APPROCHE DIAGNOSTIQUE DU PRURIT REWHALLIWELL

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APPROCHE DIAGNOSTIQUE DU PRURIT REWHALLIWELL
APPROCHE DIAGNOSTIQUE DU PRURIT
R.E.W.HALLIWELL
University of Edinburgh, Royal (Dick) School of Veterinary Studies,
Easter Bush, Roslin, Midlothian, EH25 9RG, UK
Pourquoi diagnostiquer le prurit? Contentons-nous de le faire disparaitre !
Bien qu’il puisse être tentant d’utiliser un médicament vendu pour traiter le prurit, ce
n’est pas une bonne pratique et ce, pour deux raisons: (1) cela ne va pas soigner la
maladie et (2) les drogues sans effet secondaire n’existent pas. Le but est donc de
définir la nature et la cause de l’affection aussi précisément que possible pour ensuite
utiliser le meilleur traitement en fonction de la situation.
Quelles sont les manifestations de prurit chez le chien ?
Il semble y avoir beaucoup de variation tant au niveau du seuil de prurit que dans le
comportement de l’animal. Des travaux récents ont montré que IL-31 est une
cytokine clé dans l’activation du prurit chez le chien atteint de dermatite atopique
(DAC) (Gonzales et al, 2013). Mais les chiens réagissaient de manière différente à
l’injection de la cytokine recombinante: certains se grattaient, certains se léchaient et
d’autres secouaient la tête. Il y en avait aussi qui se roulaient sur le dos ou se
frottaient contre les meubles. Lors de prurit chronique, on s’attend à observer de
l’érythème, des excoriations, des pertes de poils. Lorsque la situation se prolonge, le
chien présentera une hyperkératose, des croûtes et des squames et finalement une
hyperpigmentation.
De la même manière que les chiens ont différents seuils de prurit, les propriétaires
ont des perceptions différentes de la sévérité des démangeaisons. Pour cette raison, il
est utile de demander au maître d’utiliser une échelle numérique (1 à 10) ou une
échelle visuelle analogique avec à une extrémité l’absence de prurit et à l’autre le pire
prurit imaginable où le chien se gratte sans arrêt, se réveillant la nuit pour le faire ou
encore interrompant ses activités comme la marche ou la prise de nourriture. Il est
également important de noter la distribution du prurit : est-il généralisé ou localisé ?
Et si oui, à quel niveau?
Quelles sont les manifestations de prurit chez le chat ?
Les chats ont tendance à soulager leurs démangeaisons en se léchant ou en se frottant
et dans une moindre mesure en se grattant. Ceux qui se grattent peuvent s’infliger des
excoriations sévères. Lors d’alopécies auto-induites, on retrouve des distributions
spécifiques: symétriques ou essentiellement à localisation ventrale. Le prurit de la
face et du cou, la dermatite miliaire et le complexe granulome éosinophile (plaques
éosinophiles, ulcères indolents et granulomes linéaires collagénolytiques) sont
d’autres expressions cliniques du prurit chez le chat.
Les indices fournis par l’anamnèse
On ne reviendra pas sur l’importance d’un historique exact et le plus complet
possible, thème d’une des conférences précédentes. Les informations recueillies par
des questions au propriétaire vont parfois aiguiller vers un diagnostic de suspicion.
Par exemple, y a-t-il une possibilité de contagion comme une visite à une clinique
vétérinaire, une participation à une exposition canine ? Est-ce que le chien se
promène en zone rurale où il risque de croiser le chemin de renards (gale) ou de
lapins (cheyletiella) ? Est-ce que le problème est saisonnier ou bien permanent (ceci
est difficile à déterminer si les troubles sont d’apparition récente !). Est-ce que les
propriétaires sont atteints (ce qui pointera vers la gale ou la cheyletiellose) ?
L’examen physique
Il est essentiel d’être complet et minutieux! Y a-t-il des excoriations auto-induites ?
Quelle est la distribution des lésions ? A quel niveau se situent les pertes de poils et
est-ce que leur extension peut s’expliquer par la gravité du prurit ou bien y a-t-il une
autre affection qui contribue à la chute des poils ? Est-ce qu’on trouve des lésions
primaires et si oui, de quelle nature sont-elles ? Où les retrouve-t-on ? Y a-t-il des
évolutions secondaires évidentes ? Trouvez-vous des puces ou leurs déjections ? Y at-il des signes de la présence de poux ou des lentes ?
Les pyodermites, surtout superficielles peuvent s’avérer extrêmement prurigineuses,
en voyez-vous des signes? Si les lésions s’améliorent avec un traitement antibactérien
mais que le prurit persiste, il faudra chercher une maladie allergique sous-jacente.
Examen cytologique et raclages cutanés
Examen cytologique de calque cutané. Il suffit d’appliquer une lame de microscope
propre sur la lésion. Si des pustules sont présentes, il est possible de les percer à
l’aide d’une aiguille 26G avant de poser la lame. Ensuite, on fixe le prélèvement à la
flamme et on le colore à l’éosine-hématoxyline.
Scotch test (test au ruban adhesif). On utilise cette technique aux endroits où on
suspecte la présence de Malassezia ou une prolifération bactérienne, deux affections
qui peuvent être fort prurigineuses. Après avoir coupé les poils avec des ciseaux, on
applique fermement un morceau de ruban adhésif au niveau des lésions. Il ne faut
PAS fixer le papier collant mais le colorer avec de l’éosine-hématoxyline, le placer
sur une lame de microscope et l’examiner. On peut aussi identifier des parasites de
surface comme les Cheyletiella et les aoûtats (Trombicula) grâce à cette méthode.
Raclages cutanés. On réalise les raclages superficiels et profonds successivement au
même endroit. En superficie, on cherchera à mettre en évidence les Cheyletiella et les
Sarcoptes mâles (ou Notoedres chez le chat) tandis que le raclage profond permettra
de trouver les demodex et les femelles Sarcoptes..
Ce qu’il faut commencer par éliminer chez les chiens
D’abord, souvenons-nous que le dicton “les maladies fréquentes se rencontrent
fréquemment” s’applique aussi aux chiens prurigineux. Par conséquent, cette
présentation n’abordera pas les causes rares de prurit. Nous nous focaliserons sur
celles que nous risquons de rencontrer fréquemment en clientèle généraliste.
Souvenons-nous également que le diagnostic de DAC est un diagnostic d’élimination
et que par conséquent, il est indispensable d’éliminer les autres causes de prurit avant
de l’envisager.
La gale. Elle reste une maladie assez courante malgré l’utilisation fréquente de
produits antiparasitaires à action acaricide. Voici quelques signes évocateurs de la
maladie :
(i) Les autres chiens de la maison sont-ils infectés? N’oubliez pas qu’il faut parfois
plusieurs semaines pour que la transmission du parasite s’effectue. Cela dépend de la
longueur des poils (ils peuvent assurer une protection) et de la proximité des animaux.
(ii) Est-ce que les propriétaires sont contaminés? C’est le cas dans 50 % des cas et le
prurit peut se déclencher dès 12 heures après le contact avec le chien affecté.
(iii) Y a-t-il dans l’historique une possibilité de contagion? Où le chien pourrait-il
avoir été contaminé ?
(iv) S’agit-il d’une maladie à localisation “ventrale” (avec en général des lésions au
bord des pavillons auriculaires) ? La gale n’est quasi jamais présente dorsalement
(v) Un réflexe auriculo-podal est-il présent? Le fait de frotter le bord des oreilles
déclenche-t-il un réflexe de grattage ? Dans une étude récente, ce signe était positif
dans 82 % des cas comparés à seulement 6.2% dans les autres affections
prurigineuses. (Mueller et al, 2001).
(vi). Les raclages cutanés superficiels et profonds ne sont positifs que dans 50 % des
cas.
(vii) Le prurit répond-il à l’administration de corticostéroïdes ? En général, en cas de
gale, on ne constate qu’une amélioration partielle (environ 50%) alors que lors
d’allergies, cette amélioration approche les 100%. Bien entendu, il n’est pas conseillé
d’utiliser cette approche à des fins diagnostiques !
(viii). Dépistage sérologique d’IgG spécifiques de la gale. Ces tests sont utilisés en
Europe avec des résultats inconstants tant sur leur spécificité que leur sensibilité.
(ix). En cas de doute, il est recommandé de faire un test thérapeutique.
Les Cheyletiella. Certains signes sont similaires à ceux de la gale.
(i) Est-ce que les propriétaires sont affectés?
(ii) Est-ce que les autres chiens de la maison sont affectés?
(iii) Où l’animal peut-il avoir été contaminé? Lors d’une balade à la campagne où il y
a des lapins ? Au cabinet vétérinaire ? Lors de contacts rapprochés avec d’autres
chiens?
(iv) Utilisez un morceau de ruban adhésif après avoir délicatement coupé les poils ou
un raclage cutané superficiel ou examinez les tiges pilaires pour trouver des œufs.
(v) Dans la plupart des cas, on arrive à un diagnostic positif mais si les
commémoratifs et les signes cliniques font suspecter une cheylétiellose, on peut avoir
recours à un essai thérapeutique pour poser un diagnostic définitif.
Trombicula (aoûtats). On les retrouve dans certaines régions, en général pendant une
période limitée de août à septembre mais aussi parfois plus longtemps dans d’autres
endroits. Les parasites sont visibles à l’œil nu. Ce sont des petits points de couleur
orange qui se retrouvent souvent entre les doigts ou sur les pavillons auriculaires.
Les poux. Mordeurs (Mallophagia) ou suceurs (Anaplura), ils ont une distribution
géographique assez limitée et sont facilement repérables à cause de l’aspect brillant
des lentes.
Demodex. En general, ils ne provoquent pas de prurit sauf en cas de pyodermite
secondaire. L’examen de raclages cutanés profonds ou de matériel purulent issu des
lésions de pyodermite va rapidement permettre d’exclure cette maladie.
Dermatite par allergie aux piqures de puces (DAPP). La distribution des lésions est
caractéristique : sur le bas du dos et l’arrière des cuisses. La présence de puces ne
justifie pas le diagnostic en l’absence de réponse allergique. En effet, une infestation
par les puces peut n’être que peu ou pas prurigineuse. Le diagnostic requiert :
(i). La présence de puces ou de leurs déjections – mise en évidence par brossage
(ii) Une distribution compatible
(iii)La preuve d’une hypersensibilité qui peut être mise en évidence par un test
intradermique entrainant une réaction immédiate (IgE) ou retardée (médiation
cellulaire) à 24-48 heures. Si l’un des deux s’avère positif, on peut conclure à un
diagnostic d’hypersensibilité. On peut aussi réaliser un test sérologique mais
seulement 80 % des chiens et des chats cliniquement allergiques auront une réponse
positive alors que le reste présentera seulement une hypersensibilité retardée.
Dermatite à Malassezia. Cette affection a un aspect assez typique et les zones
atteintes prennent généralement un aspect gras et hyperkératosique. Il existe plusieurs
avis quant au nombre d’organismes requis pour confirmer le diagnostic, allant de >2 à
> 10 dans 15 champs microscopiques sélectionnés au hasard et examinés avec un
objectif à immersion. Néanmoins, il faut rester prudent. Dans certains cas, un
traitement antifongique éliminera les organismes mais n’aura aucun effet sur le prurit.
Parfois, en revanche, le traitement aura un effet spectaculaire sur les démangeaisons.
Deux facteurs sont importants :
(i) Souvenez-vous que la présence de quantités importantes de Malassezia est
généralement secondaire à une maladie sous-jacente
(ii) L’hypersensibilité à l’organisme peut être responsable des signes cliniques. Ceci
justifie un dosage sérologique des IgE spécifiques aux Malassezia.
Proliférations bactériennes et pyodermites. Les proliférations bactériennes peuvent se
développer seules ou en même temps qu’une dermatite à Malassezia. Le test au ruban
adhésif ou les calques cutanés révèleront un nombre important de coques et parfois
aussi des extravasation dans les neutrophiles, preuves d’une phagocytose active. Les
lésions sont généralement grasses et érythémateuses.
Pyodermite superficielle – impetigo ou folliculite sont facilement diagnostiqués par la
présence de pustules. En cas de folliculite, la phase “pustules” est souvent brève et les
lésions les plus observées sont des papules qui s’étalent en des lésions croûteuses et
évoluent en collerettes épidermiques. Les pyodermites superficielles provoquent un
prurit variable. Comme pour les Malassezia, rappelez-vous que:
(i) Les pyodermites résultant généralement d’une affection sous-jacente, la plupart du
temps une DAC
(ii) Le prurit associé peut être la conséquence de la maladie sous-jacente ou
éventuellement d’une hypersensibilité à l’organisme.
Ce qu’il faut commencer par éliminer chez les chats
Une fois de plus, les maladies parasitaires sont les premières à éliminer.
La gale du chat. Causée par Notoedres cati, cette affection extrêmement prurigineuse
a une distribution des lésions caractéristique, localisée au niveau de la tête et du cou.
La maladie se retrouve dans des zones géographiques limitées et bien définies. Elle
est absente dans de nombreuses parties du monde. L’acarien peut également
provoquer une irritation prurigineuse chez l’homme. Le parasite est facilement mis en
évidence par raclage cutané.
Cheyletiella n’est pas rare chez le chat. L’infestation provoque un prurit d’intensité
variable et il existe des porteurs asymptomatiques. Pour le diagnostic, on procède
comme chez le chien.
Demodex gatoi, est la forme prurigineuse de démodécie chez le chat. On le met en
evidence par des raclages cutanés superficiels.
Trombicula. Peut provoquer un prurit intense chez le chat. On le retrouve
principalement au niveau de l’espace inter digité ou dans la plicature des pavillons
auriculaires.
Otodectes. Les agents de la gale d’oreille peuvent quitter le conduit auditif et infester
la face et la région du cou. On arrive à les discerner avec un otoscope au niveau du
conduit et on les retrouve dans des raclages cutanés. Une réaction d’hypersensibilité
est bien documentée et le prurit peut être important.
Les poux provoquent parfois du prurit et sont facilement mis en évidence.
Dermatite par allergie aux piqures de puces (DAPP) est sans aucun doute l’affection
dermatologique féline la plus commune au monde et elle peut provoquer diverses
formes de réaction. La présentation clinique la plus fréquente est une alopécie
symétrique au niveau de l’abdomen, le « syndrome du ventre nu » accompagnant ou
pas une dermatite miliaire. Les lésions peuvent aussi se concentrer au niveau de la
tête et du cou. Comme les chats se toilettent méticuleusement, il est souvent difficile
de mettre l’infestation parasitaires en évidence. On peut démontrer l’hypersensibilité
par un skin-test ou une sérologie mais la présence de la seule hypersensibilité ne
justifie pas le diagnostic. C’est pourquoi il est recommandé d’éliminer ou de
confirmer l’implication des puces par un essai thérapeutique.
L’alopécie psychogène. Cette tendance au toilettage excessif est principalement
décrite chez les Siamois et les Burmeses mais elle peut être sur-diagnostiquée. Elle
est discutée plus en détail un peu plus loin, dans les maladies allergiques.
OK – nous avons éliminé toutes les causes de prurit décrites ci-dessus.
Maintenant, on fait quoi pour le chien prurigineux?
Il nous faut maintenant envisager une dermatite atopique (DAC) ou une réaction
indésirable d’origine alimentaire (AFR pour l’anglais Adverse Food Reaction).
Commençons par réviser certaines notions fondamentales.
DAC et AFR – s’agit-il de la même maladie?
Ce sujet reste l’objet de controverses. On associe généralement la DAC à des
allergènes environnementaux qui franchissent la barrière cutanée. Jusqu’à présent,
elle était considérée comme une affection séparée de l’hypersensibilité alimentaire
bien que tout le monde admette qu’il soit possible que les deux affections se
produisent simultanément sur un même patient. Chez l’homme, elles sont considérées
comme une pathologie unique et beaucoup de patients sont traités
symptomatiquement, sans investigation supplémentaire pour déterminer le rôle des
aéroallergènes ou des aliments. Néanmoins, l’approche vétérinaire classique qui
consiste à évaluer le rôle des aliments avant d’envisager l’implication des
aéroallergènes permet sans doute une meilleure approche thérapeutique.
Les termes de “Food Induced Allergic Dermatitis (FIAD), c’est à dire dermatite
allergique d’origine alimentaire, et dermatite allergique au sens strict (DACss) pour
décrire la dermatite allergique associée à des aéroallergènes ont été introduits par
Picco et al en 2008. Les auteurs définissent les différences suivantes entre FIAD et
DACss
(i). FIAD tend à débuter chez des jeunes chiens: 48% montrent des signes cliniques
avant l’âge d’un an alors que c’est le cas pour seulement 16% des chiens atteints de
DACss
(ii). Il y a une incidence plus élevée de troubles gastro-intestinaux concomitants chez
les sujets FIAD.
(iii) On retrouve une incidence plus élevée de Malassezia chez les chiens FIAD.
(iv) Il n’y a pas de saisonnalité chez les sujets FIAD alors que 35% des chiens
atopiques montrent des variations saisonnières.
(v) En plus des races prédisposées à la DACss, les Bergers allemands, les Carlins, et
les Rhodesian ridgebacks sont eux prédisposés à la FIAD.
Certains ont étendu l’usage de terme de « dermatite allergique d’origine alimentaire”
(FIAD) aux réactions indésirables d’origine alimentaire tout en admettant que
l’allergie alimentaire peut parfois avoir des présentations différentes.
En fait, peu importe la terminologie pour autant que l’on considère séparément le rôle
des aliments et des aéroallergènes. Pour le reste de cette discussion, nous
continuerons à parler de dermatite atopique (DAC) et d’hypersensibilité alimentaire
(HA).
Diagnostic des hypersensibilités alimentaires chez le chien
Quelle est la pathogénèse? Dans certains cas, il existe des preuves d’une médiation
immunitaire à IgE mais il apparait également qu’une hypersensibilité à médiation
cellulaire (retardée) est impliquée. Des patch-tests et les tests sur la blastogénèse des
lymphocytes réalisés dans des laboratoires spécialisés ont une très bonne sensibilité et
spécificité. Malheureusement, ils sont fastidieux à réaliser (pour les premiers) ou pas
encore disponibles (pour les seconds). Il existe quelques preuves que des tests
ELISA pour des IgE ou des IgG spécifiques d’allergènes alimentaires seraient utiles
pour sélectionner un régime d’élimination car ils ont une valeur prédictive négative
élevée (>80 %). Cependant, ils ne peuvent pas être utilisés pour déterminer la nature
de l’allergène impliqué.
Quelle est la meilleure méthode diagnostique, le “Gold Standard ».” Il est
universellement reconnu que la seule façon d’atteindre un diagnostic est d’observer
une forte diminution ou un arrêt complet du prurit lorsque nourrit l’animal avec un
aliment hypoallergénique. Les symptômes doivent réapparaître à la réintroduction de
l’aliment d’origine ou d’un de ses constituants. Il faut faire ce régime pendant 8
semaines ou jusqu’à ce qu’une amélioration soit constatée. Pour soulager l’animal, il
est tout à fait acceptable d’administrer des corticostéroïdes à dose antiprurigineuse
durant les deux premières semaines du test. On les supprimera ensuite pour vérifier
l’efficacité de l’aliment. Lors du challenge, la plupart des chiens présentent une
rechute au bout de 3 jours mais chez certains, il faut parfois attendre jusque 2
semaines.
Quel aliment utiliser? Il en existe de plusieurs types:
(i) Aliments commerciaux à antigène limité. Dans les faits, ils ne se montrent pas des
plus utiles car seulement 40-60 % des cas y répondent favorablement – peut-être en
raison de contaminations par d’autres protéines.
(ii) Aliments hydrolysés. Ils représentent l’approche optimale mais à l’heure où
j’écris, ils ne se sont pas révélé 100 % fiables, avec 80 – 90 % de réponses. Certaines
études suggèrent que certains de ces aliments contiennent en fait des contaminants
d’un poids moléculaire plus élevé.
(iii) Les rations ménagères à base d’une seule source protéique. C’est sans doute la
meilleure approche diagnostique avant d’évaluer divers aliments commerciaux pour
le long terme. La source de protéine sera choisie soit après un historique nutritionnel
complet, en évitant les possibles réactions croisées (par exemple bœuf, agneau et
produits laitiers) ou sur la base d’une sérologie négative. La pomme de terre est une
source d’hydrates de carbone tout à fait acceptable.
Quels résultats peut-on attendre? Il y a trois possibilités : (i) amélioration totale, (ii)
amélioration partielle ou (iii) absente. Dans le cas (i), le diagnostic est fait. Pour la
situation (ii), on a un diagnostic partiel et il faut considérer la possibilité d’une DAC
concomitante. Pour la situation (iii), envisager la DAC.
Diagnostiquer une hypersensibilité alimentaire chez le chat
Les réactions indésirables en réponse à l’ingestion d’un aliment peuvent provoquer
n’importe lequel des schémas réactionnels observés chez le chat. On adoptera la
même approche diagnostique que chez le chien, en veillant à fournir un taux de
taurine adéquat dans le cas des rations ménagères. Chez le chat, il subsiste le
challenge des alopécies psychogènes qui constituent aussi largement un diagnostic
d’élimination, comme pour la dermatite atopique. Cette affection qui se retrouve
principalement chez le Siamois et le Burmese est en fait moins courante que ce qu’on
croit généralement. Dans une étude récente au Canada, 20 chats présentant une
alopécie symétrique consécutive à un léchage excessif ont été référées avec ce
diagnostic mais au final, seulement deux cas se sont révélés être réellement une
alopécie psychogène. (Table 1)
Table 1
Diagnostic final sur 20 chats référés avec un diagnostic d’alopécie psychogène.
(Waisglass et al, 2006)
Diagnostic
N=
Hypersensibilité alimentaire + dermatite atopique
Hypersensibilité alimentaire
Sans diagnostic
Hypersensibilité alimentaire + dermatite atopique + allergie
aux puces
Dermatite atopique
Parasitose non-diagnostiquée
Parasitose non-diagnostiquée + bacteries
Dermatite atopique +psychogène
Dermatite atopique + hypersensibilité alimentaire +
psychogène
Psychogène seule
5
5
2
1
1
1
1
1
1
2
Le diagnostic final par exclusion – la dermatite atopique canine (DAC)
Lorsqu’on a éliminé toutes les possibilités mentionnées ci-dessus ou s’il n’y a qu’une
réponse partielle à l’aliment hypoallergénique, il faut envisage un diagnostic de DAC.
L’affection est définie comme suit :
“Maladie cutanée allergique à prédisposition génétique avec des caractéristiques
cliniques spécifiques et des anticorps IgE généralement dirigés contre des allergènes
environnementaux » (Halliwell et al, 2006)
Toutes ces caractéristiques ont été évaluées en tant que critères diagnostiques à
plusieurs reprises au cours des dernières années. Ceux proposés par Favrot et
collègues (2010) sont les plus acceptés. Neuf critères considérés comme les plus
typiques ont été répartis en deux catégories, avec des sensibilités et des spécificités
définies. Les voici :
Critère
Age d’apparition < 3 ans
Vit principalement à l’intérieur
Prurit répondant aux corticostéroïdes
Infections chroniques ou récurrentes par
des levures
Pattes avant atteintes
Pavillons auriculaires affectés
Bords des oreilles non affectés
Zone lombaire non affectée
Prurit sine materia initial (sans
dermatose sous jacente)
Catégorie 1 ou 2
Les deux
Les deux
Catégorie 1
Catégorie 1
Les deux
Les deux
Les deux
Les deux
Catégorie 2
Evidemment, il n’est pas nécessaire que tous les critères soient remplis pour chaque
cas. Par exemple, un chien vivant à l’extérieur peut devenir atopique. Bien entendu, il
y aura sûrement des lésions au niveau de la région dorso-lombaire en cas de DAPP
concomitante. Ces critères sont néanmoins des guides précieux pour atteindre le
diagnostic final.
Figure 1
Arbre décisionnel pour l’approche du chien prurigineux
Pointeurs issus de l’anamnèse
A garder pour plus tard
Examen physique
Cytologie et
raclages cutanés
A garder pour plus tard
Utile mais pas
diagnostique
A garder pour plus tard
Traiter
Guéri
Recherche de parasites
– brossage
Négatif
Diagnostic
Positif
Pyodermite
Positif
Traiter
Négatif
Traiter
Guéri
Réaction à un
aliment?
Guéri
Récurrence
Réponse
partielle
response
Critères positifs y compris
pour les IgE d’allergènes
environnementaux
Pas de
réponse
Envisager
DAC
Diagnostic de DAC +/- AFR
Réponse
totale
Diagnostic
d’hypersensibilité
alimentaire
Critères positifs mais IgE des
allergènes environnementaux
négatifs
Diagnostic de dermatite ” atopiclike”
Et la dermatite atopique chez le chat ?
La maladie n’est pas aussi bien définie chez le chat. On peut la retrouver avec les
caractéristiques cliniques décrites plus hauts seules ou en combinaisons. Dans
certains cas, des troubles respiratoires peuvent également être présents.
Faut-il réaliser des tests allergologiques?
Les tests intradermiques ou sérologiques pour la mise en évidence d’IgE spécifiques
d’allergènes sont réalisés chez les chiens et les chats pour deux raisons :
(i) Pour aider dans la sélection des allergènes pour une immunothérapie. Cette
méthode demeure l’option thérapeutique préférée de nombreux cliniciens
(ii) Pour distinguer la véritable dermatite atopique (DAC) des symptômes similaires
à la dermatite atopique, en anglais « atopic-like dermatits » (ALD). Dans ce cas, on
retrouve les caractéristiques cliniques de la DAC mais on ne peut pas mettre en
évidence la présence d’IgE spécifiques d’allergènes. Il faut identifier précisément de
quoi il s’agit car les symptômes peuvent correspondre à une autre affection et
répondre différemment aux traitements médicaux. Il faut toutefois se souvenir que la
présence d’IgE spécifiques d’allergènes n’est pas diagnostique en soi car on retrouve
fréquemment des résultats positifs chez des chiens normaux.
Et finalement
Le diagnostic atteint, on peut envisager les diverses options thérapeutiques mais
rappelez-vous qu’il n’existe aucune molécule mise sur le marché uniquement pour
traiter le prurit.
Références choisies:
1. Favrot, C, Steffan J, Seewald W, et al. A prospective study on the clinical features
of chronic canine atopic dermatitis and its diagnosis. Vet Dermatol 2010; 21:
23.31.
2. Gonzales AJ, Humphrey WR, Messamore JE, et al. Interleukin-31: its role in
canine pruritus and naturally occurring atopic dermatitis. Vet Dermatol 2013; 24:
48-54.
3. Halliwell, R and the ITFAD. Revised nomenclature for veterinary allergy. Vet.
Immunol. Immunopathol 2006; 114: 207-208.
4. Mueller, R, Bettanay, S and Shipstone, M. Evaaluation of the pinnal/pedal reflex
in the diagnosis of canine scabies. Vet Rec 2001; 148: 621-623.
5. Picco F, Zini E, Nett C, et al. A prospective study on canine atopic dermatitis and
food-induced allergic dermatitis in Switzerland. Vet Dermatol 2008; 19: 150-155.
6. Waisglass SE, Landsberg GM, Yager JA, et al. Underlying medical conditions in
20 cats with presumptive feline psychogenic alopecia. J Am Vet Med Assoc 2006;
228: 1705-1709.

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