PDF : Ma Transvésubienne - Récit de Florent Fraicher

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PDF : Ma Transvésubienne - Récit de Florent Fraicher
MA TRANSVESUBIENNE 2013
«Un bon jour pour souffrir»
Cette aventure commence en 2009 lors d’un stage VTT sur la Costa Brava offert par des amis
pour mon anniversaire.
Je fais connaissance avec notre moniteur/encadrant, Pascal DOMME (7 TransV à son actif avec
des résultats oscillant entre la 9ème et la 57ème, donc à priori il connait son sujet).
En fait c’est un trialiste moto, vraiment impressionnant a voir sur un VTT, passant tout les
obstacles des «zones» d’initiation avec une seule main sur le cintre, histoire de prouver que c’est
faisable avec 2 mains (ce que j’ai parfois eu du mal à faire!)
A la fin du stage il me conseille de faire la TransV, d’après lui j’ai le niveau technique, reste la
«caisse» qu’il faut vraiment travailler, nous nous quittons et cette idée commence à germer…
2ans ½ plus tard, mon ami Nicolas PADAUD me raconte sa 1ère TransVésubienne avec moult
détails qui raniment en moi cette idée de faire la Trans, la course extrême par excellence:
3200m+, 4500m-, 85km, 95% de sentiers de crêtes et de voie ancestrales, des passages à la
limite du raisonnable, d’autres totalement déraisonnables (sujets au vertige, s’abstenir!)
C’est décidé! Nous ferons la TranV 2012, 20ème édition et Pascal CORDIER sera également de la
partie.
17 mai 2012, nous voilà partis à l‘assaut des montagnes du 06, arrivés dès le vendredi soir en
gite pour plus de confort, nous nous enquérissons du temps car depuis 4 jours il pleut sur la
région et la météo n’est pas bonne.
Samedi matin, prise des dossards, marquage des vélos et roues (pas de changements de roues
possible en cours de course sans pénalité de temps!!), le temps est gris mais il ne pleut pas…
L’après midi un prologue à profil descendant attends tout les concurrents qui s’élancent par
vagues de 50 du sommet de la Colmiane toutes les 5mn.
Je suis sur la grille de départ….pan! Et c’est partit…..à bloc! L’herbe est glissante, ça joue des
coudes, je suis bien placé… une chicane, puis deux, je suis à l’extérieur, un conçurent me fait un
bloc pass, je glisse, me rattrape avec ma jambe en posant violement le pied au sol et
CLAC!........Je sent mon genoux qui à craqué dans une douleur intense…le temps s’arrête 3 sec qui
me paraissent 3mn, je comprend instantanément que ma course du lendemain s’arrête ici.
Je met 3mn à essayer de récupérer et repart avant que la vague suivante ne parte, mon genou me
fait un mal de chien, je pédale quand même…tant pis, de toutes façons mort pour mort autant
terminer ce prologue.
je souffre mais arrive à pédaler, je double quelques concurrents et me fait doubler quand ça
monte, la douleur s’atténue un peu, j’en profite pour envoyer ce que je peux et essaye de prendre
du plaisir, une succession de lacets interminable jusqu’à Saint Martin Vésubie 700m plus bas
me mène dans le village ou un parcours dans les ruelles très pentues achève ce prologue.
C’en est terminé de ma TransVé 2012, 5 mois d’entrainements sérieux s’achèvent ainsi, le
lendemain je ne peux quasiment plus bouger la jambe, j’accompagne mes coéquipiers sur la grille de
départ, il à plu presque toute la nuit, le terrain est détrempé, glissant, cela va être un bon jour
pour souffrir.
Au terme de 11h30mn de course dans des conditions dantesques, orage et pluie et même grêle, mon
ami Nicolas arrive sur la promenade des Anglais dans un état de fatigue avancé, mais tellement
heureux d’être arrivé au bout et ce malgré les portes horaires éliminatoires tout au long du
parcours, car non seulement le parcours en lui même est extrême, mais il faut le réaliser en un
temps maximum défini par l’organisation avec 4 portes horaires à ne pas dépasser sous peine de
disqualification. Hélas, Pascal sera mis hors course après 50km pour 5 petites minutes de trop
sur l’horaire.
Je suis tellement frustré de les voir et de les entendre me parler de leur périple que c’est décidé,
je participerai à l’édition 2013…
Le 14 janvier est le jour de l’ouverture des inscriptions pour l’édition 2013 qui se déroulera le 19
mai, 18h, je suis inscrit, Pascal aussi, Nico quant à lui ne participera pas, il s’accorde du répit
avant l’édition 2014 mais va nous accompagner et nous assurer une assistance hors pair!
Commence alors un entrainement sérieux basé principalement sur du foncier avec beaucoup de vélo
de route, je participe donc à 2 brevets BRM 300km en compagnie de Jacques, le 1er annulé pour
cause de météo catastrophique dans le 06 est aussitôt remplacé par une «sortie» de 309km
vers Manosque et Aix avec un retour sous un déluge que l’on prendra durant 5 heures, ou la
température n’aura jamais dépassée les 10° (quelques gouttes comme dirait Jacques).
Bref, arrive le WE tant attendu…mais redouté et……il pleut des trombes d’eau depuis 1 semaine!
Nous voilà samedi midi pour le retrait des dossards, la température avoisine les 5°C, un vent
glacial balai le ciel…..tout va bien nous sommes mi mai! Nous attendons de savoir si le prologue de
l’après midi est maintenu, quoique je ne suis pas très motivé à l’idée de descendre dans ces
conditions sachant qu’il va falloir nettoyer le VTT et surtout ne pas se faire mal!
14h…l’info tombe…en même temps que la neige arrive…le prologue est annulé pour des raisons
évidentes de sécurité. D’ailleurs il à neigé toute la nuit à partir de 1800m (soit 300 plus haut)
et l’organisation nous prévient lors du briefing que la neige tient au sol durant les 15 premiers km,
soit durant au moins 2h!!!
sur ses conseils un morceau de couverture de survie est installé dans les chaussures (très
efficace pour marcher dans la neige sans être congelé).
6h30, nous voilà sur la ligne de départ, il fait 01°, je suis bien placé, juste derrière des filles en
2ème ligne de la 2ème vague. La 1ère vague étant partit 5mn avant (les écarts ont été réduit à cause
de la météo, 5mn au lieu des 30mn prévues). Il ne pleut pas mais le ciel est vraiment chargé.
PAN! le départ est donné, ça part en trombe comme pour faire 2h de course, au bout de 400m les
choses sérieuses arrivent avec la montée jusqu’au télésiège de la Colmiane par la piste de
ski…vraiment indigeste…1,20km et 230m+ d’avalé…gloups!
Je me déchire pas mal pour pouvoir passer dans le sous bois descendant en single bien placé, j’ai
perdu Pascal, de toutes façons il est quasiment impossible de faire la course ensemble, nous
sommes 650 sur des sentiers de crêtes et il faut rester concentrer car la journée va être
longue.
Comme annoncé, nous roulons sur la neige tombée depuis quelques jours, elle recouvre les pierres
et il est quasiment impossible quand ça monte fort de rester sur le vélo.
Tout le monde à pied, en file indienne, sous les flocons qui commencent à tomber….histoire d’en
remettre une couche. 2 heures durant nous aurons droit à la neige sur le sol, c’est assez rock &
roll, certain sont vraiment déroutés lorsqu’il faut remonter sur le bike pout rouler, je fait ma place
et commence à doubler du monde.
Arrive le col d’Andrion, 1er ravito et 1ère mise hors course pour les retardataires, je passe avec
1h30mn d’avance, j’avais prévu de ne pas m’arrêter, il y à au moins 15 à 20 rideurs qui font la
pause, c’est déjà ça de doublé sans douleurs. Car le 1er gros morceau de descente commence ici
et pour le coup, avec toute cette eau qui dévale, c’est un vrai morceau, les racines sont hyper
glissantes, un torrent coule au fond de l’ornière crée par la pluie, je décide de me mettre dedans,
finalement c’est la bonne option car ça ne glisse presque pas, seulement je ne vois pas ce qu’il y
a au fond….
La suite est une succession de montées bien raides, de portages/poussages, de descentes
toutes plus piégeuses les unes de les autres. Au terme d’un long portage de plus de 20mn nous
voilà au Brec d’Utelle, le fameux, l’historique, le tant redouté car de l’autre coté de la montagne
une descente vertigineuse dans les blocs rocheux de plus de 25mn nous attends.
Par temps sec cette portion est déjà bien difficile à passer sur le vélo mais avec les conditions
que nous avons eu….je me lance et commence à doubler des concurrents, la 1ère partie est avalée
sans trop de douleurs, mais ce n’est pas fini. Je plonge vers Utelle sur ce sentier parsemé de
blocs avec ses épingles si serrées que je dois mettre pied à terre à plusieurs reprises, le sol
s’est arrangé et c’est sur un terrain quasi sec que j’arrive au pointage d’Utelle, on me pointe à la
119ème place…on à parcouru 25km!
La remontée sur la Madone d’Utelle s’annonce douloureuse, les jambes et les poignets sont durs
après cette descente d’anthologie, je me remet lentement dans le rythme et commence à me sentir
bien lorsque un bruit sec vient troubler mon optimisme. Je m’arrête et constate que mon dérailleur
AR pend au bout du câble, non je n’ai pas cassé la patte de dérailleur (trop simple), j’ai arraché
un morceau du dérailleur…mieux! A nouveau, comme l’année précédente tout s’écroule, j’appelle
Nicolas qui doit me faire le ravitaillement à la Madone, lui explique que c’est foutu, terminé…
Nico me sermonne, me dit de le rejoindre en haut, sur la zone de dépannage (car je ne peux me
faire aider en dehors de cette zone), je prends donc mon VTT et me voilà entrain de pousser et
porter durant 2km pour atteindre la Madone…enfin!
Nicolas me prend mon bike et je part me ravitailler et faire le plein, lorsque je reviens au camion, il
me dit que le vélo est prêt, que je peux repartir….avec une seule vitesse!!! Exit le dérailleur, le
câble, il m’a fait un montage en direct, je n’ai donc plus qu’une seule vitesse….a quoi bon utiliser
les autres… C’est avec un coup de pied au c.. que je repart assez sceptique sur la viabilité du
montage jusqu'à l’arrivée…qui est à 50km!
La descente de la Madone sur le pont de Cros est la 3ème «descente» ou devrais je dire
dégringolade du parcours, un bon 45mn avec quelques coup de c.. assez court m’amène à la 2ème
porte éliminatoire du parcours, j’ai perdu beaucoup de temps mais la motivation est revenue grâce
à mon ami, seulement voilà, re crack! la chaine à dégagée sur une compression, je met un maillon
rapide et repart, puis elle se coince sur le pignon du dessus, impossible à faire descendre
tellement elle est tendue, au bout de 5 bonnes minutes j’y arrive enfin…
Pont de Cros apparait, je n’ai plus que 40mn d’avance sur le timing, la chaine recommencera
encore 3 fois son déplacement vers le haut, je commence à avoir le coup de main… La remontée sur
Levens se fait quasiment toute à pied, soit 45mn de portage/poussage!!
J’arrive enfin à Levens avec une heure et dix minutes d’avance sur la porte horaire, je suis trempé,
rincé, boueux, crotteux, bref, je suis mort et bien content de voir l’ami Nico avec son mini karcher
(en fait un vaporisateur de haies) pour en mettre un coup sur le bike, quant à moi je me change
intégralement, le soleil se lève la température monte
j’ai le moral au beau fixe, je repart donc le couteaux entre les dents malgré la fatigue qui monte, et
il n’y a pas que la fatigue qui monte, le chemin aussi, tellement qu’une énième fois je met pied à
terre pour pousser.
Le temps se couvre à nouveau, j’ai bien fait de ne pas m’être séparé de mon coupe vent/pluie,
tandis que je m’approche de la dernière porte horaire, à Plan d’Ariou la pluie se met à tomber, je
passe devant Nicolas qui m’attends, j’ai 1h45mn d’avance sur ce dernier sas, une joie immense
m’envahie car à partir de maintenant je ne cours plus après le chrono, enfin ça c’est sur le
papier.
La pluie redouble d’intensité, je suis trempé, la remontée sur Aspremont se fait durant 4km sur la
route, cette fois ci c’est la grêle qui tombe, je mouline comme un malade avec mon unique
développement (petit), je plafonne entre 12 et 15km/h, je me fait doubler, je suis dégouté, je me sent
bien et je sais que je pourrais monter à plus de 20km/h….je me fait une raison!
Dernier ravito, je ne m’arrête pas et attaque la dernière grosse remontée sur le mont chauve, s’en
suit une descente terrible, très technique rendue hyper glissante par la pluie et par la boue qui
recouvre les rochers et pierres, je m’en sort avec deux belles frayeurs mais j’ai pu doubler pas mal
de concurrents.
Le final est plus roulant, avec beaucoup moins de coup de c.., du coup je me retrouve en
permanence entrain de mouliner dans le vide, à bloc à 12 à l’heure, je me fait dépasser par pas mal
de concurrents précédemment doublés.
Le final dans la «jungle» est à la hauteur du reste de cette course, une portion très boisée en
pleine ville ou l’eau coule de toutes part, je me retrouve même à rouler dans un véritable ruisseau,
les arbres immenses, un passage ou il faut descendre dans le lit d’un ruisseau pour l’escalader
par la suite, bref, en pleine jungle!!!
La libération arrive au bout d’une longue volée d’escalier à dévaler qui m’ont tétanisé les bras,
enfin c’est ce que je croyais, car il reste plus de 6km à parcourir sur la route, vent de face
(fort), avec mon développement de me…! Je n’en peux plus de mouliner à 120tours/minute pour faire
du 15km/h, je me fait déposer par une quinzaine de concurrents, je rentre dans le tunnel du Paillon
fermé à la circulation le jour de la course, seul sur cette immense ligne droite qui n’en finie
plus…enfin la lueur du bout du tunnel, ou ces mots n’ont jamais eu autant de sens et c’est la
ligne d’arrivée ou Nico m’attend avec la banane.
10h28mn pour boucler cette TransVé, 257èm, nous étions 650 au départ et 445 à l’arrivée, la
1ère fois que la proportion de finisher est aussi importante.
Moralité: lorsque les conditions sont dantesques, ceux qui participent à ce genre d’épreuve ont
totalement oubliés le mode «incertitude», la seule idée en tête est de rallier l’arrivée.
Heureux, épuisé, vidé, perclus de crampes mais tellement content d’être arrivé au bout, dans ces
conditions et avec une seule vitesse, c’est peut être mieux comme ça, j’ai tout cumulé sur cette
épreuve comme ça pour l’année prochaine il ne pourra rien m’arriver de pire…enfin…?
Pascal arrive une petite trentaine de minutes après moi, lui aussi bien content d’être au bout, il à
l’air en forme, un petit coup de mou à Levens puis c’est repartis.
Quelle aventure, je reviendrais en 2014 car c’est une bonne journée pour souffrir, assurément!