Prurit chronique chez un Westie de 8 ans

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Prurit chronique chez un Westie de 8 ans
Prurit chronique chez
un Westie de 8 ans
Dr Pierre-Antoine Germain
74 - Saint-Julien en Genevois
Un chien West-Highland White Terrier de 8 ans est
présenté en consultation pour un prurit chronique évoluant
depuis plusieurs années. L’animal vit en maison avec un
autre chien. Aucune contagion animale ou humaine n’est
décrite. Les deux animaux sont correctement entretenus,
aucun parasite n’a été observé jusqu’à présent, mais le
traitement anti-parasitaire externe est réalisé de façon
irrégulière.
Les symptômes sont généralement bien contrôlés par
un traitement corticoïde systémique occasionnel. Une
aggravation récente des démangeaisons a été notée
depuis quelques mois et n’a pas répondu au traitement
habituel. Aucun examen complémentaire n’a été réalisé
jusqu’à présent.
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© P.-A. Germain
Clinique
L’animal est en bon état général et l’examen clinique ne
révèle pas d’anomalies autres que cutanées. On observe
principalement une atteinte dorso-lombaire avec un
érythème important, une lichénification marquée et de
multiples papules et pustules folliculaires (Figure 1 et 2).
Des lésions moins intenses sont aussi présentes
au niveau de l’abdomen et des cuisses. Une otite
érythémato-cérumineuse bilatérale et une pododermatite
érythémateuse discrètes sont également notées.
Synthèse
Il s’agit d’une dermatite prurigineuse associée à un
érythème, des excoriations, des papules et des pustules
folliculaires principalement localisées à la région dorsolombaire, à l’abdomen et aux cuisses.
Hypothèses diagnostiques
Les pustules folliculaires observées évoquent en tout premier
lieu une pyodermite bactérienne, mais une pyodémodécie
ne peut être formellement exclue. Un pemphigus foliacé
semble en revanche très peu probable.
Les manifestations prurigineuses qui ont précédé
l’apparition des premières lésions évoquent en premier lieu
une dermatose parasitaire ou une dermatose allergique.
Les hypothèses les plus probables sont une dermatite par
allergie aux piqûres de puces ou une cheylétiellose, le prurit
et les lésions étant essentiellement dorsaux. Une dermatite
atopique peut aussi être envisagée mais n’explique pas
seule l’ensemble du tableau clinique.
Examens complémentaires
Examen cytologique : après coloration rapide (RAL),
l’examen microscopique du pus d’une pustule intacte
montre une réaction suppurée ainsi que des images de
phagocytose de cocci (figure 3).
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Vue rapprochée
© P.-A. Germain
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Examen cytologique
© P.-A. Germain
Vue générale
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Diagnostic
Le diagnostic le plus probable est une dermatite par
allergie aux piqûres de puces associée à une folliculite
bactérienne secondaire. Une dermatite atopique pourrait
expliquer les symptômes les plus anciens (pododermatite
et otite).
Traitement
Le traitement s’articule sur deux axes : le contrôle de la
cause, primordial, et si possible, celui des symptômes les
plus marqués.
Dans ce cas, il est nécessaire de traiter en priorité
l’infection bactérienne (Therios® 15mg/kg BID 20 jours)
et de limiter le nombre de piqûre de puces (Advantix® 2
fois par mois et Comfortis® 1 fois par mois). Le traitement
anti-puce est également renforcé sur l’autre chien et un
traitement de l’environnement est mis en place.
Pour le contrôle du prurit, l’utilisation de corticoïdes,
topiques ou systémiques est à proscrire dans ce cas
compte tenu de l’infection bactérienne. Un shampooing
(1 fois/semaine) et une mousse (2 fois/semaine) calmants
Douxo® Calm sont prescrits.
© P.-A. Germain
Déjections de puces.
J20. Vue rapprochée.
A 45 jours, les poils ont partiellement repoussé et le prurit
est quasiment absent. Le traitement anti-puce est maintenu
en insistant sur la nécessité de respecter les intervalles
entre les traitements. Le prurit résiduel, probablement dû à
une dermatite atopique, est géré à l’aide d’applications
régulières de shampooings calmants (Douxo® Calm
nouvelle formule), à raison d’1 application par semaine.
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J45. Vue rapprochée.
© P.-A. Germain
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© P.-A. Germain
Raclage : aucun élément figuré n’est observé.
Brossage : aucun parasite n’est mis en évidence, mais
on peut identifier des déjections de puces au microscope
(figure 4).
Suivi
L’animal est revu au bout de 20 jours. Les propriétaires ont
observé une diminution rapide des démangeaisons et une
amélioration progressive des lésions. Les traitements ont pu
être administrés sans trop de difficultés. L’utilisation de la
mousse a été particulièrement appréciée compte-tenu de
sa facilité d’utilisation. Un érythème et une lichénification
modérés persistent encore, mais les pustules ont disparu.
Les antibiotiques sont poursuivis 10 jours de plus et les
autres traitements sont maintenus à l’identique.
Discussion
Lorsque plusieurs affections sont présentes en même temps,
la mise en œuvre d’un traitement est parfois difficile.
Les différentes options thérapeutiques envisageables
ne peuvent pas toujours être associées : il peut exister
des contre-indications formelles ou des risques d’effets
secondaires à prendre en considération. Lors de
pyodermite associée à une DAPP, comme dans ce cas,
la corticothérapie peut aboutir à une aggravation de
l’infection bactérienne avec un passage à une pyodermite
profonde.
L’utilisation de shampooing anti-prurigineux doit toujours
être envisagée en cas de manifestations prurigineuses.
Le choix d’un shampooing calmant répond à la première
demande du propriétaire qui souhaitait avant tout
une diminution du prurit. Ce type de produit permet
d’apporter un confort supplémentaire à l’animal, le temps
que le reste du traitement agisse sur les causes (puces,
infections). Ils ont cependant une durée d’action assez
courte et des applications répétées sont donc nécessaires
ce qui peut limiter l’efficacité des traitements insecticides
en diminuant leur concentration au niveau de la peau.
L’utilisation d’une mousse en relais d’un shampooing
permet de prolonger l’effet anti-prurigineux sans altérer
complètement la protection contre les parasites.
Le traitement des complications infectieuses bactériennes
est généralement nécessaire. Il permet normalement de
diminuer rapidement et efficacement le prurit. De façon
empirique, le choix d’un antibiotique doit se fonder sur
différentes considérations telles que la pharmacocinétique,
l’efficacité sur S. pseudintermedius, l’innocuité ou le coût.
La céfalexine fait partie à ce titre des antibiotiques de
première intention lors de pyodermite chez le chien.
L’antibiothérapie doit être poursuivie 2 semaines après la
guérison clinique. En cas d’échec de ce traitement ou de
présence de bacilles à l’examen cytologique, un examen
bactériologique est indispensable.
Lors de DAPP, la lutte contre les puces doit être adaptée
à chaque situation et tenir compte du mode de vie de
l’animal (sorties, lieux fréquentés, congénères…) et de
la capacité des propriétaires à réaliser correctement
le traitement. Il est admis que l’intensité des signes
cliniques d’une DAPP est globalement corrélé au nombre
de piqûres que subit l’animal. Dans une situation ou
l’animal doit être lavé très régulièrement, l’efficacité des
traitements APE externes classiques diminue; il est donc
conseillé d’augmenter leur fréquence d’administration
ou d’y associer un traitement systémique pour lequel les
shampooings n’auront pas d’effet. Dans tous les cas, le
programme de lutte doit être expliqué clairement, par
exemple à l’aide de documents. Il ne faut pas hésiter à
montrer comment administrer le ou les produits prescrits.
La réévaluation régulière du traitement est aussi nécessaire
car il existe de nombreuses causes d’échec (congénères
ou environnement non traités, mauvaise application ou
observance des traitements…).

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