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sortie 12 - Sangatte
Libération le 5 aout
04-08-2006
Dernière mise à jour : 09-10-2006
Sur l'un des derniers rivages sauvages du Pas-de-Calais, un projet de 22 500 pieux.
Sangatte refoule les moules pour sauver sa plage
Par Stéphanie MAURICE
QUOTIDIEN : Samedi 5 août 2006 - 06:00
Sangatte envoyée spéciale
Sur l'un des derniers rivages sauvages du Pas-de-Calais, un projet de 22 500 pieux.
Sangatte refoule les moules pour sauver sa plage
Par Stéphanie MAURICE
QUOTIDIEN : Samedi 5 août 2006 - 06:00
Sangatte envoyée spéciale
Des moules-frites à tous les menus, oui, mais pas une moule de bouchot sur leur plage. Sur la Côte d'Opale, Sangatte
s'est dressé vent debout contre l'installation de trois moulières sur l'un des derniers espaces sauvages de ce littoral,
grignoté par les ports de Calais et de Dunkerque, par les industries lourdes, Arcelor en tête, et par la centrale nucléaire
de Gravelines. Les opposants au projet brandissent les chiffres : 22 500 pieux de 2 mètres de haut dans un périmètre de
1,7 kilomètre de long et 400 mètres de large. «La plage de Sangatte n'est pas dédiée à l'industrie de la moule», martèle
le médecin du coin, le docteur Pascal Dubus, membre du comité de défense, créé spontanément en moins de quinze
jours. Les mails de la fronde dressent des tableaux terribles de bambins se blessant les pieds sur les coquilles de «ces
sympathiques bivalves», qui joncheraient le sable si fin et si propice aux pâtés de sable. Campeurs, pêcheurs à la
crevette, promeneurs, surfeurs, hôteliers qui craignent pour leur chiffre d'affaires, tous se mobilisent. Les retraités font
le porte-à-porte des chalets de bois, posés sur le bord de mer, qui abritent les touristes. Un blog est créé,
http://alaplage sangatte.skyblog.com.
Crème solaire. Dans ce petit village de Sangatte de 800 habitants, la pétition a déjà rassemblé quelque 8 000
signatures. Elles ont été remises au sous-préfet, Patrick Espagnol, tout juste revenu de vacances, mardi dernier. Celuici
en sourit : «J'étais sur le bassin d'Arcachon, où tout le monde se baigne à côté des parcs à huîtres sans que cela pose de
problème.» Il a été accueilli en chanson, sur l'air d' A la pêche aux moules-moules-moules, braillé par 200
manifestants,
plutôt rigolards. Un pétitionnaire montre le dernier projet d'affiche : sous les formes girondes d'une demoiselle assise
sur un récif, le slogan clame : «Les moules, on les préfère accrochées au rocher.» Les discussions sont animées.
Certains
pensent que la baignade sera de toute façon interdite, «la crème solaire au milieu des moules, ce n'est peut-être pas
terrible au niveau de l'hygiène».
Le branle-bas de combat a commencé le 2 juin avec l'arrivée de la notification à la mairie de Sangatte. Les élus tombent
des nues : les premiers pieux doivent être fichés dans le sable dès le 9 août, en pleine saison touristique. Le conseil
municipal avait pourtant émis un avis défavorable, en avril 2005, à ce projet de moulières et pensait benoîtement être
débarrassé de ce dossier. «Les Affaires maritimes sont passées outre», constate Jean-Louis Laforge, adjoint aux
travaux. Elles en ont le droit, la procédure d'enquête publique, a minima, avec simple affichage du projet dans la mairie
et demande d'avis aux différents interlocuteurs, a été respectée. «C'était tellement a minima que le dossier a glissé un
peu partout, légalement, mais sans que personne ne le voie, ironise José Huleux, Sangattois et président des artisans
pêcheurs de Calais. Il a bien été envoyé au comité local des pêches, mais on l'a oublié, et au bout de deux mois,
sans
avis de notre part, il a été considéré comme accepté.»
Herse de pieux. Le patron pêcheur s'étrangle quand on lui confirme, courant juillet, que l'affaire est entendue. «La
pêche calaisienne n'acceptera jamais cela», tonne-t-il. Les raisons de son inquiétude sont solides. Treize bateaux
pêchent la sole dans cette zone, en maintenant à la verticale des filets lestés par des ancres pour piéger le poisson, puis
en les remontant avec de puissants rouleaux hydrauliques. «De nombreux pieux se sauvent avec le sable qui bouge, les
tempêtes. Du côté d'Oye-Plage, où il y a déjà des parcs à moules, on en repêche régulièrement. Ça esquinte les filets,
qu'on paie tout de même 200 euros les 100 mètres, mais surtout on a besoin de 20 minutes pour les dégager de nos
machines. Pendant ce temps-là, on ne peut pas manoeuvrer.» Le fileyeur est alors à la merci des grosses vagues et des
courants, fréquents dans la Manche. Le marin reprend : «A Oye-Plage, ça va parce qu'il y a 30 mètres de fond et de la
place pour dégager. Mais, à Sangatte, nous sommes coincés entre la plage et le passage des ferries, qui longent cette
côte pour ensuite virer vers l'Angleterre. Si on a un problème, s'échouer sur le sable ça passe, mais si on se retrouve sur
cette espèce de herse de pieux, on crève le bateau.» Pour montrer leur détermination, les bateaux ont bloqué le port
de Calais déjà deux fois pendant une heure, interrompant le trafic transmanche.
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Arrêté suspendu. Face à ce tohu-bohu, le préfet du Pas-de-Calais a décidé de suspendre l'arrêté. «Nous nous
sommes
donné deux mois. Il était vrai que la période estivale ne se prêtait pas à une cohabitation entre baigneurs et tracteurs.
De plus, il y avait un vrai risque à l'ordre public, explique Patrick Espagnol. Jacky Henin, le président de la
communauté d'agglomération du Calaisis, a proposé le financement d'une étude plus globale, pour trouver un lieu plus
optimisé pour l'implantation de ces moules de bouchot, génératrice, je le rappelle, de 12 emplois.» Les pauvres
mytiliculteurs se demandent bien quel ouragan ils ont déclenché. «Je souhaite que tout cela s'apaise et que l'on puisse
négocier», soupire l'un d'eux, Jean-Claude Cordier.
Le comité de protection de la plage de Sangatte, lui, reste vigilant : les opposants se sont organisés en tour de garde,
pour pallier les départs en vacances, et une action est prévue sur la plage le 10 septembre. Barbecue et peut-être
même moules-frites au programme. «Ne dites surtout pas que nous sommes antimoules, s'inquiète le docteur Dubus.
Que serait la braderie de Lille sans elles ?» José Huleux, le pêcheur, se moque : «Pourquoi on n'installerait pas les
parcs
à moules au Touquet ? C'est toujours comme ça : une plage de riches qu'on ne touche pas, une plage de travailleurs qui
a droit aux pieux à bouchot.»
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