Les emprunts du thai dans les guides touristiques en francais

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Les emprunts du thai dans les guides touristiques en francais
CHAPITRE I
Emprunts linguistiques
Nous pouvons classer l'emprunt parmi les différentes formes de néologie.
Le dictionnaire Le Nouveau Petit Robert définit la néologie comme « Processus par
lesquels le lexique d’une langue s’enrichit, soit par la dérivation et la composition,
soit par emprunts, calques, ou par tout autre moyen (sigles, acronymes...) » (Robert,
Rey-Debove, & Rey, 2008, p.1682). Tandis que le Dictionnaire de linguistique
(Dubois et al., 1974, p. 322) lui donne la définition suivante :
« La néologie est le processus de formation de nouvelles unités lexicales.
On distingue néologie de forme et néologie de sens. De nombreux processus existant
en langue permettent la néologie de forme : préfixation et suffixation (minijupe,
vietnamiser),
troncation
(une
mini),
siglaison
(sida,
pour
Syndrome
Immunodéficitaire Acquis), etc. On peut penser que l’emprunt aux langues étrangères
est à assimiler au néologisme de forme ».
Marie-Françoise MORTUREUX (2001, pp. 115-121) a classé les
néologismes en trois catégories : la néologie formelle, la néologie sémantique et
l’emprunt :
1. La néologie formelle : c’est la création d’un nouveau mot, c’est
l’association d’un nouveau signifié à un nouveau signifiant.
2. La néologie sémantique : c’est la création d’un nouveau signifié pour un
mot existant.
3. L’emprunt : c’est l’importation des mots étrangers dans une langue.
André GOOSSE (membre du Conseil international de la langue
française), dans son ouvrage, La néologie française aujourd’hui (Goosse, 1975,
chap. 1-4), a divisé le procédé de néologie en quatre types : la dérivation, la
composition, l’emprunt et les autres procédés :
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1.
La dérivation : c’est la création des mots à l’aide des suffixes ou des
préfixes, par exemple, -ation (automation, régulation), ré- (réécrire,
réinterprétation), etc.
2. La composition : c’est la création lexicale par le mixage des mots, il existe
de nombreuses façons de composer, par exemple : pause-café, filmspectacle, la composition à l’aide d’un élément français, latin ou grec :
hyperfemme, ultradroite, etc.
3. L’emprunt : par exemple, les emprunts à l’anglais (cafétéria, cocktail), aux
autres langues étrangères (safari, alcool), aux langues anciennes (campus,
symposium, etc.), mais aussi aux dialectes (cannisse du dialecte de la
région Provence), etc.
4. Les autres procédés : par exemple, la création par l’onomatopée, par
l’abrègement (la télé, le ciné, etc.).
Le Conseil international de la langue française (CILF) fondé en 1973
travaille sur divers aspects de la langue française : la terminologie, la linguistique, la
néologie, etc. Il classe les modes de production des mots nouveaux en trois grandes
catégories : le néologisme de sens, le néologisme de forme et les emprunts. (DikiKidiri, Joly & Murcia, 1981, pp. 48-55)
1. Le néologisme de sens (ou néologie passive) consiste à utiliser une forme
présente en français et à la charger d’un sens nouveau.
2. Le néologisme de forme (ou morphologique) consiste à créer une forme
nouvelle (simple ou composée) pour dénommer une notion nouvelle.
Plusieurs procédés sont possibles : la création ex-nihilo, la création par
combinaison d’éléments lexicaux existants, la composition, la siglaison, la
troncation, les mots-valises, etc.
3. Les emprunts sont des unités lexicales étrangères que le français adopte.
L’emprunt peut parfois conserver sa forme indigène si celle-ci est aisément
assimilable par le système phonétique français.
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Louis GUIBERT (1975, pp. 59-101) propose de répartir les néologismes
en quatre grands groupes : néologie phonologique, néologie sémantique, néologie par
emprunt et néologie syntagmatique.
En ce qui concerne l’emprunt lui-même, le Dictionnaire de linguistique,
le définit de la façon suivante :
« Il y a emprunt linguistique quand un parler A utilise et finit par intégrer
une unité ou un trait linguistique qui existait précédemment dans un parler B (dit
langue source) et que A ne possédait pas ; l’unité ou le trait emprunté sont eux-mêmes
qualifiés d’emprunts ». (Dubois et al., 1974, p. 177).
Dans l’ouvrage Termes et concepts pour l’analyse du discours : une
approche praxématique, l’emprunt est un « terme générique désignant l’introduction
dans un système linguistique d’éléments lexicaux (bases ou morphèmes), discursifs
(locutions et phraséologies), syntaxiques, (mots outils ou structures) repris d’une autre
langue ». (Détrie, Silblot & Verine, 2001, p. 100).
Louis DEROY, dans son ouvrage L’emprunt linguistique, a repris la
définition de Vittore PISANI en la traduisant de la façon suivante : « l’emprunt est
une forme d’expression qu’une communauté linguistique reçoit d’une autre
communauté ». (Deroy, 1980, p. 18)
Beaucoup de mots utilisés en français sont des emprunts de plusieurs
types : selon le son, selon la forme ou selon le sens. Une grande partie d’emprunts en
français ont une origine occidentale, par exemple, l’anglais (le baby, le gangster, le
parking, le week-end, le tennis, le T-shirt, etc.), l’espagnol (le patio, le tiento, la
corrida, etc.), l’allemand (le schupo, l’ersatz, le bock, etc.), l’italien (la mafia, la
fantasia, le crescendo, etc.), etc. Nous voyons également des emprunts d’autres
origines dans les dictionnaires français : l’origine japonaise (le samouraï, le kamikaze,
le hara-kiri, le kimono, etc.), l’origine indienne (le brahmane, le devanâgarî, le pali,
le rishi, etc.), l’origine chinoise (le kaolin, le letchi, le pacfung, le taoïsme, etc.),
l’origine malaise (le cacatois, le gong, le kriss, le sagou, etc.), etc.
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Un mot emprunté peut se trouver dans plusieurs langues, nous ne pouvons
pas toujours déterminer immédiatement de quelle langue cet emprunt provient. Par
exemple, le mot français bizarre ressemble formellement à bizarro en espagnol et à
bizzaro en italien mais en espagnol, il signifie « courageux, mâle » et en italien, il
signifie : « ombrageux, colérique, humeur incertaine ». L’analogie morphologique
n’est donc pas suffisante ici pour identifier la provenance de cet emprunt en français
mais grâce au critère sémantique, nous pouvons déterminer que le mot bizarre
pourrait venir de l’italien.
Pierre GUIRAUD, dans Les mots étrangers (Guiraud, 1971, pp.100113), donne quatre façons d’intégrer des emprunts dans la langue française :
a) Intégration phonétique
Dans le cas où l’emprunt étranger en français garde une même
orthographe que celle de la langue d’origine, celui-ci subira souvent une adaptation
phonétique, par exemple, le piano (ital.), le pull-over (angl.), etc.
b) Intégration morphologique
En français, la plupart des mots sont formés par la combinaison de
plusieurs éléments : racines, suffixes, préfixes, etc. Les autres langues possèdent leur
système de composition et de dérivation propre. Les langues de la même famille indoeuropéenne comme le français, l’espagnol, l’italien ou l’anglais, se ressemblent du
point de vue de la construction morphologique. Mais les langues plus lointaines
diffèrent beaucoup du français du point de vue morphologique, dans ce cas, le
français a recours à la traduction ou bien à la translittération en alphabet latin, par
exemple, les emprunts provenant de la langue arabe (abricot, gaze, alcool), de la
langue japonaise (tsunami, torii, obi), de la langue sanskrite (svastika, soutra, pandit),
etc.
c) Intégration lexicale
Il y a deux processus pour l’assimilation lexicale : le calque ou le
glissement sémantique.
l. Calque morphologique, c’est la création d’un mot par le moyen de la
traduction d’un mot étranger. Par exemple, blue-stocking → bas-bleus, ou talat
nam → le marché flottant (mot à mot « marché sur l’eau »).
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2. Calque sémantique, il s’agit des cas où il existe une forme identique
dans les deux langues mais avec un sens différent. Le calque sémantique se fait
lorsqu’il y a un glissement de sens d’une langue à une autre, par exemple,
« contrôler » qui prend le sens de diriger (« contrôler » en français n’avait pas ce sens
à l’initial : ce nouveau sens « diriger » provient du calque sémantique de l’anglais ;
« réaliser » dans le sens de « se rendre compte » (au départ, le verbe « réaliser » n’a
pas le sens de « se rendre compte », ce dernier est également un calque sémantique de
l’anglais).
d) Intégration grammaticale
Pour intégrer un élément étranger dans les phrases françaises, il faut que
cet élément possède les traits grammaticaux indispensables en français. Par exemple,
en français, les verbes sont conjugués avec leurs sujets, lorsqu’un verbe est un
emprunt d’une langue où la conjugaison n’existe pas, on voit souvent la
transformation de ce verbe en verbe conjugable selon les habitudes françaises :
« interview » (anglais) → « interviewer » (j’interviewe, tu interviewes, il interviewe,
nous interviewons, vous interviewez, ils interviewent).
Les éléments empruntables sont d’une grande diversité. D’après Louis
DEROY, dans l’ouvrage L’emprunt linguistique, « il est permis d’affirmer que tous
les éléments d’une langue sont empruntables. Mais tous ne s’empruntent pas avec la
même facilité : plus l’élément est lexical, plus il est empruntable ; mais plus il est
grammatical, moins il est empruntable » (Deroy, 1980, p.67). Nous pouvons diviser
les éléments empruntables selon les catégories linguistiques :
-
Le nom (ex. : du japonais (le hara-kiri, le judo), de l’italien (la pizza, la
vendetta), ou de l’allemand (le stuka, l’anschluss)),
-
Le verbe (ex. : de l’anglais dribbler, puddler),
-
L’adjectif (ex. : de l’anglais smart, del’indien kaki),
-
L’adverbe (ex. : de l’italien scherzando, sostenuto).
-
La préposition, l’interjection et la conjonction peuvent rarement être
empruntées, nous avons trouvé quelque exemple comme apropos en anglais et
bicause en argot français, ou la conjonction ki (que) en turc moderne.
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Louis DEROY (Ibid., p. 21) affirme dans son ouvrage L’emprunt
linguistique qu’« on entend souvent par « emprunt » le seul emprunt de mot ou
l’emprunt lexical. Il est, en effet, le plus fréquent, le plus apparent, le plus largement
connu. On ne doit cependant pas oublier que les langues s’approprient aussi des sons,
des façons d’accentuer, des traits morphologiques, des sens, des tours syntaxiques.
Mais c’est de l’emprunt de mot que procèdent, en réalité, tous les autres, sauf peutêtre certaines influences syntaxiques. Le mot emprunté apporte avec lui des éléments
grammaticaux qui secondairement se développent de façon autonome. C’est pourquoi
une étude de l’emprunt est et doit être, avant tout, lexicologique ».
Dans notre corpus, ce sont effectivement les éléments lexicaux
notamment les substantifs qui ont été les plus empruntés, par exemple le tom ka kai
(n°B.161), le kao soi (n°A.517), le rachasap (n°A.549), du Khõn (n°A.157), le rót
khěn (n°A.227), (changwat) (n°A.282), (amphoe) (n°A.283), le Wat Phra Sing
Luang (n°C.073), Mu Ko Similan (n°D.002), le Doï Inthanon (n°C.036), etc. Dans
les trois corpus, les adjectifs, adverbes et verbes sont plus rares mais nous trouvons
quelques exemples comme le verbe kin khâo (manger, n°B.064), tum (piler, n°A.263),
thâwt kàthǐn (participer à la donation des robes monastiques, n°A.181), ráat khâo
(verser sur le plat, n°B.078), l’adjectif dii (bon, n°A.247), Sanuk (amusant, n°A.288),
chai ron (impatient, n°A.458), chai yen (patient, n°A.459) et l’adverbe mâi (non,
n°A.248).
Étant donné la grande différence entre l’alphabet thaï et l’alphabet latin
que le français a adopté, les emprunts thaïs en français ont tous subi d’abord la
transcription en alphabet latin, par exemple, écrit náam sôm khán (« le jus
d’orange », n°B.092), ก écrit sakdi na (« la féodalité », n°B.306) ou écrit
lákhawn (« théâtre », n°A.125), etc. Pour cette raison, un même emprunt peut avoir
plusieurs orthographes une fois transcrit en alphabet latin : les systèmes
phonologiques du français et du thaï diffèrent beaucoup, les sons thaïs qui n’existent
pas en français comportent généralement plus de variation orthographique que les
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sons qui existent dans les deux langues, pour ces derniers leurs orthographes varient
nettement moins.
Nous notons aussi que les emprunts du thaï s’intègrent dans la morphosyntaxe française, l’intégration la plus courante est le fait qu’un nom emprunté du
thaï, langue où le genre est inexistant, prend un déterminant qui indique le genre et le
nombre ; par exemple, un arahant (n°A.370), le tiratana (n°A.047), le phin (n°A.096),
ces sarongs (n°A.034), le kháwng wong yài (n°B.028), la sangha (n°A.042), les
lakshanas (n°A.571), des krathongs (n°A.542), etc.