31 janvier 2009, au CentQuatre, 104 rue d`Aubervilliers, Paris

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31 janvier 2009, au CentQuatre, 104 rue d`Aubervilliers, Paris
31 janvier 2009, au CentQuatre, 104 rue d’Aubervilliers, Paris
Plus de 50 000 signatures à la veille de la réunion, une salle restée comble tout au long de la journée (500 personnes à
l’intérieur, une centaine à l’extérieur), la mobilisation était visible, comme l’était le désir de parler, d’échanger, de participer à ce
projet de « coordination » ou de « fédération » des mouvements réunis par l’appel.1
SYNTHÈSE PAR PB/CSF DE LA JOURNÉE DU 31/01/09
Qu’est ce qui ne va pas dans l’information ?
E. WEISSMAN, E. PLENEL, C. BROUSSE.
La réforme de l’audiovisuel et son objectif de rentabilité ont été abordés. Dans les rédactions, les références
littéraires sont proscrites sous prétexte que cela ne plairait pas aux auditeurs/lecteurs/spectateurs…
Les liens entre les industriels propriétaires de la presse et les amis du président ont été dénoncés.
Pourtant, la situation actuelle n’est pas que le résultat des désirs présidentiels récents mais l’aboutissement d’une
évolution lente d’un délaissement du débat démocratique. N. Sarkozy a, en revanche, renforcé la centralisation du
pouvoir et la logique de clientélisme.
Le malaise s’étend au-delà de la presse puisque les instituts de statistique publiques (INSEE, DARES, DREES, etc.)
subissent la remise en cause de leur mission de service public. En effet, les chiffres qui doivent servir aux associations,
aux syndicats, aux particuliers pour mesurer les politiques publiques sont parfois bloqués par les ministères qui
refusent soudainement de publier des études. On observe aussi une remise en cause des résultats des études qui ne
correspondent pas aux objectifs des ministères lors du lancement d’un programme ou d’une mesure.
La délocalisation de l’INSEE devrait permettre de réduire les moyens humains puisque l’on sait que lors des
délocalisations, 10% des employés seulement suivent, ce qui revient à une perte humaine des compétences.
Qu’est ce qui ne va pas dans la culture ?
R. CANTARELLA, MJ. MONDZAIN, L. EMINENTI, D. GHEERBRANDT
Les lieux de création deviendront des lieux de diffusion de la culture appelés « pôle d’excellence ».
Problème des intermittents : pour gagner sa vie, il faut être visible. Or, ceux qui travaillent et donc ne se représentent
pas sont perçus comme inactifs et donc « profitant de l’argent du contribuable ».
Les petites salles qui organisent des débats (pouvant rassembler 200 personnes en campagne) ne pourront plus le faire
sous prétexte d’économiser (en supprimant ce type de rencontre) 2 millions d’€.
Qu’est ce qui ne va pas dans Justice ?
D. DE PAS, S. PORTELLI
3 menaces pèsent sur la Justice :
1/ du point de vue de l’institution : attaque à l’indépendance et à la séparation des pouvoirs
2/ remise en cause du service public : réforme de la carte judicaire contribuant au mépris des usagers pour répondre à
une logique de rendements et de résultats
3/ justice réduite à une fonction de machine à punir : affaiblissement de l’Etat social au profit du renforcement de
l’Etat pénal.
 accorder la justice des mineurs sur celle des majeurs
 mesures pénales sur ceux dont on ne sait pas quoi faire : enfermer les fous, les juger alors que le droit français
précise qu’on ne peut pas juger quelqu’un qui n’a pas toute ses capacités.
 « prévention de sûreté » : on enferme non plus à partir de ce qu’ils ont fait ce qu’ils sont susceptibles de
faire…
 Recul d’un Etat de droit
Des militants sont poursuivis pour refus de prélèvements ADN, pour outrages, pour risque terroriste (ex : accusés de
Tarnac ou les gendarmes qui débarquent dans une classe « armés » de chiens)
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Patrick Geffar
Qu’est ce qui ne va pas dans le médico-social ?
ML. CADART, C. BELLAS-CABANE, L. MUCCHIELLI, L. CROIX
On part du postulat que tout le monde est suspecté.
L’entretien au 4ème mois de grossesse (loi protection de l’enfance) qui aurait pu s’inscrire dans une prévention
prévenante est devenu un instrument de contrôle social. La logique de l’entreprise a pénétré la petite enfance en
livrant des projets « clefs en main » sans s’adapter à un contexte socio économique et culturel. Le rapport Tabarot
prévoit des crèches rentables en terme d’éveil et de sociabilité pour prévenir dès la petite enfance, les actes de
délinquance.
Marie-Laure Cadart avait sollicité la CSF au préalable de son intervention afin de représenter, au-delà des
professionnels, l’inquiétude des familles.
Voici le message qu’elle a lu :
« Dans un contexte où les réponses aux difficultés des familles sont apportées dans l'urgence et n'agissent que sur les
conséquences de leurs maux, sans prendre en compte les causes, les familles sont les premières victimes des
réformes.
La CSF rejoint la mobilisation car elle craint que le travail réalisé par les professionnels auprès des familles ne se
réduise à un contrôle social au détriment d'une réelle éthique de leurs pratiques."
L’ACEPP s’est aussi jointe à la mobilisation ainsi qu’ATD Quart Monde.
Christine Bellas-Cabanes évoque la dimension de prévention médico-sociale précoce qui est sacrifiée au profit du tout
sécuritaire et de la rentabilité. Les parents sont considérés comme potentiellement maltraitants. Les bilans de santé
sont maintenant effectués sans les parents et centrés sur ce qui ne va pas. Les structures de soins sont soumises à des
grilles normatives et manquent de moyens.
Elle souligne le fait que les défavorisés sont rendus responsables de leur état.
Laurence Croix dénonce les interventions concernant les étrangers sans papiers qui ont « la peur au ventre d'être
raflés ». 800 enfants sont actuellement en zone d'attente. La chasse à l'homme (dans les écoles, les hôpitaux...) est
officielle. Elle évoque ainsi les actes de résistance de certains enseignants et de parents dans le réseau RESF.
Laurent Mucchielli (sociologue) atteste que les fonctionnaires sont traités avec mépris. L’Etat impose une idéologie
sécuritaire sur le principe d’ « identifier et faire taire ».
Le plus grand facteur de délinquance est l’échec scolaire. Or, le problème ne se situe pas dans les gènes, mais dans la
capacité d’adaptation de l’école envers les familles, ce que tout le monde sait mais que l’on tente de nous faire oublier
aujourd’hui…
Selon lui, il faut interroger les capacités d'adaptation des institutions et défendre les valeurs fondées sur le vivre
ensemble.
Qu’est ce qui ne va pas dans l’éducation ?
Philippe Mérieux refuse pour sa part le terme de « réformes » de l’éducation, il préfère celui de « mesures »
qui mettent en péril le système éducatif : la remise en cause des programmes scolaires qui ont été changés en 2002, la
suppression du samedi matin alors que les professionnels proposaient que ce soit un espace de rencontre avec les
familles, la suppression de 1500 postes Rased… Il dénonce par ailleurs les coupes sombres faites dans l’attribution des
subventions en direction des mouvements d’éducation populaire.
A. Réfalo, professeur des écoles en Haute-Garonne, est désobéisseur aux réformes de X. Darcos (il refuse d’appliquer
les nouveaux programmes). Il dénonce notamment : la logique de compétition par la mise en place de tests nationaux
qui feront état des meilleurs établissements, la disparition de la carte scolaire contribuant à la ghettoïsation , la
suppression de l’IUFM, l’aide personnalisée qui « médicalise » les problèmes…
Ce qui ne va pas dans la recherche ?
I.This St Jean (« Sauvons la recherche ») analyse l'attaque faite aux institutions par :
- la stratégie de la peur : on dit les universités en mauvais état
- le « saucissonnage » : attaque par morceaux pour isoler
- l’omniprésence médiatique qui tétanise en morcelant les problèmes
- la menace : discours de Sarkozy discréditant les chercheurs
Les valeurs affichées par N. Sarkozy sont les suivantes :
− la science doit servir l'économie (et non créer et diffuser des connaissances)
− pilotage par les pouvoirs politiques
− Mise en concurrence pour une meilleure efficacité (des universités, des équipes, des personnes)
Les chercheurs sont évalués, non en fonction de leurs publications, mais de la cote des revues supports de leurs
publications (d'abord évaluées entre elles) ce qui entraîne une certaine stérilité des publications (« publier vite et
sale »).
Des grèves universitaires sont prévues le 2 février.
Témoignages de l'après-midi :
On apprend l'existence d'un collectif « École en danger » à Lyon (parents et enseignants).
2 000 enseignants résistent. Une institutrice est sanctionnée (un jour de salaire retenu par demi-heure non effectuée)
appelle les professionnels de tous les secteurs à s'unir pour résister.
Un directeur d'école de l'Isère (Jean-Yves Le Gall) risque le licenciement car il a refusé de remplir le fichier base-élève.
Un groupe « Résistance à base-élève » existe, de même qu'un blog « résistance pédagogique ».
Corinne Daubigny (psychanalyste, formatrice et responsable de « MP4 » (suite des Etats Généraux du social) fait une
courte intervention :
La formation des éducateurs comporte 70 compétences. Une seule d’entre elles consiste à « savoir adopter une
position éthique », ce qui ne paraît pas utile pour les autres compétences...
Elle conseille le documentaire « J'ai mal au travail » de JM. Carré.
Décryptage présenté en fin de session
Tous les intervenants étaient unanimes sur le fait de devoir sauver les valeurs de leurs professions au-delà de défendre
purement les institutions pour lesquelles ils travaillent. Il était surtout question de se recentrer sur les fondements de
leurs métiers pour que ce ne soit pas les plus vulnérables qui en pâtissent.
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Attaques faites aux services publics : restriction des moyens, saucissonnage, mépris, compétition,
privatisation des services publics. Dégradation programmée (alors que non fatale).
Centralisation des pouvoirs par un seul homme, dans une logique de clientélisme alors que l'indépendance
est une condition nécessaire à la démocratie.
Les libertés individuelles sont menacées et amputées – attaque aux citoyens et aux Droits de l'homme.
Instrumentalisation de la peur pour justifier une politique sécuritaire néo-libérale. Le règne de la peur
s'appuie sur le fou, le précaire, l'étranger, le fragile.
Pôles d'excellence : symboles de la culture du résultat. L'évaluation pousse chacun à se faire lui-même l'agent
de sa « servitude volontaire ».
mépris de tout ce qui n'est pas excellent : les usagers (pourquoi payer s'ils ne sont pas récupérables ?).
Mépris aussi des familles, des enfants : dégradation du lien social.
Normalisation = substitution de la norme à la loi.
Le terme de dictature a été analysé puisque plusieurs prises de parole s’y sont référées. Ainsi, on a pu se demander
quel nom donner à la dictature actuelle ? Ploutocratie (empire de l'argent) ou phobocratie (empire de la peur) ?
Selon certains, les critères de la dictature sont la concentration des pouvoirs, le délire de toute puissance, l’entêtement
à surveiller et punir, la mise en spectacle paranoïaque…
Pour d’autres, la dictature = peur et haine, de la pensée, de la parole, de la différence, du faible. Haine du temps
perdu, de l'argent perdu, du temps donné à l'autre, du temps que demande l'autre…
Les moyens d'action possibles :
-
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se réapproprier la parole publique en renvoyant des contre rapport, des déchiffrages et des contre analyses
lorsqu'un rapport non fondé est remis aux ministres commanditaires.
pour les chercheurs qui sont accusés de ne rien faire dans leurs labo (mais pourrait s'appliquer à d'autres) :
envoyer toutes leurs publications à M. Sarkozy.
désobéissance/résistance
:
boycott
dans
les
labo
de
recherche
des
-
expertises
ANR
(??).
En
revanche,
la
démission
des
directeurs
d'unité
de
recherche qui s'est déjà pratiqué n'est plus possible car il faut désormais
rester dans les lieux de pouvoir et non les abandonner.
l'utilisation des réseaux : les sites Internet, les listing, etc. se connecter aux autres pour multiplier des
informations, les mobilisations et les arguments.
(ré)organiser des Etats généraux dans chaque secteur pour réfléchir aux valeurs et aux missions des
professionnels:
Pétitions : retours sur le fichier EDVIGE montre que cela fonctionne (en partie au moins)
Ensuite, s'est posée la question du soutien affiché ou non des actions de désobéissance civile. R. Gori s'est dit contre
car selon lui, c'est un terrain sur lequel on veut consciemment nous emmener : pour mieux faire tomber ceux qui se
sont mis hors la loi (ce ne sont pas ses termes). Il préfère que l'action porte sur la recentration des acteurs sur les
fondements de leurs métiers. Il préfèrent des actes "d'inservitude volontaire" (selon ses mots cette fois). Il vaut mieux
refuser la normalisation que s’opposer à la loi. Il se dit être attaché à la loi, aux valeurs de la république et à son
respect. Si la loi n'est pas bonne, il faut militer pour qu'elle change.
Pourtant, dans le public et à la table ronde, ils étaient nombreux à demander un soutien de ces actes-là. Mais l'appel
des appels a-t-il vocation à soutenir une forme d'action plus qu'une autre ? Ou bien permettre le rassemblement des
professionnels sur ces questions d'éthique ? N’est –ce pas à la charge des collectifs eux -mêmes et des comités locaux
qui doivent se charger de décider d'un moyen d'action ?
En revanche, l'appel des appels peut être le lieux où ceux qui choisissent d'assumer des actes de désobéissance civile
en parlent, voire lancent des appels au soutien (financier notamment de ceux qui perdent des journées de salaire)
sans que cela ne fasse l'objet d'une déclaration de soutien officielle.
Nouvelle date retenue pour une journée de rencontre :
Le dimanche 22 mars 2009
Pour plus d’informations,
se rendre sur le site www.appeldesappels.org

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