Distribution et abondance des CETacés dans la - CAR-SPAW-RAC
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Distribution et abondance des CETacés dans la - CAR-SPAW-RAC
Distribution et abondance des CETacés dans la zone économique EXclusive de Guyane française par Observation aérienne Campagne EXOCET-Guyane Rapport final – Mai 2009 Van Canneyt Olivier (CRMM-ULR) Certain Grégoire (CRMM-ULR) Dorémus Ghislain (CRMM-ULR) Ridoux Vincent (CRMM-ULR) Avec la contribution de : Bolaños Jaime (SeaVida) Jeremie Stéphane (SEPANMAR) Watremez Pierre (AAMP) UNIVERSITE DE LA ROCHELLE Fédération de Recherche en Environnement et Développement Durable CENTRE DE RECHERCHE SUR LES MAMMIFERES MARINS Pôle analytique – 5, allée de l’Océan - 17000 LA ROCHELLE TEL : 05 46 44 99 10 - FAX : 05 46 44 99 45 - E-mail : [email protected] - Web : crmm.univ-lr.fr Sommaire : Avant-Propos :..........................................................................................................................2 Introduction : ............................................................................................................................3 Contexte :.................................................................................................................................3 Objectifs : .................................................................................................................................4 Résumé de l’état des connaissances : .....................................................................................4 Choix de la méthode :...............................................................................................................7 I. Matériel et méthodes : ...........................................................................................................8 1.1 Période et zone d’étude :.................................................................................................8 1.2 Protocole d’étude et équipement : ...................................................................................8 1.3 Echantillonnage et stratification : ...................................................................................10 1.4 Collecte des données : ..................................................................................................10 1.5 Traitement des données : ..............................................................................................11 Analyses spatiales: ...........................................................................................................11 Estimations des abondances : ..........................................................................................12 Analyse de sensibilité : .....................................................................................................13 II. Résultats et interprétation :.................................................................................................14 2.1 Effort et conditions d’observation : .................................................................................14 2.2 Observations de cétacés : .............................................................................................16 2.3 Observations d’oiseaux de mer : ...................................................................................19 2.4 Observations d’autres animaux marins : ........................................................................22 2.5 Activités humaines :.......................................................................................................23 2.6 Analyses spatiales : .......................................................................................................24 Modélisation de la distribution des espèces :....................................................................24 Modélisation des activités anthropiques :.........................................................................26 Identification des habitats prioritaire et zones d’interaction potentielle : ............................27 2.7 Estimations des abondances : .......................................................................................28 Ajustement des courbes de détection: ..............................................................................28 Résultats des estimations d’abondances : ........................................................................30 2.8 Analyse de sensibilité pour le grand dauphin : ...............................................................31 III. Discussion : .......................................................................................................................33 Bilan général :..................................................................................................................33 Recommandation concernant les habitats prioritaires dans les eaux guyanaises : ..........34 Références :...........................................................................................................................35 1 Avant-propos L’Agence des Aires Marines Protégées, créée par la loi du 14 avril 2006, a pour objet d’apporter un appui aux politiques publiques en matière de création et de gestion d’aires marines protégées. Pour mener à bien cette mission, elle cherche à constituer une base de connaissance à partir de données existantes ou, le cas échéant, en organisant leur acquisition. Dans cette optique, l’Agence a décidé de mettre en œuvre, sur toutes les eaux sous juridiction française, un inventaire des populations de mammifères marins. L’objectif est d’effectuer tous les 5 ans, un suivi par survol aérien pour compléter les études en cours. Ce programme, confié au Centre de recherche sur les Mammifères Marins – Université de La Rochelle, doit couvrir l’ensemble des eaux françaises présentes dans les 3 océans. Il s’agit de produire une cartographie globale de la distribution des mammifères marins et de leurs habitats préférentiels sur l’ensemble de la ZEE. L’objectif est aussi de pouvoir effectuer des comparaisons entre les différents sites grâce à l’application d’une méthode standardisée. Une première campagne d’observation s’est déroulée en février-mars 2008 aux Antilles et la deuxième portant sur les eaux de Guyane a eu lieu en septembre-octobre 2008. Elle a bénéficié de l’appui de SeaVida et de la SEPANMAR, associations impliquées depuis plusieurs années dans le suivi des cétacés au Venezuela et en Martinique. Ce rapport reprend les données exposées lors du rapport préliminaire et présente une analyse des densités et des habitats préférentiels de cétacés et d’oiseaux de mer à travers un modèle de distribution des prédateurs supérieurs Les résultats de cet exercice de modélisation permettent d’identifier les zones prioritaires de conservation dans les eaux guyanaises. 2 Introduction Contexte La conservation de la biodiversité marine en France est notamment encadrée par plusieurs directives européennes, dont la Directive Habitats Faune Flore, la Directive Oiseaux et la Directive Cadre sur la protection du Milieux Marins, qui concernent de la manière croissante les habitats marins inclus dans la totalité de la Zone Economique Exclusive (ZEE) ou de la Zone de Protection Ecologique (ZPE) autour des côtes de métropole. Cependant les engagements de la France relatifs à la conservation du milieu marin concernent des espaces beaucoup plus étendus dans les collectivités françaises d’outre-mer qu’en métropole et représentent des enjeux mondiaux pour de nombreux habitats ou espèces remarquables caractéristiques des milieux tropicaux qui ne sont pas incorporés dans les textes communautaires. L’Agence des Aires Marines Protégées (AAMP) souhaite donc étendre rapidement à l’outre-mer les efforts d’inventaire, de suivi et de conservation zonale du patrimoine marin dans les eaux sous juridiction française situées hors du territoire métropolitain. Le MEEDDAT (Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire) et l’AAMP ont récemment identifié un certain nombre d’indicateurs de suivi de la biodiversité, dans le double cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité et du Tableau de bord des mers françaises. L’abondance et la distribution des prédateurs supérieurs marins tels que les cétacés, les oiseaux de mer et les tortues marines font partie des indicateurs retenus. Plusieurs initiatives diplomatiques fournissent des cadres régionaux pour le développement d’une politique de conservation des milieux marins tropicaux par l’établissement d’aires marines protégées. Dans le secteur des Caraïbes et de la Guyane française, la convention de Carthagène (Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans la région des Caraïbes) a été établie sous l’égide de la Convention pour les Espèces Migratrices (Convention for Migratory Species, CMS). Le présent projet de recensement des cétacés dans la ZEE de Guyane a pour objectif général d’identifier les habitats associés aux plus fortes densités ou aux plus fortes diversités de mammifères marins et de modéliser ultérieurement ces zones d’intérêt écologique à l’ensemble des eaux du plateau des Guyanes (Guyane, Suriname et Guyana). Cette campagne est d’autant plus importante qu’elle est la première de ce type à être réalisée dans cette région. Les Guyanes sont surtout connues pour leurs habitats et leur biodiversité terrestres, mais beaucoup moins pour leur façade maritime et leurs eaux du large. La présence et la distribution des grands prédateurs marins dans la ZEE de Guyane sont méconnues. Pourtant, le milieu marin est réputé pour y être très productif, enrichi par de nombreux panaches de fleuves et rivières, dont celui de l’Amazone. L’activité de pêche y est d’ailleurs très développée, au point d’engendrer des inquiétudes concernant la durabilité de l’exploitation de certaines ressources. 3 Objectifs Les objectifs spécifiques principaux de ce travail sont de contribuer à la définition des zones importantes pour la conservation des cétacés dans la ZEE de Guyane française et de décrire la distribution des espèces observées, leurs habitats préférentiels ainsi que leurs abondances relatives en saison sèche. De plus, il s’agit aussi de documenter la présence et la distribution d’autres espèces de la grande faune marine (oiseaux, tortues de mer, raies, requins) au large, ainsi que de certaines activités humaines (pêches, trafic maritime, déchets). Résumé de l’état des connaissances sur les mammifères marins de Guyane La diversité des espèces de mammifères marins dans les eaux de Guyane est très peu connue. Seule la présence de 2 espèces a été mentionnée dans la littérature. La première est le lamantin, Trichetus manatus, dont la distribution se limite à la bande littorale de Guyane constituée de plaines alluviales avec un habitat principal au niveau des mangroves estuariennes (de Thoisy et al. 2003). La seconde espèce documentée pour la Guyane est la sotalie ou dauphin de Guyane, Sotalia guianensis, petit delphinidé marin très côtier (Catzeflis, 2008 ; Bouillet et al. 2002). Pour cette dernière, des études génétiques récentes ont mis en évidence l’existence de deux espèces distinctes: Sotalia fluviatilis, pour l’espèce vivant exclusivement dans les fleuves et Sotalia guianensis, pour l’espèce vivant en mer dont l’aire de répartition s’étendrait de la côte caraïbe du Honduras au sud du Brésil (Caballero et al. 2007 ; Cunha et al., 2005). En ce qui concerne la distribution de Sotalia guianensis en Guyane, Bouillet et al. en 2002 mentionnaient sa présence tout le long de la côte et notamment au niveau des embouchures de la rivière de Cayenne, du Mahury, de l’Approuague, de l’Oyapock, de la Mana et du Maroni. Lors de la préparation de cette campagne, nous avons pu collecter quelques témoignages corroborant la synthèse effectuée par Bouillet et al. en 2002. Notamment, les gestionnaires de la Réserve du Grand Connétable observent le dauphin de Guyane très régulièrement et tout au long de l’année entre l’estuaire de l’Approuague et les Iles du Connétables. Les traversiers effectuant la liaison entre Kourou et les Iles du Salut les observent aussi quasi quotidiennement, tout au moins en saison sèche. D’autres témoignages semblent indiquer que l’espèce est aussi très présente entre l’ile de Cayenne et les Ilets de Rémire. Les groupes semblent être composés généralement de moins de 10 individus, mais quelques témoignages indiquent des rassemblements de plusieurs dizaines notamment au niveau des embouchures de la rivière de Cayenne et de l’Approuague. Toujours d’après Bouillet et al., le dauphin de Guyane est parfois observé dans les estuaires surtout en saison sèche, cependant elle remonterait peu les fleuves de Guyane. L’absence d’observation suggère que l’espèce d’eau douce Sotalia fluviatilis serait absente des rivières et fleuves de Guyane française. A l’échelle des eaux du plateau des Guyanes (Guyana, Suriname et Guyane), la documentation sur les cétacés au large est quasi inexistante. Au nord du Brésil, le dauphin de Guyane est actuellement bien étudié dans les estuaires et la bande côtière, ainsi que son congénère d’eau douce le tucuxi, Sotalia fluviatilis, le dauphin Franciscain (Pontoporia blainvillei) et le dauphin de l’Amazone (Inia geoffrensis). Par contre, pour les espèces utilisant des habitats du plateau continental, du talus, et au-delà, il n’existe que très peu d’informations et aucune campagne dédiée à la connaissance des cétacés ne semble avoir été menée (Engel et al., 2007). 4 Les listes d’espèces de cétacés proposées pour la Guyane reposent généralement sur des probabilités de rencontre d’espèces connues sous les mêmes latitudes dans d’autres régions. On citera par exemple la liste proposée par Ward et al. (2001) pour la Caraïbe et les eaux atlantiques adjacentes, dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, qui est souvent référencée dans les rapports qui cherchent à évaluer la diversité spécifique potentielle des cétacés de Guyane. Les observations en mer validées sont très peu nombreuses. Quelques unes mentionnent la présence régulière de grands dauphins (Tursiops truncatus) au large des Iles du Salut (Hansen com. pers.) et au large des Iles du Connétable (Semelin com. pers.). La présence de sténo (Steno bredanensis), ainsi que celle de dauphin commun du Cap (Delphinus capensis) ont pu être validées grâce à des photos prises par Eric Hansen (ONCFS). Enfin des pseudorques (Pseudorca crassidens) auraient aussi été signalés au large des Iles du Salut (Hansen com. pers.). En 2006, des observations ont été réalisées lors d’une campagne de relevés sismiques au large des côtes de Guyane (Dutrieux, 2006) et lors de survols aériens sur deux sites potentiels de forage pétrolier (Girondot et Ponge, 2006). Les rapports mentionnent 4 observations de cétacés à partir du navire et 1 observation par avion, mais malheureusement l’identification des espèces n’a pu être réalisée ou validée. Les échouages sont aussi une source d’informations précieuse pour connaître les espèces de cétacés présentent dans une région. En Guyane, les carcasses signalées sont examinées et les informations communiquées au CRMM depuis 2000, soit par des membres de l’association Kwata, soit par des agents de l’ONCFS (Van Canneyt, 2005). Tous les échouages référencés dans la base de données du CRMM ne concernent que le dauphin de Guyane (14 échouages depuis 2000) principalement dans le secteur de Kourou. Concernant les menaces qui pèseraient sur les cétacés en Guyane, la principale viendrait des interactions avec la pêche. En effet, l’activité de pêche occupe une place importante dans l’économie de la Guyane. Chaque année, ce sont environ 5000 tonnes de produits de la mer qui sont débarquées dans les différents ports du littoral (Cayenne, Matoury, Kourou). Ce secteur est menacé en Guyane, car il s’y exerce une pêche illégale importante par des navires faisant des intrusions dans les eaux guyanaises. Ces bateaux viennent du Brésil, du Surinam ou du Guyana. Les techniques utilisées et la fréquence des rotations augmenteraient la pression exercée sur les ressources en poissons (FAO, 2000 ; www.sololiya.fr). Cette pêche illégale aurait aussi un impact important sur des espèces vulnérables, telles que les tortues marines et les delphinidés, sans que l’on puisse le quantifier ; cette situation semble néanmoins très préoccupante (communiqués WWF, 2002 et 2007). Concernant les interactions avec les cétacés, en dehors de la compétition par exploitation commune des ressources marines, il existe aussi des interactions directes : capture intentionnelle et capture accidentelle. En 1990, Van Waerebeck au cours d’une enquête auprès des pêcheurs de Guyane et sur les marchés de Cayenne et de St Laurent du Maroni, avait relevé quelques témoignages concernant des captures intentionnelles de petits cétacés (harponnage) pour leur consommation, ainsi que des captures accidentelles dans les engins de pêche. Les captures accidentelles étaient signalées dans plusieurs pêcheries utilisant différents types de filets (mono filament et multi filament), et concernait au moins deux espèces de dauphins, l’une, de petite taille (sotalie probable) et l’autre de plus grande taille (grand dauphin probable). Des prises volontaires de sotalies sembleraient toujours exister mais resteraient marginales (Bouillet et al., 2002). Par contre, les prises accidentelles dans les filets de pêche seraient assez régulières si l’on en juge par la fréquence des traces de captures accidentelles sur les spécimens retrouvés échoués. Des témoignages de pêcheurs, et d’agents de l’ONCFS suggèrent que certains bateaux utilisant des filets à grandes mailles pourraient capturer 10 à 5 20 sotalies par année (Bouillet et al., 2002). Enfin, très récemment des captures accidentelles de grands dauphins ont été rapportées lors d’observations réalisées par le WWF à bord de navires de pêche guyanais pêchant au filet maillant (Kelle, com. pers.). Des estimations de captures par unité d’effort de pêche pourraient s’en doute être produites si à l’avenir ce type de programme d’observation se poursuivait. Résumé de l’état des connaissances sur les oiseaux de mer et tortues marines en Guyane Les oiseaux marins nicheurs de Guyane sont assez bien documentés. La plupart d’entre eux se reproduisent sur la réserve naturelle de l’île du Grand Connétable qui est l’unique refuge protégé en mer situé entre l’embouchure de l’Amazone (Brésil) et le delta de l’Orénoque (Vénézuela). La majeure partie des travaux réalisés concerne donc le mode de nidification de ces espèces et quelques études sur leur distribution autour de l’île au cours de la saison de reproduction. Les sternes de Cayenne (Sterna eurygnatha) et sternes royales (Sterna maxima) sont fréquentes car elles s’y reproduisent au début de la saison sèche avec respectivement 10 000 et 1 600 couples (Semelin, 2007). Pour les frégates superbes (Fregata magnificens) ce site est unique pour leur nidification dans toute la zone maritime du plateau des Guyanes, près de 500 couples y nidifient, mais l'importante fraction non nicheuse de la population (oiseaux immatures pour la plupart) peut porter à près de 4 000 à 6 000 individus le rassemblement concentré sur l'île et ses abords immédiats. Elles chassent leurs proies souvent rassemblées par d’autres prédateurs comme les sotalies (Weimerskirch et al., 2003), et interagissent aussi fortement avec la pêche en suivant les chalutiers en activité (Artigas et al., 2003). La sterne fuligineuse (Sterna fuscata) et le noddi brun (Anous stolidus) sont connus pour leur utilisation de l’espace pélagique, au-delà des eaux côtières turbides (Artigas et al., 2003) cependant ils s’approchent des terres pour se reproduire sur l’île du Grand Connétable au début de la saison sèche (Dujardin et Tostain, 1990). Le laridé le plus fréquent dans la région est la mouette atricille (Larus atricilla), elle niche aussi sur l’île du Grand Connétable et fréquente surtout les eaux côtières. Les fous bruns (Sula leucogaster), fréquent en hiver dans le sud des Caraïbes (Murphy, 2000), ne sont pas nicheurs en Guyane mais leur observation est néanmoins régulière (Dujardin et Tostain, 1990). Le paille-en-queue à bec rouge (Phaeton aetherus), qui a été reproducteur en Guyane il y a 20 ans, reste aujourd’hui noté comme un visiteur occasionnel de la zone (Roudgé com. pers.). Concernant les autres espèces marines bien connues en Guyane on citera évidemment les tortues avec cinq espèces pouvant être observées dans la région (Feuillet et de Thoisy, 2007). Parmi elles, trois espèces utilisent régulièrement les plages pour la ponte, il s’agit de la tortue luth (Dermochelys coriacea), la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea) et la tortue verte (Chelonia mydas). La nidification des deux autres espèces, la tortue caouanne (Caretta caretta) et la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata), a déjà été rapportée mais semble relativement rare en Guyane (Feuillet et de Thoisy, 2007). La distribution en mer de ces espèces est moins documentée. Néanmoins, l’utilisation récente des techniques de suivi télémétrique apporte des éléments d’information pour deux espèces. La tortue luth effectue de longs trajets à travers l’océan Atlantique à la recherche de nourriture (Gratiot et al. 2006), tandis que la tortue olivâtre utiliserait des zones d’alimentation situées sur le plateau continental du Suriname et de Guyane (Feuillet et de Thoisy, 2007 ; CNRS-CEPE com. pers.). 6 Choix de la méthode Au vu des objectifs de cette étude et de la surface à couvrir, il a été décidé d’appliquer la méthode d’observation par avion. De plus, cette méthode a été appliquée aux Antilles en février-mars 2008, et par souci de standardisation dans le but d’acquérir des jeux de données comparables, elle a été reproduite ici avec le même aéronef, le même type d’échantillonnage, le même protocole et en grande partie les mêmes observateurs. Au large de la Guyane, La ZEE s’étend jusqu’à 200 milles nautiques. Sa superficie est d’environ 138 000 km², un échantillonnage par bateau, tel que celui proposé pour cette campagne, nécessiterait environ 500 heures d’observation soit approximativement 60 jours de mer. Le principal avantage de l’observation par avion est d’acquérir une image instantanée de la distribution et des densités à une échelle géographique pertinente pour toutes les espèces de cétacés (couvrir de vastes zones en peu de temps, coût plus faible qu’une campagne embarquée sur navire dédié). L’autre avantage est la détection d’espèces peu visibles par bateau, notamment par leur comportement discret en surface. Enfin, cette méthodologie permet aussi de combiner d’autres couches d’informations, notamment des données concernant d’autres espèces de la faune marine, comme les oiseaux de mer, les tortues marines, certains grands vertébrés pélagiques comme les élasmobranches (requins et raies). Enfin les activités humaines peuvent être aussi relevées par grandes catégories : navires de pêche, plaisance, commerce, etc. Par ailleurs, la flexibilité de mise en œuvre est aussi un avantage important de l’observation par avion car elle permet d’utiliser les meilleures fenêtres météorologiques pour optimiser les conditions d’observation et de détection des cétacés. Comme toute méthode, il y a aussi quelques limites. La faible détectabilité de certaines espèces, notamment les grands plongeurs (baleines à bec et cachalot, en dehors des zones de fortes densités) est une limite commune à toutes les approches basées sur la détection visuelle en surface, qu’elles soient conduites depuis un navire ou depuis un avion ; par contre une campagne embarquée permet sous certaine condition de coupler détections visuelle et acoustique. Une autre limite est l’identification de l’espèce. Certaines espèces très similaires ne peuvent être différenciées en raison du temps très court d’observation et de la distance d’observation. C’est le cas des petits delphinidés (Delphinus delphis, D. capensis et Stenella coerulaeoalba, S. longirostris, S. attenuata, S. frontalis) et des sternes à dos gris (Sterna sandvicensis, S. eurygnatha, S. maxima, S. hirundo, S. dougallii, S. albifrons). 7 I. Matériel et méthodes 1.1 Période et zone d’étude La campagne s’est déroulée en saison sèche, du 28 septembre au 12 octobre 2008. Le choix de cette période était lié aux conditions météorologiques pour le vol et l’observation. En effet en septembre-octobre le régime des vents est généralement stable avec des alizés relativement faibles. Contrairement à la saison des pluies, en saison sèche les fleuves charrient moins d’alluvions en mer, les masses d’eaux turbides sont donc moins étendues vers le large. La zone d’étude correspond à la ZEE de Guyane, elle est orientée globalement sud-ouest à nord-est de la côte dans l’océan Atlantique, la latitude méridionale se situe à environ 4°20’ N et la limite septentrionale à environ 8°50’ N, elle est traversée en son milieu par la longitude 52° W (figure 1). La ZEE de Guyane comprend plusieurs grands habitats maritimes. Un vaste plateau continental de 60 à 80 milles nautiques de large inclut une bande côtière arrosée par de nombreux panaches de fleuve. Dans cette zone les eaux sont très riches en alluvions et restent très turbides toute l’année, elles deviennent plus claires à partir des fonds de 30 m (en saison sèche), isobathe qui se situe entre 10 et 15 milles nautiques de la côte. A plus de 60 milles nautiques de la côte, le talus continental s’amorce avec une forte pente dans la moitié est de la ZEE et une pente plus faible dans sa moitié ouest. Les eaux y sont généralement claires, mais, dans la partie est, sont parfois observées des masses d’eaux plus turbides, issues du panache de l’Amazone. Au delà des 100 milles nautiques de la côte se trouve un habitat océanique avec des plaines abyssales à des profondeurs atteignant 4500 m ; les eaux y sont parfaitement claires. Le plan d’échantillonnage vise à représenter ces trois grands types d’habitats marins. 1.2 Protocole d’étude et équipement La stratégie générale d’étude est identique à celle mise en place lors de la campagne précédente effectuée aux Antilles (Van Canneyt et al., 2009) et seules les particularités de son application à la Guyane seront détaillées ici. La méthodologie s’appuie sur la technique dite du line-transect distance sampling (échantillonnage avec mesure de la distance sur transect linéaire). Cette méthode possède un double avantage, produire des données de distribution et de densité pour les cétacés. Ces données peuvent aboutir à des estimations d’abondance pour les espèces présentant un nombre d’observations permettant de calculer un intervalle de confiance. 8 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 0 25 50°0'0"O 50 49°0'0"O 100 Milles nautiques 8°0'0"N 8°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N ZEE GUYANE Bathymétrie ! -5290 - -5000 ! -4999 - -4000 ! -3999 - -3500 ! -3499 - -3000 ! -2999 - -2500 ! -2499 - -2000 ! -1999 - -1500 ! -1499 - -1000 ! -999 - -700 ! -699 - -500 ! -499 - -300 ! -299 - -200 ! -199 - -100 ! -99 - -50 ! -49 - 0 Block C 6°0'0"N 6°0'0"N Block B Suriname 5°0'0"N 5°0'0"N ´ French Guiana Block A CRMM - ULR - Octobre 2008 Brazil 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O 49°0'0"O Figure 1 : carte et bathymétrie de la zone d’étude (ETOPO 2) : limites de la ZEE de Guyane française et des strates d’échantillonnage A (plateau), B (talus) et C (océanique) (b). La méthode repose donc sur l’observation aérienne le long de transects linéaires préalablement établis. L’appareil utilisé est un Partenavia P68C équipé de hublots-bulles (bubble windows, figure 2a et 2b). Il s’agit d’un avion bimoteur de six places à ailes hautes et possédant une autonomie de sept heures de vol environ. Deux observateurs sont positionnés face aux hublots-bulles installés de chaque côté de l’appareil au centre et offrant de bonnes conditions d’observation verticale (figure 2b). Les observations sont réalisées à l’œil nu dans une bande de 500 m de large environ de part et d’autre du transect. Les distances au transect des groupes de cétacés observés sont relevées à l’aide d’un inclinomètre. Toutes les données, observations et conditions d’observation, sont saisies instantanément par une troisième personne (figure 2c). La méthode nécessite des conditions de vent inférieures ou égales à 4 beaufort (vent ≤ 15 nœuds) afin d’avoir une mer du vent affectant le moins possible la détectabilité, la houle sans déferlement ne gênant pas l’observation aérienne. a) b) c) Figure 2 : de gauche à droite, (a) appareil P 68C de la compagnie AirKeyWest affrété pour la campagne et équipé de hublot-bulle ; (b) poste d’observation ; (c) poste d’enregistrement des données. 9 1.3 Echantillonnage et stratification L’ensemble de la zone d’étude est divisée en trois strates, ou blocs, distinctes mais contigües, correspondant aux trois grands types d’habitats maritimes (figure 1) : - le plateau continental, bloc A (env. 44 000 km²) - le talus continental, bloc B (env. 38 500 km²) - la zone océanique (plaines abyssales), bloc C (env. 55 500 km²) Ces zones totalisent une surface d’environ 138 000 km² (tableau 1). L’effort théorique total prévu est d’environ 10 500 km répartis comme suit : 3150 km dans le bloc A, 3050 dans le bloc B et 4300 dans le bloc C (tableau 1). Tableau 1 : stratification de l’effort d’observation prévu et réalisé Région Bloc Surface (km²) Effort prévu (km) Effort réalisé (km) Guyane « Plateau » A Guyane « Talus » B Guyane « Océanique » C Total ABC 44199 38483 55648 138330 3150 3050 4300 10500 2826 2405 2544 7775 Echantillonnage intensité (%) 6,4 6,2 4,6 5,6 La conception des transects dans chacune de ces strates suit un profil en zig-zag, largement utilisé dans les campagnes d’échantillonnage de cétacés car il offre généralement une variance plus robuste dans les estimations d’abondance. Ces plans d’échantillonnage ont été générés en répartissant de manière la plus homogène possible l’effort global dans chacune des strates (figure 3) et en considérant aussi les contraintes techniques (autonomie, maximisation de la proportion du temps de vol passée en effort, etc.). 1.4 Collecte des données Les données sont collectées par les deux observateurs latéraux et sont communiquées oralement au navigateur. Elles sont saisies instantanément grâce au logiciel AudioVOR 8.6 développé pour les campagnes aériennes SCANS et SCANS-II (Hiby et Lovell, 1998). Le navigateur, positionné à l’arrière de la cabine, suit l’itinéraire de vol sur le PC grâce une connexion avec un GPS, et il saisit les conditions et paramètres d’observation indiqués par les observateurs. A chaque observation, un enregistrement vocal est stocké, il permet de contrôler et valider toutes les observations au retour de chaque vol. Les données d’observation concernent les cétacés, mais aussi les oiseaux de mer, les tortues, les grands vertébrés pélagiques (comme les élasmobranches : requins et raies), les macros déchets, les bateaux (pêche/plaisance/commerce/…), les dispositifs de concentration de poissons (DCP) et tout engin de pêche matérialisé par des bouées. Les données concernent aussi les conditions environnementales (état de la mer, la turbidité, la couverture nuageuse et l’éblouissement) ainsi qu’un indice de détectabilité des cétacés (référence petits delphinidés) jugé par l’observateur (conditions bonnes, moyennes, mauvaises). Pour les observations de cétacés la distance au transect est relevée grâce à un inclinomètre. 10 1.5 Traitement des données Les données d’observation, ainsi que l’effort et les conditions d’observation sont transférés dans une base de données sous MS Access 2000 après validation par les observateurs. Les cartes et les pré-analyses de distribution ont été réalisées avec le logiciel ArcGis 9.2 et son extension Spatial Analyst. Les données ont ensuite été transformées en une succession de segments dont la taille a été fixée à 0.1 degrés décimaux. Ces données segmentées ont été utilisées pour l’analyse spatiale Analyse spatiale Le but de cet exercice est de proposer des cartographies étendues à l’ensemble des eaux guyanaises, en s’appuyant sur les informations récoltées pendant les survols. Ce type de cartographie peut-être obtenu sur la base de modèles spatiaux qui sont établis en deux étapes. La première étape est la mise en évidence de la relation statistique existant entre les densités d’animaux observées en un lieu et un certain nombre de descripteurs environnementaux. La deuxième étape consiste à prédire les valeurs probables de densité sur l’ensemble d’un secteur pour lequel on dispose d’une information numérique ou du moins qualitative pour ces descripteurs. A l’issue de ce processus, le gestionnaire aura accès à une cartographie des habitats potentiels de la faune marine, réalisée sur la base des relations espèces-environnements qui auront été mises en évidence. Le protocole d’analyse spatiale utilisé pour le traitement des données collectées en Guyane est strictement le même que pour les Antilles (Van Canneyt et al. 2009). Brièvement, nous rappellerons que des descripteurs environnementaux ont été téléchargés à partir du site de la NOAA (National Oceanographic and Atmospheric Agency). Un gradient a été extrait pour chacun de ces descripteurs. L’ensemble des descripteurs environnementaux et leurs gradients associés ont été utilisés comme des covariables explicatives de la distribution des animaux. Des modèles spatiaux ont été réalisés pour chaque taxon, par la méthode des modèles additifs généralisés (GAMs). Le mode de choix des covariables inclus dans ces modèles a été amélioré depuis les analyses Antilles, et se fait non plus par simple sélection en avant (forward selection), mais par sélection en avant séquentielle, en trois étapes (ou séquences) correspondant à trois catégories distinctes de covariables. Dans une première séquence, nous testons l’influence des covariables géographiques (latitude, longitude, et distance à la côte) et choisissons par sélection en avant les covariables géographiques les plus pertinentes. Dans une deuxième séquence, nous testons l’influence des covariables de détection, c'est-àdire l’ensemble des facteurs ayant été mesurés au cours de l’échantillonnage et étant susceptibles d’influencer la probabilité de détection des animaux (état de la mer, éblouissement, turbidité, couverture nuageuse). Enfin, la troisième séquence concerne les descripteurs environnementaux proprement dits, également choisis par sélection en avant. Dans un souci de parcimonie, nous nous limitons, dans cette troisième séquence, à un maximum de 4 covariables environnementales. Cette logique séquentielle nous semble plus pertinente car elle permet de tenir compte de trois sources distinctes de variabilité pouvant exister dans la distribution des animaux : les gradients fixes, à large échelle, auxquels sont soumis les distributions ; les biais associés à la méthode d’échantillonnage ; la réponse des organismes aux paramètres environnementaux. Pour la Guyane, les distributions spatiales de 7 taxons ont pu être modélisées, compte-tenu du nombre important d’observations obtenues pour chacun d’eux : grands dauphins et dauphins de Guyane pour les mammifères marins, sternes « brunes », sternes « grises » et 11 frégates pour les oiseaux, ainsi que deux autres taxons assez inattendus dans le cadre d’échantillonnages aériens: les raies manta et les tortues marines. Enfin, les prédictions issues de ces modèles ont permis de calculer un indice d’habitat prioritaire, chaque taxon ayant une importance équivalente dans le calcul de cet indice (se reporter à Van Canneyt et al. 2009 pour une description méthodologique de cet indice). Il se calcule comme suit sur la base des prédictions spatiales issues des modèles : i N i ,s 1 Mi Is = ∑ × ci où Is correspond à la valeur de l’indice d’importance au point d’observation s ; Ni,s correspond à l’abondance prédite du ième taxon au point s ; Mi correspond à l’abondance maximale prédite pour le taxon i ; et ci est un coefficient de pondération reflétant l’importance du ième taxon. Le mode de calcul de l’indice d’habitat prioritaire peut également être transposé au calcul d’un indice spatialisé de l’intensité de l’activité humaine : a As = ∑ N a , s × ca 1 où As correspond à l’intensité globale de l’activité anthropique au point s ; N a , s correspond à l’abondance prédite du aème type d’activité, et ca est un coefficient de pondération pour le aème type d’activité reflétant son impact sur le milieu marin. Pour ce calcul, nous avons utilisé 2 types de données collectés lors des survols : les bateaux de pêche et les macros déchets. Nous considérons que les activités de pêche ont plus d’impact sur le milieu marin, et sont en outre plus susceptibles d’être à l’origine de conflits d’intérêts entre gestionnaires de l’environnement et activités économiques locales. Nous proposons d’identifier les zones d’interaction où des conflits d’usages pourraient potentiellement apparaître dans le cadre de projets de sanctuarisation des espaces marins. Le calcul d’un indice de conflit potentiel Cs découle naturellement de la combinaison des deux indices précédents. C s = I s × As Les plus fortes valeurs pour Cs sont ainsi attendues dans les zones d’habitats prioritaires qui sont également le siège d’une activité anthropique importante. Estimations d’abondances Les données de distance collectées pour les mammifères marins ont permis d’établir des estimations d’abondance pour les grands dauphins et les dauphins de Guyane par la méthode d’échantillonnage par mesure de la distance des observations à la route de l’observateur ou distance sampling (Buckland et al. 2001). Cette méthode permet d’estimer une abondance en tenant compte de plusieurs biais de détection. En premier lieu, la diminution de la probabilité de détection en fonction de la distance perpendiculaire entre l’observation et la ligne du transect, qui est un des biais majeurs des échantillonnages par transect (Burnham et Anderson, 1984). En outre, au sein de la famille des méthodes dites de distance sampling, 12 l’une d’elle appelée « Multiple Covariate Distance Sampling » (MCDS, Marques et Buckland 2003) permet de tester, en plus de la distance, l’influence d’autres facteurs susceptibles d’affecter la détection des animaux, tels l’état de la mer, la turbidité, la couverture nuageuse, l’éblouissement ainsi que les variations de performances des observateurs. Les estimations d’abondances pour les autres taxons ont été calculées par la méthode du transect de bande ou strip-transect, décrite pour la campagne de recensement réalisée dans les Antilles françaises (Van Canneyt et al. 2009). Cette méthode fait l’hypothèse que tous les animaux situés dans une bande d’observation de largeur prédéterminée sont également détectables. Analyse de sensibilité Nous avons également choisi de présenter les résultats d’une analyse de sensibilité concernant les grands dauphins (le taxon le plus représenté), pour évaluer la performance de notre stratégie d’échantillonnage vis-à-vis de cette espèce potentiellement indicatrice de la productivité océanique des eaux de Guyane. Cette analyse est conduite selon la même méthodologie que dans l’étude conduite dans les Antilles (Van Canneyt et al., 2009). 13 II. Résultats et interprétations 2.1 Effort et conditions d’observation L’effort théorique total prévu était d’environ 10 500 km (tableau 1, figure 3a). Des contraintes logistiques et administratives (pénurie de carburant pour l’aviation légère en Guyane et problème administratif avec les services de la Direction Générale de l’Aviation Civile, DGAC) n’ont malheureusement pas permis d’aboutir à la réalisation de la totalité de l’effort prévu. Les trois blocs ont été survolés avec une couverture spatiale relativement homogène, mais l’effort déployé a été moins important qu’initialement prévu (figure 3) : dans le bloc A, 89.7 % de l’effort prévu a été réalisé, 78.9 % dans le bloc B et 59.2 % dans le bloc C. L’effort effectué dans les blocs A et B est relativement équilibré, avec une intensité d’échantillonnage (% couvert si on considère une bande observée de 1 km de large) respective de 6.4 % et 6.2 %. Par contre, l’intensité d’échantillonnage dans le bloc C, avec 4.6 %, est moins importante que pour les 2 autres blocs (tableau 1). Néanmoins sachant que les densités produites sont relatives, c'est-à-dire rapportées à une unité d’échantillonnage ici la distance parcourue, cette différence d’effort déployé dans chacun des blocs a peu d’effet sur les estimations si le nombre d’observations relevé permet de calculer un intervalle de confiance. Dans le bloc A, deux transects côtiers (figure 3, 2ème couverture) n’ont pu être complètement achevés en raison d’une zone d’interdiction de vol en face de Kourou, zone située à proximité du Centre Spatial de Guyane demandant des autorisations spéciales de survol. Pour la prochaine campagne il serait bon de faire une demande d’autorisation de survol de cette zone qui semblerait être intéressante pour la présence du dauphin de Guyane. Les conditions météorologiques rencontrées lors de cette campagne se sont révélées le plus souvent bonnes pour l’observation. Les vents d’est (alizés), avec un régime moyen inférieur à 10 nœuds, sont restés très faibles et stables tout au long de la campagne. Chaque jour, les vols pouvaient être réalisés dans les blocs A et B, avec un temps sec et une faible couverture nuageuse. Seul le bloc C était parfois traversé par des fronts plus actifs (nuages, averses et orages), liés aux déplacements de la Zone Intertropicale de Convergence (ZIC) sur la région. Globalement, les conditions météorologiques se sont révélées bonnes pour la détection des petits cétacés en mer. Un des rares facteurs limitant l’observation des cétacés par avion rencontré en Guyane est la turbidité. En effet, les eaux côtières sont fortement chargées en alluvions et la turbidité y est donc très importante, les eaux sont quasiment opaques dans une bande de 10 milles nautiques de large en moyenne ; parfois moins pour les secteurs côtiers éloignés des principales embouchures, parfois plus au niveau des panaches du Maroni, de l’Oyapock et de l’Approuague. 14 (a) Echantillonnage total prévu 1ère couverture 54°0'0"O 9°0'0"N 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O (b) Echantillonnage total réalisé 50°0'0"O ´ 54°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 5°0'0"N 5°0'0"N 9°0'0"N Suriname Suriname 5°0'0"N French Guiana French Guiana 4°0'0"N 0 25 50 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 4°0'0"N 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O ´ 4°0'0"N 0 25 50 54°0'0"O 54°0'0"O 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 52°0'0"O 4°0'0"N 51°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O 50°0'0"O ´ 9°0'0"N 9°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 5°0'0"N 5°0'0"N 9°0'0"N 9°0'0"N Suriname Suriname 5°0'0"N 5°0'0"N French Guiana French Guiana 4°0'0"N 0 25 50 54°0'0"O 3ème couverture 52°0'0"O 9°0'0"N 5°0'0"N 2ème couverture 53°0'0"O ´ 9°0'0"N 54°0'0"O 9°0'0"N 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 52°0'0"O 4°0'0"N 51°0'0"O 51°0'0"O 4°0'0"N 0 25 54°0'0"O 50°0'0"O ´ 50 54°0'0"O 50°0'0"O 9°0'0"N 9°0'0"N 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 52°0'0"O 4°0'0"N 51°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O 50°0'0"O ´ 9°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 7°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 6°0'0"N 5°0'0"N 5°0'0"N Suriname Suriname 5°0'0"N 5°0'0"N French Guiana French Guiana 4°0'0"N 0 25 50 54°0'0"O 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O 52°0'0"O 4°0'0"N 51°0'0"O 50°0'0"O 4°0'0"N 0 25 50 54°0'0"O 100 Milles nautiques CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O 52°0'0"O 4°0'0"N 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 3 : cartes de l’échantillonnage prévu (a) et réalisé (b) en trois couvertures dans chacune des strates. 15 2.2 Observations de cétacés Un total de 140 observations de cétacés a été obtenu en effort et 24 en transit (figure 4). Parmi les espèces rencontrées, 7 ont pu être identifiées avec exactitudes (genre et espèce). A ces 7 espèces, s’ajoutent au moins 3 autres identifiées au niveau générique seulement (tableau 2, figure 5 et 6). Tableau 2 : total des observations de cétacés réalisées sur transect ou en transit (espèce et taille des groupes) Nombre observations Effort Transit 2 1 2 12 2 8 70 13 22 9 1 8 1 3 3 2 2 3 140 24 Espèce Cetacea ind. Balaenopteridae ind. Balaenoptera physalus Delphinidae ind. Stenella spp. / Delphinus spp. Tursiops truncatus Sotalia guianensis Grampus griseus Globicephala macrorhynchus Globicephala mac. / Pseudorca crassidens Peponocephala electra / Feresa attenuata Physeter macrocephalus Ziphiidae ind. Mesoplodon spp. Ziphius cavirostris Total 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O ´ 9°0'0"N 8°0'0"N 0 51°0'0"O 25 Total 2 1 2 14 8 83 31 1 8 1 3 3 2 2 3 164 50°0'0"O 50 100 Milles nautiques Delphinidés espèces 9°0'0"N ! ( Delphinidae (unidentified) ! ( Stenella spp. / Delphinus spp. # # # + $ Feresa / Peponocephala ( ! Sotalia guianensis ( ! Tursiops truncatus + $ ( ! Globicephala / Pseudorca Globicephala macrorhynchus ( ! ( ! ( ! # ( # ! ! ( ( ! ! ( ( ! ( ! ( ! ( ! ( ! ( ! ! ( ( ! ( ! ( ! ( ! ( ! ( ! 7°0'0"N ( ! ! ( ( ! ( ! ( ! ( ! ! ( ! ( ! (! ( ( ! 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 6°0'0"N ( ! ( ! ! ( ( ! ! ( Brazil 55°0'0"O ( ! ( ! ( ! # ( ! 7°0'0"N ( ! ( ! ( !! ( # # ! ( ! ( ( ! ! ( ( ( ( !! ( (! ! !! ! ( ( (! ! ( ! ( (! ! ( ( ! ! ( ! ( ! ( (! ! (! (! ! ( (! ( ! ( (! (! ! (! ! ( ! ( ( (! ((! ! ( ! ( ! ( ! ( ! ( ! French Guiana ( ! ( ! ( (! ! ( ( ! ! Suriname # ( ! ! ( ( ! ( (! ! ! ( ( ! # ! ( ( ! #(! ( ! ( ! ( # ! ( ! ! ( 5°0'0"N 8°0'0"N ( ! # Grampus griseus 6°0'0"N Taille des groupes Min-Max Moyenne 1 1-10 1-60 21,5 1-120 18,8 1-8 2,6 10 2-35 20,3 8 15-20 16,6 1-7 3,3 1-3 2,0 1-2 1,6 - ! ( ( ! ( (! ! ( !! ( ( ! ( ! 5°0'0"N CRMM-ULR octobre 2008 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 5 : localisation des observations des delphinidés (effort et transit, n=149). 16 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O ´ 9°0'0"N 8°0'0"N 0 51°0'0"O 25 50°0'0"O 50 100 Milles nautiques Grands cétacés espèces # # Balaenoptera physalus [ [ [ Mesoplodon spp. 9°0'0"N Balaenopteridae (unidentified) [$ [ Ziphiidae (unidentified) 8°0'0"N Ziphius cavirostris $ Physeter macrocephalus . ! Cetacea (medium size) [ [ ## 7°0'0"N . ! #$ [[ 7°0'0"N . ! 6°0'0"N 6°0'0"N [ Suriname 5°0'0"N 5°0'0"N French Guiana CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 6 : localisation des observations des grands cétacés (effort et transit, n=15). Tableau 3 : total des observations de cétacés réalisées sur transect ou en transit dans chacun des blocs. Espèces Cetacea ind. Balaenopteridae ind. Balaenoptera physalus Delphinidae ind. Stenella spp. / Delphinus spp. Tursiops truncatus Sotalia guianensis Grampus griseus Globicephala macrorhynchus Globicephala mac. / Pseudorca crassidens Peponocephala electra / Feresa attenuata Physeter macrocephalus Ziphiidae ind. Mesoplodon spp. Ziphius cavirostris Total Blocs A 1 B C 1 2 8 2 29 22 1 2 4 24 3 1 63 1 2 39 1 2 2 17 1 4 1 2 3 2 1 1 38 Total 2 2 1 12 8 70 22 1 8 1 3 3 2 2 3 140 L’espèce la plus fréquemment rencontrée est le grand dauphin (Tursiops truncatus) avec 70 observations réalisées en effort ; elle représente à elle seule la moitié des observations (tableau 3). La sotalie ou dauphin de Guyane (Sotalia guianensis, n=22) est la seconde espèce la plus fréquemment rencontrée. 17 D’autres espèces de delphinidés ont été observées lors de cette campagne, il s’agit du globicéphale tropical (Globicephala macrorhynchus, n=8), des petits delphinidés du genre Stenella spp. ou Delphinus spp. avec 8 observations (les observations par avion ne permettant pas de discriminer les espèces au sein de ces genres, le groupe est donc susceptible de comprendre : Stenella attenuata, Stenella frontalis, Stenella longirostris, Stenella clymene ou Stenella coeruleoalba ainsi que Delphinus delphis ou Delphinus capensis), du dauphin de Risso (Grampus griseus, n=1) et enfin de petits delphinidés noirs (n=3), soit le péponocéphale (Peponocephala electra) soit l’orque pygmée (Feresa attenuata). Parmi les autres familles de cétacés observées, on notera les baleines à bec (ziphiidé indéterminé, Mesoplodon spp., Ziphius cavirostris, n=8), le cachalot (Physeter macrocephalus) avec 3 observations dont une de 7 individus et les rorquals dont 2 observations de rorqual commun (Balaenoptera physalus). Ce premier bilan montre que les zones couvertes présentent une diversité spécifique relativement élevée ainsi que des taux d’occurrence particulièrement élevés pour les delphinidés (tableau 4). Tableau 4 : Taux d’occurrence pour les principales espèces de cétacés rencontrées (a) taux exprimés en nombre d’observations par km parcouru Blocs A B C Total Tursiops truncatus Sotalia guianensis 0,01003 0,00778 0,00998 - 0,00668 - 0,00900 - Autres petits delphinidés (1) Grands delphinidés (2) Ziphiidés (3) 0,00354 0,00035 - 0,00291 0,00124 0,00125 0,0027 0,00196 0,00157 0,00308 0,00103 - (b) abondance relative exprimée en nombre d’individus par km parcouru Blocs A B C Total Tursiops truncatus Sotalia guianensis 0,06369 0,26362 0,02088 - 0,19654 - 0,16902 - Autres petits delphinidés (1) Grands delphinidés (2) Ziphiidés (3) 0,01486 0,06403 0,01238 0,02162 0,00166 0,03616 0,03262 0,00275 0,03705 0,02186 - (1) Stenella spp. / Delphinus spp et Peponocephala electra / Feresa attenuata et Grampus griseus et Delphinidé ind. (2) Globicephala macrorhynchus et Globicephala macrorhynchus / Pseudorca crassidens (3) Ziphius cavirostris et Mesoplodon spp. et Ziphiidé ind. Les grands dauphins sont répartis de manière quasi homogène dans toute la zone étudiée (blocs A, B et C) avec des taux d’occurrence et des tailles de groupes relativement élevés (tableau 2 et 3). L’omniprésence des grands dauphins sur toute la zone pour la saison concernée était jusqu’alors non décrite. Leur présence également à proximité des côtes dans des eaux plus turbides montre que leur habitat chevaucherait en partie celui des sotalies. La distribution des observations de sotalies est localisée dans une bande côtière de 10 milles nautiques environ qui correspond aux eaux très turbides et peu profondes (> -10 m). 18 Quelques observations semblent indiquer une fréquentation plus discrète des eaux légèrement plus éloignées des côtes (entre 20 et 30 m de fond). Aussi, leur présence semble ici davantage marquée au niveau des panaches de l’Approuague et de la rivière de Kourou. Vers le large (blocs B et C), les taux d’occurrence sont légèrement plus faibles mais la diversité y est plus importante (tableau 3 et 4). C’est au niveau du talus continental et des eaux océaniques que les plus grandes espèces tels que les cachalots, les rorquals communs et les baleines à bec ont été observées. Les cachalots ont été observés exclusivement dans le bloc C. On notera l’observation d’un groupe composée de femelles accompagnées de leur jeune, connues pour être moins mobiles que les mâles, cette observation laisse supposer que l’espèce pourrait être présente à l’année dans la région. En revanche, les rorquals sont plus connus pour leurs déplacements saisonniers et pourraient ne fréquenter que passagèrement ces eaux. D’une manière générale, la distribution des cétacés est relativement homogène sur toute la zone et les taux d’occurrence y sont relativement élevés (tableau 4). A titre comparatif, les taux d’occurrence pour les petits delphinidés (grands dauphins + autres espèces de petits delphinidés) sont 7 à 8 fois supérieurs à ceux observés aux Antilles (0.012 obs/km en Guyane, contre 0.0016 aux Antilles). Pour les grands delphinidés les taux d’occurrence entre les 2 zones sont très similaires (0.00103 obs/km en Guyane contre 0.00106 aux Antilles). Enfin le taux d’occurrence des baleines à bec est légèrement supérieur en Guyane (0.001 obs/km) qu’aux Antilles (0.0007 obs/km). Il faut néanmoins rester très prudent avec ces comparaisons, car aucun facteur de correction n’a encore été appliqué, notamment les variations expliquées par les conditions d’observations (état de la mer principalement). 2.3 Observations d’oiseaux de mer Les observations d’oiseaux de mer ont été relevées systématiquement pendant la campagne, hormis dans la bande très côtière (<10 mn) lorsque le comptage dans des zones de densité très élevée (principalement de sternes) risquait de compromettre la détection des dauphins de Guyane par les observateurs. Au-delà de cette bande côtière, les observations ont été notées de manière homogène et elles révèlent une distribution hétérogène des oiseaux au large (figure 8). En effet, la distribution générale met en évidence deux zones de fréquentation, l’une côtière et la seconde au large du plateau continental. Entre les deux, c'est-à-dire sur le plateau continental au-delà des fonds de 50 m, on constate une quasi absence d’oiseaux de mer. Le nombre d’observations d’oiseaux marins réalisées sur les transects s’élève à 291, il concerne 11 espèces ou groupes d’espèces (tableaux 5 et 6, figure 9). Seuls trois espèces et groupes d’espèces sont bien représentés : les sternes « grises », les sternes « brunes » (essentiellement la sterne fuligineuse) et la frégate superbe. La présence d’autres espèces s’avère plus anecdotique à l’échelle de la ZEE Guyanaise à la saison étudiée ; il s’agit notamment du fou brun, des phaetons, de la mouette atricille, du noddi brun ainsi que des procellaridés et hydrobatidés (puffins, océanites). La reproduction étant terminée pour la majorité des espèces aux dates de la campagne aérienne, la distribution générale relevée lors de ce recensement pourrait correspondre aux zones d’alimentation potentielles au large ou à la dispersion des populations en saison inter-nuptiale. La diversité la plus importante a été observée dans la zone océanique nord-ouest où la pente du talus continental est la plus douce. 19 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O ´ 0 51°0'0"O 25 50°0'0"O 50 100 Milles nautiques 9°0'0"N 8°0'0"N 9°0'0"N ! 1-2 ! 3-7 ! 8 - 15 ! 16 - 30 ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! ! !! ! !! ! ! ! 31 - 100 ! ! ! ! ! ! ! ! 8°0'0"N ! !! !! !! ! ! ! ! !! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 6°0'0"N ! !! !!! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! ! ! !! ! ! ! ! ! !! !!! ! ! ! !! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! ! Suriname French Guiana ! ! ! ! ! ! ! ! !!! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! !! ! ! ! ! !! !! !!!! !! ! !! ! ! ! !! ! !!! ! ! !! ! ! !! ! ! ! 7°0'0"N ! ! !! ! ! ! ! ! ! !! 6°0'0"N ! 5°0'0"N CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 53°0'0"O !!!! ! ! ! ! 5°0'0"N 54°0'0"O ! ! ! ! ! ! ! ! 55°0'0"O ! !! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 7°0'0"N ! ! ! ! 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 8 : localisation des observations d’oiseaux de mer par taille des groupes (n=291). 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O ´ 9°0'0"N 0 # Fregata magnificens Laridae ind. Larus atricilla f# # # Phaeton spp. # Sterna fuscata # Sternes "grises" , % Sula leucogaster # #% , # # f # ## ## E # # # # # # # # # # # # # # # # # 6°0'0"N Suriname 5°0'0"N # # # # # # # # # # # # # # #E## # # # # # # ## #E #### # # ## # # # # # # # French Guiana # # 53°0'0"O # # E ### E E E ## # EEE E # E ## # E E # # E # ## E E E E E # # E E E # # E EE # # EE E # E # # E # E #E E EE EEE 52°0'0"O # # # # # # # ## f # # # ## ## # # # # # # # # # # # # # ## # E Brazil 54°0'0"O ## ## # # # 8°0'0"N # ## # 55°0'0"O 100 Milles nautiques ## # # ### # ## f Hydrobatidae ind. Procellariidae ind. 7°0'0"N 50 9°0'0"N E f 25 50°0'0"O Anous stolidus Catharacta skua 8°0'0"N 51°0'0"O # ## # # # ## 7°0'0"N 6°0'0"N # 5°0'0"N CRMM-ULR octobre 2008 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 9 : localisation des observations d’oiseaux de mer par espèce (n=291). 20 Tableau 5 : total des observations d’oiseaux (espèce et taille des groupes observés) Espèce Hydrobatidae ind. Procellariidae ind. Sula spp. Fregata magnificens Nombre d'observations 1 3 1 59 Taille des groupes Min-Max Moyenne 5-5 5,0 1,0 1,0 1-50 2,2 Phaeton spp. 4 - 1,0 Laridae ind. Larus atricilla 3 10-20 13,3 6 1-8 3,0 Catharacta skua 1 - 1,0 1-50 7,7 1-100 3,8 1-2 1,8 Sterna fuscata 90 Sterna sandvicensis / eurygnatha / maxima / 119 hirundo / dougallii / albifrons Anous stolidus 4 Total 291 3,7 Tableau 6 : total des observations d’oiseaux réalisées dans chacun des blocs Espèce Blocs A B Hydrobatidae ind. 1 Procellariidae ind. Sula spp. 2 Fregata magnificens 57 C Total 1 1 3 1 1 2 59 Phaeton spp. 2 2 4 Laridae ind. Larus atricilla 2 1 3 5 1 6 Catharacta skua 1 Sterna fuscata 2 Sterna eurygnatha/ maxima/ sandvicensis/ hirundo/ dougallii/ 102 albifrons 1 21 67 90 12 5 119 Anous stolidus 1 1 2 4 Total 168 44 79 291 Le groupe des sternes « grises » représente un tiers des observations (n=119). Il regroupe de nombreuses espèces du genre Sterna spp. ; il y figure notamment la sterne de Cayenne et la sterne royale, ainsi que potentiellement la sterne pierregarin (Sterna hirundo), la sterne de Dougall (Sterna dougallii) et la sterne caugek (Sterna sandvicensis). Elles sont présentes en effectifs très importants sur le secteur côtier de la Guyane, c’est dire jusqu’à environ 20 milles nautiques. Néanmoins quelques observations furent faites également au large, mais dans une moindre mesure. L’espèce la plus rencontrée au large est la sterne fuligineuse avec 90 observations. Elle est fréquemment observée en petits groupes (taille moyenne de 7,7 individus) bien que des concentrations de 50 individus en action de chasse aient été observées. Sa distribution se concentre en majorité dans les blocs du large, B et C, essentiellement au-delà du plateau continental. 21 La distribution des observations de frégate superbe (n=59) est centrée sur le secteur côtier sud-est, correspondant au panache de l’Oyapock, celui de l’Approuague et aux environs des îles du Connétable. Cet oiseau y est reproducteur en effectifs importants durant toute l’année. La taille des groupes observée est en moyenne de 2,2 individus, la majorité des frégates observées étaient seules en mer lors de leur prospection alimentaire et en groupe lors de chasses. Un seul fou, a priori un fou brun, a été observé alors que sa présence aux abords de l’île du Grand Connétable nous a été rapportée au cours de cette période (Semelin, com. pers.). Enfin, le paille-en-queue (Phaeton lepturus ou Phaeton aetherus) a fait l’objet de 4 observations dans le bloc océanique. 2.4 Observations d’autres animaux marins (tortues et grands poissons pélagiques) De nombreux élasmobranches et poissons proches de la surface ont été enregistrés (tableau 7). Les raies mantas (Manta birostris) semblent régulières sur le plateau et ont même été vues en effectifs importants, avec des densités élevées sur un secteur bien défini au cours d’une journée d’observation (transects ouest du bloc A). Parmi les requins (n=26), des requins marteaux (Sphyrna spp.) ainsi que d’autres espèces non identifiées ont été observées avec une distribution éparse sur l’ensemble de la zone. On retiendra aussi la présence de grands thonidés en bancs répartis entre le plateau continental et la partie externe du talus. Les observations de tortues marines (n=36) montrent une distribution essentiellement centrée sur le plateau continental. Quelques individus sont aussi présents sur le talus et dans la zone océanique située au nord-ouest. La majorité de ces observations (n=33 ; 92 % des observations de tortues) concernent des tortues à écailles, appartenant à la famille des chélonidés (tableau 8). Il y aurait effectivement des zones d’alimentation au large de la Guyane pour la tortue verte (Chelonia mydas) et la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea). Les observations de tortues luth (Dermochelys coriacea) sont peu nombreuses (n=3 ; 8 % des observations de tortues). (b) (a) 54°0'0"O 9°0'0"N 53°0'0"O 52°0'0"O ´ [ ¶ ¶ [ 51°0'0"O 0 ¶ [ Chelonidae (unidentified) 25 50 50°0'0"O 100 Milles nautiques 55°0'0"O ¶ [ ¶ [ Dermochelys coriacea ¶ [ 53°0'0"O 8°0'0"N 8°0'0"N 0 Manta birostris g h Sphyrna spp. g h Unidentified shark F G Unidentified tuna $ Xiphiidae / Istiophoridae ¶ [ 6°0'0"N Suriname ¶ [ ¶ [ W gX h W X G F g h 5°0'0"N ¶ [ French Guiana 6°0'0"N g h 6°0'0"N ¶ ¶[ [ ¶ [ 5°0'0"N Suriname 5°0'0"N $ Brazil 4°0'0"N 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O g h W X X W F G g h F G g X h W WX W GFhg hg WX W X g h WX X X W W X W X W X F G W X W X W X g h gX h W X WX W X W W W X g h gX h WX X W X W X W WW GF hg W X X W X WX W X W X W hg X W X WX g h gX h W X F G F G F G W X W X X W F G W X W hg X Whg X W X W W X X W X W X W X X WX g h WX WX X W WW X X W g h W X g h W X X French Guiana WW X CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 4°0'0"N 8°0'0"N g h F G ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [[ ¶ [[ ¶ ¶ ¶ [ ¶ [ ¶ [ [ ¶ [ ¶ ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [ ¶ [ [[ ¶ ¶ 50°0'0"O 100 Milles nautiques W X 7°0'0"N ¶ [ 50 Unidentified ray 7°0'0"N ¶ [ 51°0'0"O 25 9°0'0"N X W W X W X 7°0'0"N 52°0'0"O ´ 9°0'0"N 9°0'0"N 8°0'0"N 54°0'0"O 55°0'0"O 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 7°0'0"N 6°0'0"N g h W X g h 5°0'0"N CRMM-ULR octobre 2008 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 10 : carte des observations de tortues marines (gauche ; n=36) et des poissons pélagiques (droite - raies, requins, thons, etc. ; n=163) 22 Tableau 7 : total des observations de poissons, raies, requins Tableau 8 : total des observations de tortues Espèce Nombre d'observations Grand poisson non identifié 38 Thon/bonite indéterminé 14 Raie indéterminé Manta birostris (Raie Manta) Requin indéterminé Sphyrna spp. (Requin marteau) 19 Total 201 Nombre d'observations Espèce Chélonidé indéterminé 33 12 Dermochelys coriacea (tortue luth) 3 111 Total 36 7 2.5 Activités humaines Concernant les activités humaines, 61 positions de navires ont été relevées dont 42 de bateaux de pêche (figure 11). L’espace utilisé par cette activité semble être centrée au niveau du plateau continental. La moitié des bateaux de pêche observée était localisée juste en bordure de la ZEE. Les techniques de pêche et l’origine de ces navires n’ont pas pu être identifiées, mais quelques clichés sont disponibles. Le dernier tiers des relevés de navires concerne essentiellement les bateaux de commerce, reliant les ports de Cayenne ou de Kourou, ou transitant dans la zone au large. Enfin, 278 observations de déchets ont été relevées et se retrouvent réparties de manière assez homogène dans toute la ZEE (figure 11). Ceux-ci se composent principalement de matières plastiques et 8 % a été attribué à des épaves flottantes de matériel de pêche (bouées, bacs, bouts…). (a) 9°0'0"N 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O ´ < = L M 51°0'0"O 0 25 (b) 50°0'0"O 50 100 Milles nautiques 9°0'0"N 9°0'0"N 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 0 Bateau de pêche Nombre 8°0'0"N 8°0'0"N 8°0'0"N = < < = M L L M L L M M L M 1 - 11 12 - 20 21 - 30 = < < = < = L M 7°0'0"N < = 7°0'0"N 100 Milles nautiques 9°0'0"N < = L M < = LM L =M < L <M = 6°0'0"N == < < French Guiana L < M = L M MM L L L M L M L M L M < = L M L LM M L M L M 5°0'0"N 7°0'0"N 5°0'0"N 6°0'0"N 5°0'0"N French Guiana CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 51°0'0"O 50°0'0"O CRMM-ULR octobre 2008 Brazil 4°0'0"N 52°0'0"O 4°0'0"N 53°0'0"O Suriname MM L L 5°0'0"N 6°0'0"N Suriname < = L M L M 8°0'0"N L M < = L M L M M L 54°0'0"O 50°0'0"O 50 < = L M L M L M M L L M 6°0'0"N 25 Bateau de commerce 7°0'0"N 51°0'0"O ´ 4°0'0"N 4°0'0"N 54°0'0"O 53°0'0"O 52°0'0"O 51°0'0"O 50°0'0"O Figure 11 : cartes de la distribution des bateaux de pêche et navires de commerce (gauche ; N=61) et des macro-déchets (droite ; N=278) 23 2.6 Analyses spatiales Modélisation de la distribution des animaux Les modèles spatiaux retenus pour prédire la distribution des sept taxons étudiés au large de la Guyane française montrent que, parmi les covariables susceptibles d’affecter la détection des animaux, seul l’état de la mer fut retenu pour trois taxons lors de la première étape de sélection de modèle, confirmant ainsi le peu d’impact qu’eurent les conditions d’observation sur la détectabilité des espèces lors de cette campagne. La deuxième séquence de sélection de covariables permit de souligner l’importance de la distance à la côte, retenue pour cinq taxons sur sept, comme la principale variable structurant la distribution des organismes à large échelle. Enfin, la troisième séquence de sélection de covariables révéla des difficultés dans notre capacité à modéliser les relations entre certaines espèces et les paramètres environnementaux, puisque pour quatre taxons sur sept, seul un paramètre environnemental fut retenu par notre processus de sélection de variable. Tableau 9 : Présentation des modèles spatiaux retenus après application de la méthode séquentielle de sélection de modèles. Séquence 1 Taxa Détection Séquence 2 Géo 1 Géo 2 Séquence 3 Env 1 Env 2 Env 3 Env 4 % dev expl Raies Manta sea state (x,y) none WINMERg SSTg ECKZON GEOZONg 77,4 Grands dauphins sea state (x,y) distcoast CHLA none none none 33,8 Dauphins de Guyane sea state distcoast none CHLA none none none 69,3 Sternes « brunes » none distcoast none STRCUR GEOZON ECKMODg WINDIV 49,6 Frégates none x,y none STRZONg none none none 69,1 Sternes « grises » none distcoast none STRCUR SSTg GEOZON WINMER 47,7 Tortues none distcoast none WINMODg none none none 20,4 -X, Y : latitude, longitude -DISTCOAST : distance à la côte -CHLA : Chlorophylle a -SST : Température de surface -ECKZON Ekman Zonal : composante zonale du pompage d'Ekman -ECKMOD Ekman Modulus : Mode du pompage d'Ekman -GEOZON Geostrophic Zonal : Composante zonale des vents géostrophiques -STRCUR Wind Stress Curling : indice de courbure de la force de frottement s'exerçant entre vent et surface -STRZON Wind Stress Zonal : composante zonale de la force de frottement s'exerçant entre vent et surface -WINMER Wind Meridional : composante méridionale du vecteur de vent -WINMOD Wind Modulus : Mode du vecteur des vents -WINDIV Wind Divergence : indice de divergence des vents. Ces modèles spécifiques (figures 12 et 13) ainsi que l’indice d’habitat prioritaire (figure 15) permettent de proposer un premier zonage des eaux de Guyane. La zone côtière est la plus riche du point de vue de la biodiversité, en particulier la zone des panaches fluviaux située au sud-est de la zone d’étude où l’on peut observer cinq des sept taxons pour lesquels une modélisation a été possible (tous exceptés raies manta et sternes « brunes »). La zone du talus est caractérisée par la présence de plusieurs taxons (sternes « grises », tortues marines, grands dauphins) et apparaît comme une zone d’importance pour les raies manta. Enfin, les zones situées plus au large semblent héberger moins d’espèces, mais ce manque apparent de biodiversité en unité spécifique est à relativiser, compte-tenu de l’importante activité biologique de cette zone, notamment mise en valeur par les abondances élevées de grands dauphins. 24 A B C D E Figure 12 : Prédictions issues des modèles spatiaux pour les dauphins et oiseaux marins : A- Grand dauphin ; B- Dauphin de Guyane ; C- Sternes « brunes » ; D- Sternes « grises » ; E- Frégate. 25 A B Figure 13 : Prédictions issues des modèles spatiaux pour : A- Tortues marines et B- Raie manta. Modélisation des activités anthropiques : Les prédictions pour les distributions des bateaux de pêche et des macros déchets flottants sont montrées en figure 14. Les prédictions résultantes montrent que l’ensemble l’activité de pêche à cette saison se concentre au niveau du plateau continental et plus spécifiquement au niveau des panaches de grands fleuves Maroni et Oyapock. Les déchets bien que omniprésents sur l’ensemble de la zone, sont plus abondants au large dans la partie nord ouest. Les prédictions des positions des bateaux de pêche révèlent l’utilisation des eaux néritiques en limite des frontières est et ouest de la ZEE de Guyane française. Les métiers et nationalité de bateaux n’ont pu être identifiés, mais il est probable que des pêcheries étrangères aient été observées à cette période en limite des eaux françaises. A B Figure 14 : Prédictions issues des modèles spatiaux pour : A- Bateaux de pêche et B- Macros déchets. 26 Identification des habitats prioritaires et zones d’interaction potentielle : La répartition d’un indice d’habitat prioritaire (figure 15), calculé selon la formule donnée en section méthode, synthétise les informations présentées dans les cartes propres à chaque taxon ou espèce. Cette figure illustre plusieurs habitats importants : principalement la bande côtière, les panaches des grands fleuves, et notamment toute la partie est située entre l’estuaire de l’Approuague et Kourou. La sortie de modèle met en évidence aussi des habitats importants dispersés sur la zone plus large, sur le plateau continental ainsi qu’au-delà du plateau, en zone océanique. Nous rappelons que cet indice a été calculé avec un certain nombre d’hypothèses, qui peuvent-être redéfinies et/ou affinées en fonction des priorités des gestionnaires ou des efforts d’investigations futurs qui pourront être menés. A B Figure 15: répartition de : A- Indice d’habitat prioritaire et B- Indice d’interaction potentielle La combinaison de la carte d’indice d’habitat (figure 15 A) et celles des activités humaines (figure 14) permet d’identifier les secteurs pour lesquels la mise en place de mesure de gestion pourrait engendrer des interactions avec les activités locales (figure 15 B). Ces interactions pourraient être importantes en zone côtière, principalement au niveau de l’estuaire de l’Oyapock, celui de l’Approuague et les ilets de Cayenne ainsi que le panache du fleuve Maroni. 27 2.7 Estimations des abondances Ajustement des courbes de détection Les estimations d’abondance ont été obtenues pour les grands dauphins à partir d’un modèle incorporant deux facteurs ; le premier concerne le type d’observation (en surface / par transparence sous l’eau) et le deuxième l’observateur, suggérant ainsi que ces deux facteurs modifient significativement la forme de la courbe de détection. La courbe de détection cumulée (figure 16) montre une diminution notable du nombre d’observations au delà de 300m. Le modèle retenu par la méthode de sélection basée sur la minimisation de l’AIC (Akaike Information Criterion) est un modèle semi-normal incorporant deux covariables additionnelles (en plus de la distance) : surface/transparence et observateur. L’influence de l’effet observateur est notable. L’ajustement d’une fonction de détection sur la base d’observations effectuées par un observateur aguerri (figure 17) ne pose aucun problème. En revanche, le même type d’ajustement sur la base d’observations effectuées par un observateur initialement inexpérimenté (figure 18) met en évidence la moins bonne estimation des probabilités de détection dans les premières classes de distance. P Distance perpendiculaire (m) Figure 16: courbe cumulée (tous observateurs) de détection obtenue pour les grands dauphins par la méthode distance sampling : probabilité de détection (P) en fonction de la distance perpendiculaire. 28 P Distance perpendiculaire (m) Figure 17: courbe de détection d’un observateur expérimenté montrant la forte la régularité du nombre d’observations dans les premières classes de distance. P Distance perpendiculaire (m) Figure 18: courbe de détection d’un observateur initialement inexpérimenté: le manque de données dans les premières classes de distance suggère une technique d’observation inappropriée. 29 Dans le cas des dauphins de Guyane, seul l’effet observateur a été retenu et ce dernier présente les mêmes caractéristiques que pour les grands dauphins (courbe cumulée : figure 19). P Distance perpendiculaire (m) Figure 19: courbe de détection cumulée (tous observateurs) obtenue pour les dauphins de Guyane. Résultats des estimations d’abondances Des estimations d’abondance minimale tenant compte des effets de la distance, de l’observateur et du type d’observation (ce dernier facteur pour les grands dauphins seulement) ont été obtenues pour sept espèces ou groupes d’espèces (tableau 10). Le grand dauphin est de loin l’espèce la plus abondante, avec une estimation minimale de 41 200 individus (CV=0.26, IC 95 % 27 300 - 76 000), répartis entre les trois strates échantillonnées (A : 4800 ; B : 17600 ; C : 18800). Une partie des différences d’abondance entre les strates résulte de la taille plus importante des groupes dans ces strates par comparaison avec la strate côtière. La deuxième espèce de cétacé la plus abondante est le dauphin de Guyane avec 2300 (CV=0.33, IC 95 % 1 600 – 6 600) individus confinés dans les eaux côtières. Dans les deux cas ces valeurs doivent être considérées comme des estimations par défaut, car la méthodologie de recensement à plate-forme simple (un seul groupe d’observateurs) ne permet pas d’évaluer la probabilité qu’un individu présent sur la route de l’avion soit vu ; cette probabilité est formée d’une composante liée au comportement des animaux (le rapport entre le temps passé en surface et le temps passé en plongée) et une composante liée à la détectabilité d’un animal présent en surface (dépendant que l’état de la mer, des comportements de surface, de la couleur et la taille des animaux, de la vigilance de l’observateur, etc…). Parmi les oiseaux, avec 27500 individus le taxon le plus abondant est formé des sternes « brunes » (principalement la sterne fuligineuse, S. fuscata), principalement associées aux zones océaniques (strate C). Les sternes « grises » sont également abondantes, 18980 individus, mais essentiellement restreintes à la partie la plus côtières du plateau continental. Enfin, les frégates superbes sont représentées par 5450 individus largement inféodés aux panaches de fleuves dans la région orientale des eaux guyanaises. Pour tous les oiseaux qui plongent peu ou pas du tout, les biais de sous-estimation sont limités à la composante de 30 détectabilité et sont donc considérés inférieurs aux biais de sous-estimation probable chez les dauphins. Enfin, deux autres groupes d’espèces ont pu donner lieu à une estimation d’abondance minimale : la raie manta et les tortues marines. Dans les deux cas les biais de sous-estimation sont considérés maximaux car la présence de ces espèces en surface est minimale et leur comportement peu actif rend leur signature visuelle probablement plus faible que celle des dauphins. Tableau 10 : Estimations d’abondance des principaux prédateurs pélagiques dans la ZEE de Guyane française, en septembre-octobre 2008. La méthode de modélisation est indiquée (Line pour transect linéaire ou Strip pour transect en bande, avec la demi-largeur de bande en mètres) ainsi que les limites inférieures et supérieures des intervalles de confiance à 95%. Les densités d’observation sont données en nombre d’observations par km parcouru. Le degré de sous-estimation probable est suggéré par des astérisques, mais n’a pas pu être quantifié. Estimation centrale Limite inférieure Limite supérieure Grand dauphin 41 200 27 300 76 000 Dauphin de Guyane 2 300 1 600 6 100 Frégate 5 450 1960 10 700 Sternes ”brunes” 27 500 13 700 44 750 Sternes ”grises” 18 980 9 500 32 900 0,015 * Strip 200 Raie manta 2 400 1 300 3 700 0,013 *** Strip 500 600 400 800 0,005 *** Strip 500 Espèces Tortues marines Densité d'observation Sous estimation Méthode 0,009 ** Line 0,003 ** Line 0,008 * Strip 200 0,012 * Strip 200 2.8 Analyse de sensibilité pour les grands dauphins L’analyse de sensibilité montre que l’abondance de la population de grand dauphin de Guyane peut constituer un indicateur de suivi temporel de la productivité du système, dont l’estimation restera associée à une incertitude modérée (figure 20). On peut situer la performance de l’échantillonnage en termes de coefficient de variation de l’estimateur d’abondance au sein d’un espace des possibles défini par trois critères : l’intensité de l’effort, la densité des observations et la distribution statistique des tailles de groupe (figure 20). Cette analyse montre que, pour le grand dauphin (taxon le mieux documenté car ayant produit le plus grand nombre de données), la précision des estimations d’abondance est moyenne mais pourrait être améliorée par une augmentation raisonnable de l’effort d’échantillonnage (CV aux alentours de 0.4 ; un triplement de l’effort permettrait d’atteindre un CV de 0.3). Il est à noter tout de même que de telles valeurs de coefficients de variation pour les mammifères marins sont en accord avec les meilleures valeurs obtenues pour des taxons similaires dans les recensements de petits cétacés utilisant l’échantillonnage à double plateforme d’observateurs (SCANS, SCANS-II, CODA par exemple). 31 Figure 20 : Analyse de sensibilité pour le grand dauphin en Guyane. Le graphe montre la valeur de coefficient de variation (CV) d’un estimateur d’abondance que l’on peut attendre pour une densité (abscisse) et un effort d’échantillonnage (ordonnée) donné. Les isolignes délimitent les valeurs de CV de 0.1 (marron), 0.2 (rouge), 0.3 (orange), 0.4 (jaune), et 0.5 (blanc). L’astérisque noir correspond à la situation de l’échantillonnage réalisé dans les eaux guyanaises. 32 III. Discussion Bilan général Ce projet d’évaluation des populations de prédateurs supérieurs dans les eaux guyanaises a permis de fournir : (i) un inventaire des espèces (ou taxons) d’oiseaux et de mammifères marins présents dans les eaux guyanaises en saison sèche ; (ii) une identification des habitats les plus importants pour les prédateurs supérieurs ; (iii) une identification des secteurs les plus utilisés pour l’activité de pêche; (iv) des estimations minimales d’abondance pour les espèces et taxons les plus observées ; (v) une analyse de sensibilité permettant d’évaluer le potentiel du grand dauphin en qualité d’indicateur de la production secondaire. Cette étude constitue la première campagne d’observation systématique permettant de décrire la faune de prédateurs supérieurs pélagiques des eaux guyanaises. Le choix d’une plateforme aérienne pour mener ces observations était dicté par l’optimisation du coût unitaire de l’observation et la flexibilité de mise en œuvre que procure l’avion par rapport au navire dans le cadre de campagnes dédiées. Les habitats privilégiés de sept taxa ont été modélisés à partir de l’analyse des relations liant les observations aériennes de ces espèces ou groupes d’espèces avec des paramètres environnementaux liés à la détectabilité des animaux, aux caractéristiques géographiques ou encore aux caractéristiques océanographiques. La faune de cétacés de Guyane est caractérisée par la domination ubiquiste du grand dauphin, de la côte au domaine océanique, avec toutefois une affinité particulière pour les habitats du talus continental où se trouvent les groupes de plus grande taille. Le dauphin de Guyane, espèce connue des eaux côtières du Brésil à celles du golfe du Mexique, est abondant dans la frange la plus littorale, marquée par la grande turbidité des eaux. Ces deux espèces de delphinidés ont pu donner lieu aux premières estimations d’abondance dans la région (41 200 grands dauphins, CV=0.26 et 2 300 dauphins de Guyane, CV=0.41). Les espèces dominantes dans la faune avienne sont les sternes fuligineuses dans les eaux océaniques et un complexe d’espèces de sternes à dos gris à proximité de la côte. Des espèces de mégafaune, qui du fait de leur biologie générale sont particulièrement discrètes en surface, les tortues marines et la raie manta, ont donné lieu à un nombre paradoxalement élevé d’observations aériennes, suggérant leur forte abondance dans la zone. Les conditions météorologiques et d’état de la mer dans la période de réalisation de la campagne ont été remarquablement favorables à l’observation aérienne. La seule véritable limitation fut la turbidité très élevée dans les 10 nautiques les plus côtiers qui exclut toute observation par transparence d’animaux présents en sub-surface. La modélisation de l’abondance d’espèces présentes à la fois au large et à la côte a permis de prendre en considération cette hétérogénéité spatiale de la détectabilité des animaux. L’identification spécifique fut possible pour 80% des observations de cétacés et 50% de celles d’oiseaux. Les principaux complexes d’espèces morphologiquement similaires qui n’ont pas pu être différentiées par observation aérienne sont les petits delphinidés des genres Stenella et Delphinus, les sternes à dos gris et les tortues à écailles. 33 Les résultats présentés montrent que l’écosystème marin situé dans les eaux sous juridiction française en Guyane est remarquable à plusieurs points de vue. Ces eaux hébergent une diversité biologique importante, aussi riche en nombre d’espèces que l’écosystème océanique des Antilles (Van Canneyt et al., 2009). Cependant, les populations de prédateurs marins présentent en Guyane, et en particulier les petits delphinidés, y sont bien plus abondantes. Les fortes abondances observées de grands dauphins caractérisent des zones où la production secondaire est probablement très importante. A ces fortes abondances s’ajoute une importante diversité d’espèces côtières, notamment en zone estuarienne et de panache fluvial au Sud Est. Ainsi, cette zone est à la fois le siège d’une grande diversité d’espèces et d’une production biologique importante, ce qui en fait un territoire marin d’une grande valeur biologique. Recommandation concernant les habitats prioritaires dans les eaux guyanaises Les recommandations concernant les habitats prioritaires dans les eaux guyanaises doivent être appréhendées en fonction directe des objectifs de conservation. Ces objectifs peuvent être centrés sur une espèce ou un groupe d’espèces pour lesquels la France aurait une responsabilité particulière en Guyane car les populations qui y résideraient représenteraient une proportion non négligeable des stocks mondiaux ou régionaux. Dans cette catégorie on peut inclure le dauphin de Guyane dont l’aire de répartition mondiale est confinée aux eaux côtières situées entre le Brésil and l’Amérique centrale (cas n° 1). D’autres objectifs pourraient se concentrer sur des caractéristiques de l’écosystème et ses fonctionnalités ; des indicateurs peuvent alors être nécessaires pour révéler et cartographier ces éléments à conserver. Dans le cas des eaux de Guyane, la diversité biologique peut être approchée par l’indice d’habitat prioritaire qui construit par la combinaison des indices spécifiques des espèces principales quelle que soit leur appartenance taxonomique (cas n° 2). Part ailleurs, certaines espèces particulièrement abondantes, ici le grand dauphin, pourraient être retenues comme indice de production biologique secondaire (cas n°3). Dans ch aque cas des recommandations différentes pourraient être formulées. Dans le premier cas, les habitats de conservation prioritaire sont clairement les eaux littorales, jusqu’à l’isobathe des 20 m environ. Dans le cas centré sur la conservation des écosystèmes supportant la plus grande diversité de prédateurs supérieurs, les habitats les plus intéressants, seraient le plateau continental dans son ensemble, avec une priorité supplémentaire pour les régions sous l’influence des panaches de fleuves. Enfin, dans le cas d’une stratégie de conservation qui viserait à préserver les habitats de plus forte production biologique, le talus continental apparaîtrait prioritaire. Par ailleurs, ces exercices de modélisation spatiale peuvent aider à l’identification des zones de risque accru d’interaction avec des activités humaines. Pour cela, il convient d’affiner le croisement des modèles spatiaux des espèces ou groupes d’espèces prioritaires avec la distribution des activités humaines actuelles ou pressenties. 34 Références Artigas, L.F., Vendeville, P., Leopold, M., Guiral, D. & Ternon, J.F. 2003. Marine biodiversity in French Guiana: estuarine, coastal, and shelf ecosystems under the influence of Amazonian waters. Gayana 67(2): 302-326 Buckland S.T., Anderson D.R., Burnham K.P., Laake J.L., Borchers D.L. & Thomas L. 2001. Introduction to distance sampling: Estimating abundance of biological populations. Oxford University Press, Oxford. Burnham, K. P. & Anderson, D. R. 1984. The needs for distance data in transect counts. Journal of Wildlife Management 48:1248-1254. Bouillet, S., Leclere, M. & de Thoisy, B. 2002. Le sotalie, Sotalia fluviatilis : éléments bibliographiques et premières données (distribution, menaces) sur la Guyane. Rapport Kwata pour la DIREN Guyane : 16p. 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