défaut.
†
Un site à haut risque a été défini comme une zone où les patients TB
sont soignés et incluent les salles d’urgence (accidents), les salles de
médecine générale et la polyclinique TB.
ORaj = Odds ratio ajusté ; IC = intervalle de confiance ; VIH = virus de
l’immunodéficience humaine.
DISCUSSION
Cette étude est la première à documenter le fait que le
personnel court un risque accru de maladie tuberculeuse
pour chaque heure de travail additionnelle par jour passée dans une chambre avec les patients quel que soit son
type de travail. L’importance de cette observation est particulièrement claire quand on prend note du fait que les
risques de maladie tuberculeuse sont cinq fois plus élevés
pour le personnel qui passe au moins cinq heures par jour
dans des locaux de soins pour patients par comparaison
avec ceux qui passent moins de temps dans les locaux de
soins pour patients. Nous avons trouvé également que le
travail dans un site à haut risque est associé de manière
indépendante à la TB après contrôle pour l’infection par
le VIH et la situation de vie. Ces observations suggèrent
la transmission à partir des patients vers le personnel hospitalier et insiste sur la nécessité de mise en œuvre de stratégies de lutte contre l’infection, particulièrement dans
les zones où l’infection par le VIH est très prévalente.
Nous avons trouvé que pour chaque heure supplémentaire passée par jour par le personnel hospitalier dans
un local avec des patients, son risque de voir le diagnostic de TB porté chez lui est multiplié par 1,3, quelque soit
son type de travail. La littérature publiée au sujet du type
de travail sur la TB chez les agents de santé donne des
résultats contrastés. Une étude à Kampala, Ouganda a signalé que l’âge et le secteur d’emploi sont en association
avec une infection TB latente (LTBI) dans le personnel,
mais que le type de travail ne l’est pas.12 D’autres avaient
trouvé que le type de travail, particulièrement le travail
d’infirmier, est en association soit avec le virage des tests
cutanés tuberculiniques soit avec la maladie TB chez les
travailleurs hospitaliers dans les contextes à haute prévalence de TB.25,26 Parmi les études qui ont évalué les
contacts directs ou indirects avec les patients,13,27,28 une
étude seulement a trouvé une association statistiquement
significative avec le contact direct avec le patient.27 Le
personnel technique, comme les balayeurs, peut passer
autant de temps dans un local avec patients que ne le font
les infirmières ou les médecins juniors de service et peut
dès lors être exposé de manière équivalente à M. tuberculosis présent dans l’air. Tous les types de travail devraient
être pris en compte lorsque les gestionnaires hospitaliers
mettent en œuvre des mesures pour interrompre la transmission de M. tuberculosis.
Comme signalé dans d’autres études, nous avons
trouvé que le fait de travailler dans des sites à haut risque
est en association indépendante avec la maladie TB.25,26
Les patients atteints de maladie TB non diagnostiquée,
qui n’étaient pas isolés ou qui étaient mis immédiatement
sous traitement peuvent avoir été une source de transmission dans les salles d’attente très fréquentées ou dans les
salles d’hospitalisation de médecine. Beaucoup de pratiques de lutte contre l’infection peuvent être appliquées à
faible coût dans des contextes à ressources limitées.29 La
mise en œuvre de mesures relativement peu coûteuses
comme la séparation des patients tousseurs et une accélération de leurs soins, une amélioration de la ventilation et
la formation du personnel dans la lutte contre l’infection
pourraient réduire le nombre de membres du personnel
et celui d’autres patients en contact avec des aérosols de
M. tuberculosis.29
Risque de tuberculose parmi le personnel hospitalier
L’infection VIH est le facteur de risque connu le plus
puissant de progression de l’infection vers la maladie
TB,30 et est en association étroite avec le fait d’être un
cas de TB dans notre étude. Toutefois, près de la moitié
des contrôles et 30% des cas ne connaissaient pas leur
statut VIH. Ceci est en corrélation avec les données précédentes mettant en évidence le manque de conscience
du statut VIH parmi les agents de santé et la nécessité
urgente de voir les programmes faire face spécifiquement
à ces besoins.23,24,31 L’ensemble du personnel doit avoir
un accès aisé au test VIH sans discrimination ou perte
de confidentialité. Les options potentielles sont le test
spontané et l’utilisation de polycliniques spéciales. Tout
membre du personnel infecté par le VIH, dont le travail
implique un contact avec les patients, devrait avoir accès
à une protection respiratoire personnelle ou avoir la possibilité de se faire reclasser dans un contexte à moindre
risque. Chacune de ces interventions peut comporter un
risque de stigmatisation. Des efforts pour éviter la stigmatisation tout en protégeant le personnel sont nécessaires.
Nairobi est le site d’un des plus grands quartiers pauvres d’Afrique et on estime que plus de la moitié de la
population urbaine du Kenya vit en dessous du seuil de
pauvreté.32 Dans notre étude, le contexte de vie est en
association indépendante avec la maladie TB. Toutefois,
même après avoir contrôlé le contexte de vie à haut risque, l’exposition aux patients à l’hôpital reste toujours
associée à un risque de maladie TB dans le personnel.
Une TB s’est produite chaque année chez 0,6% à 1%
du personnel de cet hôpital. Comme ce personnel comporte un risque élevé d’exposition à la TB à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital, il pourrait bénéficier
d’un programme puissant de santé professionnelle. Dans
des pays tel que le Kenya où le fardeau de la TB est élevé
et la LTBI courante, le bénéfice potentiel des tests de diagnostic et celui du traitement de la LTBI pour le personnel
est inconnu. Toutefois, tout le personnel travaillant dans
des zones de soins aux patients devrait être très conscient
des symptômes et des modes de transmission de la TB et
devrait avoir accès à des investigations gratuites et confidentielles lorsqu’il présente les symptômes objectifs et
subjectifs de la maladie.
Nous avons identifié les limitations suivantes à cette
étude. Les données ont été autorapportées dans l’étude
cas-témoin et n’ont pas pu être validées de manière indépendante. Les taux de réponse ont été moins qu’optimaux. Il est possible que les groupes interviewés et non
interviewés aient différé d’une manière ou l’autre qui
puisse avoir un impact sur notre évaluation des facteurs
de risque de maladie TB. Toutefois, ceci n’est pas probable puisque nous n’avons pas identifié de différences
substantielles entre les personnes interviewées ou non. Il
existe également un potentiel de biais au cas où le degré
de sous-déclaration du statut sérologique VIH diffèrerait
entre les cas et les témoins. Si le personnel infecté par le
VIH était moins susceptible d’être au travail au cours de
la collecte des données en raison d’une maladie liée au
VIH, notre échantillon aurait sous-estimé la prévalence
de l’infection VIH au sein du personnel hospitalier.
Notre investigation a révélé que le risque de TB augmente pour chaque heure supplémentaire passée dans un
local avec un patient par n’importe quel type de membre
du personnel. Ceux qui travaillent dans des zones à haut
risque et ceux qui ont signalé avoir une infection VIH
encourent un risque plus haut encore. La mise en évidence de l’accroissement de risque de maladie TB parmi
le personnel dans cet hôpital de Nairobi est encore plus
frappant aujourd’hui, à un moment où la TB due à des
germes ultra résistants a été découverte dans les contextes à ressources limitées.33 La lutte contre l’infection et les
mesures sanitaires professionnelles sont nécessaires d’urgence pour protéger de la tuberculose les agents de santé.
Remerciements
Les auteurs souhaitent mentionner particulièrement le Dr J
Kibosia, le Dr J Micheni, Mr S Ayabei, Melle L Makori, Melle
R Odongo, Mr J N Githua et le personnel de la polyclinique
TB pour leur aide et remercient également le personnel hospitalier qui a participé à l’étude. Ils remercient également les
relecteurs de ce manuscrit tant à la Division d’Elimination de la
Tuberculose qu’au Programme Mondial SIDA aux Centers for
Disease Control and Prevention. Cette étude a bénéficié d’un
financement par les Centers for Disease Control and Prevention
à Nairobi, Kenya et à Atlanta, GA, USA.
Les observations et conclusions de ce rapport sont celles de
leurs auteurs et ne représentent pas nécessairement les vue des
Centers for Disease Control and Prevention.
Références
1Control of tuberculosis transmission in health care settings.
A joint statement of the WHO Tuberculosis Programme
and the International Union Against Tuberculosis and Lung
Disease (IUATLD). Can Commun Dis Rep 1994; 20: 3-5.
2Corbett E L, Watt C J, Walker N, et al. The growing burden
of tuberculosis: global trends and interactions with the HIV
epidemic. Arch Intern Med 2003; 163: 1009-1021.
3Chen L, Evans T, Anand S, et al. Human resources for
health: overcoming the crisis. Lancet 2004; 364: 19841990.
4Ong A, Rudoy I, Gonzalez L C, Creasman J, Kawamura L M,
Daley C L. Tuberculosis in health care workers: a molecular epidemiologic study in San Francisco. Infect Control
Hosp Epidemiol 2006; 27: 453-458.
5Louther J, Rivera P, Feldman J, Villa N, DeHovitz J,
Sepkowitz K A. Risk of tuberculin conversion according to
occupation among health care workers at a New York City
hospital. Am J Respir Crit Care Med 1997; 156: 201-205.
6Stuart R L, Bennett N J, Forbes A B, Grayson M L. Assessing the risk of tuberculosis infection among healthcare
workers: the Melbourne Mantoux Study. Melbourne Mantoux Study Group. Med J Aust 2001; 174: 569-573.
7Naidoo S, Jinabhai C C. TB in health care workers in KwaZulu-Natal, South Africa. Int J Tuberc Lung Dis 2006; 10:
676-682.
8Menzies D, Fanning A, Yuan L, Fitzgerald M. Tuberculosis among health care workers. N Engl J Med 1995; 332:
92-98.
9Sepkowitz K A. Tuberculosis and the health care worker: a
historical perspective. Ann Intern Med 1994; 120: 71-79.
10Centers for Disease Control and Prevention. Nosocomial
transmission of multidrug-resistant tuberculosis among
HIV-infected persons—Florida and New York, 1988–1991.
MMWR Morb Mortal Wkly Rep 1991; 40: 585-591.
11Harries A D, Kamenya A, Namarika D, et al. Delays in
diagnosis and treatment of smear-positive tuberculosis and
the incidence of tuberculosis in hospital nurses in Blantyre,
Malawi. Trans Roy Soc Trop Med Hygiene 1997; 91: 15-17.
12Kayanja H K, Debanne S, King C, Whalen C C. Tuberculosis infection among health care workers in Kampala,
Uganda. Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9: 686-688.
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
13Kassim S, Zuber P, Wiktor S Z, et al. Tuberculin skin testing to assess the occupational risk of Mycobacterium tuberculosis infection among health care workers in Abidjan,
Cote d’Ivoire. Int J Tuberc Lung Dis 2000; 4: 321-326.
14Edlin B R, Tokars J I, Grieco M H, et al. An outbreak of
multidrug-resistant tuberculosis among hospitalized patients with the acquired immunodeficiency syndrome.
N Engl J Med 1992; 326: 1514-1521.
15Harries A D, Hargreaves N J, Gausi F, Kwanjana J H, Salaniponi F M. Preventing tuberculosis among health workers
in Malawi. Bull World Health Organ 2002; 80: 526-531.
16Wilkinson D, Gilks C F. Increasing frequency of tuberculosis among staff in a South African district hospital: impact
of the HIV epidemic on the supply side of health care. Trans
Roy Soc Trop Med Hygiene 1998; 92: 500-502.
17World Health Organization. Country profile: Kenya. In:
The World Health Report 2006. Geneva, Switzerland:
WHO, 2006: pp 98-100. http://www.who.int/GlobalAtlas/
predefinedReports/TB/PDF_Files/KE_2004_Detailed.pdf .
checkurl. Accessed March 2007.
18Kenya Ministry of Health. AIDS in Kenya: trends, interventions and impact. 7th ed. Nairobi, Kenya: Ministry of
Health, 2005. http://www.aidskenya.org. check url Accessed March 2007.
19Harries A D. Tuberculosis and human immunodeficiency
virus infection in developing countries. Lancet 1990; 335:
387-390.
20Di Perri G, Cruciani M, Danzi M C, et al. Nosocomial epidemic of active tuberculosis among HIV-infected patients.
Lancet 1989; 2: 1502-1504.
21Daley C L, Small P M, Schecter G F, et al. An outbreak
of tuberculosis with accelerated progression among persons infected with the human immunodeficiency virus. An
analysis using restriction-fragment-length polymorphisms.
N Engl J Med 1992; 326: 231-235.
22Dooley S W, Villarino M E, Lawrence M, et al. Nosocomial
transmission of tuberculosis in a hospital unit for HIV-infected patients. JAMA 1992; 267: 2632-2634.
23Tarwireyi F, Majoko F. Health worker’s participation in
voluntary counselling and testing in three districts of Mashonaland East Province, Zimbabwe. Cent Afr J Med 2003;
49: 58-62.
24Mwangi M, Kiragu K, Marum L, et al. HIV testing among
Kenyan health care providers: lessons learned from the
2005 Kenya health worker survey. Durban, South Africa:
The President’s Emergency Plan for AIDS Relief Annual
Meeting, The 2006 HIV/AIDS Implementers’ Meeting,
2006. (check ref incomplete. Publisher?)
25Roth V R, Garrett D O, Laserson K F, et al. A multicentre
evaluation of tuberculin skin test positivity and conversion
among health care workers in Brazilian hospitals. Int J
Tuberc Lung Dis 2005; 9: 1335-1342.
26Jiamjarasrangsi W, Hirunsuthikul N, Kamolratanakul
P. Tuberculosis among health care workers at King Chulalongkorn Memorial Hospital, 1988-2002. Int J Tuberc Lung
Dis 2005; 9: 1253-1258.
27Miller A K, Tepper A, Sieber K. Historical risks of tuberculin skin test conversion among non-physician staff at a large
urban hospital. Am J Ind Med 2002; 42: 228-235.
28Larsen N M, Biddle C L, Sotir M J, White N, Parrott P,
Blumberg H M. Risk of tuberculin skin test conversion
among health care workers: occupational versus community exposure and infection. Clin Infect Dis 2002; 35: 796801.
29World Health Organization. Tuberculosis infection control:
addendum to WHO guidelines for the prevention of tuberculosis in health care facilities in resource-limited settings,
1999. Geneva, Switzerland: WHO, 2006. http://www.who.
int/tb/publications/2006/en/. Accessed March 2007.
30Rieder H L. Epidemiologic basis of tuberculosis control.
Paris, France: International Union Against Tuberculosis
and Lung Disease, 1999.
31World Health Organization. Treat, train, retain. Report on
the consultation on AIDS and human resources for health,
11-12 May 2006. Geneva, Switzerland: WHO, 2006.
32Population Council. 2000 Annual report: meeting population and health challenges in Africa. New York, NY, USA:
Population Council, 2000. http://www.popcouncil.org/
about/ar00/Africa.html. Accessed March 2007.
33Gandhi N R, Moll A, Sturm A W, et al. Extensively drugresistant tuberculosis as a cause of death in patients co-infected with tuberculosis and HIV in a rural area of South
Africa. Lancet 2006; 368: 1575-1580.