Sculpture : Documents Du burin à la plume

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Sculpture : Documents Du burin à la plume
Secondaire
Sculpture : Documents
Du burin à la plume
La statuomanie du XIXe siècle
« Lorsque le rideau se leva sur le XIXe siècle, âge d’or des monuments aux hommes célèbres,
la scène, en effet était vide. La Révolution avait bouleversé les objets autant que les mentalités
[…]. Le vide laissé par la disparition des statues pourrait servir de métaphore au traumatisme
sous l’effet duquel les Français redéfinirent leur avenir national. Car l’essor de la statuaire au
cours du siècle témoigne de la diffusion des nouveaux idéaux égalitaires. Et son déclin qui
coïncide à peu près avec la Première Guerre Mondiale, traduit une mutation de l’esprit collectif
au XXe siècle. Sans compter avec un phénomène de lassitude : les statues des hommes
célèbres furent en quelque sorte victimes de leur succès. »
[…]
« Le mot déjà courant de « statuomanie » décrit parfaitement la vogue qui entraîna l’installation
de sculptures monumentales dans tous les lieux imaginables. En dehors des statues aux
hommes illustres, cette sculpture proliférante comprenait des ensembles dédiés à des idées, à
des évènements, à des groupes d’hommes, ainsi que des œuvres purement décoratives. Paris
fut le lieu d’un phénomène qui touchait aussi les autres villes françaises et, du reste, tous les
pays d’Occident. »
June HARGROVE, Les Statues de Paris,
in Les lieux de Mémoire, t. 2
sous la direction de Pierre NORA, Quarto/Gallimard, 1997.
© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2002).
Secondaire
Le marteau
Phidias, Houdon, Rodin brandissent le marteau. Phidias a sculpté Athéna Parthénos et Houdon
la belle Diane, Rodin a décapité les corps : il commence la fragmentation. Une statue acéphale
reste une statue : Vénus plus belle sans bras. Un pied coupé au ras des malléoles demeure
encore une sculpture. Ainsi la tête seule d’Orphée ou du Penseur : les successeurs
s’acharneront, au sens littéral du verbe : les membres volent. N’importe quel fragment se
substitue à la statue. Même la masse informe. Mais cette masse ne diffère pas des premières
pierres que nous laissèrent nos ancêtres de Carnac à Stonehenge, brutes. Nous ne savons pas
si cette absence de découpe marque la fin d’un processus de démembrement ou le
commencement d’une démarche longue allant vers la forme, mais nous soupçonnons que ces
deux moments se recouvrent exactement dans l’histoire de l’esthétique, dont on peut penser
qu’elle recommence, qu’elle imite, qu’elle suit ou qu’elle égale l’histoire des religions. Un cercle
se trace là et recommence.
Michel SERRES, Statues,
Champs/Flammarion, Paris, 1989.
Dans la douce chair des villes
C’est à cause des statues d’Aristide Maillol que j’aime autant les Tuileries. Il faut les voir à
plusieurs heures et en plusieurs saisons. Quand la lumière frappe leur nuque et laisse leur côté
face dans l’ombre, quand elles la reçoivent au visage, quand au zénith elle tombe droit sur le
sommet de leur tête, les bronzes et les plombs se colorent différemment. Du bleuté apparaît
dans le gris du plomb, du vert dans ce que l’on pourrait appeler sans abus la transparence du
bronze. Lorsque la pelouse est saupoudrée de neige les Maillol paraissent noires. C’est en
s’approchant seulement que l’on découvre un peu d’émeraude dans le pli du coude, à la
jointure des genoux, entre les orteils, dans les volutes des tresses ou les boucles des cheveux.
Les oiseaux, pigeons et merles, aiment pour s’y percher leurs épaules, leurs bras, leur tête
parfaitement coiffée. Elles sont adaptées à l’air libre, se modulent avec lui. Parfois elles
ruissellent de pluie, imperturbables sous la douche qui les lave des fientes, en hiver, dans le
jardin muet. En été, charmeuses de pigeons irisés, elles sont nues parmi les nus des femmes et
des hommes en train de bronzer sur les pelouses en cohue joyeuse qui oppose ses formes
périssables à celles du bronze suaves, soyeuses et fermes pour toujours.
Marie ROUANET, Dans la douce chair des villes,
Payot, 2000.
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© Ville de Toulouse, musée des Augustins, document réalisé par le service éducatif, (Céline Roques, 2002).

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