Article témoignage du Nouvelliste du 06.08.2015

Transcription

Article témoignage du Nouvelliste du 06.08.2015
“JEUDI 6 AOÛT 2015 ““
Le chanteur
remonte sur scène
après un AVC
À LA UNE
Un nouvel
album
en préparation
3
xd - bm
«Je reviens
de très loin»
BERNIE
CONSTANTIN
Le chanteur sera sur scène ce vendredi sous
les arcades de la Grenette, dans le cadre des
festivités du bicentenaire. Après avoir surmonté
la terrible épreuve d’un accident vasculaire
cérébral (AVC) survenu en octobre 2013
et qui a bien failli lui être fatal. Témoignage.
JEAN-FRANÇOIS ALBELDA
C’était un jour d’octobre comme les
autres, à l’automne 2013. Bernie s’en allait voir son fils Jessie Kobel à Lausanne.
Un jour comme les autres, avec peutêtre juste une légère sensation de malêtre ressentie dans le train. Puis, ça a
basculé. «Chez mon fils, je ne trouvais
plus l’ascenseur. Je ne savais tout à coup
plus où j’étais», raconte l’iguane des
Alpes, dont le cuir pourtant dur a cédé
ce jour-là. «Tout de suite, Jessie m’a emmené au CHUV. C’était moins une…»
Opération à vif
Assis à une table du café de La
Grenette à Sion, où il jouera un set intimiste avec son guitariste Lionel Janus
vendredi soir, Bernie replonge dans le
souvenir douloureux de cet AVC qui a
failli lui coûter la vie. «Si j’avais été chez
moi à Anzère, j’y serais sûrement resté…
Ça a été un sacré truc, tu sais…» Il explique l’opération, un nettoyage de carotide pratiqué pour ainsi dire à vif, une
nouvelle narcose n’étant plus possible
ce jour-là, au lendemain d’une première
anesthésie générale destinée à poser
une sonde et un diagnostic précis. «Je ne
souhaiterais pas ça même au pire connard
que j’ai pu rencontrer dans ma vie.»
Malgré l’épreuve et certaines traces
encore discernables dans le fil d’une disPUBLICITÉ
cussion qui parfois s’embrouille encore,
le lexique rebelle est toujours là, le
verbe fleuri, et le goût de cette flibuste
rock’n’roll qui lui a apporté ses premiers
frissons électriques, les Beatles, les
Stones, Frank Zappa… Et si parfois, il
semble pourchasser le nom d’un guitariste, comme un fantôme fuyant dans la
mémoire, la flamme est encore bien vivante dans les yeux et les mots.
Bernie sous les arcades de la Grenette, où il se produira en version intimiste ce vendredi soir. SACHA BITTEL
«C’est fou, ce qu’on peut oublier»
«C’est fou, ce qu’on peut oublier… Tu te
rends compte, je ne me souvenais même
plus de «Switzerland Reggae». Maintenant, pour les concerts, je me suis équipé
d’un prompteur…» Le tube de Bernie,
celui dont il dit que c’est ce qui restera
de lui au bout du chemin, la chanson
qui lui a ouvert les portes des maisons
de disques, des télévisions et des radios
françaises au début des années 80…
Effacée avec beaucoup d’autres, comme
le prénom des proches. «C’est effrayant.
Au CHUV, quand mes sœurs sont venues
me visiter, je savais qui elles étaient, mais
impossible de me rappeler comment elles
s’appelaient.»
D’autant plus effrayant que la mémoire était pour beaucoup dans l’identité de Bernie. Durant cinq ans, ses
anecdotes inépuisables ont hanté
l’émission de rock «Les jeudis de
Bernie» sur Couleur 3. Un empire inté-
Je ne me
«souvenais
z
même plus de
«Switzerland
Reggae.»
BERNIE CONSTANTIN CHANTEUR
rieur, bâti sur 35 ans passés au contact
des scènes et des backstages, aujourd’hui morcelé et qu’il reconstitue
en fouillant ses cartons de photos, en reparcourant sa discographie. «Je réécoute
parfois les émissions qu’on faisait avec
Duja. Je trouve incroyable tout ce que
j’avais en tête comme histoires à raconter.
Je peux les retrouver, mais je dois me concentrer sur un artiste, un événement et retisser les liens dans mon esprit…» La rencontre avec Brian Jones à Montreux,
Iggy Pop, cheveux courts dans sa cuisine… Le sillon laissé par ces rencontres est finalement profond. Comme
son jeu de guitare, imprimé dans sa mémoire musculaire. «En rééducation à la
SUVA, un jeune gars de Savièse me dit: j’ai
une guitare dans ma chambre. Viens
jouer! Au début, je ne voulais rien en savoir. Je pensais ne plus jamais pouvoir
jouer ni chanter. Puis j’y suis allé et mes
mains se sont souvenues.»
Petit à petit, Bernie a reconquis son
empire. D’abord lors d’un concert en solo en septembre 2014 au festival Bike &
Sound de Champéry. «J’étais mort de
trouille. Mais ça a marqué le début d’une
deuxième vie.»
«Etre vivant, c’est déjà énorme»
Bernie sortira même un nouvel album
l’année prochaine, issu d’enregistrements dont il avait oublié l’existence.
«Quand je suis rentré chez moi après
l’AVC, j’ai redécouvert mes guitares, mon
piano, et des morceaux enregistrés juste
avant l’incident. C’est assez fou, sortir un
disque qu’on ne se souvient pas avoir composé… Mais je vais prendre mon temps.
Je ne suis plus pressé. Quand on revient de
ça, être vivant, bordel, vivant, c’est déjà
énorme!» }
Bernie Constantin en concert vendredi soir au Festival
Arcades avec Kagbak et The Two. Dès 20 h.
Plus d’infos: www.bernieconstantin.com
et www.lagreu.ch/arcade