La Farce du Cuvier et autres farces du Moyen Âge
Transcription
La Farce du Cuvier et autres farces du Moyen Âge
867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 1 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 MOYEN ÂGE Théâtre La Farce du Cuvier et autres farces du Moyen Âge n° 139 I. Proposition de séquence pédagogique La lecture et l’étude des trois farces présentées dans notre recueil doivent permettre aux élèves de 5e de : – mieux maîtriser l’approche d’une œuvre théâtrale ; – connaître le vocabulaire spécifique nécessaire à son analyse ; – être sensible aux différentes formes de comique que reprendront avec succès Molière, Beaumarchais, Feydeau ou Guitry. Huit séquences nous semblent particulièrement pertinentes en 5e : 1. L’étude du paratexte (couverture, titre, didascalies, liste des personnages mais aussi du dossier de présentation). 2. L’art du dialogue. 3. La richesse du vocabulaire. 4. La peinture des caractères (l’art du portrait et de la caricature). 5. Les différentes formes du comique. 6. La mise en scène. 7. Les spécificités de la farce du Moyen Âge (vers l’élaboration des règles littéraires d’un genre). 8. L’héritage littéraire : la scène de ménage au théâtre ; le personnage du charlatan ; le théâtre dans le théâtre (la figure de l’acteur sur scène). 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 2 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 2 THÉÂTRE Séance n˚ 1 : L’étude du paratexte Objectif → Construire avec les élèves un horizon d’attente, leur montrer que sans lire la pièce il est possible de deviner des éléments essentiels qui accompagneront la lecture. • La couverture Q : Que voyez-vous ? Quelles sont les couleurs dominantes ? Que font les personnages ? Pouvez-vous les identifier à l’aide de leur habillement ? R : L’illustration permet de souligner certains éléments de la farce : la gaieté (les couleurs, les vêtements, l’attitude des personnages), le divertissement. La place est au rire et non à la réflexion sérieuse. • Les titres Q : Quels sont les trois titres des farces ? Comment les comprenez-vous ? Quelles indications donnent-ils ? R : Le titre est riche de sens et permet d’emblée de placer la farce sous le signe du comique (le titre entier précise : « farce nouvelle, très bonne et fort joyeuse »). Par ailleurs, le spectateur devine qu’il s’agit d’une scène de la vie quotidienne. • le cuvier est la bassine dans laquelle était lavé le linge. Rappeler l’importance de la lessive au Moyen Âge (une fois par mois, au mieux), ses différentes étapes : le trempage la veille, le lavage dans le cuvier, l’essorage et le rinçage à la rivière. • Les élèves peuvent à l’aide de synonymes donner un titre moderne à cette farce : bassine, cuve, bac, baquet. • Jenin, fils de rien est un titre plus mystérieux. Souligner l’importance du lien familial et de la formule énigmatique « fils de rien ». 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 3 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 3 • Le bateleur est celui qui donne des petits spectacles sur les foires : acrobaties, tours, jongleries… Les élèves peuvent trouver l’idée de théâtre dans le théâtre : les acteurs joueront leur propre rôle. • Les personnages Q : Qui sont-ils ? Quelle relation les unit (maître / valet ; fils / mère ; mari / femme ; acteur / spectateur ; patient / médecin-devin) ? Pouvezvous deviner leur situation sociale ? R : Les personnages sont essentiellement nommés par leur fonction familiale (la mère, la femme, le fils) ou professionnelle (le prêtre, le valet et le bateleur). Mettre l’accent sur la relation de pouvoir qui les unit (dominant / dominé). Les prénoms sont rares et populaires (Jacquinot, Jacquette, Jenin et Binette). Conclure que la farce met en scène des gens de petite condition dans leur vie quotidienne. • L’intrigue Q : Travail d’écriture : À partir de toutes ces observations pouvez-vous imaginer l’histoire de chacune des trois farces ? R : La scène de ménage est inscrite en creux dans le trio (mari, femme, belle-mère) ; par ailleurs le cuvier, placé au centre de la scène, laisse penser qu’un des personnages risque d’y tomber pour faire rire les spectateurs. La quête de paternité peut être devinée si l’on considère le titre comme la conclusion de la pièce. Quant au bateleur, le titre annonce les tours et les facéties des acteurs (les élèves peuvent évoquer Scapin) ; on devine la relation maître / valet et mari / femme. 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 4 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 4 THÉÂTRE • Les didascalies a) Faire un relevé systématique des indications de décor, de mise en scène, de jeu des acteurs. Qu’apprend-on de nouveau ? Les hypothèses sont-elles confirmées ? Combien de scènes comptez-vous ? b) Sensibiliser les élèves sur la brièveté des farces (une demi-heure au plus) : l’intrigue doit être claire et le nombre de personnages réduit pour une plus grande efficacité comique. Séance n˚ 2 : L’art du dialogue Objectifs → Montrer la vivacité des échanges. → Travailler sur le discours direct et indirect. → Trouver les verbes introducteurs adéquats. • Le théâtre : un espace de dialogue Q : Quelle différence principale existe-t-il entre le théâtre et les autres genres littéraires (roman, nouvelle, poème) ? R : Le théâtre est un dialogue entre plusieurs personnages, écrit expressément pour être joué. Absence de description, de présentation des personnages, tout est dans les paroles des uns et des autres. Q : Quelle définition donnez-vous du mot théâtre ? Est-ce plutôt un lieu ou une œuvre écrite ? R : Travailler sur la définition que donne le Petit Robert, par exemple, du mot théâtre. Distinction entre le lieu de la représentation (aller au théâtre, le théâtre comme espace construit) et le texte joué (le théâtre comme dialogue écrit). • Le ton du dialogue a) Relever les didascalies qui renseignent sur le ton que doit adopter l’acteur. Est-ce toujours indiqué ? Que peut-on en conclure ? 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 5 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 5 Quelques indications sont données : la femme de nouveau menaçante / la femme sur un air plaintif / Jacquinot chantonne à son tour / la femme faisant comme si elle allait mourir. L’acteur doit, le plus souvent, trouver seul le ton adéquat, c’est ainsi qu’il entre dans la peau de son personnage, qu’il lui donne du relief. Le théâtre laisse une grande part à l’interprète qui doit s’engager et prendre des risques. b) Lire un passage pour tenter de définir le ton juste. c) Travail d’écriture : rédiger les didascalies manquantes. • Des verbes introducteurs pour guider la lecture a) Qu’appelle-t-on un verbe introducteur ? En citer une dizaine dont on donnera le sens. b) Relire une ou deux scènes de farces, et placer avant chaque prise de parole le verbe qui convient. N. B. : Une liste peut être soumise aux élèves, qui pourront les classer selon qu’ils expriment : un questionnement, la colère, la plainte, la joie ou le rire. • Protester, sommer, exploser, tonner, hurler, crier, reprendre, rugir, poursuivre, répéter, pester, s’exclamer, répliquer, exhorter, tempêter. • Grommeler, ronchonner, bougonner, grogner, prier, implorer, gémir, fulminer, geindre, pleurnicher. • Transformation en dialogue rédigé a) Quelles sont les règles typographiques d’un dialogue de roman ? Par quel signe est symbolisée la prise de parole ? Comment est présenté le dialogue sur la page ? b) Où place-t-on le verbe introducteur ? Faut-il faire une inversion du sujet ? 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 6 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 6 THÉÂTRE c) Travail d’écriture : rédiger une scène de la farce en reprenant les dialogues mais en les insérant dans un récit. • Passage du discours direct au discours indirect a) Quelle différence y a-t-il entre le discours direct et le discours indirect ? Donner un exemple. b) Réécrire au discours indirect à l’aide des verbes introducteurs choisis une scène de farce. Attention à la concordance des temps. Séance n˚ 3 : La richesse du vocabulaire Objectifs → Montrer qu’une farce est en fait l’illustration d’une expression populaire. → Travailler sur sens propre / sens figuré. → Étudier le mélange des registres de langue. • Travail avec le dictionnaire sur les notions de sens propre / sens figuré La Farce du Cuvier Q : Quelle est la définition de drap ? Dans quelle expression familière est-il employé ? R : « Être dans de beaux draps » : être dans une situation critique. « Nous voilà propres ! », « C’est du propre ! ». Les élèves peuvent donner tous les antonymes de l’adjectif « propre » : sale, sali, souillé, taché. Les amener à comprendre que c’est le couple de Jacquinot qui est « taché » par la volonté qu’ils ont tous deux de vouloir commander l’autre. Q : Quel est le sens propre du verbe laver ? Chercher les expressions qui emploient le verbe laver. Dans quelle mesure sont-elles illustrées dans cette farce. 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 7 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 7 R : « Laver son linge sale en famille » : régler un différend entre soi. « Laver la tête à quelqu’un » (= « passer un savon ») : le réprimander vertement. « Se laver les mains de quelque chose » : décliner toute responsabilité, ne plus s’en préoccuper. « Laver quelqu’un, se laver d’une faute » : l’innocenter, le blanchir. Q : À quoi sert un cuvier ? Quel rôle symbolique joue-t-il dans la farce ? Qui tombe dedans ? Comment comprendre cette chute, puis la réaction de Jacquinot qui y laisse sa femme ? R : Le cuvier a plusieurs usages : la lessive, la soupe aux sorcières (dans l’imaginaire populaire) et le baptême. Travail d’écriture : Sensibiliser les élèves aux jeux sur les différents sens d’un mot, d’une compréhension à plusieurs degrés. « Écrivez un court texte où vous résumerez La Farce du Cuvier en utilisant le plus possible les expressions employant “drap”, “laver” et “propre”. » Jacquinot et sa femme lavent le linge sale en famille autour du cuvier dans lequel trempe le linge sale du ménage. Puis Jacquette tombe dans la bassine (elle est dans de beaux draps !) et Jacquinot s’en lave les mains, il la laisse tremper pour qu’elle ressorte blanchie de son orgueil (vouloir commander). Jacquette est alors dans le cuvier, ce qui évoque la sorcière et son chaudron, c’est-àdire le caractère démoniaque de la femme autoritaire. Enfin, Jacquinot accepte de la sortir de là, car elle est lavée, comme purifiée (la nouvelle vie qu’offre le baptême) : elle accepte d’occuper la place traditionnelle de la femme au Moyen Âge et de laisser son mari être le maître. Tout est propre ! 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 8 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 8 THÉÂTRE Jenin, fils de rien a) Les différents sens du nom « père » : le géniteur, le créateur (le prêtre dit qu’il l’a forgé), le prêtre, le père de tous les hommes (Dieu). b) Réfléchir sur le proverbe « Tel père, tel fils », ce que cherche justement à illustrer le devin. c) Les élèves peuvent travailler sur le titre qui invite à penser aux paronymes : fils de rien, fils de bien, fils de chien. d) Scène 4 : Quel sens faut-il donner au verbe « forger » dans la réponse du prêtre « je vous ai forgé » ? Pourquoi l’incompréhension de Jenin provoquet-elle le rire ? • La force des mots : étude de rimes Rappeler aux élèves qu’initialement les farces étaient écrites en vers, disposition qui n’a pas été conservée pour la traduction afin de garder la vivacité du ton. Néanmoins, il est facile d’entendre que certains mots se font écho et renforcent l’effet comique recherché. Q : Relire le monologue d’ouverture de Jacquinot et relever les mots qui semblent rimer. Que mettentils en valeur ? R : On remarque mariage / orage, sa mère / la matière, tempête / fête. Ces rimes soulignent le malaise que vit Jacquinot et annoncent une nouvelle scène de ménage agitée (tempête, orage). D’emblée le spectateur sait que la belle-mère se mêle de tout, et prend le parti de sa fille contre son gendre. Le cadre est posé en quelques lignes. Q : Relire la fin de la scène 2 de Jenin. Relever les mots qui se font écho. Qu’en conclut-on sur la recherche de Jenin ? Quel effet produit la rime finale ? R : On entend aisément : jaquette / enquête ; point / pourpoint ; jaquette / bête ; manche / hanche ; dormiez / niais. La recherche de la paternité devient 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 9 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 9 absurde, si bien que Jenin voyant que sa mère refuse de lui répondre élabore des hypothèses incongrues: il se croit le fils d’un vêtement. Le personnage fait rire par sa naïveté et sa bêtise qui est clairement nommée (bête et niais). La chute finale (dépouille / couille) provoque un éclat de rire général ! • Les différents registres : Faire un tableau à remplir à mesure qu’on lira chaque farce : a) familier, vulgaire : les insultes, les jurons et tout ce qui se rapporte aux fonctions naturelles. Scène du Bateleur éloquente pour l’illustrer, ou Le Cuvier, scène 3 (l’essorage du linge sali) ; b) courant : la vie quotidienne ; c) soutenu : l’emploi du subjonctif imparfait (« Vraiment ce serait mal à propos que la chose fût ainsi faite ! », Jenin), du subjonctif plus-que-parfait (« C’eût été grande rêverie que ma mère-ci m’eût conçu sans qu’elle vous eût aperçu ! », Jenin), l’expression du regret (« Plût à Dieu que ce fût le prêtre ! », Jenin). Séance n˚ 4 : La peinture des caractères Objectif → Faire le portrait des personnages à partir du dialogue. Montrer qu’il s’agit de personnages types hérités de la comédie latine. • Des personnages emblématiques Compléter les tableaux suivants : 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 10 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 10 THÉÂTRE Le Cuvier Personnage Comment l’imaginezvous physiquement Actions et comportement Adjectifs qualifiant son caractère Comment l’imaginezvous physiquement Actions et comportement Adjectifs qualifiant son caractère Comment l’imaginezvous physiquement Actions et comportement Adjectifs qualifiant son caractère Jacquinot la femme la mère Jenin, fils de rien Personnage Jenin la mère le prêtre le devin Le Bateleur Personnage Bateleur le valet Binette les deux femmes • Faire un portrait Travail d’écriture : « À l’aide des tableaux de personnages brossez, en détail, le portrait d’un ou plusieurs personnages. Vous mettrez en avant ses goûts, ses aspirations et ses qualités (ou défauts) morales. » • D’autres personnages similaires Q : Citer d’autres personnages de théâtre qui rappellent ceux rencontrés dans les farces ? R : Ces personnages sont des représentations types du mari dominé (Sganarelle dans Le Médecin malgré lui), de la femme acariâtre, du charlatan qui se prétend savant 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 11 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 11 (Sganarelle ou Toinette dans Le Malade imaginaire), de l’acteur habile et fier de son métier (Scapin). Faire remarquer aux élèves que d’une pièce à l’autre certains personnages se retrouvent, comme dans les comédies latines qui reprennent tout le temps : le mari trompé, le soldat fanfaron, le jeune galant, le vieillard avare… Séance n˚ 5 : Les différentes formes de comique Objectifs → Sensibiliser les élèves à l’art de faire rire. → Détailler les ressources des acteurs et de la mise en scène. • Comment faire rire ? 1. Quelle est la scène la plus drôle ? Pourquoi ? Comment qualifier le procédé utilisé ? À partir du travail des élèves remplir un tableau pour qu’ils visualisent les différentes manières de faire naître le rire. Scène / Comique Comique personnages verbal gestuel Comique Comique Comique de de d’accumulation situation répétition 2. Travail d’écriture : « À votre tour, faites rire vos camarades et écrivez une scène comique dans laquelle vous utiliserez un ou deux des procédés décrits dans le tableau. » • Le retournement de situation : étude de la scène 3 du Cuvier Q : Qu’appelle-t-on un retournement de situation ? Que se passe-t-il dans la scène 3 du Cuvier ? Pourquoi peut-on dire que les rôles sont inversés ? Qui est victime de son propre jeu ? 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 12 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 12 THÉÂTRE R : Cette scène mêle comique de situation (la femme dans le cuvier) et de répétition (la phrase lancinante « Cela n’est pas dans mon rôlet » reprise encore dans la scène 4), à rapprocher de la phrase de Géronte dans Les Fourberies de Scapin (II, 7) : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » Faire remarquer la vivacité du dialogue sous forme de joute, même de stichomythie qui fait naître le rire. C’est la matérialisation de la rixe, chacun sa phrase, aucun ne cède devant l’autre. Séance n˚ 6 : La mise en scène Objectif → Rappeler qu’une pièce de théâtre est faite pour être jouée et non simplement lue. La scène doit constamment être présente à l’esprit du lecteur. Chercher à faire vivre le texte en le mettant en scène. • Représentation de la scène 1. À l’aide des didascalies, dessiner la scène. Quelle atmosphère doit se dégager de ce décor ? Rappeler aux élèves que les farces sont jouées dans les rues sur des tréteaux de fortune. Le décor y est donc réduit à des objets symboliques (le cuvier, la malle) qui à eux seuls doivent évoquer le lieu de l’action : une salle commune, une chambre, une place de marché. 2. En consultant des ouvrages sur le théâtre au Moyen Âge 1, détailler les costumes des personnages. 1. On pourra notamment utiliser Le Théâtre à travers les âges, « Castor Doc » n˚ 38, Flammarion, 2000. 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 13 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE 13 • Jouer une scène Former de petits groupes d’élèves, après avoir choisi une scène. S’entraîner à bien lire en respectant les didascalies pour le ton ou les attitudes. Certains élèves, moins enthousiastes pour « jouer », peuvent utilement endosser le rôle de metteur en scène et dispenser leurs conseils à leurs camarades sur l’interprétation souhaitée, les costumes et le décor. Une fois que les rôles et le textes sont maîtrisés, quelques répliques peuvent être apprises par cœur. Plusieurs scènes peuvent être jouées, sur une estrade, devant le reste de la classe. Séance n˚ 7 : Les spécificités de la farce du Moyen Âge Objectif → Montrer aux élèves que, d’une farce à l’autre, des constantes apparaissent. Élaborer à partir de cette observation la liste des règles auxquelles obéit la farce. • Travail préliminaire sur le mot « farce » Q : Quel est le sens courant de ce mot ? Quelles expressions l’emploient ? R : Les synonymes sont nombreux : bouffonnerie, facétie, malice, plaisanterie, tour, tromperie. Une farce est associée au rire et au jeu. Dans Le Cuvier, cette idée de jeu conduit la pièce ; la femme dit : « Las ! il vous semble que c’est un jeu. » Les adjectifs qui caractérisent la farce : « amuante », « drôle », « hilarante », « cocasse », « grotesque », « burlesque », « comique ». « Faire une farce à quelqu’un » : jouer un tour à quelqu’un pour se moquer. « Une bonne farce » provoque le rire. 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 14 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 14 THÉÂTRE « Une mauvaise farce » froisse et irrite par son caractère déplacé. « Tourner à la farce » : perdre de son sérieux et devenir grotesque. Q : Quel lien faites-vous entre ce sens courant et les pièces lues ? R : Le mot farce date du XVe siècle et désigne un petit intermède comique introduit dans une pièce sérieuse (notamment religieuse). Rapidement la farce devient indépendante et est jouée seule. C’est donc une courte pièce comique populaire dont le comique repose sur le langage et les retournements de situation. Très souvent il s’agit de tromper, de « farcer » quelqu’un, or à la fin le trompeur est à son tour trompé d’où la chute comique. Cf. La Farce de maître Pathelin. • Une pièce courte a) Combien de scènes composent une farce ? Combien de temps dure la représentation ? b) Souligner la rapidité de l’action. L’efficacité de la farce est dans un dialogue dynamique qui évacue les longueurs et les bavardages. • Des personnages stéréotypés Reprendre rapidement ce qui a été fait sur les personnages. • Tout est matière à rire ! Q : Dans Le Cuvier, le spectateur rit d’assister à une scène de ménage. Comment le mariage est-il tourné en ridicule ? Pourquoi les rôles sont-ils inversés ? Quelle évolution constate-t-on entre la situation initiale et la situation finale ? R : Le mariage médiéval (réduit ici à un combat pour le pouvoir et à l’essorage de draps souillés) est tourné en dérision (le contrat écrit, « le rôlet », cède devant 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 15 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE Q: R: Q: R: 15 l’engagement oral), mais c’est aussi le renversement des valeurs et des rôles traditionnels (la femme domine l’homme, dans les autres farces : le fils raisonne sa mère, le valet répond à son maître…). Mais, à la fin, la morale est sauve : tout est rentré dans l’ordre. Jacquinot voulait « être maître en sa maison » (sc. 1), et la dernière réplique de sa femme lui accorde ce droit : « Vous serez maître en la maison maintenant, c’est bien réfléchi. » Dans Jenin, fils de rien, en quoi la quête de paternité est-elle comique ? Dans le monologue final, de quoi se moque-t-on ? Montrer comment un thème sérieux, voire tragique (l’absence de père, la recherche de paternité), est ridiculisé. La quête de Jenin devient vite grotesque et tourne au comique carnavalesque avec l’entrée du devin : la paternité est réduite à une grossière analyse d’urine ! Le monologue final est une reprise sur le mode comique d’un raisonnement philosophique. C’est un développement oiseux sur une question essentielle « qui suis-je ? », variation farcesque du « Connais-toi toimême » de Socrate. Sur quoi repose le divertissement dans Le Bateleur ? Comment est peinte la condition des joueurs de farces ? Montrer que le spectateur rit des difficultés du métier d’acteur. Un sourire amusé et admiratif accompagne la fin de la farce. La misère peut être drôle, si elle divertit. L’acteur ne veut pas s’enrichir mais amuser : tous les sujets sont bons même sa propre situation, c’est de l’autodérision, la vie est carnaval tant qu’on la représente sur les tréteaux. 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 16 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 16 THÉÂTRE • La culture du carnaval Q : Le carnaval et ses valeurs. Qu’appelle-t-on, au Moyen Âge, fête des Fous ? Quels aspects du carnaval retrouve-t-on dans les farces ? R : Insister sur l’aspect carnavalesque de la culture du Moyen Âge, l’importance du corps, de la sexualité, de la scatologie ; le goût pour l’inversion des rôles : l’homme devient femme, le simple fidèle revêt la mitre de l’évêque, etc. C’est la transgression quelques jours par an. Ces représentations subversives du pouvoir choquent l’Église, qui interdira le théâtre. Séance n˚ 8 : L’héritage littéraire Objectifs → Montrer que le succès de la farce se matérialise par la reprise de ces thèmes dans d’autres pièces de théâtre, à diverses époques. → Étudier les ressemblances et les variations d’un auteur à l’autre. N. B. : En suivant le même principe, il est possible de traiter d’autres thèmes : • Le personnage du charlatan : le faux médecin • Le théâtre dans le théâtre Dénouement La jalousie du mari. George Dandin (Molière, 1668), III, 3. Vengeance de Martine. LA FARCE DU CUVIER ET AUTRES FARCES DU MOYEN ÂGE La Mère coupable La mère intervient auprès La colère est dans le ton, nom- Le comte arpente la scène hors de La comtesse s’évanouit dans une (Beaumarchais, 1797), IV, 13. de son mari, en faveur de breuses didascalies. Il ne s’agit plus lui, son attitude terrifie sa femme. crise de délire. On la croit morte. leur fils. du tout d’une dispute de farce mais d’une querelle profonde qui déchire les époux. La femme accepte finalement de prendre son mari à son propre jeu, pour qu’il consente au mariage de sa fille. Soutenu ≠ la dispute sur le mode Avant l’énervement, le mari sort, de Dandin abandonne l’idée de rester populaire ; effet comique atténué. peur de ne pouvoir se contenir. marié. Beaucoup plus vif, échange rythmé Coups de bâton par la répartie des personnages, joute verbale, la femme insulte sans retenue (fin de la scène). Retournement : c’est le mari qui essaie d’apaiser sa femme : « ma femme, ma petite femme, ma mie ». Le Bourgeois gentilhomme Le mode de vie insensé Soutenu, sur le mode de l’agace(Molière, 1670), III, 3 ; IV, 3. qui exaspère la femme. ment. La femme tente de faire entendre raison à son mari aveuglé. Idem. Le Médecin malgré lui (Molière, 1666), I, 1. La femme veut que son Amusant, car la femme prend son Calbain bat sa femme. Tradition- Calbain a été trompé et cède à sa mari l’entende et lui prête mari à son propre jeu en chantant. nelle scène des coups de bâtons. femme. de l’argent. Retournement de situation. Menaces de la femme : « Je vais L’ordre est rétabli ; le mari est le vous battre plus que plâtre » ; maître. « Quelle bonne gifle tu vas recevoir ! » ; « Je vous jetterai tout au visage ». Gestuelle Le Savetier Calbain (XVe s.), sc. 1 et 8. Langage Le mari veut commander, Assez contenu, pas d’insulte, la femme refuse. « sotte », « bête », « farfadet », « maître sot », puis retournement de situation : « mon bon mari », « mon doux ami ». Causes de la dispute Le Cuvier (XVe s.), sc. 2 et 3. Référence • La scène de ménage : du comique au tragique 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 17 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 17 867-4542-50449-Cuvier-1-18 Page 18 Jeudi, 26. août 2010 2:08 14 18 THÉÂTRE II. Orientation bibliographique A. Sur l’histoire du théâtre Daniel COUTY et Alain REY, Le Théâtre, Bordas, 1980. André DEGAINE, Histoire du théâtre dessinée, Nizet, 1996. Guy DUMUR, Histoires des spectacles, Gallimard, « La Pléiade », 1965. Magali WIÉNER, Le Théâtre à travers les âges, Flammarion, « Castor Doc », 2000. B. Pour lire le théâtre R. CHARVET, Pour pratiquer le théâtre, Duculot, 1985. CNDP, Le Théâtre au collège, 1997. Anne UBERSFELD, Lire le théâtre I, II, III, Belin, coll. « Lettres Sup. », 1996. C. Sur la farce Farces du Moyen Âge, présentées par André Tissier, GF-Flammarion, 1984. La Farce de maître Pathelin, « Étonnants Classiques » n˚ 3, GFFlammarion, 1995. Magali WIÉNER