Le Christ Roi Au XVe siècle, dans l`immense salle de la grande

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Le Christ Roi Au XVe siècle, dans l`immense salle de la grande
Le Christ Roi
Au XVe siècle, dans l'immense salle de la grande chambre des pauvres de l'Hôtel Dieu de
Beaune, le retable du Jugement Dernier de Roger van der Weyden constituait au-dessus de l'autel la
pièce maîtresse vers laquelle convergeaient les lits des malades. Le dimanche le retable grand
ouvert, déploie l'or de ses neuf volets aux couleurs éclatantes. Sur un grand axe central le Christ, en
rouge et l'archange Saint Michel en blanc, proclament la venue du Christ en gloire. Il appelle à Lui
les élus : «venez les bénis de mon Père » et renvoie ceux qui se sont écartés de Lui. Un arc en ciel
lui sert de trône. Il est entouré de Marie et de Jean Baptiste. Son manteau rouge s'ouvre pour laisser
voir les traces de la Passion : il est le Sauveur qui attire tous les hommes à Lui. Le rouge, le blanc et
l'or de la nuée l'enveloppent avec Marie et Jean Baptiste, ainsi que les douze apôtres et des figures
de saints. Les malades contemplent la peinture du ciel où Dieu demeure avec son peuple. En
dessous, c'est le bleu du ciel terrestre et les corps des ressuscités qui sortent de terre à l'appel des
anges. A droite, les corps nus et jeunes se redressent, à gauche ils se courbent vers le sol et tombent.
Regardant le Sauveur, ceux de droite vont vers le ciel, à gauche ils culbutent en enfer. L'archange
Saint Michel pèse sur une balance la vie des défunts : les actes bons élèvent ceux qui les ont
pratiqués vers le ciel, tandis que les actes mauvais entraînent ceux qui les ont accomplis vers l'enfer.
La contemplation du retable disait aux malades : « Vous êtes appelés à une autre vie ».
Nul autre passage de l'évangile de Matthieu, que cette parabole, (Matth 25,26-31) ne
convenait mieux à la célébration du Christ-Roi de l'univers. Ce jugement au dernier temps du Fils
de l'Homme siégeant sur un trône reprend les visions des prophètes et l'image de l'intronisation de
Yahvé, roi du peuple d'Israël. A cette image royale vient s'ajouter celle du berger qui chaque soir
sépare les brebis des chèvres. Attentif à son troupeau, il veille sur lui avec amour. Le titre même de
Fils de l'Homme désigne en même temps que sa royauté, sa solidarité avec l'humanité. Le berger
séparant avec précaution les brebis des chèvres fait songer au passage de la Mer Rouge et au
Seigneur Yahvé à la création qui sépare les grandes eaux, lieux de perdition, pour ouvrir un chemin
de vie.
La venue du Fils de l'Homme est le moment de rassemblement des nations où tous sont
convoqués : païens, juifs et chrétiens. Jésus a prêché le Royaume préparé pour les petits et pour
ceux qui leur ressemblent. Dès le début n'a t'il pas déclaré : « Ce n'est pas en disant Seigneur !
Seigneur ! qu'on entre dans le royaume des cieux, mais en faisant la volonté de mon Père ». La
vraie attitude morale consiste à produire du fruit, à faire pour les autres ce que nous désirions qu'ils
fassent pour nous-mêmes. Le critère du jugement consiste à voir qui a fait, ou n'a pas fait, agi ou
pas agi. Et cet agir concret, c'est le service du prochain.
Dans les deux dialogues qui suivent le jugement, personne n'avait conscience d'avoir accueilli
ou refusé, le Christ lui-même. La surprise c'est que Celui qui se tient là devant eux et qu'ils
nomment Seigneur s'identifie aux affamés, aux miséreux, aux prisonniers, aux malades.
Le jugement est tout à la fois à venir et présent. C'est le moment favorable de prendre la
décision du partage qui fait la vérité de nos vies dans la rencontre de Jésus. Il s'est fait frère de tous
en humanité, il attend que ses disciples fassent preuve d'ouverture envers tout être humain pour luimême. Le pape François stigmatise « la mondialisation de l'indifférence » et la « civilisation du
déchet », selon son expression.
Ce Christ nous veut libres pour participer à son œuvre d'humanisation du monde. Comme
l’exprime la lettre de Taizé : «Ce service de nos frères et sœurs, faibles et vulnérables, signifie
ouvrir un chemin de paix et d'amitié, nous accueillir les uns les autres dans la diversité des
religions et des cultures, servir ensemble les pauvres, prépare un avenir de paix ».
23 novembre 2014
Jean- Marie GAUDRON

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