Le développement de l`identité sexuelle de l`enfance à l`adulte La

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Le développement de l`identité sexuelle de l`enfance à l`adulte La
Le développement de l’identité sexuelle de l’enfance à l’adulte
(ce thème sera davantage développé par Jean-François Avril, psychothérapeute,
lors de l’atelier du samedi 18 octobre, à la MJC du Laü à Pau)
La sexualité constitue une dimension importante de notre nature humaine. Si nous partageons
cette caractéristique avec les mammifères et, plus largement, avec les créatures dépendantes
d’un mode de reproduction sexué, notre conscience humaine donne à la sexualité une
dimension plus large. Parler de sexualité humaine conduit ainsi à considérer l’ensemble des
faits liés à la différence des sexes, aux niveaux tant biologiques que psychologiques, ce qui
implique le développement de la masculinité et de la féminité ainsi que le processus évolutif
de la fonction érotique.
La théorie freudienne repose sur une série d’hypothèses dont la plupart sont difficiles à
vérifier de façon objective, en particulier celle qui considère la fille comme « un garçon
castré », condamnée à chercher à l’extérieur le pénis qui lui manque.
A l’opposé, Claude Crépault a proposé une autre hypothèse, dite de la « protoféminité » : le
petit garçon est d’abord femelle, puis se différencie par la mise en veilleuse des composantes
féminines et l’émergence des pulsions agressives.
Il apparaît ainsi que la différence sexuelle biologique (à laquelle on se réfère par les termes
mâlité et femellité) ne correspond pas nécessairement à la différence sexuelle mentale et
comportementale (généralement désignée par masculinité et féminité).
L’hypothèse de la protoféminité est également difficile à vérifier mais elle est soutenue par :
- l’existence de transsexuels primaires (peut apparaître dès l’âge de 1 an),
- le fait que la vulnérabilité ou l’euphorie incitent certains hommes à manifester des
signes de féminité (régression partielle au stade de protoféminité ?),
- les mesures excessives que prennent beaucoup d’hommes pour affirmer leur masculinité
(défense contre leurs tendances féminines primitives ?),
- les rites pubertaires de certaines sociétés qui impliquent un travestissement des garçons
en filles.
Ce court article présente quelques éléments étayant la thèse de la protoféminité de Claude
Crépault du point de vue du développement de l’enfant puis de l’adolescent.
La période intra-utérine
L’embryologie montre que le développement de la mâlité requiert, au cours des 4 premiers
mois du fœtus, un apport additionnel par rapport à un programme de base qui est femelle :
production d’antigènes puis d’androgènes spécifiques et réceptivité des cellules à ces
substances. S’il manque un élément, c’est une physiologie femelle qui se développe.
La première enfance (de 0 à 5 ans)
A la naissance, le nouvel être est « défusionné » d’avec la mère. A partir du 2e mois, l’enfant
perçoit la mère comme un objet partiel sans toutefois établir une distinction entre « je » et
« non-je ». La mère transmet à l’enfant sa structuration féminine en jouant le rôle de miroir
sensoriel. Il en résulte une pré-identité sensorielle féminine. Puis, à mesure que l’enfant
reconnaît sa mère comme être séparé, il s’établit une relation symbiotique spécifique. Après
6 mois, l’enfant quitte sa dépendance absolue vis-à-vis de sa mère pour passer à une
importante phase de séparation et d’individuation où son « moi » se pose comme distinct de la
mère. L’enfant se trouve ainsi pris entre deux angoisses : celle de l’abandon (peur de perdre sa
mère) et celle du ré-engloutissement (peur de perdre son identité naissante) ! L’individu
cherchera toute sa vie (par ses fantasmes et ses conduites symboliques) à retrouver la fusion
intra-utérine, surtout dans ses moments de détresse, mais il redoutera de perdre ainsi son
individualité. Plusieurs mécanismes permettent de dépasser cette angoisse mais il ne faut pas
oublier que, dès la naissance, le garçon est différencié de la fille par un étiquetage sexuel du
fait de stéréotypes sociaux imposés.
Chez l’humain (contrairement à certains animaux), il n’existe pas de mécanismes maternels
instinctifs visant à faciliter l’individuation de l’enfant. La mère représente pour l’enfant un
double personnage, à la fois « bon » et « mauvais ». Même s’il a tendance à maintenir en
partie un clivage, il est obligé de reconnaître la réalité psychique de l’ambivalence : il l’aime
et la déteste, il en a besoin et il la redoute. Ceci se retrouvera plus tard dans sa vie érotique :
complexe de la madone (la « bonne » image maternelle) et de l’antimadone (la « mauvaise »
image, simple objet de consommation érotique).
L’individuation sexuelle est le processus par lequel l’individu développe des schèmes
spécifiques d’attitudes et de comportements en fonction de son sexe biologique. Le point de
départ de ce processus est l’acquisition d’une identité de genre (sentiment d’appartenance à
l’un ou l’autre sexe), laquelle semble dépendre dans une large mesure des forces sociétales, de
l’acquis plutôt que de l’inné.
L’identité de genre du garçon semble plus vulnérable car il doit passer par la féminité pour
atteindre la masculinité. Ce passage serait permis par l’agressivité et l’identification à une
figure masculine adulte, cette identification ne tendant pas à la fusion mais plutôt à
l’appropriation de certains éléments de puissance. En cas d’échec, le garçon peut désinvestir
sa masculinité et se retrancher derrière des modes féminins d’expression.
Chez la fille, l’anxiété de séparation est en générale plus forte si bien qu’il lui serait plus
difficile de devenir un être séparé. Elle a ainsi besoin d’un père sécurisant et qui la valorise
pour développer son narcissisme corporel. En cas d’échec, la fille peut être amenée à se
masculiniser ou encore à développer des comportements masochistes.
La deuxième enfance (de 5 à 12 ans)
Cette période permet de consolider l’identité et l’orientation de genre.
A mesure que l’enfant prend conscience de son identité personnelle et de la menace de
réengloutissement par sa mère, il est amené à se tourner vers son père dans l’espoir d’y
trouver une force toute puissante qui pourra le protéger et le sécuriser. Le garçon tentera de
s’identifier à lui, la fille cherchera plutôt à être désirée par lui.
Pour un fils, le père « suffisamment bon » est celui qui, lors de la phase de protoféminité, ne
se pose pas comme un rival menaçant, qui encourage le développement de la masculinité de
son fils tout en respectant les tendances féminines de base, qui reconnaît et valorise les
particularités de son fils.
Pour une fille, le père « suffisamment bon » (ou une autre figure masculine jouant ce rôle) est
celui qui sécurise sa fille, la valorise et encourage le développement de son autonomie. C’est
aussi celui qui la désire dans sa féminité corporelle, qui la trouve belle et séduisante et le lui
exprime ouvertement. Il s’agit ici d’un désir para-érotique où la composante génitale est
réprimée.
Si le père est ressenti comme « mauvais » et destructeur, la fille pourra se masculiniser pour
surmonter sa crainte, le garçon cherchera à l’éviter et pourra développer une ambivalence au
niveau de son identité de genre. La mère, selon la façon dont elle vit sa propre féminité,
favorisera de même fierté ou ambivalence. Il ne faut pas oublier l’influence des groupes de
pairs qui ont tendance à exagérer les stéréotypes masculins ou féminins.
L’adolescence (de la puberté à 20 ans en occident)
Elle se caractérise entre autres par l’apparition des caractères sexuels secondaires et sur
l’évolution de l’identité de genre et de la vie érotique. L’adolescent doit se définir à partir de
son nouveau corps et se trouve dans un état de grande fragilité psycho-affective. Il est amené
à se définir en tant qu’homme ou femme (et non plus garçon ou fille). Habituellement, cette
seconde individuation va dans le même sens que la première mais pas toujours : certains cas
de transsexualisme ou d’homosexualité se révèlent à l’adolescence.
Le garçon voit son corps s’éloigner de plus en plus de celui de la mère, ce qui réactive
l’anxiété de séparation. Un enfant fragile dont la mère maintient le lien fusionnel peut être
amené à renoncer à son identité masculine ou encore à s’homosexualiser.
La fille devient corporellement semblable à la mère, ce qui constitue une réassurance mais
aussi une source de rivalité. Elle aime sa mère et en même temps la déteste, et peut retourner
son agressivité contre elle-même, refuser d’accéder au statut d’adulte pour préserver le lien
fusionnel, refuser de se nourrir afin de conserver son corps d’enfant…
Selon Crépault, l’identité de genre se consolide pour le garçon par l’agressivité, la rivalité,
l’investissement phallique et la conquête sexuelle, et pour la fille par le narcissisme corporel,
le romantisme, le symbiotisme, l’inhibition de l’agressivité et la soumission.
Il considère que les éléments de la féminité et de la masculinité sont des constructions
empiriques à partir des types de comportement qui se retrouvent de façon marquée chez l’un
ou l’autre sexe. Masculin et féminin constituent ainsi deux axes différents plutôt que deux
orientations opposées sur le même axe. L’apprentissage joue un grand rôle et certaines
caractéristiques ne se retrouvent que dans certains types de sociétés. La pression sociale
empêche (surtout chez le garçon) de développer les manières d’être de l’autre sexe. Le corps
reste évidemment un obstacle majeur au transsexualisme, même si les sociétés occidentales
modernes favorisent la polyvalence dans les rôles sexuels.
La littérature considère que l’érotisation hétérosexuelle est principalement tributaire d’un
déterminisme instinctif, mais on peut aussi la voir comme un sous produit de l’orientation de
genre : le lien hétéro-érotique vient confirmer la masculinité du garçon et la féminité de la
fille, ainsi que leurs caractères adultes. On peut aussi considérer qu’il existe une identité
d’orientation sexuelle (hétéro, homo ou bisexuelle) qui s’appuie à la fois sur l’attirance
ressentie envers l’un ou l’autre sexe, sur les facteurs sociaux (qui généralement favorisent
l’hétéro), mais aussi sur l’identité de genre (degrés de masculinité et de féminité).
Les hommes ont plus tendance que les femmes à faire un usage défensif de la sexualité, au
contraire des femmes qui ont tendance à faire un usage défensif de la non-sexualité.
La maturité sexuelle est une notion qui demeure toujours, au moins en partie, un construit
sociologique. Elle est le résultat d’une série d’intégrations :
- capacité de reproduire à des fins non défensives des schèmes de comportement typiques
à son sexe anatomique,
- capacité d’harmoniser ses composantes masculines et féminines (c’est la capacité de
manifester des attitudes et des comportements du sexe opposé sans que cela porte
atteinte à l’identité de genre),
- chez le garçon, intégration des images de la madone (la bonne mère désexualisée) et de
l’antimadone (la putain érotisée).
Crépault analyse les points de rupture dans le processus d’individuation sexuelle en termes de
ce qu’il appelle les « voies transversales ». La maturité sexuelle apparaît ainsi comme
multiforme, la personne ne se pose plus alors en victime de son chemin de développement
mais en intègre consciemment les composantes