Comment rédiger un rapport de mission
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Comment rédiger un rapport de mission
Vincent et Bérengère Chargé de maintenance et psychomotricienne, Little Eden, Edenvale, Afrique du Sud Date : Novembre 2014 91 boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris - France Tél.: +33 (0)1 58 10 74 80 Courriel : [email protected] www.fidesco.fr Rapport de mission n°1 Introduction Une petite mise au point sur notre situation Avant toute chose dans ce premier rapport, il importe en effet de mettre à la page tous ceux pour qui nous n’avons pas encore eu la patience de mettre au courant de la particularité de notre mission. En effet, le lecteur attentif aura bien vu, sur la page de garde, que notre mission actuelle n’a rien à voir avec ce qui était annoncé. « Aurions-nous été floués ? De toute façon, ce n’est jamais comme dans la pub… ». Que nenni ! Soyez rassurés, notre mission officielle est toujours de partir vers Polokwane nous occuper d’enfants aveugles. Seulement, les volontaires actuels terminant l’année scolaire fin novembre, nous ne devons prendre la suite qu’à partir de janvier, après les vacances d’été ici. L’association Little Eden a donc eu la bonté de nous accueillir pour quatre mois aux côtés de trois autres volontaires présents depuis un an. Nous voilà donc dans un centre pour personnes handicapées, Bérengère exerçant son métier de formation (psychomotricienne) et Vincent donnant un coup de main pour la maintenance des bâtiments. De quoi nous permettre de nous intégrer doucement en Afrique du Sud, grâce à un environnement plus européen qu’à Polokwane. Arrivée en Afrique du Sud Après un vol des plus calmes, via Doha au Quatar, nous atterrîmes sur notre terre de mission à l’aéroport de Johannesburg. Nous fûmes immédiatement pris en charge par la CEO de Little Eden, Lucy, et son mari Luigi, qui nous attendaient. Le centre a l’avantage de n’être qu’à une vingtaine de minutes de l’aéroport, et nous profitâmes du trajet pour faire connaissance. L’accueil de Little Eden fut des plus chaleureux, et la découverte de la ville largement facilitée par la présence de deux volontaires française (de Fidesco également), Clémence et Hélène, présentes depuis un an. Little Eden eut la gentillesse de s’occuper de toutes les formalités administratives pour nous, de l’ouverture d’un compte bancaire aux leçons de conduites (car même si ici on roule à gauche, c’est loin d’être le plus difficile à gérer sur une route où tout est imaginable). D’une manière générale, la famille dirigeante de l’association est d’une générosité à toute épreuve et nous nous sentîmes très rapidement accueillis et intégrés, également grâce à la grande estime qu’ont acquise les autres volontaires Fidesco durant leur première année de mission. Remerciements Après déjà deux mois passés en Afrique du Sud, tous nos remerciements vont d’abord à toute la famille gérant Little Eden dont l’accueil a été absolument incroyable. Grâce à eux notre intégration a été des plus agréables et aujourd’hui encore, ils regorgent de petites attentions pour nous rendre la vie plus facile. Nous n’oublions pas non plus tous ceux qui nous ont aidés avant notre départ effectif et qui continuent de nous aider par leur soutien amical et leurs prières, en particulier nos familles et nos parrains spirituels. Enfin, merci à toute l’équipe Fidesco pour l’organisation pratique de cette belle aventure qui commence. Présentation des environs L’Afrique du Sud, rejeton de l’Europe en quête de rémission Lorsque nous avons annoncé que nous partions en Afrique du Sud, nous avons eu nombre de réactions du genre : « Oh, c’est génial, vous allez voir plein d’animaux au cœur de paysages superbes ! » ou encore « La chance, la patrie de Nelson Mandela ». Pour le peu que nous ayons découvert jusqu’à présent, la réalité est d’une complexité incroyable. Tout d’abord, habitant en ville, le seul animal atypique que nous ayons vu en deux mois était un singe traversant l’autoroute (au cœur de paysages sublimes, c’est vrai). En termes sociaux, la région connut une histoire des plus chaotiques avec des guerres tribales depuis des siècles avant de connaître plusieurs vagues de colonisation et l’asservissement, puis la ruée vers l’or et une guerre entre européens non sans conséquence pour les populations locales, et enfin le point d’orgue de l’Apartheid au vingtième siècle. Les conséquences de cette histoire sont largement visibles dans notre travail de tous les jours. D’une part, de très nombreuses ethnies noires sont représentées dans l’association ; si l’anglais est la langue officielle, plus de 8 autres langues y sont parlées, avec tout de même une prédominance pour le Zoulou et le Sotho liée à la région. Toutes ces ethnies ont leur propre culture et leurs propres façons de faire ; si l’entente est cordiale entre tous les employés de l’association, ceux-ci restent tout de même plus souvent entre personnes d’une même tribu. La relation entre blancs et noirs est également très ambigüe. Si en théorie l’égalité est de mise, une hiérarchie implicite est omniprésente, semblant être le mélange entre l’héritage de la domination blanche et le fait que globalement, les blancs sont riches et les noirs pauvres. Enfin, le point le plus gênant pour nous est le sentiment prégnant d’insécurité. Les barbelés et autres clôtures électriques sont partout, et si nous n’avons pas encore eu de problèmes, les témoignages de victimes d’agressions sont légions et se promener à deux la nuit tombée (c’est-à-dire à 19h) n’a rien de rassurant. Certains quartiers nous sont simplement défendus. L’existence de « booms », des pâtés de maisons entiers à l’accès protégé par des entreprises privées, ne fait que renforcer le sentiment que le reste du pays est une vaste de zone de non-droit vaguement défendue par des policiers corrompus. Au quotidien, cela peut donc être vu comme une vraie contrainte mais nous avons d’ores et déjà appris à vivre derrière des grilles et à rester sagement à la maison le soir. Si ces éléments sont sources de désagréments pour nous, ils sont largement compensés par la richesse culturelle et environnementale de l’Afrique du Sud. Le mélange de tribus africaines et d’immigrés blancs de nombreux pays différents sont autant de cultures différentes à découvrir et savourer. La campagne est de plus réellement magnifique et nos yeux se régalent chaque fois que nous avons l’occasion de sortir de Johannesburg. Edenvale, banlieue calme de Johannesburg Notre mission actuelle se trouve à Edenvale, à l’Est de Johannesburg, très proche de l’aéroport (avis à ceux qui passent parfois dans ce beau pays…). Notre quartier est relativement riche avec des pavillons individuels (dont les jardins sont fortement protégés) avec un petit centre commercial à proximité. C’est un endroit calme malgré les sirènes des entreprises de sécurité qui sonnent régulièrement la nuit. Nous logeons à environ 5 kilomètres du centre de Little Eden, ce qui nous oblige à prendre la voiture tous les jours puisque, pour des raisons de sécurité, les taxis sont fortement déconseillés aux blancs. Nos missions Présentation de Little Eden Little Eden est une association qui accueille des personnes handicapées mentales de tous âges. Ils arrivent souvent jeunes et grandissent ici. Il y a cinquante ans, une femme italienne décide d’accueillir un ou deux enfants dont les parents ne veulent pas à cause de leur handicap. Peu après elle a une apparition de la Vierge Marie entourée d’enfants lui demandant de s’en occuper. Avec son mari sud-africain ils ont alors créé cette association. Étant encore au temps de l’Apartheid, ils ont d’abord accueilli uniquement des enfants blancs handicapés avant de recevoir (non sans risque pour leurs subventions) des enfants noirs. Ce sont les 5 filles de ce couple, avec leurs maris, enfants, gendres… qui gèrent désormais cette association. Nous l’appelons « La famille Little Eden ». Aujourd’hui Little Eden héberge 300 personnes handicapées sur deux sites. L’un est à 30km de Johannesburg, en pleine campagne. C’est une ferme où sont les personnes les plus autonomes. Ils sont 120 dont beaucoup d’adultes et nombre de trisomiques. Sur ce lieu travaillent deux volontaires Fidesco présentes depuis un an : Hélène est kinésithérapeute, et Clémence est infirmière de formation mais animatrice et institutrice (pour les couleurs et les chiffres !) ici. Le second lieu est en ville, juste à côté de Johannesburg, à Edenvale, où nous vivons. Il accueille 180 personnes, réparties en 6 sections, principalement des enfants très lourdement handicapés. Nous travaillons sur ce lieu. Enfin Little Eden tient une boutique de seconde main où travaille un autre volontaire Fidesco depuis un an et demi, Dicky. Little Eden vit de dons, et ils n'en manquent pas (vêtements, jeux, vaisselle, financements...), et d'une subvention de l'état qui est en remaniement et n'est pas sûre de perdurer. La première fois que nous sommes entrés dans les sections de Little Eden, nous ne savions pas où regarder ni quoi faire. Tous les enfants sont en fauteuils roulant adaptés et la plupart sont complétement déformés. Le handicap cérébral provoque des tensions et des rétractions musculaires et donc des déformations car ils ne sont pas soignés comme ils le seraient en France (attelles, coques moulées, kinésithérapie régulière…). Ce sont des enfants qui bavent, qui sont, malgré le travail admirable des équipes, peu attrayants. C’est très impressionnant et très embarrassant de découvrir tout cela d’un coup. Et pour Bérengère, qui avait déjà travaillé avec des enfants polyhandicapés, le plus impressionnant est d’en découvrir autant en même temps. Nous travaillons dans une seule des sections, ce qui nous permet de mieux connaître le Staff (personnes locales qui s’occupent des enfants jour et nuit) et surtout les enfants. C’est ainsi que nous avons pu découvrir que chaque enfant a des capacités étonnantes ! Certains peuvent dire « oui » et « non » ce qui permet, mine de rien, d’avoir une conversation presque normale, beaucoup sourient pour répondre ou simplement nous saluer quand ils nous voient, l’un d’eux fait avancer son fauteuil roulant avec ses pieds, une autre peut manger seule... Mais nous ne pouvons voir tout cela qu’en étant patient et en vivant avec eux chaque journée. Dans cet endroit qui peut paraître morne et ennuyant, nous sommes finalement dans un lieu débordant d’amour et de joie ! Loin d’avoir découvert tout ce que ces enfants peuvent nous apporter, nous sommes d’ors et déjà incroyablement touchés par l’amour qui déborde visiblement de leurs cœurs. Pour avoir un petit aperçu de l’association et quelques images : http://www.littleeden.org.za/ Bérengère, psychomotricienne Quand nous sommes arrivés, notre but était de faire comprendre à la famille Little Eden et surtout à la kinésithérapeute en quoi consiste le métier de psychomotricien. La barrière de la langue n’a pas aidé mais nous avons fini par imprimer et distribuer une feuille (en anglais !) regroupant définition, techniques de soin, types de handicaps concernés, etc. et tout a changé ! J’ai ensuite pu choisir avec la kinésithérapeute les patients que j’allais suivre quotidiennement et c’était parti. Je vois donc 5 enfants chaque jour plus ou moins longtemps lorsqu’ils sont disponibles. Je me suis vite rendue compte que les enfants qui ont un minimum de capacités progressent très vite. Cela est en partie dû au fait qu’ils ne sont jamais stimulés et n’ont donc aucun moyen de se développer, de progresser, d’apprendre… Prenons en exemple la petite fille dont je me suis prise d’affection : Fikile (prononcé Féguilé). C’est une enfant de bientôt 5 ans dont le diagnostic est assez lourd : elle est atteinte du SIDA, elle présente une paralysie cérébrale avec des signes de spasticité, et elle est totalement sourde. Pour résumer ces termes compliqués, elle présente un gros retard de développement psychomoteur et est limitée dans ses mouvements. Le fait qu’elle n’ait pas eu d’attelle ni de soin particulier pendant ses 4 premières années de vie ont donné lieu à des rétractions musculaires, ce qui l’empêche de tendre son genou et plier sa cheville simultanément (cf image A), donc elle ne peut pas se tenir debout normalement (cf image B). Quand nous sommes arrivés, Fikile se retournait sur le dos et sur le ventre, réussissait à s’assoir sans tenir du tout son dos et c’était tout. Avec un peu de patience et de longues heures de psychomotricité, Fikile peut s’assoir seule et tenir son dos, avancer à 4 pattes, passer de la position assise à la position 4 pattes, se mettre sur ses genoux, se dresser sur ses genoux, être debout si nous lui tenons les mains, et depuis peu faire quelques pas si elle est maintenue. Ce sont des progrès impressionnants, et je suis vraiment ravie ! Après discussion avec la kiné, j’ai même réussi à obtenir des attelles et un appareil pour la maintenir debout une petite heure par jour, ce qui lui permet de muscler son dos et ses jambes (cf image C), que demander de plus ? Il arrive que nous ayons à travailler une demi-journée à la ferme et à l’inverse que Clémence et Hélène aient à venir à Edenvale. C’est pour Hélène et moi d’une grande richesse. En effet j’assiste aux séances d’Hélène et lui donne des conseils sur le plan psychomoteur, et inversement, Hélène vient apporter son savoir kinési thérapeutique (cf image A). Je suis donc ravie de tout ce que je peux faire ici et regrette déjà de devoir partir en laissant les enfants sans prise en charge psychomotrice et notamment avant que Fikile ne sache marcher ! Vincent, chargé de maintenance Malheureusement, Little Eden n’ayant pas de besoin particulier en télécommunications, ma mission est moins riche que celle de Bérengère sur le plan professionnel. En effet, je suis officiellement chargé de maintenance, mais le centre dispose déjà d’un employé destiné à corriger tous les petits problèmes du quotidien. J’apporte néanmoins mon aide pour des travaux un peu plus longs, notamment des tâches importantes de peinture (on utilise beaucoup l’acier ici, et une bonne proportion des balustrades ou autres piliers sont mangés par la rouille). Si en théorie je dois travailler avec Mickael, l’homme à tout faire de la maison, en pratique celui-ci est régulièrement appelé pour divers travaux et je suis donc seul pour l’essentiel de l’ouvrage. Son aide est néanmoins précieuse lorsqu’il me faut apprendre de nouvelles techniques, et travailler avec un local est l’occasion d’échanges très riches. Je discute également régulièrement avec les deux jardiniers du centre, d’autant plus que nous avons passé trois jours tous les quatre dans l’aménagement du jardin de la maison voisine de la nôtre. J’essaye également de passer au moins trente minutes par jours avec les enfants pour ne pas perdre de vue ce qui fait la force de Little Eden. C’est ainsi que je les retrouve régulièrement après le déjeuner pour jouer avec eux dans l’herbe, discuter avec ceux qui le peuvent, bref, leur apporter de la compagnie. Preuve qu’ils l’apprécient, leur réaction de joie chaque fois qu’ils me voient franchir la porte de la section fait réellement chaud au cœur. Il faut dire que j’ai appris à les connaître lors de mes trois premières semaines ici, pendant lesquelles je n’avais pas encore de travail spécifique ; ceci m’a donné le temps d’apprendre d’abord à vivre avec de tels handicapés, puis de vraiment les apprécier pour ce qu’ils sont et sans considérer — mais non sans l’oublier — leurs handicaps. Avec eux, je ne peux m’empêcher de penser à Antoine de Saint Exupéry : « l’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur ». Enfin, j’ai passé la dernière semaine d’octobre à la boutique d’objets d’occasion de Little Eden pour remplacer Dicky pendant ses vacances. Il s’agit encore une fois d’un univers totalement différent mais extrêmement riche, plein de belles rencontres avec les clients ou donateurs, même si le travail est loin d’y être facile. L’occasion également de faire connaissance avec les employés de cette boutique de manière plus facile qu’avec ceux du centre en raison de la taille des effectifs. Conclusion Déjà deux mois que nous sommes à Little Eden… Il est dur de nous dire que nous sommes déjà à mimission. Nous avons déjà tant reçu tout en ayant l’impression d’avoir à peine égratigné la surface de ce qu’il reste à découvrir. Bien sûr, nos missions professionnelles n’ayant pas été dimensionnées pour, nous ne nous verrions pas les continuer plus de quelques mois, surtout Vincent. Mais nous sommes profondément heureux d’avoir pu faire connaissance de cette magnifique association qu’est Little Eden, qui fait un travail remarquable avec une simplicité et une joie inouïes. Si nous avons hâte de rejoindre notre mission plus officielle, nous savons d’ores et déjà que notre séjour à Little Eden restera bien plus que comme une simple introduction dans nos souvenirs d’Afrique du Sud. Une petite mise en bouche Mi-octobre nous avons passé 5 jours à Siloe School, lieu de notre principale mission. Les volontaires polonais qui terminent leur mission de deux ans nous ont fait visiter les lieux et nous ont présenté les sœurs et les enfants. C’est un endroit magnifique, perdu au milieu de rien, à 25km d’une grande ville : Polokwane. Voici deux photos de l’école pour vous tenir en haleine jusqu’au prochain rapport de mission ! Et voici l’école de musique ! LE COUP D’POUCE… En ce moment, à travers le monde, 150 volontaires Fidesco travaillent au développement des populations défavorisées : accueil de personnes handicapées, création de centres de formation, gestion d’entreprise et d’œuvres sociales, orthophonie, médecine, consulting, ingénierie pour la construction ou l’adduction d’eau en brousse, refonte des systèmes de gouvernance d’ONG, etc. Pour mener tous ces projets, former les volontaires avant leur départ, assurer le coût de leur mission (vol, assurances, mutuelles,…), Fidesco s’appuie à 80% sur la générosité de donateurs. Fidesco a besoin de votre aide pour que toutes ces missions perdurent ! Nous vous proposons donc de partager notre mission en nous parrainant ! Ce peut être soit par un don ponctuel, soit par un parrainage, c’est-à-dire un don de 15 euros (ou plus) par mois le temps de notre mission (ou l’équivalent de manière ponctuelle) ; et tout est déductible des impôts ! Nous nous engageons à envoyer à nos parrains notre rapport de mission tous les trois mois pour partager avec vous notre quotidien et l’avancée de nos projets. De nouveau, un grand MERCI pour votre soutien, et pour nos parrains : rendez-vous dans 3 mois pour notre prochain rapport !