La Farce du Cuvier et autres farces du Moyen Âge

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La Farce du Cuvier et autres farces du Moyen Âge
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MOYEN ÂGE
Théâtre
La Farce du Cuvier
et autres farces du Moyen Âge
n° 139
I. Proposition de séquence pédagogique
La lecture et l’étude des trois farces présentées dans notre
recueil doivent permettre aux élèves de 5e de :
– mieux maîtriser l’approche d’une œuvre théâtrale ;
– connaître le vocabulaire spécifique nécessaire à son
analyse ;
– être sensible aux différentes formes de comique que reprendront avec succès Molière, Beaumarchais, Feydeau ou
Guitry.
Huit séquences nous semblent particulièrement pertinentes
en 5e :
1. L’étude du paratexte (couverture, titre, didascalies, liste
des personnages mais aussi du dossier de présentation).
2. L’art du dialogue.
3. La richesse du vocabulaire.
4. La peinture des caractères (l’art du portrait et de la caricature).
5. Les différentes formes du comique.
6. La mise en scène.
7. Les spécificités de la farce du Moyen Âge (vers l’élaboration des règles littéraires d’un genre).
8. L’héritage littéraire : la scène de ménage au théâtre ; le
personnage du charlatan ; le théâtre dans le théâtre (la figure
de l’acteur sur scène).
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THÉÂTRE
Séance n˚ 1 : L’étude du paratexte
Objectif → Construire avec les élèves un horizon
d’attente, leur montrer que sans lire la pièce
il est possible de deviner des éléments
essentiels qui accompagneront la lecture.
• La couverture
Q : Que voyez-vous ? Quelles sont les couleurs dominantes ? Que font les personnages ? Pouvez-vous
les identifier à l’aide de leur habillement ?
R : L’illustration permet de souligner certains éléments de la
farce : la gaieté (les couleurs, les vêtements, l’attitude des
personnages), le divertissement. La place est au rire et
non à la réflexion sérieuse.
• Les titres
Q : Quels sont les trois titres des farces ? Comment
les comprenez-vous ? Quelles indications donnent-ils ?
R : Le titre est riche de sens et permet d’emblée de placer la
farce sous le signe du comique (le titre entier précise :
« farce nouvelle, très bonne et fort joyeuse »). Par
ailleurs, le spectateur devine qu’il s’agit d’une scène de
la vie quotidienne.
• le cuvier est la bassine dans laquelle était lavé le linge.
Rappeler l’importance de la lessive au Moyen Âge (une
fois par mois, au mieux), ses différentes étapes : le trempage la veille, le lavage dans le cuvier, l’essorage et le
rinçage à la rivière.
• Les élèves peuvent à l’aide de synonymes donner un titre moderne à cette farce : bassine, cuve, bac,
baquet.
• Jenin, fils de rien est un titre plus mystérieux. Souligner l’importance du lien familial et de la formule énigmatique « fils de rien ».
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• Le bateleur est celui qui donne des petits spectacles sur
les foires : acrobaties, tours, jongleries… Les élèves peuvent trouver l’idée de théâtre dans le théâtre : les acteurs
joueront leur propre rôle.
• Les personnages
Q : Qui sont-ils ? Quelle relation les unit (maître /
valet ; fils / mère ; mari / femme ; acteur /
spectateur ; patient / médecin-devin) ? Pouvezvous deviner leur situation sociale ?
R : Les personnages sont essentiellement nommés par leur
fonction familiale (la mère, la femme, le fils) ou professionnelle (le prêtre, le valet et le bateleur). Mettre l’accent
sur la relation de pouvoir qui les unit (dominant /
dominé). Les prénoms sont rares et populaires (Jacquinot,
Jacquette, Jenin et Binette). Conclure que la farce met en
scène des gens de petite condition dans leur vie quotidienne.
• L’intrigue
Q : Travail d’écriture : À partir de toutes ces observations pouvez-vous imaginer l’histoire de chacune
des trois farces ?
R : La scène de ménage est inscrite en creux dans le trio
(mari, femme, belle-mère) ; par ailleurs le cuvier, placé
au centre de la scène, laisse penser qu’un des personnages risque d’y tomber pour faire rire les spectateurs.
La quête de paternité peut être devinée si l’on considère
le titre comme la conclusion de la pièce.
Quant au bateleur, le titre annonce les tours et les facéties des acteurs (les élèves peuvent évoquer Scapin) ; on
devine la relation maître / valet et mari / femme.
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THÉÂTRE
• Les didascalies
a) Faire un relevé systématique des indications de décor,
de mise en scène, de jeu des acteurs. Qu’apprend-on
de nouveau ? Les hypothèses sont-elles confirmées ?
Combien de scènes comptez-vous ?
b) Sensibiliser les élèves sur la brièveté des farces
(une demi-heure au plus) : l’intrigue doit être
claire et le nombre de personnages réduit pour
une plus grande efficacité comique.
Séance n˚ 2 : L’art du dialogue
Objectifs → Montrer la vivacité des échanges.
→ Travailler sur le discours direct et indirect.
→ Trouver les verbes introducteurs adéquats.
• Le théâtre : un espace de dialogue
Q : Quelle différence principale existe-t-il entre le
théâtre et les autres genres littéraires (roman,
nouvelle, poème) ?
R : Le théâtre est un dialogue entre plusieurs personnages,
écrit expressément pour être joué. Absence de description,
de présentation des personnages, tout est dans les paroles
des uns et des autres.
Q : Quelle définition donnez-vous du mot théâtre ?
Est-ce plutôt un lieu ou une œuvre écrite ?
R : Travailler sur la définition que donne le Petit Robert,
par exemple, du mot théâtre. Distinction entre le lieu de
la représentation (aller au théâtre, le théâtre comme
espace construit) et le texte joué (le théâtre comme dialogue écrit).
• Le ton du dialogue
a) Relever les didascalies qui renseignent sur le ton
que doit adopter l’acteur. Est-ce toujours indiqué ?
Que peut-on en conclure ?
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Quelques indications sont données : la femme de
nouveau menaçante / la femme sur un air plaintif /
Jacquinot chantonne à son tour / la femme faisant
comme si elle allait mourir. L’acteur doit, le plus souvent, trouver seul le ton adéquat, c’est ainsi qu’il
entre dans la peau de son personnage, qu’il lui
donne du relief. Le théâtre laisse une grande part
à l’interprète qui doit s’engager et prendre des
risques.
b) Lire un passage pour tenter de définir le ton juste.
c) Travail d’écriture : rédiger les didascalies manquantes.
• Des verbes introducteurs pour guider la lecture
a) Qu’appelle-t-on un verbe introducteur ? En citer
une dizaine dont on donnera le sens.
b) Relire une ou deux scènes de farces, et placer
avant chaque prise de parole le verbe qui convient.
N. B. : Une liste peut être soumise aux élèves, qui
pourront les classer selon qu’ils expriment : un
questionnement, la colère, la plainte, la joie ou le
rire.
• Protester, sommer, exploser, tonner, hurler, crier,
reprendre, rugir, poursuivre, répéter, pester, s’exclamer, répliquer, exhorter, tempêter.
• Grommeler, ronchonner, bougonner, grogner,
prier, implorer, gémir, fulminer, geindre, pleurnicher.
• Transformation en dialogue rédigé
a) Quelles sont les règles typographiques d’un dialogue de roman ? Par quel signe est symbolisée la
prise de parole ? Comment est présenté le dialogue sur la page ?
b) Où place-t-on le verbe introducteur ? Faut-il faire
une inversion du sujet ?
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THÉÂTRE
c) Travail d’écriture : rédiger une scène de la farce en
reprenant les dialogues mais en les insérant dans
un récit.
• Passage du discours direct au discours indirect
a) Quelle différence y a-t-il entre le discours direct et
le discours indirect ? Donner un exemple.
b) Réécrire au discours indirect à l’aide des verbes
introducteurs choisis une scène de farce. Attention
à la concordance des temps.
Séance n˚ 3 : La richesse du vocabulaire
Objectifs → Montrer qu’une farce est en fait l’illustration
d’une expression populaire.
→ Travailler sur sens propre / sens figuré.
→ Étudier le mélange des registres de langue.
• Travail avec le dictionnaire sur les notions de sens
propre / sens figuré
La Farce du Cuvier
Q : Quelle est la définition de drap ? Dans quelle
expression familière est-il employé ?
R : « Être dans de beaux draps » : être dans une situation critique. « Nous voilà propres ! », « C’est du
propre ! ».
Les élèves peuvent donner tous les antonymes de
l’adjectif « propre » : sale, sali, souillé, taché. Les amener à comprendre que c’est le couple de Jacquinot qui est
« taché » par la volonté qu’ils ont tous deux de vouloir
commander l’autre.
Q : Quel est le sens propre du verbe laver ? Chercher
les expressions qui emploient le verbe laver. Dans
quelle mesure sont-elles illustrées dans cette
farce.
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LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE
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R : « Laver son linge sale en famille » : régler un différend
entre soi. « Laver la tête à quelqu’un » (= « passer un
savon ») : le réprimander vertement. « Se laver les
mains de quelque chose » : décliner toute responsabilité, ne plus s’en préoccuper. « Laver quelqu’un, se
laver d’une faute » : l’innocenter, le blanchir.
Q : À quoi sert un cuvier ? Quel rôle symbolique
joue-t-il dans la farce ? Qui tombe dedans ? Comment comprendre cette chute, puis la réaction
de Jacquinot qui y laisse sa femme ?
R : Le cuvier a plusieurs usages : la lessive, la soupe
aux sorcières (dans l’imaginaire populaire) et le baptême.
Travail d’écriture : Sensibiliser les élèves aux jeux sur
les différents sens d’un mot, d’une compréhension à plusieurs degrés. « Écrivez un court texte
où vous résumerez La Farce du Cuvier en utilisant
le plus possible les expressions employant
“drap”, “laver” et “propre”. »
Jacquinot et sa femme lavent le linge sale en famille autour du
cuvier dans lequel trempe le linge sale du ménage. Puis Jacquette
tombe dans la bassine (elle est dans de beaux draps !) et Jacquinot s’en lave les mains, il la laisse tremper pour qu’elle ressorte
blanchie de son orgueil (vouloir commander). Jacquette est alors
dans le cuvier, ce qui évoque la sorcière et son chaudron, c’est-àdire le caractère démoniaque de la femme autoritaire. Enfin, Jacquinot accepte de la sortir de là, car elle est lavée, comme purifiée
(la nouvelle vie qu’offre le baptême) : elle accepte d’occuper la
place traditionnelle de la femme au Moyen Âge et de laisser son
mari être le maître. Tout est propre !
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THÉÂTRE
Jenin, fils de rien
a) Les différents sens du nom « père » : le géniteur, le
créateur (le prêtre dit qu’il l’a forgé), le prêtre, le
père de tous les hommes (Dieu).
b) Réfléchir sur le proverbe « Tel père, tel fils », ce
que cherche justement à illustrer le devin.
c) Les élèves peuvent travailler sur le titre qui invite à
penser aux paronymes : fils de rien, fils de bien, fils
de chien.
d) Scène 4 : Quel sens faut-il donner au verbe « forger » dans la réponse du prêtre « je vous ai forgé » ?
Pourquoi l’incompréhension de Jenin provoquet-elle le rire ?
• La force des mots : étude de rimes
Rappeler aux élèves qu’initialement les farces étaient
écrites en vers, disposition qui n’a pas été conservée
pour la traduction afin de garder la vivacité du ton.
Néanmoins, il est facile d’entendre que certains mots se
font écho et renforcent l’effet comique recherché.
Q : Relire le monologue d’ouverture de Jacquinot et
relever les mots qui semblent rimer. Que mettentils en valeur ?
R : On remarque mariage / orage, sa mère / la matière,
tempête / fête. Ces rimes soulignent le malaise que vit Jacquinot et annoncent une nouvelle scène de ménage agitée
(tempête, orage). D’emblée le spectateur sait que la belle-mère
se mêle de tout, et prend le parti de sa fille contre son gendre.
Le cadre est posé en quelques lignes.
Q : Relire la fin de la scène 2 de Jenin. Relever les
mots qui se font écho. Qu’en conclut-on sur la
recherche de Jenin ? Quel effet produit la rime
finale ?
R : On entend aisément : jaquette / enquête ; point /
pourpoint ; jaquette / bête ; manche / hanche ; dormiez / niais. La recherche de la paternité devient
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LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE
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absurde, si bien que Jenin voyant que sa mère refuse de
lui répondre élabore des hypothèses incongrues: il se
croit le fils d’un vêtement. Le personnage fait rire par
sa naïveté et sa bêtise qui est clairement nommée (bête
et niais).
La chute finale (dépouille / couille) provoque un éclat
de rire général !
• Les différents registres : Faire un tableau à remplir à
mesure qu’on lira chaque farce :
a) familier, vulgaire : les insultes, les jurons et tout ce
qui se rapporte aux fonctions naturelles. Scène du
Bateleur éloquente pour l’illustrer, ou Le Cuvier,
scène 3 (l’essorage du linge sali) ;
b) courant : la vie quotidienne ;
c) soutenu : l’emploi du subjonctif imparfait (« Vraiment ce serait mal à propos que la chose fût ainsi
faite ! », Jenin), du subjonctif plus-que-parfait
(« C’eût été grande rêverie que ma mère-ci m’eût
conçu sans qu’elle vous eût aperçu ! », Jenin),
l’expression du regret (« Plût à Dieu que ce fût le
prêtre ! », Jenin).
Séance n˚ 4 : La peinture des caractères
Objectif → Faire le portrait des personnages à partir du
dialogue. Montrer qu’il s’agit de personnages types hérités de la comédie latine.
• Des personnages emblématiques
Compléter les tableaux suivants :
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Le Cuvier
Personnage
Comment l’imaginezvous physiquement
Actions et
comportement
Adjectifs qualifiant
son caractère
Comment l’imaginezvous physiquement
Actions et
comportement
Adjectifs qualifiant
son caractère
Comment l’imaginezvous physiquement
Actions et
comportement
Adjectifs qualifiant
son caractère
Jacquinot
la femme
la mère
Jenin, fils de rien
Personnage
Jenin
la mère
le prêtre
le devin
Le Bateleur
Personnage
Bateleur
le valet
Binette
les deux
femmes
• Faire un portrait
Travail d’écriture : « À l’aide des tableaux de personnages brossez, en détail, le portrait d’un ou
plusieurs personnages. Vous mettrez en avant ses
goûts, ses aspirations et ses qualités (ou défauts)
morales. »
• D’autres personnages similaires
Q : Citer d’autres personnages de théâtre qui rappellent ceux rencontrés dans les farces ?
R : Ces personnages sont des représentations types du mari
dominé (Sganarelle dans Le Médecin malgré lui), de
la femme acariâtre, du charlatan qui se prétend savant
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LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE
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(Sganarelle ou Toinette dans Le Malade imaginaire),
de l’acteur habile et fier de son métier (Scapin).
Faire remarquer aux élèves que d’une pièce à l’autre
certains personnages se retrouvent, comme dans les
comédies latines qui reprennent tout le temps : le mari
trompé, le soldat fanfaron, le jeune galant, le vieillard
avare…
Séance n˚ 5 : Les différentes formes de comique
Objectifs → Sensibiliser les élèves à l’art de faire rire.
→ Détailler les ressources des acteurs et de la
mise en scène.
• Comment faire rire ?
1. Quelle est la scène la plus drôle ? Pourquoi ? Comment qualifier le procédé utilisé ?
À partir du travail des élèves remplir un tableau pour
qu’ils visualisent les différentes manières de faire
naître le rire.
Scène /
Comique Comique
personnages verbal
gestuel
Comique Comique
Comique
de
de
d’accumulation
situation répétition
2. Travail d’écriture : « À votre tour, faites rire vos camarades et écrivez une scène comique dans laquelle vous
utiliserez un ou deux des procédés décrits dans le
tableau. »
• Le retournement de situation : étude de la scène 3 du
Cuvier
Q : Qu’appelle-t-on un retournement de situation ?
Que se passe-t-il dans la scène 3 du Cuvier ? Pourquoi peut-on dire que les rôles sont inversés ? Qui
est victime de son propre jeu ?
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THÉÂTRE
R : Cette scène mêle comique de situation (la femme dans le
cuvier) et de répétition (la phrase lancinante « Cela
n’est pas dans mon rôlet » reprise encore dans la scène
4), à rapprocher de la phrase de Géronte dans Les Fourberies de Scapin (II, 7) : « Que diable allait-il faire
dans cette galère ? »
Faire remarquer la vivacité du dialogue sous forme de
joute, même de stichomythie qui fait naître le rire. C’est
la matérialisation de la rixe, chacun sa phrase, aucun
ne cède devant l’autre.
Séance n˚ 6 : La mise en scène
Objectif → Rappeler qu’une pièce de théâtre est faite
pour être jouée et non simplement lue. La
scène doit constamment être présente à
l’esprit du lecteur. Chercher à faire vivre le
texte en le mettant en scène.
• Représentation de la scène
1. À l’aide des didascalies, dessiner la scène. Quelle
atmosphère doit se dégager de ce décor ?
Rappeler aux élèves que les farces sont jouées dans les
rues sur des tréteaux de fortune. Le décor y est donc
réduit à des objets symboliques (le cuvier, la malle)
qui à eux seuls doivent évoquer le lieu de l’action :
une salle commune, une chambre, une place de
marché.
2. En consultant des ouvrages sur le théâtre au Moyen
Âge 1, détailler les costumes des personnages.
1. On pourra notamment utiliser Le Théâtre à travers les âges,
« Castor Doc » n˚ 38, Flammarion, 2000.
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• Jouer une scène
Former de petits groupes d’élèves, après avoir choisi
une scène. S’entraîner à bien lire en respectant les
didascalies pour le ton ou les attitudes.
Certains élèves, moins enthousiastes pour « jouer »,
peuvent utilement endosser le rôle de metteur en scène
et dispenser leurs conseils à leurs camarades sur l’interprétation souhaitée, les costumes et le décor.
Une fois que les rôles et le textes sont maîtrisés,
quelques répliques peuvent être apprises par cœur. Plusieurs scènes peuvent être jouées, sur une estrade,
devant le reste de la classe.
Séance n˚ 7 : Les spécificités de la farce du Moyen Âge
Objectif → Montrer aux élèves que, d’une farce à
l’autre, des constantes apparaissent. Élaborer à partir de cette observation la liste
des règles auxquelles obéit la farce.
• Travail préliminaire sur le mot « farce »
Q : Quel est le sens courant de ce mot ? Quelles
expressions l’emploient ?
R : Les synonymes sont nombreux : bouffonnerie, facétie,
malice, plaisanterie, tour, tromperie. Une farce est associée au rire et au jeu. Dans Le Cuvier, cette idée de jeu
conduit la pièce ; la femme dit : « Las ! il vous semble
que c’est un jeu. »
Les adjectifs qui caractérisent la farce : « amuante »,
« drôle », « hilarante », « cocasse », « grotesque », « burlesque », « comique ».
« Faire une farce à quelqu’un » : jouer un tour à
quelqu’un pour se moquer.
« Une bonne farce » provoque le rire.
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THÉÂTRE
« Une mauvaise farce » froisse et irrite par son caractère
déplacé.
« Tourner à la farce » : perdre de son sérieux et devenir
grotesque.
Q : Quel lien faites-vous entre ce sens courant et les
pièces lues ?
R : Le mot farce date du XVe siècle et désigne un petit
intermède comique introduit dans une pièce sérieuse
(notamment religieuse). Rapidement la farce devient
indépendante et est jouée seule. C’est donc une
courte pièce comique populaire dont le comique
repose sur le langage et les retournements de situation. Très souvent il s’agit de tromper, de « farcer »
quelqu’un, or à la fin le trompeur est à son tour
trompé d’où la chute comique. Cf. La Farce de
maître Pathelin.
• Une pièce courte
a) Combien de scènes composent une farce ? Combien de temps dure la représentation ?
b) Souligner la rapidité de l’action. L’efficacité de la
farce est dans un dialogue dynamique qui évacue
les longueurs et les bavardages.
• Des personnages stéréotypés
Reprendre rapidement ce qui a été fait sur les personnages.
• Tout est matière à rire !
Q : Dans Le Cuvier, le spectateur rit d’assister à une
scène de ménage. Comment le mariage est-il
tourné en ridicule ? Pourquoi les rôles sont-ils
inversés ? Quelle évolution constate-t-on entre la
situation initiale et la situation finale ?
R : Le mariage médiéval (réduit ici à un combat pour le
pouvoir et à l’essorage de draps souillés) est tourné en
dérision (le contrat écrit, « le rôlet », cède devant
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l’engagement oral), mais c’est aussi le renversement des
valeurs et des rôles traditionnels (la femme domine
l’homme, dans les autres farces : le fils raisonne sa
mère, le valet répond à son maître…). Mais, à la fin,
la morale est sauve : tout est rentré dans l’ordre. Jacquinot voulait « être maître en sa maison » (sc. 1), et
la dernière réplique de sa femme lui accorde ce droit :
« Vous serez maître en la maison maintenant, c’est
bien réfléchi. »
Dans Jenin, fils de rien, en quoi la quête de paternité est-elle comique ? Dans le monologue final,
de quoi se moque-t-on ?
Montrer comment un thème sérieux, voire tragique
(l’absence de père, la recherche de paternité), est ridiculisé. La quête de Jenin devient vite grotesque et tourne
au comique carnavalesque avec l’entrée du devin : la
paternité est réduite à une grossière analyse d’urine !
Le monologue final est une reprise sur le mode comique
d’un raisonnement philosophique. C’est un développement oiseux sur une question essentielle « qui
suis-je ? », variation farcesque du « Connais-toi toimême » de Socrate.
Sur quoi repose le divertissement dans Le
Bateleur ? Comment est peinte la condition des
joueurs de farces ?
Montrer que le spectateur rit des difficultés du métier
d’acteur. Un sourire amusé et admiratif accompagne la
fin de la farce. La misère peut être drôle, si elle divertit.
L’acteur ne veut pas s’enrichir mais amuser : tous les
sujets sont bons même sa propre situation, c’est de
l’autodérision, la vie est carnaval tant qu’on la représente sur les tréteaux.
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THÉÂTRE
• La culture du carnaval
Q : Le carnaval et ses valeurs. Qu’appelle-t-on, au
Moyen Âge, fête des Fous ? Quels aspects du carnaval retrouve-t-on dans les farces ?
R : Insister sur l’aspect carnavalesque de la culture du Moyen
Âge, l’importance du corps, de la sexualité, de la
scatologie ; le goût pour l’inversion des rôles : l’homme
devient femme, le simple fidèle revêt la mitre de l’évêque,
etc. C’est la transgression quelques jours par an. Ces représentations subversives du pouvoir choquent l’Église, qui
interdira le théâtre.
Séance n˚ 8 : L’héritage littéraire
Objectifs → Montrer que le succès de la farce se matérialise par la reprise de ces thèmes dans d’autres
pièces de théâtre, à diverses époques.
→ Étudier les ressemblances et les variations
d’un auteur à l’autre.
N. B. : En suivant le même principe, il est possible de
traiter d’autres thèmes :
• Le personnage du charlatan : le faux médecin
• Le théâtre dans le théâtre
Dénouement
La jalousie du mari.
George Dandin
(Molière, 1668), III, 3.
Vengeance de Martine.
LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE
La Mère coupable
La mère intervient auprès La colère est dans le ton, nom- Le comte arpente la scène hors de La comtesse s’évanouit dans une
(Beaumarchais, 1797), IV, 13. de son mari, en faveur de breuses didascalies. Il ne s’agit plus lui, son attitude terrifie sa femme. crise de délire. On la croit morte.
leur fils.
du tout d’une dispute de farce mais
d’une querelle profonde qui déchire les époux.
La femme accepte finalement de
prendre son mari à son propre jeu,
pour qu’il consente au mariage de
sa fille.
Soutenu ≠ la dispute sur le mode Avant l’énervement, le mari sort, de Dandin abandonne l’idée de rester
populaire ; effet comique atténué. peur de ne pouvoir se contenir.
marié.
Beaucoup plus vif, échange rythmé Coups de bâton
par la répartie des personnages,
joute verbale, la femme insulte sans
retenue (fin de la scène).
Retournement : c’est le mari qui
essaie d’apaiser sa femme : « ma
femme, ma petite femme, ma
mie ».
Le Bourgeois gentilhomme
Le mode de vie insensé Soutenu, sur le mode de l’agace(Molière, 1670), III, 3 ; IV, 3. qui exaspère la femme.
ment. La femme tente de faire entendre raison à son mari aveuglé.
Idem.
Le Médecin malgré lui
(Molière, 1666), I, 1.
La femme veut que son Amusant, car la femme prend son Calbain bat sa femme. Tradition- Calbain a été trompé et cède à sa
mari l’entende et lui prête mari à son propre jeu en chantant. nelle scène des coups de bâtons.
femme.
de l’argent.
Retournement de situation.
Menaces de la femme : « Je vais L’ordre est rétabli ; le mari est le
vous battre plus que plâtre » ; maître.
« Quelle bonne gifle tu vas recevoir ! » ; « Je vous jetterai tout au
visage ».
Gestuelle
Le Savetier Calbain (XVe s.),
sc. 1 et 8.
Langage
Le mari veut commander, Assez contenu, pas d’insulte,
la femme refuse.
« sotte », « bête », « farfadet »,
« maître sot », puis retournement
de situation : « mon bon mari »,
« mon doux ami ».
Causes
de la
dispute
Le Cuvier (XVe s.), sc. 2 et 3.
Référence
• La scène de ménage : du comique au tragique
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THÉÂTRE
II. Orientation bibliographique
A. Sur l’histoire du théâtre
Daniel COUTY et Alain REY, Le Théâtre, Bordas, 1980.
André DEGAINE, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, 1996.
Guy DUMUR, Histoires des spectacles, Gallimard, « La Pléiade »,
1965.
Magali WIÉNER, Le Théâtre à travers les âges, Flammarion,
« Castor Doc », 2000.
B. Pour lire le théâtre
R. CHARVET, Pour pratiquer le théâtre, Duculot, 1985.
CNDP, Le Théâtre au collège, 1997.
Anne UBERSFELD, Lire le théâtre I, II, III, Belin, coll. « Lettres
Sup. », 1996.
C. Sur la farce
Farces du Moyen Âge, présentées par André Tissier, GF-Flammarion, 1984.
La Farce de maître Pathelin, « Étonnants Classiques » n˚ 3, GFFlammarion, 1995.
Magali WIÉNER