Ce qu`a vu le vent d`ouest - Dossier pédagogique

Transcription

Ce qu`a vu le vent d`ouest - Dossier pédagogique
Dossier pédagogique
CM2 / Collège / Lycée
JEUNESSES
MUSICALES
DE FRANCE
Théâtre musical
Yanowski, récit
Hélène Tysman,
piano
Ce qu’a vu
le vent d’ouest
Poe / Debussy
Photo © Franck Thibault
LES JEUNESSES MUSICALES DE FRANCE Les JMF inventent depuis 70 ans la musique accessible à tous et en premier lieu aux jeunes. Notre mission Accompagner les enfants et les jeunes dans une découverte active de toutes les musiques : percussions, baroque, chanson, jazz, polyphonies, soul, musique contemporaine, chant traditionnel, art lyrique, etc. Notre action 2 000 concerts et ateliers sur le territoire pour un demi-­‐million d’enfants et de jeunes chaque année. Notre projet Contribuer au développement le plus large de nouveaux réseaux musicaux, dans les zones isolées, au service des publics les plus éloignés de l’offre culturelle. Nos valeurs L’égalité d’accès à la musique, l’engagement citoyen, l’ouverture au monde. Aujourd’hui Les JMF élargissent leur action en faveur du développement musical par un engagement renforcé et innovant, en lien étroit avec les acteurs locaux : la mobilisation de nouvelles équipes sur le terrain, le repérage d’artistes, les résidences de création, les actions pédagogiques et l’accompagnement des pratiques instrumentales et vocales. Appuyées sur un formidable réseau de 1 200 bénévoles et d’opérateurs culturels réunis au sein de 320 délégations locales, les JMF forment avec plus de 70 pays les Jeunesses Musicales International, la plus grande ONG dédiée à la musique et reconnue par l’UNESCO. Premier organisateur de concerts en France, reconnues d’utilité publique, les JMF réaffirment leur valeur fondatrice : la conviction que l’art, et particulièrement la musique, est une cause fondamentale, vecteur de plaisir partagé, d’épanouissement et de citoyenneté. Hier Les JMF naissent de l’intuition d’un homme, René Nicoly qui, il y a soixante-­‐
dix ans, fait le pari que rien n’est plus important que de faire découvrir la musique au plus grand nombre. Il invente le concert pour tous et développe, dans toute la France, l’accueil au spectacle des lycéens, des étudiants, puis des enfants. Une grande tradition d’ouverture poursuivie jusqu’à ce jour. Les JMF : une association engagée, une exigence professionnelle, un projet en mouvement. Chaque année, les JMF ce sont : • 50 programmes musicaux en tournée • 150 artistes professionnels • Un accompagnement pédagogique pour chaque spectacle • 2 000 concerts • 400 lieux de diffusion • 460 000 spectateurs de 3 à 18 ans Les JMF reçoivent le soutien du ministère de l’Education nationale, du ministère de la Culture et de la Communication, du ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, de la Sacem, de l’Adami, du FCM, de la SPEDIDAM, du CNV, du Crédit Mutuel et de la Ville de Paris. 1 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
LE DOSSIER PEDAGOGIQUE Objectifs Si l’accueil des enfants au concert est le moment privilégié de leur rencontre avec le spectacle vivant et les artistes, profiter pleinement de cette expérience, c’est aussi la préparer, apprendre à « aimer écouter », à découvrir la musique en train de se faire, les musiciens, les œuvres, les instruments… Le plaisir en est multiplié et le souvenir de cette expérience va au-­‐
delà d’une simple rencontre et participe à l’évolution de l’élève en tant que « spectateur éclairé ». Contenu Le dossier pédagogique offre des informations sur le spectacle et ouvre différentes pistes pédagogiques à destination des enseignants. Il est en lien avec les programmes scolaires en vigueur qui, depuis 2008, intègrent l’enseignement de l’Histoire des arts. Depuis 2012, le dossier pédagogique s’enrichit d’une dimension concrète : une fiche écoute ou pratique vocale sur une pièce musicale du spectacle. Ressources complémentaires Outre les dossiers pédagogiques, le site Internet des JMF (www.lesjmf.org) propose également en ligne des photos et des extraits sonores permettant une écoute, une analyse et des productions à réaliser en classe. Progressivement, le site Internet des JMF s’enrichira de ressources autour des principaux instruments de musique et courants musicaux des spectacles, en lien avec les dossiers pédagogiques. En vous souhaitant une excellente lecture et de belles découvertes ! SOMMAIRE ……………………… FICHE 1 -­‐ LE SPECTACLE ……………………………………………………………………………………………………………..……………..……………. p. 3 …………………………..…… FICHE 2 -­‐ LES ARTISTES ……………….………………...………………………………………..………….….………...………….………....…... p. 4 …………………………………….……... FICHE 3 -­‐ L’INTERVIEW …………………………………………..…………….….………………............................................... p. 5 …………………………………………………….…. FICHE 4 -­‐ LE CONTEXTE ARTISTIQUE ET CULTUREL ……………………………………… p. 6 …………………………………………….…………………….. FICHE 5 -­‐ FICHE ECOUTE ……………………………………….…………………………………….……….…….. p. 7 ………………………………………..…………………………..…....….. FICHE 6 -­‐ AUTOUR DU SPECTACLE ……....................................................... p. 11 2 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
LE SPECTACLE Avant le spectacle Pourquoi vais-­‐je à un concert ? Que vais-­‐je y découvrir ? Qui sont les artistes que je vais rencontrer ? Quelles règles vais-­‐je devoir respecter ? Autant de questions que l’on sera amené à se poser avant de se rendre dans la salle de concert. La préparation au spectacle est déterminante pour vivre pleinement l’expérience du concert. Vous pourrez vous aider pour cela des activités proposées dans le présent dossier pédagogique et des extraits sonores en écoute sur le site Internet des JMF (www.lesjmf.org). Pour chaque concert • Un chant à apprendre et/ou une œuvre à écouter en classe • L’affiche du spectacle peut être exploitée afin que les élèves puissent s’interroger sur ce qu’ils vont entendre • L’interview des artistes permet aux élèves de faire leur connaissance • La charte du jeune spectateur présentée sur le site Internet permet d’aborder en classe les conditions d’une belle écoute durant le concert Après le spectacle Différentes pistes présentées dans le dossier pédagogique peuvent aussi être exploitées de retour en classe. • Procéder à une restitution du concert : exprimer son ressenti (à l’écrit, à l’oral, par le dessin, etc.) et l’argumenter fait partie intégrante de la formation du jeune spectateur • Conserver une trace du concert (photos, enregistrements, dessins, écrits, etc.) afin que les élèves gardent un souvenir de leur parcours culturel • Les élèves peuvent envoyer leurs commentaires sur le spectacle sur le site Internet des JMF > rubrique « Donnez-­‐nous votre avis ! ». Une sélection de messages est mise en ligne. Ce qu’a vu le vent
d’ouest
Partition pour une maison hantée CM2, collège, lycée Poe versus Debussy, entre visible et invisible : plongée à la croisée de deux univers « fantastiques ». Une pièce aux meubles recouverts de tissus dans une maison qui semble abandonnée depuis longtemps. Une jeune femme au piano interprète La cathédrale engloutie. Un homme entre en scène, le prélude envoûtant réveille en lui un souvenir enfoui dans sa mémoire. Il commence l’histoire étrange de deux « enfants terribles » pris au piège de la folie dans la maison familiale… Cette nouvelle d’Edgar Allan Poe nous plonge dans un e
genre majeur du XIX siècle : le récit fantastique. Ancêtre du roman policier et de la science-­‐fiction si prisés des jeunes, il nous confronte à des événements inexplicables provoquant doute, hésitation… et peur ! Quoi de mieux pour ressusciter cet univers que la musique toute en « impressions » de Claude Debussy et ses Préludes aux titres mystérieux (Ce qu’a vu le vent d’ouest…), considérés comme un sommet de la musique classique ? D’après la nouvelle de La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe. Le programme Liste non exhaustive Claude Debussy, Préludes (extraits des Livres I et II) Livre I Voiles Des pas sur la neige Ce qu’a vu le vent d’ouest La fille aux cheveux de lin La cathédrale engloutie Livre II La terrasse des audiences du clair de lune Ondine Canope Feux d’Artifice (Les Préludes ne sont pas cités dans l’ordre du spectacle.)
3 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
LES ARTISTES L’Oreille à Plumes : Yanowski, récit Hélène Tysman, piano
Sonia Jacob, mise en scène Yanowski Yann Girard dit « Yanowski » est né à Pontoise en 1974. Petit-­‐fils d’un anarchiste espagnol, de mère comédienne et de père metteur en scène, cet enfant de la balle grandit dans le milieu de la bohème parisienne (son père chante le soir dans les cabarets de Montmartre) au milieu des saltimbanques, jongleurs, guitaristes, danseurs de flamenco, bateleurs et escrocs en tout genre que fréquentent ses parents. Mis au piano classique à l'âge de six ans, il poursuit sérieusement ses études secondaires à l'école des enfants du spectacle, quitte le lycée à 17 ans pour effectuer de nombreux voyages (Mexique, États-­‐Unis, Guatemala, Maroc), puis revient en France et reprend des études de philosophie. C'est durant cette période qu'il commence à écrire ses premiers poèmes, tout en dévorant romans d'aventure et nouvelles fantastiques. Sur le point de passer son CAPES de philosophie, il fait la rencontre du pianiste Fred Parker avec qui il fonde Le Cirque des Mirages « cabaret-­‐théâtre expressionniste et fantasmagorique à l’univers trouble et troublant ». Il remporte un succès fulgurant au concours 2003 du Centre de la Chanson d’Expression Française. Depuis, sa plume trempée dans le vitriol de son imagination, il ne cesse de vivre des performances poétiques et musicales toujours plus hallucinées, entre rock, jazz et expériences symphoniques. Hélène Tysman Quand Hélène Tysman était enfant, elle habitait une grande maison à trois étages avec un piano à chaque niveau. Tout le monde jouait de la musique, dans tous les styles. Elle ne s’est jamais posée la question d’en faire son métier, la musique faisait partie de sa vie, et c’est naturellement et avec passion qu’elle est devenue pianiste. Après ses études au CNSM de Paris, elle est allée se former auprès de grands maîtres du piano à Cologne, Vienne, Hambourg puis Weimar. C’est une grande soliste qui a reçu de nombreux grands prix de piano. Pour elle, interpréter les œuvres de Claude Debussy s’inscrit dans la continuité de celles de Frédéric Chopin, auxquelles elle a consacré er
son premier enregistrement après avoir gagné le 1 Prix du Concours International Chopin à Darmstadt (Allemagne), et atteint la finale du mythique concours Chopin de Varsovie. En récital ou avec orchestre, en musique de chambre ou avec des chanteurs, Hélène Tysman se produit régulièrement en France comme à l’étranger. Plusieurs fois invitée par la radio et la télévision, elle aime également mettre en scène son talent pianistique dans des concerts littéraires. Ce spectacle est l’occasion pour elle d’explorer le jeu théâtral et de penser autrement son rapport à l’œuvre musicale et à la scène. Sonia Jacob « J'ai été une enfant très attirée par les livres et les mondes imaginaires, le théâtre en faisait bien sûr partie. J'aimais me déguiser, inventer des histoires... Par exemple, je trouvais très regrettable de visiter des châteaux ou des lieux historiques très beaux, habillée de façon moderne. J'avais toujours envie de me plonger dans l'époque, de revivre quelque chose, de me fondre dans le décor. Les livres et le théâtre me permettaient de vivre mille vies. Les jeux avec les cousins, les pièces montées dans le jardin, ouvraient la porte à un plaisir très fort : celui d'incarner, d'être des personnages, d'être celui qui raconte, qui vit. C'était un jeu où l'imaginaire n'avait pas de limite (ou presque !), je crois que je continue ce jeu-­‐là aujourd'hui... » Compagnie L’Oreille à Plumes Fondée par Sonia Jacob, la Compagnie L’Oreille à Plumes entend faire entendre et découvrir des textes contemporains peu connus et des textes classiques à redécouvrir, par la mise en scène de pièces de théâtre ou d’adaptation de textes littéraires, des rendez-­‐vous mensuels autour de la lecture, la création de lectures promenades dans des lieux patrimoniaux… C’est une compagnie créée pour partir à l’aventure, comme un navire avec un équipage multiple fait de comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens, circassiens, tous à la recherche de nouveaux horizons littéraires, musicaux et théâtraux. 4 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
L’INTERVIEW Avec Sonia Jacob, metteur en scène et Hélène Tysman, pianiste. Pourquoi avez-­‐vous choisi de mettre en scène La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe ? S. J. : « Pour deux raisons : la première parce que les enfants aiment qu’on leur fasse peur, la deuxième parce qu’ils aiment qu’on leur propose de beaux textes. Les nouvelles fantastiques d’Edgar Allan Poe ont une exigence littéraire tout à fait accessible par le biais de la mise en scène. » H. T. : « Claude Debussy était fasciné par Edgar Allan Poe. Je rêvais depuis des années de monter un spectacle qui met ces deux artistes en miroir l’un de l’autre. » Comment avez-­‐vous sélectionné les Préludes par rapport au texte ? S. J. : « Nous avons choisi dix Préludes avec Hélène Tysman, sans prêter attention aux titres, qui sont pourtant tous très évocateurs. Nous nous sommes laissées guider par une écoute sensible en nous imprégnant de l’atmosphère du récit, jusqu’à ce que la musique et le texte deviennent indispensables l’un à l’autre. Nous avons été très attentives à trouver un équilibre entre le piano, la narration et le silence. » Comment avez-­‐vous conçu la mise en scène ? S. J. : « J’ai voulu créer un espace autour de la musique, en donnant l’impression qu’on entrait dans une maison abandonnée. Le décor est très simple et repose sur un jeu de lumières activées directement par le comédien et la pianiste : abat-­‐jours qui projettent des ombres chinoises sur les murs, lampadaires qui découpent des zones lumineuses. Il entre en résonnance avec le décor sonore créé par des jeux de pédales, des pincements de cordes et autres effets obtenus au piano. La musique de Claude Debussy éclaire d’une autre lumière le texte d’Edgar Allan Poe, et libère des stéréotypes habituels. La présence sur scène d’un homme et d’une femme crée un autre rapport entre les personnages. Il s’en dégage une grande vie et une grande lumière, dans une atmosphère de grenier plein de mystère qui renvoie à l’imaginaire de l’enfance. » Comment est-­‐ce que les rôles sont répartis entre le comédien et la pianiste ? S. J. : « Yanowski et Hélène Tysman incarnent les personnages : Roderick Usher, le narrateur (son ami d’enfance) et Madeline, sa sœur. Mais ils créent également eux-­‐mêmes leur espace scénique par des manipulations d’objets et des bruitages au piano, sans rupture avec leur fonction d’interprète. Tour à tour personnage, interprète ou manipulateur d’objets, les deux artistes assurent une présence constante au service de la dramaturgie. » La maison joue un rôle important dans votre mise en scène, comment est-­‐elle représentée ? S. J. : « À partir des descriptions d’Edgar Allan Poe, avec le scénographe Sébastien Husson, nous avons imaginé une maison qui observe, réagit aux événements, à la musique, aux émotions des personnages. “Les fenêtres semblables à des yeux sans pensée” apparaissent en ombre chinoise sur le sol, elles n’ont pas de place fixe, comme si la maison changeait de forme au fur et à mesure de l’histoire. » Comment s’est fait le travail avec Yanowski ? S. J. : « Quand nous avons cherché un comédien, Yanowski s’est imposé comme une évidence et lui-­‐même a été très heureux qu’on lui propose d’interpréter une œuvre d’Edgar Allan Poe, auteur auquel il voue une grande admiration. Cela lui a permis d’explorer un autre univers que celui très expressionniste du Cirque des mirages. On l’a dépouillé de son personnage habituel tout en gardant sa personnalité de comédien mystérieux avec une aura certaine. » Comment aimeriez-­‐vous que les enfants se préparent à leur venue au spectacle ? S. J. : « La vraie rencontre se produit pendant le spectacle, par les expériences sensibles vécues par les enfants. Avant leur venue, on peut les aider à se plonger dans ce que la musique raconte, comme lorsqu’on regarde un tableau et qu’on essaye d’imaginer ce que le peintre a voulu représenter. Ce sont les histoires qu’on nous a racontées pendant notre enfance qui nous restent et qui nous hantent. La musique aussi nous raconte une histoire, en provoquant des sensations et des émotions. » 5 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
CONTEXTE ARTISTIQUE ET CULTUREL Littérature et musique, la mise en vibration des émotions Ce spectacle musical a pour objectif de mettre en regard deux genres artistiques, la musique et la littérature. Sans que la musique vienne illustrer le texte littéraire, sans que le texte soit un faire-­‐valoir de la musique, l’un et l’autre s’éclairent dans une profonde complémentarité. Les deux univers poétiques de Claude Debussy et d’Edgar Allan Poe entrent dans une intime résonnance. Cela provoque chez le jeune spectateur des correspondances sensibles qu’il est intéressant de dégager pour lui permettre d’en prendre conscience, et de vivre pleinement l’expérience artistique du spectacle. Edgar Allan Poe et Claude Debussy Toute sa vie, Claude Debussy a été hanté par cette nouvelle d’Edgar Allan Poe, La chute de la maison Usher. En 1893, le compositeur écrit à son ami compositeur Ernest Chausson : « […] parfois mes journées sont fuligineuses, sombres 1
et muettes comme celles d’un héros d’Edgar Allan Poe ». Il a essayé d’en faire un opéra, mais il n’a pu en composer que des fragments, désespéré de ne pouvoir aboutir. En 1908, il écrit à son ami éditeur Jacques Durand : « […] il y a des moments où je perds le sentiment exact des choses environnantes ; et si la sœur de Roderick Usher entrait chez 2
moi, je n'en serais pas extrêmement surpris .». Claude Debussy était captivé par les atmosphères, les personnages étranges et morbides des nouvelles de l’auteur américain. La description de la maison Usher est une succession de sensations, pour mieux susciter l’effroi et mieux saisir le lecteur. La peur tient tous les sens en éveil. Claude Debussy, dans ses préludes et tout au long de son œuvre, s’est attaché à susciter des sensations par sa musique, qu’elles soient visuelles, auditives, tactiles. Ses titres en sont l’exemple parfait. Comment ne pas rapprocher les eaux dangereuses et maléfiques qui entourent la maison Usher et La cathédrale engloutie ou Brouillards ? Comment comprendre le prélude Ce qu’a vu le vent d’Ouest si ce n’est par l’imagination, la fantaisie, et les sensations ? Les Préludes de Debussy 3
« Il n’y a pas de théorie : il suffit d’entendre. Le plaisir est la règle . ». C’est ainsi que Claude Debussy définissait son écriture musicale et pour laquelle il a déclaré : « Je travaille à des choses qui ne seront comprises que par les petits-­‐
e
4
enfants du XX siècle . ». Les Préludes de Claude Debussy représentent une clef de voûte à la fois dans l’écriture du compositeur et dans l’œuvre pour piano en général. L’écoute de ces Préludes est une sublime invitation à lâcher prise sur la connaissance musicale pour se laisser guider par ses propres ressentis intérieurs et mettre en œuvre une perception fondée sur les correspondances sensibles entre les sons, les émotions, l’imaginaire, les textures et les couleurs. La chute de la maison Usher La chute de la maison Usher est une nouvelle fantastique d’Edgar Allan Poe, publiée en 1839 aux États-­‐Unis, dans le recueil Tales of the Grotesque and the Arabesque, traduite par Charles Baudelaire et publiée en 1857 dans les Nouvelles Histoires extraordinaires. Cette nouvelle a alimenté l’imaginaire de très nombreux artistes en particulier au cinéma, au e
théâtre et dans le domaine musical. La littérature fantastique naît au début du XIX siècle. Sur le plan musical, on peut la placer en regard de la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz, nourrie par la subjectivité mentale du narrateur. En peinture, Gaspard Friedrich et Johann Heinrich Füssli semblent avoir directement inspiré l’imaginaire d’Edgar Allan Poe, par leur représentation d’un monde fantasmagorique dans lequel les éléments naturels participent à l’hallucination de la pensée. La Compagnie L’Oreille à Plumes a pris le parti d’entrer dans la nouvelle par les descriptions de la maison dans laquelle se déroule le récit. Cette maison est vivante, elle a des yeux qui regardent se dégrader l’esprit malade du propriétaire, Roderick Usher, sous le regard sidéré de son ami venu l’assister dans son délire. C’est elle qui semble orchestrer la chute fatale, avec ses décors gothiques hallucinants traversés de bruits étranges et ses couloirs putrides qui amplifient les échos d’une terreur morbide. Le texte donné pendant le spectacle est la version traduite par Charles Baudelaire, avec quelques coupures. 1
Debussy, la musique et les arts. Ed. Skira Flammarion 2012. p. 68
Claude Debussy. Correspondance 1872-­‐1918. Ed. Gallimard. Paris, 2005 3 Marguerite Long. Au piano avec Debussy. Ed. Julliard. Paris, 1960. p.34 4 Claude Debussy dans une lettre autographe, adressée à Pierre Louÿs, datée de février 1895, [Paris]
2 6 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
FICHE ECOUTE …Des pas sur la neige sur un texte d’Edgar Allan Poe Retrouvez l’extrait sonore sur le site Internet des JMF www.lesjmf.org > http://www.lesjmf.org/#content=/spectacles/detail/310/ Auteur Edgar Allan Poe, traduit par Charles Baudelaire Compositeur Claude Debussy Interprètes Hélène Tysman, piano Yanowski, récit Musique …des pas sur la neige, Prélude VI du Premier livre des Préludes pour piano Formation instrumentale Structure Piano « Je me persuade de plus en plus que la musique n’est pas, par son essence, une chose qui puisse se couler dans une forme rigoureuse et traditionnelle. Elle est de couleurs et de temps 1 rythmés. » Chaque Prélude de Claude Debussy interprété dans ce spectacle est une pièce brève de quelques minutes, dont la forme n’est pas soumise à un plan structuré mais inspirée par une idée sensible. Cette idée donne le titre à l’œuvre, placé à la fin de la partition précédé par « … » de suspension. Debussy a écrit en exergue de la partition de ce Prélude VI : « Ce rythme doit avoir la valeur sonore d’un fond de paysage triste et glacé. » À propos de À la période baroque, un prélude était une courte pièce jouée sur le mode de l’improvisation, qui permettait aux artistes d’accorder leur instrument. La forme prélude a parcouru par la suite toute l’histoire de la musique et en particulier celle du piano. Les Préludes de Claude Debussy, écrits entre 1908 et 1912, sont considérés par les artistes comme par les mélomanes, comme une apothéose de cette forme. Activités pédagogiques Écoute active • Écouter le prélude indépendamment du texte. Repérer à l’oreille : * la petite cellule musicale qui revient comme un balancement lancinant et suspendu sur quatre notes. Pour la reconnaître tout au long du Prélude, la chanter avec des paroles : « Maison », « Usher ». Remarquer comment cette cellule passe dans l’aigu à la fin de l’œuvre ; * la ligne de chant qui se juxtapose à cette petite cellule, qui se déroule sans rythme apparent. Pour faciliter le repérage et la différenciation, remarquer que l’on peut danser la petite cellule musicale en se balançant d’un pied sur l’autre, alors qu’il est impossible de le faire sur la ligne de chant. * Une fois que la reconnaissance des lignes mélodiques est acquise, repérer les dynamiques : les ralentis, les suspensions, les accélérations du discours musical • Fusion entre le texte et la musique. Même sans savoir lire la musique, on peut repérer sur la partition le mouvement de celle-­‐ci en suivant la ligne graphique que dessinent les notes. Une fois que l’on arrive à suivre le dessin de la musique sur la partition, écouter l’extrait sonore en repérant comment la voix suit le déroulement de la musique et en particulier ses inflexions données par les indications du compositeur : « Expressif et douloureux », « Cédez » (terme indiquant un ralenti), « En animant surtout dans l’expression », « A tempo » (terme indiquant qu’on reprend la vitesse du début), « Comme un tendre et triste regret ». 1 Lettre de Claude Debussy à son éditeur Jacques Durand, 1907 7 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
FICHE ECOUTE (SUITE) Activités pédagogiques (suite) Travail d’expression sur les émotions et les ressentis de la musique • L’écoute des Préludes de Claude Debussy peut faire l’objet d’une expression écrite ou verbale sur les ressentis de la musique, en posant des questions sur les correspondances synesthésiques et émotionnelles que déclenche l’écoute : * Quelle est la densité de la musique ? Les sons sont-­‐ils éclatés ou très resserrés, forment-­‐ils des grappes qui tournent sur elles-­‐mêmes ou des guirlandes qui fusent dans l’espace ? * Quelle est la forme de la musique ? Chaque fragment musical décrit des lignes, des courbes, des amas, des juxtapositions de sons, que l’on peut suivre à l’oreille comme l’œil suit les lignes et les intensités lumineuses d’une œuvre picturale. * Quelle histoire raconte la musique ? Que ressent-­‐on quand les sons semblent sourdre des profondeurs ou au contraire se répandre dans l’espace aérien ? Qu’est-­‐ce que ça provoque dans l’imaginaire quand les sons se dissolvent dans le silence ou se répètent comme une antienne lancinante ? Pour aller plus loin Une citation de Claude Debussy, 1903 : « La musique est une mathématique mystérieuse dont les éléments participent de l’Infini. Elle est responsable du mouvement des eaux, du jeu de courbes que décrivent les brises changeantes ; rien n’est plus musical qu’un coucher de soleil ! Pour qui sait regarder avec émotion c’est la plus belle leçon de développement écrite dans ce livre, pas assez fréquenté 1
par les musiciens, je veux dire : la Nature . » On peut télécharger sur imlsp.org (site de mise en ligne de partitions du répertoire classique libres de droit) l’intégrale des deux Livres de Préludes de Claude Debussy. Faire la corrélation entre la musique entendue et la ligne graphique de la partition pour suivre le mouvement et les intentions du compositeur. Chaque didascalie placée sur la partition est une invitation à se laisser guider par ce que raconte la musique. 1
Musica, mai 1903, repris dans Claude Debussy, Monsieur Croche et autres écrits. Ed. François Lesure, Paris Gallimard 1987. p.46-­‐47
8 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
FICHE ECOUTE (SUITE) 9 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
FICHE ECOUTE (SUITE) 10 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
AUTOUR DU SPECTACLE En français • Étudier les caractéristiques du récit fantastique à partir de La chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe (traduction Charles Baudelaire) : re
* Récit mené à la 1 personne, souvent au passé (récit rétrospectif). Le narrateur se présente comme ayant réellement vécu les faits qu’il rapporte, établissant une sorte de pacte de vérité avec son lecteur. * Cadre spatio-­‐temporel ancré dans la réalité (contrairement au récit merveilleux). * Surgissement progressif d’événements inexplicables pouvant toujours avoir une double interprétation, logique ou surnaturelle. Le narrateur est en effet souvent en proie à des états seconds, ou plongé dans une solitude, une obscurité et une terreur susceptibles de modifier sa perception – voire de le rendre fou, donc irrationnel… * Toutes les descriptions (nature, maison, protagonistes secondaires) reflètent la tourmente intérieure vécue par le narrateur : les objets, les personnages ou le temps sont décrits comme menaçants, inquiétants, mystérieux. * À la fin du récit, l’ambiguïté n’est pas levée sur la nature des événements vécus. Réalité ou rêve ? Vérité ou illusion ? Le mystère reste intact. « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. » Tzvetan Todorov « Poe et Debussy, maîtres en la matière, nous font ressentir mille sensations contradictoires, nous tiennent en haleine, font monter le suspense, relâchent un peu la tension pour mieux nous cueillir par la suite. Une fois le pied posé sur le seuil de la maison Usher, c’est le tourbillon du fantastique qui nous saisit. Vous aimez les sensations fortes ? Entrez... Suivez-­‐nous dans la maison Usher... » Sonia Jacob • Approches complémentaires : * Repérer tout ce qui relève de la description de la maison : -­‐ La vue extérieure au bord de l’étang ; -­‐ Les façades, avec la fissure déterminante pour la dramaturgie du récit ; -­‐ L’intérieur de la maison avec ses couloirs, ses escaliers et ses pièces au décor gothique ; -­‐ Les atmosphères qui se dégagent de la maison. * Repérer tout ce qui relève de la nature : -­‐ Le paysage qui entoure la maison au début du récit ; -­‐ L’orage ; -­‐ Le paysage lunaire dans lequel la maison s’écroule. * Remarquer comment la description de la nature renvoie aux émotions du narrateur. * Remarquer comment la maison semble animée d’une vie autonome qui en fait un personnage actif dans le récit. Le récit fantastique naît pendant la période romantique, quand les artistes se saisissent de la nature comme d’un ressort dramatique qui nourrit leur imagination. * Repérer les personnages : -­‐ Que sait-­‐on du narrateur ? Il est celui qui porte l’incrédulité et le doute ; -­‐ Que sait-­‐on de Madeline Usher ? Elle est l’apparition, le spectre dont on ne sait s’il est réel ou s’il est le fruit d’une imagination torturée ; -­‐ Que sait-­‐on de Roderick Usher ? Il est le héros du récit, celui que l’on observe dans sa chute vers la folie ; -­‐ Quels sont les autres personnages et comment influent-­‐ils sur le récit ? * Repérer les éléments qui déclenchent la peur et font frémir l’imagination : -­‐ Le cérémonial de l’enterrement de Madeline Usher dans les catacombes ; -­‐ Le récit du combat contre le dragon qui entre en résonnance avec l’apparition du spectre de Madeline Usher, au cœur de la tempête ; -­‐ L’écroulement de la maison Usher dans un ciel tourmenté de pleine lune. 11 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
AUTOUR DU SPECTACLE (SUITE) En éducation musicale • Écouter en résonnance aux Préludes, les grandes œuvres les plus célèbres de Claude Debussy : Prélude à l’après-­‐midi d’un Faune, d’après un poème de Stéphane Mallarmé, œuvre reprise par Serge Diaghilev pour la chorégraphie d’un ballet interprété par Nijinski ; Pelléas et Mélisande, opéra composé sur un livret de Maurice Maeterlinck ; La mer, trois esquisses symphoniques pour orchestre. • Écouter d’autres formes de préludes de l’histoire de la musique : Les préludes non mesurés de l’Art de toucher le clavecin de Louis Couperin, Les préludes du Clavier bien tempéré de Johann Sébastien Bach, Les préludes de Frédéric Chopin, Trois préludes pour piano de Gershwin très influencés par le jazz. • Écouter les Lieder de Franz Schubert, et en particulier le cycle Voyage d’hiver, en résonnance avec les paysages décrits dans la nouvelle d’Edgar Allan Poe • Écouter d’autres œuvres musicales inspirée par la littérature : Contes de ma mère l’Oye de Maurice Ravel, d’après e
e
différents contes du XVII et XVIII siècle ; Shéhérazade de Nikolaï Rimski-­‐Korsakov, poème symphonique d’après Les contes des Mille et une nuits ; L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel, livret de Colette. En arts visuels • Vincent, film d’animation de Tim Burton 1982 (6 min). Dans ce film d'animation mettant en scène un enfant fasciné par Edgar Allan Poe et Vincent Price, Tim Burton revient sur sa propre enfance et sur les prémices de sa vocation de cinéaste. • La chute de la maison Usher, film muet en noir et blanc de Jean Epstein, 1929. On trouve sur internet le film en version ciné-­‐concert, avec une composition musicale originale d’Ivan Fedele. Henri Langlois, le fondateur de la 1
Cinémathèque Française voyait dans ce film : « l’équivalent cinématographique des créations de Debussy ». En Histoire des arts • Claude Debussy, Stéphane Mallarmé et le mouvement du symbolisme en peinture : Gustave Moreau, Louis Welden Hawkins, Henri de Groux. On identifie trop facilement Claude Debussy au mouvement impressionniste en peinture. Le peintre Vassily Kandinsky écrit dans son livre Du spirituel dans l’art : « Les musiciens les plus modernes, comme Debussy, apportent des impressions spirituelles qu’ils empruntent souvent à la nature et transforment en images spirituelles sous une forme purement musicale. On a souvent, pour cette raison, rapproché Debussy des peintres impressionnistes […]. Il serait cependant téméraire de prétendre que cette définition suffit à rendre compte de l’importance de Debussy ; malgré cette affinité avec les impressionnistes, il est si fortement tourné vers le contenu intérieur que l’on reconnaît immédiatement dans son œuvre le son fêlé de l’âme actuelle avec toutes ses souffrances 2
et ses nerfs ébranlés ». • La statue La Valse de Camille Claudel. La sculptrice était une amie de Claude Debussy, qu’elle fascinait par l’intensité de son inspiration. Cette statue était posée sur le bureau du compositeur. • Une identification immédiate se fait entre la description des paysages de la nouvelle d’Edgar Allan Poe et l’œuvre du peintre romantique allemand Gaspard Friedrich. On peut mettre en regard ses tableaux d’orage et la description du déchaînement des éléments qui forme le cadre de l’apparition du spectre de Lady Madeline à la fin de la nouvelle, ou certains tableaux représentant des ruines dans un paysage tourmenté éclairé par la lune. • Une citation directe du célèbre tableau Le cauchemar de Johann Heinrich Füssli, peintre anglais d’origine suisse de la e
e
fin du XVIII , début du XIX siècle se trouve dans la nouvelle : « Une insurmontable terreur pénétra graduellement tout mon être ; et à la longue, une angoisse sans motif, un vrai cauchemar, vint s’asseoir sur mon cœur. ». Le nom du peintre, orthographié « Fuseli » est cité dans la nouvelle, (p. 142 de la l’Edition Gallimard collection Folio Classique), dans l’évocation de l’univers artistique dans lequel baignent Usher et le narrateur. 1
Debussy, la musique et les arts. Ed. Skira Flammarion, 2012. p.68 Ibid. p.58 2
12 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF
REFERENCES Livres POE, E. A. 6 nouvelles fantastiques. Ed. Gallimard, coll. Folioplus classiques. 2009. Édition commentée (dossier et lecture d’image). CD Il existe de très nombreux enregistrements de qualité des Préludes de Debussy. Nous citerons notamment les versions de référence d’Arturo Benedetti Michelangeli, Claudio Arrau ou encore Krystian Zimerman. Sites > www.lesjmf.org Venez découvrir les JMF, la présentation des spectacles, les dossiers pédagogiques, des extraits en écoute… > www.helene-­‐tysman.com Le site de l’artiste musicienne > www.cirquedesmirages.com Pour découvrir une autre facette de Yanowski avec son fabuleux duo de cabaret expressionniste et fantasmagorique > www.oreilleaplumes.com Pour découvrir et suivre le spectacle et la compagnie > www.wikisource.org Bibliothèque libre sur laquelle la nouvelle La chute de la maison Usher est disponible en version intégrale. Coproduction JMF / L’Oreille à Plumes Direction artistique et pédagogique : Anne Torrent Coordination des dossiers pédagogiques : Olivia Godart et Dany Labat Rédaction : Isabelle Ronzier, membre du comité pédagogique des JMF, avec la participation des artistes. Conception graphique et réalisation : Camille Cellier • Photo © Franck Thibault Tous droits réservés. Toute reproduction totale ou partielle de cette documentation est interdite en dehors de la préparation aux concerts et spectacles des JMF. Jeunesses Musicales de France -­‐ 20 rue Geoffroy l’Asnier -­‐ 75004 Paris -­‐ www.lesjmf.org 13 Ce qu’a vu le vent d’ouest І Dossier pédagogique І 2013-­‐2014 І©JMF

Documents pareils