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L'Union européenne et la Biélorussie: dans l'ombre de la Russie
Rapporteur : Andrzej Potocki
Les relations entre la Communauté européenne et la République de Biélorussie remontent à
l'indépendance du pays en 1991. Un accord de partenariat et de coopération ainsi qu'un accord
intérimaire sur le commerce ont été négociés, mais jamais ratifiés. En effet, à partir de 1996, suite à
l'élection d'Alexandre Loukachenko à la tête du pays (en 1994) et après la dissolution du parlement qui
a allongé le mandat du président tout en conférant à ce dernier de nouvelles prérogatives, les relations
UE-Biélorussie se sont détériorées. Refusant d'accepter les violations des droits de l'homme et des
libertés individuelles perpétrées par le régime, l'Union européenne a prononcé le gel de ses relations
avec Minsk.
Bruxelles n'a pas de stratégie politique cohérente et sa ligne de conduite s'adapte aux évolutions
en cours. L'Union européenne est responsable d'un certain nombre d'obstacles notoires qui entravent
ses relations avec la Biélorussie:
1. Ni l'Union ni les États membres n'ont adopté de position unifiée à l'égard de la Biélorussie;
2. Les relations UE-Biélorussie se sont établies sur la base du fonctionnement global de l'État
biélorusse, et non sur les changements ou les opérations de modernisation touchant certaines
institutions ou certains secteurs spécifiques de l'économie;
3. Aucun mécanisme efficace pour faire pression et résister à l'influence de la Fédération de
Russie, à l'instar d'un processus d'association et de la promesse d'une future adhésion, n'a été mis en
place;
4. Aucun cadre juridique et officiel n'a été instauré dans le but de fournir une aide financière
viable aux organisations non gouvernementales biélorusses. Le pays souffre en outre d'un manque de
réglementation.
L'effacement de la société civile biélorusse est également un facteur déterminant dans
l'orientation des relations européennes. Le faible niveau de connaissance des procédures et des
libertés démocratiques au sein de la société biélorusse se traduit par un faible degré de reconnaissance
des normes, des comportements et des pratiques ayant cours dans les pays occidentaux.
Les amendements apportés à la constitution de la République de Biélorussie fin 1996 ont été
considérés par l'Union comme étant antidémocratiques. Au début de l'année 1997, des mesures
décisives ont donc été prises dans le but de contrecarrer les tendances totalitaires des autorités. En
conséquence, les échanges entre les États membres européens et la Biélorussie se sont limités au
strict minimum; le Conseil européen a déclaré caduc le soutien à l'adhésion biélorusse; l'entrée en
vigueur des accords de coopération susmentionnés a été suspendue et l'aide financière
significativement réduite. Bruxelles a souligné que la seule institution juridique jugée valable était la
constitution telle qu'appliquée en 1994. Cette position a laissé entrevoir des possibilités de changement
dans la politique intérieure de Minsk.
En 2002, les autorités biélorusses se sont opposées aux activités de l'OSCE, ce qui a donné lieu
à une nouvelle crise des relations avec l'UE. En représailles, Loukachenko et ses proches
collaborateurs ont été interdits de visa au sein de l'UE et la Biélorussie a été exclue de la politique
européenne de voisinage (PEV).
Suite aux révélations de fraude concernant les élections parlementaires et le référendum, la liste
des sanctions s'est allongée, restreignant l'aide financière issue de l'Union et des États membres aux
seules communautés locales et organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de la
démocratie. Les élections présidentielles de 2006, également en infraction avec les normes
internationales, ont apporté leur lot supplémentaire de déception, à cause des abus de pouvoir qui ont
été signalés. Ceux-ci visaient à protéger la position du président sans aucun respect de la liberté
d'expression des citoyens. L'Union européenne, en coopération avec les États-Unis, a cherché à
appliquer des sanctions contre les responsables du processus électoral. Une liste de 31 noms d'officiels
biélorusses sujets à l'interdiction de visa a ainsi été établie.
À la suite de l'arrestation par les autorités biélorusses d'opposants ayant organisé une
manifestation en mémoire des victimes de la catastrophe de Tchernobyl en mai 2006, le Conseil
européen a introduit des sanctions supplémentaires, dont le gel de comptes bancaires et d'actifs
financiers. Toute organisation collaborant avec l'une des 36personnalités figurant sur la liste noire des
membres du gouvernement biélorusse est exclue de l'aide financière européenne. L'Union, qui entend
faire pression sur la Biélorussie, s'est déclarée prête à revoir ces sanctions dès lors que le pays
s'engagerait dans la voie de la réforme démocratique, en commençant par la tenue d'élections
impartiales.
En dépit du maintien du régime autoritaire en Biélorussie, Bruxelles n'entend pas rompre toute
relation avec son voisin et promet d'annuler les sanctions à son égard dès lors que se seront tenues
des élections justes. Le soutien témoigné au président Loukachenko en 2001 a mis en évidence
l'étendue de son influence publique et a incité l'Union à engager une politique progressive vers
l'annulation des sanctions. Les institutions européennes se sont déclarées disposées à coopérer et à
augmenter l'aide financière.
C'est grâce aux manifestations de bonne volonté de la part de l'Union européenne que sont
aujourd'hui menés des programmes d'aide et de coopération régionale (coopération transfrontalière).
Des projets éducatifs ont été mis en place avec le soutien de l'Union, ainsi que des initiatives favorisant
le respect de la démocratie et de la société civile. Un important soutien financier a été accordé aux
médias indépendants et un programme de bourses d'étude a été développé en faveur des jeunes.
Notons cependant que le montant des fonds alloués à ces programmes, quelques millions d'euros par
dispositif, est purement symbolique. Leur impact demeure donc marginal.
En l'absence d'accords récents, les relations commerciales entre la Biélorussie et l'Union
européenne sont réglementées par la clause NPF dans le cadre de l'accord signé en 1989 entre l'Union
européenne et l'Union soviétique, toujours en vigueur en Biélorussie. La Biélorussie bénéficie des
mêmes concessions spéciales que celles accordées aux pays en voie de développement dans le cadre
du système de préférences généralisées, sous condition de respecter les normes de l'organisation
mondiale du travail. En 2004, à la demande de trois organisations syndicales internationales, la
Commission européenne a lancé une enquête portant sur des violations des droits syndicaux et du
travail, menaçant à terme d'exclure la Biélorussie du régime préférentiel.
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Dans le cadre des relations entre la Biélorussie et l'Union européenne, il convient de citer la
récente initiative de coopération du "Partenariat oriental" (PO), lancée le 7 mai 2009 à Prague. Le
partenariat oriental concerne six pays d'Europe orientale et du Caucase méridional. Cette nouvelle
forme de coopération au sein de la politique européenne de voisinage vise à renforcer les liens
politiques et économiques avec les pays voisins sans être consacré au processus d'adhésion pour
autant, bien qu'elle autorise l'organisation de négociations parallèles. Le partenariat oriental a proposé
de délaisser les contacts bilatéraux à la faveur d'un mécanisme de coopération multilatérale, de
renforcer les relations et de souligner les efforts des pays partenaires en vue d'une adhésion à l'UE. Le
partenariat fournit des avantages tangibles aux pays concernés:
1.
L'établissement d'une association politique avec l'Union européenne;
2.
La création de zones de libre-échange complètes;
3.
L'assouplissement de la politique des visas en vue de la levée des interdictions;
4.
L'uniformité juridique des valeurs, normes et critères;
5.
Le renforcement de la coopération dans le domaine de la sécurité énergétique.
Le partenariat oriental définit des domaines de coopération réunis sous le titre d'initiatives
phares:
1.
Programme de gestion intégrée des frontières;
2.
Soutien aux petites et moyennes entreprises;
3.
Soutien aux marchés régionaux de l'électricité, promotion des énergies renouvelables
et de l'efficacité énergétique, développement du corridor énergétique Sud;
4.
Prévention et lutte contre les catastrophes naturelles.
Le partenariat oriental a été initié par la Pologne et soutenu par la Suède, tandis que la
proposition française de constituer une union méditerranéenne a établi les conditions politiques
favorables à son développement. De façon significative, la nouvelle politique a été créée pendant la
guerre Géorgie-Russie en 2008. Le choix des pays participants a fait l'objet d'une controverse,
s'agissant notamment de la participation ou non de la Biélorussie. Cependant, il a été reconnu que la
politique d'isolation du pays pratiquée jusqu'alors n'avait pas abouti aux résultats escomptés. C'est la
raison pour laquelle, en mars 2009, la Biélorussie a été invitée sans conditions supplémentaires à se
joindre au Conseil de l'UE.
Le partenariat oriental est perçu de deux manières différentes par les États membres: la France
et l'Allemagne, par exemple, ne considèrent le programme que comme un substitut à la pleine
adhésion, tandis que la Pologne ne le voit que comme une étape de plus vers l'intégration complète.
Les pays bénéficiaires du partenariat, quant à eux, voient les choses différemment. Les autorités
biélorusses retiennent essentiellement les avantages potentiels en termes d'exportation,
d'investissements étrangers, de prêts et de mesures visant à faciliter l'obtention de visas. Toutefois,
aucune véritable déclaration n'a encore été faite concernant d'éventuelles réformes politiques. Les
perspectives d'application de la nouvelle politique européenne envers ses voisins de l'Europe orientale
dépendent pourtant de la volonté politique des deux parties. La participation de la Biélorussie peut avoir
un impact positif et concret en termes de coopération économique et de développement, des avantages
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que reconnaissent par ailleurs les autorités nationales. En revanche, dans le contexte actuel, les
retombées de la coopération politique semblent être d'une influence marginale et ne permettent pas de
prévoir l'étendue de ses implications sur le long terme.
L'engagement précédent de l'Union n'a pas porté ses fruits. Le système politique biélorusse ne
s'étant pas démocratisé, force est de constater que la stratégie qui consistait à ignorer le régime et se
rapprocher des organisations d'opposants a été un échec. Sur l'échiquier politique international, le
président Loukachenko mène un jeu habile en se positionnant entre Moscou et Bruxelles. Il traite
l'Union comme le garant ou le mécène de la modernisation du pays, ce qu'il ne peut pas attendre de la
Russie. En retour, Moscou garantit l'intégrité du régime politique biélorusse et applique au pays des
préférences économiques telles que l'"amitié" au nom du gaz et du pétrole, ce qui assoit la continuité du
pouvoir de Loukachenko.
L'attitude de la Biélorussie envers les pays de l'Union européenne est sans conteste tributaire
des relations que le pays entretient avec la Fédération de Russie. Au début de l'année 2000,
l'intégration des deux pays dans le cadre de l'Union de la Biélorussie et de la Russie avait été annoncée
en grande pompe. Mais dès lors que les autorités du Kremlin ont décidé d'adopter une stratégie portant
l'essentiel des coûts d'intégration à la charge de la Biélorussie, le président Loukachenko a changé de
tactique et a commencé à envisager des partenariats avec les pays de l'Europe occidentale et les ÉtatsUnis. En même temps, les autorités européennes se montraient réticentes à cette rhétorique, car les
droits de l'homme continuaient d'être bafoués dans le pays, d'où la décision d'interdire au président
Loukachenko et à ses plus proches collaborateurs d'entrer sur le territoire européen, ce qui a conduit la
Biélorussie à se tourner de nouveau vers la Russie.
Le commerce est un facteur important de l'entente UE-Biélorussie. Après l'élargissement de
l'Union le 1er mai 2004 à dix nouveaux pays (parmi lesquels la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, qui
sont frontaliers avec la Biélorussie), le volume des échanges de la Biélorussie avec ses nouveaux
voisins a égalé le volume de son commerce avec la Russie, comptant ainsi pour plus de 50 % des
exportations biélorusses vers les pays de l'UE en 2006. Parallèlement, les exportations vers la Russie
ont baissé à 36 %. Les progrès en matière de développement et de modernisation des infrastructures
sont largement tributaires de l'Occident, dont dépend également l'indépendance politique du pays vis-àvis de Moscou.
La société biélorusse est consciente du retard accumulé en matière de développement
socioéconomique, par comparaison aux États membres de l'UE. Contrairement aux Ukrainiens par
exemple, les Biélorusses sont plus hostiles à l'Occident, un ressentiment qui est alimenté par les
médias biélorusses et russes diffusés dans le pays. La stratégie de l'Union pour les années à venir est
de soutenir l'évolution progressive du régime politique, tout en comptant sur l'effondrement du système
autoritaire. La double approche est donc toujours préconisée, consistant à entretenir à la fois les
relations avec le gouvernement et avec l'opposition. En outre, face au défi posé par la frontière orientale
de l'UE, la Biélorussie est régulièrement sollicitée en tant que contributrice à la sécurité non militaire
(contrebande, crime organisé, immigration clandestine). L'Union prend également en compte l'existence
d'importantes voies de communication et de commerce entre l'Europe et l'Eurasie, situées aux confins
de la Biélorussie.
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Parallèlement, l'Union a noué de solides relations avec des organisations non gouvernementales
qui s'efforcent de déconstruire l'image négative dont pâtit Bruxelles aux yeux des Biélorusses, et qui
œuvrent à la formation d'une société civile biélorusse.
Pour atteindre ces objectifs, l'Union entend cibler directement les projets d'intervention publique
et soutenir l'enseignement supérieur.
En 2006, la Commission européenne a adopté un document définissant les avantages et les
mesures d'aide ciblées dont pourrait bénéficier la Biélorussie, sous condition du respect des normes
démocratiques. Ce document présente une série de bénéfices concrets tels que la libre circulation,
l'appui en matière de protection environnementale, le développement de l'entrepreneuriat, la création de
conditions favorables aux investissements étrangers, ainsi qu'une assistance dans les domaines de la
réforme de la santé, de l'éducation, de l'administration et des infrastructures. La proposition de
Bruxelles consiste essentiellement à moderniser progressivement le pays en vue d'atteindre un niveau
de développement qui soit à la hauteur de celui des États membres. En ce qu'il expose les conditions
spécifiques à respecter, le document de la Commission doit être envisagé comme une proposition de
contrat. Les critères indispensables requis par le document sont: la tenue d'élections démocratiques
dans le respect des normes internationales, l'accès des citoyens à des sources d'information
indépendantes, la libération des prisonniers politiques et la révision des enquêtes et jugements
précédents, la primauté du droit et la garantie des droits des minorités nationales, le respect de la
liberté d'association et de l'initiative économique ainsi que l'abolition de la peine de mort.
Au sein de l'Union européenne, trois points de vue clés ont gouverné les relations avec la
Biélorussie. Ce sont les nouveaux États membres qui se sont montré les plus virulents en appelant à
des changements systémiques et à l'application de toutes les sanctions possibles. En même temps, ce
sont ces mêmes États qui ont encouragé l'intensification des relations avec les organisations de
l'opposition. Le Parlement européen a accueilli favorablement ces considérations. Le deuxième point de
vue prescrivait le renforcement de la coopération avec la Biélorussie, dans le but de placer les citoyens
biélorusses devant l'évidence des avantages qu'offrait une telle solution. C'est cette position qui est à
l'œuvre derrière la réconciliation avec le régime en place et l'échec de la politique isolationniste. La
troisième approche consistait à établir des contacts limités avec les autorités mais plus approfondis
avec les organisations non gouvernementales. Cette position reflète la conviction que les
transformations socioéconomiques sont le fruit d'un processus évolutif de longue durée, et ne peuvent
en cela être imposées de l'extérieur.
C'est cette dernière solution qui a été adoptée par la Commission européenne.
Conclusion
Les relations aujourd'hui plutôt froides entre l'Union européenne et la Biélorussie ne laissent pas
présager de perspectives positives. Une des questions clés est de savoir si Minsk mettra en œuvre un
processus de démocratisation du régime. L'absence de politique consistante et claire de l'Union
européenne mais aussi d'offre claire adressée aux autorités et au peuple biélorusses semble être un
facteur important. Cette relation difficile affecte également la coopération économique, qui peut
constituer une possibilité importante de développement pour la Biélorussie. Il est peu probable que la
nouvelle proposition de l'Union européenne, à savoir le Partenariat oriental, soit à même de convaincre
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Minsk de changer d'optique et de mener des réformes, car il s'agit plutôt d'une dimension politique. En
outre, il convient de noter que cette nouvelle manifestation de la politique de voisinage de l'Union
européenne a une dimension entièrement symbolique à l'échelle du budget européen. Les événements
liés aux élections présidentielles de la fin de l'année 2010 comme les arrestations d'opposants (les
leaders de l'opposition), l'interdiction de la liberté de manifester et les sanctions envers les militants pour
la démocratie, démontrent que le chemin vers une coopération extensive et fructueuse entre la
Biélorussie et l'Union européenne est encore long.
La rivalité stratégique entre l'Union européenne et la Russie a généré un environnement propice
à la survie de l'autoritarisme biélorusse. La culture stratégique russe continue de percevoir son
voisinage proche comme un jeu à somme nulle. Les responsables russes signalent souvent que
l'extension de l'intégration euro-atlantique à l'espace post-soviétique créera de nouvelles lignes de
division en Europe. Loukachenko a prouvé qu'il était habile pour manipuler à son avantage la
perception des frontières culturelles, normatives et institutionnelles entre la Russie et l'Occident. Les
divers projets d'intégration entre la Russie et la Biélorussie ont brouillé les frontières politiques,
ethniques et culturelles sans fournir aucune feuille de route pour la création d'une communauté politique
cohérente. Cette ambiguïté institutionnalisée a permis à Loukachenko de jouer "l'intégration virtuelle"
quand cela lui convenait, tout en consolidant la souveraineté du système politique biélorusse. Une telle
ambiguïté est nuisible à la culture politique des deux pays. Une communauté politique a besoin de
frontières clairement définies pour se construire une identité civique; alors que la frontière entre la
Russie et la Biélorussie reste brouillée par des catégories transcendantales de civilisations, la règle de
l'autocratie est susceptible de persister dans les deux pays. Derrière la question de la souveraineté
biélorusse se dessinent les contradictions irrésolues de l'identité nationale de la Russie et de son projet
de construction étatique.
Le succès de la politique étrangère biélorusse a reposé sur la conviction profonde de Moscou
que l'extension de l'influence de l'Occident dans son voisinage représente un risque existentiel pour la
Russie. En conséquence, Moscou a continué de subventionner le régime de Loukachenko en dépit de
conflits chroniques. Échapper à cette dynamique sera impossible sans des changements fondamentaux
dans la politique étrangère de la Russie. Néanmoins, l'Union européenne pourrait chercher à
questionner de manière rentable les fondations de cette compétition stratégique. La politique étrangère
russe est schizophrène, en proclamant simultanément l'indépendance stratégique et le rapprochement
avec l'Occident. Dans son dialogue avec la Russie, l'Union européenne pourrait mettre au défi Moscou
de défaire certaine de ces contradictions et d'énoncer clairement qu'un vrai partenariat stratégique entre
la Russie et l'Occident peut uniquement être accompli sur la base de la promotion de valeurs
communes dans le voisinage.
Dans le même temps, l'Union européenne doit aussi s'assurer qu'elle ne devient pas otage des
questions identitaires dans son approche de la Biélorussie. Comme la Russie, l'Union européenne
cherche à être une puissance hégémonique normative dans son voisinage. Le pouvoir de l'Union
européenne de façonner son environnement normatif à travers des politiques telles que le Partenariat
oriental repose sur son pouvoir de persuasion et sur la perception qu'elle est légitime parmi les citoyens
et les élites des États visés. En liant la démocratisation à des politiques qui divisent les identités, l'Union
européenne risque cependant de saper sa légitimité normative. Le défi pour l'Union européenne est de
promouvoir une vision universaliste des droits de l'homme dans un environnement qui les interprètera
rapidement comme des intérêts géopolitiques particularistes.
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