« C », Les Yeux d`Elsa -‐ LOUIS ARAGON → EN QUOI CE POÈME

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« C », Les Yeux d’Elsa -­‐ LOUIS ARAGON à EN QUOI CE POÈME ALLIE-­T-­IL TRADITION ET MODERNITÉ ? C’est dans un contexte de guerre sans merci face aux allemands que Louis Aragon, alors brancardier-­‐chef deux ans auparavant, en participant à l’empreinte surréaliste prend également une part très active à la Résistance des Intellectuels sous l’Occupation. Le poète surréaliste engagé fut aussi l'un des animateurs du dadaïsme parisien avec André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault. Dans la continuité de l’œuvre romanesque et poétique Le Fou d’Elsa, Aragon, dans son recueil Les Yeux d’Elsa, évoque son amour pour sa compagne, Elsa Triolet, tout en illustrant un certain patriotisme. Le poème intitulé « C » fait référence à son vécu de la dernière bataille de la Grande Guerre, après la débâcle de l’Armée Française face aux Allemands, la division du brancardier-­‐chef Aragon s’étant repliée près d’Angers, sur le pont de Cé. Ainsi, à travers la simplicité du lai médiéval dévoilant une réalité contemporaine, le poète allie tradition et modernité, en s’inspirant de la tradition poétique au profit d’une poésie engagée. Nous verrons comment Aragon s’inspire du lai médiéval pour mettre en scène une poésie engagée s’inscrivant dans une réalité contemporaine présentée dans un univers de rêve et rendue par la tradition poétique. I. Poème inspiré du lai médiéval revisité pour une poésie engagée Rime en « C », octosyllabes, 9 distiques (9x2vers) Vers 1 & 2 : rimes en « c » également à l’intérieur des vers. § Titre du poème -­‐ résumé à une seule lettre « c » -­‐ à première vue énigmatique Consonne « C » = « O » rompu (cercle scindé = demi-­‐cercle) Si la forme « O » ovoïde ou circulaire = forme parfaite => alors « C » est une brisure, un inachèvement : à mettre en relation avec la situation historique (débâcle et occupation de l’armée Allemande) § « C » un lieu géographique précis : le pont de Cé « les ponts de Cé » aux premier et dernier vers = pour Aragon : souffrance, mort, défaite « C » et « Cé » => réalité historique & géographique : point de départ d’une création poétique « C » et « Cé » sont unis par leur signifié (concept) et leur signifiant (image acoustique) § Le « C » rend hommage « C » => rime unique du poème Le « C » initial = lettrine du moyen-­‐âge (lai médiéval) => enluminure autour de la lettre : le « C » est mis en valeur Mise en valeur du « C » au service d’un hommage rendu aux morts et à la poésie (temps de honte et de guerre : « temps passés » « blessé » « gloires passées » « armes désamorcées » « France délaissée »…) © Clément ROCHON • 2012 • Tous droits réservés.
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Pour Aragon : 2nd Guerre Mondiale = humiliation >> « armes désamorcées »= armistice (Pétain) = abandon de la France = reniement (« Le long lai des gloires passées » v.12) Longue plainte vers 17 : « Ô ma France ô ma délaissée » Mélange ici du registre pathétique et du registre polémique à l’honneur de la France du passé. Opposition de défaite & capitulation => colère et tristesse du poète. II. Un univers médiéval de rêve pour une réalité contemporaine Références au Moyen-­‐Âge dans plusieurs poèmes du recueil Les Yeux d’Elsa. Vertus héroïques de l’épopée + lyrisme amoureux => Aragon montre la vivacité de la culture française : il rend à la France sa dignité (bafouée par la débâcle et l’occupation) § Univers des Chanson de geste et de la poésie médiévale Décor d’une histoire d’amour courtois (citer) C’est l’histoire d’une « chanson des temps passés » (v.3) qui met en scène « un chevalier blessé » (v.4) et son « éternelle fiancée » (v.10). Histoire d’amour seulement esquissée grâce à quelques indices : « une rose sur la chaussée » (v.5) ; « un corsage délacé » (v.6), et encadrée par deux références au passé : « une chanson des temps passés » (v.3) -­‐> « le lai des gloires passées » (v.12). § Hors histoire médiévale, une réalité contemporaine Il reste le distique 1 et les 3 derniers distiques. Donc : déshonneur et amertume du présent ressortent ++ Et : opposition univers du merveilleux, amour courtois à la réalité de la guerre vécue par le poète. III. Réalité contemporaine rendue par une tradition poétique § Poème encadré par une même réalité : vers 1 & 18 : « j’ai traversé les ponts de Cé » (le régiment d’Aragon a franchi la Loire au sud d’Angers dans une localité nommée les Ponts-­‐de-­‐Cé = symbole pour lui de la débâcle, défaite et humiliation) Poème = boucle, ressassement de cet épisode humiliant. Rime phonétique => « O » inachevé, fracture = le « C ». § Dans le récit médiéval : métaphore filée de la situation de la France et du soldat Aragon chevalier blessé (v.4) : « La rose sur la chaussée » (v.5) => « voitures versées » (v.14) « Le corsage délacé » (v.6) => « France délaissée » (v.17) « Le duc insensé » (v.7) => (pour Aragon ?) le maréchal Pétain responsable de : -­‐ l’armistice : « les armes désamorcées » (v.15) -­‐ aussi des « larmes mal effacées » (v.16) « les gloires passées » (v.12) => Panthéon des Grands Hommes et aussi à Pétain (vainqueur de Verdun) § Deux parties du poème intimement liées © Clément ROCHON • 2012 • Tous droits réservés.
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Mais le sens du récit ne peut être compris que rétrospectivement (après coup) > C’est ce qu’Aragon appelle L’Art fermé = une poésie qui a un grand souci des mots ; une discipline que s’impose le poète pour caché le sens du texte derrière des jeux savants sur le langage. > Il s’agit de Modernité poétique qui va au-­‐delà du surréalisme. Conclusion Aragon fait preuve d’un patriotisme fort dans le poème « C », en rendant une sorte d’hommage aux mots et à la poésie en ces temps de honte et de dignité bafouée par la débâcle et l’occupation Allemande. Il allie la tradition et la richesse du lai médiéval dont il utilise les caractéristiques comme des armes au service de sa poésie engagée, à la modernité poétique dans un grand souci des mots pour cacher le sens du texte derrière des jeux savants sur le langage. Aragon appellera ceci « l’Art Fermé », allant bien au-­‐delà du surréalisme. Chez Aragon, comme chez Apollinaire, les ponts expriment métaphoriquement ce lien entre une tradition poétique ancienne et le présent autobiographique de l’auteur. © Clément ROCHON • 2012 • Tous droits réservés.
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