La grossesse désirée chez les adolescentes dans les
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La grossesse désirée chez les adolescentes dans les
Article paru in: Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 2000, 48, n.1, 44-50. LA GROSSESSE DESIREE CHEZ LES ADOLESCENTES DANS LES MILIEUX DEFAVORISES . Quelques réflexions à partir d’une étude réalisée au Brésil Diana DADOORIAN1 RESUME: La grossesse pendant l'adolescence est devenue une question importante actuellement. L'optique traditionnelle caractérise cette grossesse comme non désirée et l'attribue à l'ignorance des jeunes sur le plan sexuel. Notre thèse critique ces explications en soulignant la signification individuelle de la grossesse qui est strictement liée au désir universel d'avoir ou de ne pas avoir un enfant pendant l’adolescence, occasionnée par des facteurs sociaux et psychologiques qui rend particulière la signification de la maternité chez les adolescentes dans les milieux défavorisés. Les conclusions ont montré que le point de vue psychanalytique lié aux études des aspects sociaux et culturels implicites indiquent une compréhension plus approfondie des aspects analysés dans cette recherche, aussi bien qu’une pratique clinique plus efficace avec ces adolescentes. Mots Clés: maternité, adolescente, facteurs psychosociaux, psychanalyse, milieux défavorisés. ABSTRACT: DESIRABLE PREGNANCY IN TEENAGES OF POPULAR CLASSES Teenage pregnancy is a relevant theme nowdays. The traditional focus relates the undesirable teenage pregnancy to social changes in sexuality and to the lack of sexual informations. The present study contest this position postulating the importance of the significance of an individual pregnancy, as well as the universal desire of having or not a baby in adolescence, determined by cultural and psychological factors that particularize the meaning of motherhood in popular classes of adolescents. The conclusions point out that a psychoanalytic focus of the problem linked to the study of social and cultural aspects make a more comprehensive approach, as well as a more effective clinical practice with these teenages. Key-words: pregnancy, teenage, social-cultural models, psychoanalisis, popular classes. 1 Docteur en Psychologie Clinique et Psychopathologie, Université Paris VIII (Pr. Ph. Mazet). Psychologue, psychanalyste. Institut de Psychiatrie de l’Université Fédéral de Rio de Janeiro. 2 INTRODUCTION La grossesse pendant l'adolescence est devenue une question importante dans de nombreux pays vu les taux significatifs de grossesse parmi les adolescentes révélés par les statistiques au long des dernières décennies. Aux Etats-Unis, plus d’un million des adolescentes deviennent enceintes chaque année, et ce phénomène est considéré comme un problème important de santé publique. Au Québec, de 1980 à 1985, le taux annuel de grossesse dans l’adolescence est passé de 21,4 à 23,4 p. 1000, l’augmentation étant plus élevées chez les adolescentes de moins de 17 ans [6]. En Europe nous pouvons constater une situation similaire mais les statistiques sont bien inférieures à celles des Etats-Unis. En Grande-Bretagne, de 1969 à 1986, le taux de natalité d’enfants de mères de 16 ans et moins est passé de 6,8 à 8,7 p. 1000 [4]. En France, entre 1975 et 1985, le taux de fécondité des moins de 20 ans a eu une légère augmentation parmi les jeunes femmes mariées et parmi les célibataires. Chez les plus jeunes il n’y a pas eu l’augmentation observée dans d’autres pays. En 1987, le taux de natalité restait pourtant de 7,8 p. 1000 chez les 18 ans et moins, et proche de 1 p. 1000 chez les 16 ans et moins. Cependant, la diminution de la natalité ne s’explique pas par une augmentation des IVG comme cela a été constaté en Angleterre [4]. Nous pouvons dire, ainsi, que dans les pays industrialisés, la fécondité des adolescentes reste importante. En Amérique latine le nombre des grossesses chez les adolescentes est très élevés et cette situation est considéré un problème de santé publique majeure. Au Brésil, dès les années 70, on assiste à une diminution du taux de fécondité. Cependant, dans le même temps chez les adolescentes le taux de fécondité a augmenté. Les données de l’Institut brésilien de géographie et statistique (IBGE) entre 1981 et 1990 montrent que le nombre d’enfants de mères adolescentes a quasiment doublé de 4500 à 8300 [7]. La plupart des mères adolescentes appartiennent aux milieux défavorisés. 3 Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[16] , la fécondité en dessous de l’âge de 18 devrait être l’objet d’une attention particulière puisque cette grossesse accroît les risques médicaux, psychologiques et sociaux, à la fois pour la mère et l’enfant. En France, les risques psychologiques et sociaux sont ceux qui préoccupent les pouvoirs publics et les professionnels. Cette préoccupation se reflète dans les dispositifs législatifs et réglementaires de protection de la maternité et des enfants. Les différents services existants offrent à ces jeunes mères, d’autres possibilités de réorganiser leur propre vie, surtout dans le cas de famille à haut risque. Au Brésil, les services spécialisés dans le prise-en-charge des jeunes mères et de leur enfant sont très peu nombreux, malgré le nombre croissant des grossesses chez les adolescentes. De ce fait, ces jeunes mères restent très dépendantes de l’aide économique et du support affectif de leur propre famille, ce qui peut être problématique dans le cas où les relations familiales sont conflictuelles. L’intérêt de la question de la grossesse des adolescentes est né à partir de mon travail de psychologue auprès des mères adolescentes dans un hôpital public à Rio de Janeiro2. Pour mieux comprendre cette situation, j’ai mené, dans le cadre du cours de « Master » en psychologie clinique, une recherche sur les adolescentes enceintes. A savoir, sur la représentation de leur grossesse et sur leur projet de maternité. La littérature existante à ce sujet, surtout au Brésil, attribue ces grossesses à l'ignorance des jeunes sur le plan sexuel. Pour ces auteurs, ces grossesses « ne sont pas désirées » et ils les considèrent comme un "problème" à résoudre par la diminution de leur incidence au sein de cette population. La formule qu'ils proposent pour résoudre la question se limite à des cours d'éducation sexuelle [7]. Notre thèse cherche à démontrer l'insuffisance de ces explications, qui abordent cette thématique de façon superficielle, sans tenir compte de la complexité de la question. 2 J’ai été très touchée par le grand nombre d’adolescentes enceintes appartenant aux milieux défavorisés, et, par la constatation des difficultés d’ordre affectif et social que cette situation entraînait chez ces adolescentes et leur familles . 4 Nous avons mis l'accent sur le point de vue de ces adolescentes sur leur grossesse. Malgré les conséquences dramatiques que cette situation entraînait, telles que l'abandon des études, l'aggravation de la misère des familles concernées - puisque ces filles continuaient, dans la majorité des cas, à vivre avec leurs parents, - outre les conséquences sociales négatives, comme l'accroissement du nombre d'enfants abandonnés et d'enfants délinquants ; ces jeunes mères ont déclaré qu'elles voulaient avoir leur bébé et qu'elles étaient contentes de leur état. Le discours de ces adolescentes prouve, contrairement à la littérature existante sur ce sujet, que leur grossesse a été désirée3. Ces données nous permettent de dire que cette grossesse exerce une fonction dans le psychisme de ces jeunes filles, d'où l'importance d'une analyse approfondie des facteurs psychosociaux en jeu [7, 20]. Le présent article montre les résultats de cette recherche faite au Brésil, en faisant des articulations avec la littérature française et anglo-saxonne sur cette question. L’INFLUENCE DES MODELES FAMILIAUX ET DE CLASSE SOCIALE DANS LA CONSTRUCTION DE LA FEMINITE La grossesse chez les adolescentes dans les classes populaires a été analysée à partir de l'étude de l'influence des modèles familiaux et de classe sociale dans la construction de la féminité et, par conséquent, du rapport famille - adolescente enceinte - classe sociale. 3 C’était avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai remarqué que je partageais l’opinion développée dans la littérature française sur la grossesse des adolescentes, c’est-à-dire, que cette grossesse est désirée et motivée par des aspects psychologiques. Au Brésil mes hypothèses sont novatrices. Ici en France, j’ai rencontré beaucoup de gens qui partagent mon point de vue sur ce sujet. J’espère qu’ils m’aideront à approfondir mon investigation. 5 Ariès [2] a abordé d'une façon très particulière l'émergence du "sentiment" de famille et d'enfance et la façon dont ces concepts ont été construits à travers l'histoire, liés à des aspects culturels, sociaux et économiques. Cet auteur a établi une relation entre le sentiment de famille et le sentiment de classe. Par ailleurs, il montre que la modernité a provoqué un changement dans cette séparation fondée sur la condition économique. Le corps social unique qui rassemblait plusieurs groupes d'âge et diverses conditions sociales est donc ainsi remplacé par de petites sociétés, les familles, qui se réunissent en fonction de leur ressemblance morale et économique. La société devient alors une société de classe. Les modèles de la famille métropolitaine brésilienne a été étudié par Lo Bianco [14], qui aborde ce concept dans deux groupes sociaux dans la ville de Rio de Janeiro, à partir de la constatation des différences entre le concept de famille chez les femmes des classes défavorisés et le même concept chez les femmes des classes moyennes. L'auteur a observé l'existence d'un modèle unique d'organisation familiale pour les deux classes sociales, le modèle de la famille patriarcale, qui détermine les relations de pouvoir dans la société brésilienne. Il est formé par une cellule centrale qui comprend le couple et ses enfants, par un entourage composée d'autres personnes liées à la famille et de domestiques. Cependant, ce modèle constitue une sorte d'idéal pour les familles des classes défavorisés, mais il n'est réalisable que dans les familles des classes moyennes. L'organisation familiale est donc constituée en fonction des circonstances économiques, sociales et historiques, selon les différentes classes sociales. L'importance du milieu social dans la détermination du rôle féminin a été abordée par Salem [18] qui a étudié les expériences et les images de la famille et l'insertion de la femme dans cette cellule, au sein d'un groupe de femmes pauvres habitants dans des favelas. Selon cet auteur, l'assimilation de l'idéologie patriarcale et le partage des rôles sexuels renforcent la 6 définition de l'identité féminine à travers la famille, autrement dit, être femme dans cette communauté signifie être fille, épouse ou mère. La perspective du rôle social joué par la femme varie en fonction de son niveau socioéconomique. Un étude réalisé par Doering [9] montre que les adolescentes de classe moyenne, soignées dans des cliniques privées ont rejeté la grossesse en disant que cette situation entraverait leurs perspectives d'étude et de travail, vu que la maternité n'est pas considérée comme priorité dans ce milieu social. En revanche, 58% des adolescentes soignées dans des hôpitaux de l'État, et qui appartiennent à des milieux défavorisés, affirment qu'elles ont souhaité la grossesse puisqu'elles "aiment les enfants". La maternité se présente comme la seule perspective de vie pour ces jeunes filles, où le rôle social le plus important est d'être mère. La réaction des familles des adolescentes à la grossesse de leurs filles varie selon leur milieux sociales. Les familles des jeunes issues des classes populaires acceptent très bien la situation, surtout la mère et la grand-mère, contrairement aux familles des adolescentes des classes moyennes qui ne souhaitent pas la grossesse des filles adolescentes [19] .4 Aux Etats-Unis, Adams [1] nous montre que le nombre des mères adolescentes augmentent chaque année et ce phénomène entraîne des conséquences d’ordre social, économique, et de santé, pas seulement aux adolescentes, mais aussi, à leur enfants, à leur famille, à leur compagnons, en somme, à toute la société d’une forme globale . Alors, pour cet auteur, le travail prénatal des professionnels sociaux à l’hôpital avec ses mères, se fait très important, dans la mesure où il va aider ses adolescentes dans leur future rôle de mère. 4 L’étude réalisé par le CNDIF [4] à propos de la maternité pendant l’adolescence, renforce l’importance de se tenir compte de la culture d’origine des ces jeunes mères dans la compréhension de ce phénomène. Cet aspect est important d’être analyser car les foyers maternelles parisiens accueillent des mères adolescentes d’origine culturelles très variées. 7 Osofsky [17] analyse cette question en considérant les mères adolescentes comme un groupe à risque du point de vue de la psychopathologie, non seulement à cause de leur environnement instable et pauvre, mais aussi du fait que ces mères ont des problèmes émotionnels très graves liés à sa propre famille, et par conséquent leurs enfants vont être aussi des enfants à risque du point de vue de la psychopathologie. En France, la diminution du nombre des IVG permet de dire que la fécondité élevée n’est pas liée à un « problème de grossesses non désirées » [6]. Plusieurs études ont montré que les grossesses d’adolescentes relèvent plutôt des facteurs psychologiques et sociaux, où le désir d’être enceinte, le désir d’avoir un enfant, apparaît avec une grande intensité. Parmi les facteurs psychologiques, cet auteur parle d’une problématique œdipienne mal assumée qui déterminerait la maternité des adolescentes. A côté des aspects psychologiques, Deschamps [6] montre que les facteurs sociaux ont aussi une grande importance. Le contexte social et familial de ces jeunes filles est caractérisé par une enfance perturbée, un milieu sociale peu favorisé, et par des familles instables ou dissocié. Alors, l’adolescence pour beaucoup de jeunes de milieu défavorisé est caractérisé par un échec affectif et familial d’une enfance vécue de façon carencée; et, par un échec scolaire et professionnel si fréquent dans les catégories sociales les moins favorisés. De cette façon, l’enfant à venir sera le moyen, pour l’adolescente, d’avoir un rôle social et de se sentir plus aimé .5 5 Les résultats d’un rapport mené par l’Inserm et publié dans le journal « Libération » le 11 avril 1995,ont montré que dans les milieux défavorisés, 12% des adolescentes exclues d’une scolarité classique vont au terme de leur grossesse, et ce chiffre atteint 60% sur la tranche des 15-25 ans. Ces adolescentes, même ayant vécu des graves problèmes familiaux, décident de mener à terme leur grossesse et l’enfant est considéré comme quelqu’un qui va les aimer. 8 SEXUALITE ET MATERNITE A L’ADOLESCENCE Freud dans son texte « Pour introduire le narcissisme » [12] , nous montre que le type de choix amoureux féminin qui mène à l’amour objectal complet s’exprime à travers la maternité, où la femme reporte sur l’enfant (objet étranger et qui est en même temps un prolongement de son corps) son propre narcissisme. Le désir d’avoir un enfant représente la possibilité de restauration de son propre narcissisme infantile abandonné. L’adolescence est souvent décrite comme un moment de crise, où l’adolescent passe facilement à l’acte. Mazet et Houzel [15], montrent l’existence pendant l’adolescence d’une tendance à l’externalisation des conflits dans le milieu extérieur, comme une forme de les éviter. La maternité des adolescentes est souvent attribué a un passage à l’acte, c’est-à-dire, l’adolescente n’arrive pas à élaborer ses conflits sexuels et parentaux, et vit dans l’immédiat son désir d’avoir un enfant. Lebovici [13] dit : « leur grossesse a été prématurée comme leur vie – elles n’ont pas fini d’être filles qu’elles sont déjà mères ». Deutsch [5] parle d’un sentiment de solitude de l’adolescente qui s’aggrave par le « manque de tendresse » de leur entourage. Ainsi le vécu d’abandon, de relégation ou de mise à l’écart de la part de ces jeunes filles, les pousse à la maternité. La grossesse apparaît comme une source de gratification narcissique en regard des conflits parentaux. L’importance des aspects psychologiques dans la compréhension de ce phénomène a été renforcé par Bydlowski [3]. Pour cet auteur la grossesse précoce est vue comme un passage à l’acte, en ayant un rapport étroit avec la représentation maternelle de la mère des premiers soins, de la tendresse. C’est une régression à la mère de la période pré-oedipienne. Pourtant, chez ces jeunes filles, « c’est véritablement cette mère archaïque qui est appelée à l’aide au travers du passage à l’acte de la grossesse » [3]. 9 Dans notre recherche, nous avons corrélé les facteurs sociaux avec la théorie psychanalytique sur la sexualité féminine et sur le narcissisme. Cette mise en relation a fait ressortir deux facteurs principaux déterminant la grossesse chez les adolescentes : les facteurs biologiques6 et les facteurs non-biologiques dans lesquels s'inscrivent les aspects culturels et psychologiques . Pendant la puberté le corps de l'adolescente subit des transformations qui le rendront apte à la procréation. L'adolescente est donc en proie à une forte pression hormonale qui la pousse à mettre à l'épreuve sa nouvelle capacité reproductive [11]. Cette situation stimule son intérêt pour le sexe et une grossesse peut en résulter. Cette grossesse, qui découle du besoin que l'organisme éprouve de tester sa capacité reproductive, nous avons appelée "grossesse hormonale"[7,10], vu son caractère essentiellement biologique. Face à la constatation de cette grossesse hormonale, deux dénouements sont envisageables pour l'adolescente: le désir négatif d'avoir un enfant, qui s'exprime par l'avortement, et le désir positif d'avoir un enfant, lequel aboutit à la maternité. Le désir négatif ou positif d'avoir un enfant pendant l'adolescence indique donc le caractère universel de ce phénomène, qui peut se produire chez n'importe quelle adolescente. Ce sont les facteurs non-biologiques, c'est-à-dire les aspects culturels et psychologiques, qui vont déterminer le destin de cette grossesse hormonale [7,20]. MÉTHODOLOGIE Les recherches de terrain ont permis l'analyse de 20 entretiens semi-structurés avec des adolescentes enceintes, âgées de 14 à 17 ans et issues de milieux défavorisés, dans un hôpital public à Rio de Janeiro. Les travaux de Figueiredo [10] montrent l’importance du rôle joué par le biologique dans tous les aspects psychosociaux. 6 10 Sept thèmes qui se rapportent à des aspects qui ont été étudiés pour permettre une compréhension plus approfondie de ce problème ont été sélectionnés. Le modèle d'interview a été élaboré à partir de ces thèmes qui se rapportent: - à des données personnelles; - à la vie familiale (structure et dynamique; - à la vie sociale ( école, travail, loisir); - à l'activité sexuelle et à l'épisode de la grossesse; - à des données d'information sexuelle; - à des projets d'avenir. L'analyse de ces entretiens s'est basée sur l'étude des aspects psychosociaux liés à la grossesse, dans ce groupe d'adolescentes, et en particulier le point de vue psychanalytique sur la question et sur l'investigation des motivations, des désirs et des fantaisies de ces jeunes filles. DISCUSSIONS DES RESULTATS Cette enquête a étudié la fonction du désir de l'adolescente dans sa grossesse. L'analyse des 20 (vingt) interviews réalisées avec des adolescentes enceintes a permis de tracer un profil de ce groupe. Elles avaient environ 16 ans, elles étaient célibataires et n'avaient pas terminé l'école secondaire. Le revenu moyen des familles était d'1 (un) salaire minimum. La moitié des adolescentes habitaient avec leurs parents et leurs frères, l'autre moitié des adolescentes vivaient avec leurs copains dans des favelas et dans les quartiers pauvres de la ville de Rio de Janeiro. La moitié des adolescentes de ce groupe ont révélé que leurs parents étaient séparés. Les parents n'avaient pas terminé l'école secondaire et on a même constaté trois cas d'analphabétisme. Pendant la période où les interviews ont été réalisées, la moyenne des adolescentes n'exerçait aucune profession. 11 Vie Familiale Les familles des adolescentes interviewées avaient en moyenne 4 (quatre) enfants par famille, ce qui prouve que, pour cette classe sociale, l'enfant est un bien auquel on accorde beaucoup de valeur. Le désir d'avoir un enfant compenserait le manque narcissique de ses propres parents qui habitent dans des favelas, qui sont mal payés et qui ne peuvent pas améliorer leur niveau de vie parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Dans ce contexte, la répétition de la maternité pendant l'adolescence est une constante dans l'histoire de ces familles, où la mère, les sœurs et les camarades ont eu, elles aussi, des enfants pendant l'adolescence. La relation la plus intense s’établit avec la mère et s'exprime par une ambivalence de sentiments: la haine et l'amour se succèdent l'un à l'autre. On observe aussi une "insatisfaction" sur le plan affectif chez les jeunes filles et le besoin d'une communication plus satisfaisante avec leur mère surtout en ce qui concerne la question de la sexualité. Les parents encouragent très tôt l'union de leurs filles avec leurs copains quand celles-ci commencent leur vie sexuelle et accordent beaucoup d'importance au mariage. Vie Sociale Toutes les adolescentes interviewées fréquentaient des écoles publiques, cependant, ces jeunes filles, dans leur majorité, n'étudiaient pas, mais ne travaillaient pas non plus. L'abandon des études ne se produisait pas en fonction du rejet de la grossesse par l'école mais en fonction des sentiments ambivalents d’adolescentes, de honte, comme si elles voulaient nier qu'elles exerçaient leur sexualité, ou de bonheur dû à leur grossesse puisque certaines d'entre elles ont raconté qu'elles ne pensaient qu'à jouir de la maternité. À ces facteurs émotionnels, s'ajoute le manque d'encouragement de la part des parents qui accordent plus de valeur au travail, qui permettra à la jeune fille d'augmenter le revenue de la famille, qu'aux études de leurs filles. 12 En ce qui concerne leur vie sociale, elle fréquentent des "bals" et bavardent avec leurs voisins et leurs camarades. Le fait qu'elles n'aient pas terminé leur scolarisation les empêche très souvent d'atteindre leur indépendance financière et professionnelle. Activité Sexuelle et épisode de la grossesse Quant à leur activité sexuelle et à l'épisode de la grossesse, on remarque que ces jeunes filles commencent leur vie sexuelle tout de suite après la première menstruation et deviennent enceintes très vite. La curiosité de mettre à l'épreuve son appareil reproducteur est déclenchée par l'activité hormonale qui se produit pendant cette période de la vie et qui mène à l'acte sexuel. La grossesse prouve à l'adolescente que son corps est déjà prêt pour la conception. La confirmation de sa capacité procréatrice déchaîne un sentiment de surprise ( la grossesse n'était pas attendue), c'est à ce moment-là qu'elle peut constater qu'elle n'est plus une petite fille mais une femme. On peut dire que ces adolescentes établissent une équivalence entre la sexualité et la reproduction. C'est, d'ailleurs, la reproduction qui marque le passage à la vie adulte. Cette "grossesse hormonale" devient alors pour ces adolescentes une grossesse "symbolique", autrement dit, une maternité précaire [7]. Malgré les circonstances défavorables, le désir d'avoir un enfant était prédominant parmi ces jeunes filles, étant important localiser l'origine de ce désir. Le contexte socioculturel de ces jeunes filles accordait beaucoup d'importance à la grossesse parce que le rôle de la femme dans ce milieu social était intimement lié à la maternité. C'est ainsi que se présente le trinôme: adolescente- mère – femme, où la grossesse est le chemin qui mène à la féminité. Les amies des jeunes interwiés, ces sœurs et, dans certains cas, ces mères, sont où étaient mères à l'adolescence. Ce fait permet de suggérer qu'il s'agit aussi d'une "grossesse sociale" [8,20]. 13 Dans cette question, les facteurs psychologiques jouent un rôle aussi important que les facteurs culturels. Freud [12], nous montre que le désir d'avoir un enfant, c'est-à-dire le désir universel du phallus, représente la possibilité de restauration de son propre narcissisme infantile abandonné. Les jeunes filles racontent qu'elles veulent avoir l'enfant puisqu'elles l'aiment, d'autre part, l'enfant est perçu comme quelqu'un qui ne va pas les abandonner. Comme la situation économique précaire de ces familles rendait plus difficile l'épanouissement de ces jeunes au niveau professionnel et social, l'enfant était l'objet privilégié dans le processus de restauration de leur narcissisme infantile. L'enfant est donc le dépositaire d'un grand nombre d'attentes: il aura tout ce qu'elles n'ont pas eu: formation, affection, protection et même une famille. L'enfant n'est ni une poupée ni un jouet pour les jeunes filles, il implique des responsabilités. Grâce à l'enfant, ces jeunes filles se sentent mères et femmes. L'avortement est rejeté par ces adolescentes qui affirment avoir décidé d'avoir l'enfant. Outre l'aspect religieux qui compte beaucoup dans ce cas-là, cette attitude révèle que le fœtus est déjà considéré comme leur enfant par la manière affectueuse dont elles parlent de lui. L'avortement est, en général, repoussé parce qu'elles "ont pitié du bébé"[7].7 Au départ, la famille de l'adolescente ne réagit pas d'une manière favorable à la grossesse de leur fille parce qu'ils trouvent qu'elle est trop jeune pour avoir un enfant. Et pourtant après ce premier moment, elles acceptent la grossesse et s'opposent fermement à l'avortement. La grossesse de la jeune fille est vécue par toute la famille et l'enfant rapproche les membres de la famille. 7 Par contre, après avoir constaté leur grossesse, les adolescentes de classes moyennes optaient généralement pour l’avortement. Dans ce milieu social, la maternité est en général, indésirable pendant l’adolescence. Dans ce cas, on pouvait repérer un investissement narcissique plus important, de la part de leur famille, dans les études, dans le travail, dans les voyages, autrement dit, il y avait là d'autres objets qui fonctionnaient comme des réparateurs narcissiques permettant que le désir d'avoir un enfant soit reporté à la vie adulte. 14 En ce qui concerne l'intérêt de la mère de l'adolescente pour son petit-fils, on remarque assez souvent un phénomène qui s'exprime dans le discours des grands-mères: elles disent que leurs filles sont trop jeunes et qu'elles ne savent pas s'occuper de l'enfant. Les adolescentes interviewées à l'occasion de cette enquête, dans leur majorité, ont raconté qu'elles allaient laisser l'enfant avec leur mère pour pouvoir aller travailler. D'autre part, à travers la maternité de la fille, la mère revit, encore une fois, son désir de réparation narcissique, où le phallus représente la réparation chez l'adolescente du narcissisme infantile de sa mère, vu que ce désir de plénitude narcissique ne s'épuise jamais puisque la satisfaction totale du désir est impossible. Données d’information sexuelle Toutes les adolescentes interviewées ont affirmé qu'elles savaient que l'activité sexuelle sans l'usage des contraceptifs pourrait provoquer une grossesse. Et pourtant elles ont raconté qu'elles ne se sont pas servies de ces méthodes quand elles ont commencé leur vie sexuelle. Ce fait remet en cause le point de vue traditionnel qui attribue la grossesse pendant l'adolescence à l'ignorance des jeunes filles sur le plan sexuel. Quelques-unes de ces adolescentes ont consulté des gynécologues accompagnées de leurs mère et à leur demande mais, même dans ce cas, elles ont décidé de ne pas employer les méthodes contraceptives. Dans le discours des adolescentes pour expliquer le non-usage des contraceptifs, on perçoit le désir d'avoir un enfant. Quant aux programmes d'éducation sexuelle, les adolescentes s'intéressent à l'acquisition d'informations sur cette question et racontent que, dans certaines écoles, elles ont eu des cours à ce sujet. Cependant ces jeunes filles, dans leur majorité, affirment que l'éducation sexuelle devrait commencer à la maison, avec les parents, parce qu'ils ont plus d'intimité pour parler de 15 ce sujet avec leurs enfants. Ce choix renforce le désir des adolescentes d'établir un dialogue plus ouvert et plus franc avec leurs parents. Projets d’avenir Aucune des adolescentes interviewées n'avait songé à l'avenir. Leurs perspectives de vie se bornaient à un avenir prochain: la période après la grossesse. Elles ont raconté qu'elles avaient l'intention de s'occuper de leur enfant et de travailler pour pouvoir l'élever CONCLUSIONS Le grand nombre de grossesses menées à terme chez les adolescentes au Brésil ont montré l'importance d'une recherche sur leur représentation de leur grossesse, par l'analyse de leur discours sur leur état et par l’influence des facteurs culturels et psychologiques. Les conclusions présentées dans cette recherche permettent de dire que la grossesse pendant l'adolescence n'est pas uniquement due à l'ignorance des jeunes sur le plan sexuel, mais aussi au désir universel d'avoir un enfant que l'on retrouve chez les adolescentes, que ce soit pour mettre à l'épreuve leur féminité, par la constatation de leur capacité procréatrice, ou bien du fait du désir même d'avoir un enfant. Cette situation étant intimement liée aux aspects psychosociaux et culturels de chaque famille, rend particulière la signification de la grossesse chez les adolescentes dans les milieux défavorisés. Les données obtenues soulignent que les pouvoirs publics mènent une politique réduite à des cours d'éducation sexuelle. Ils devraient tenir compte de la complexité de l'univers psychosocial des adolescentes et, en particulier, mettre l'accent sur la signification de la grossesse chez des adolescentes de milieux défavorisés et de ses implications subjectives et 16 culturelles. C’est ainsi que les pouvoirs publics obtiendraient des résultats plus efficaces permettant qu'il y ait plus de grossesses désirées a priori et que le nombre de grossesses "accidentelles" diminue. L’analyse de cette question, selon la théorie psychanalytique, nous permet de dire que la grossesse pendant l’adolescence ne provoque pas, nécessairement, une rupture très traumatique du développement de la sexualité de l’adolescente, par cette superposition du vécu de la maternité et celui de l’adolescence. Cependant, cette adolescente qui sera à la fois fille et mère, présentera des caractéristiques différenciés et des difficultés dans l’élaboration des diverses étapes évolutives de sa sexualité, ce qui rendra plus difficile le vécu de sa maternité. De plus, nous avons vu que l’enfant apparaît souvent comme un cadeau de l’adolescente à sa propre mère. L’absence de vision sur les conséquences de la grossesse produit un impact à deux niveaux. D’une part, sur le plan individuel, concernant les aspects psychologiques de toute adolescente, d’autre part sur la société en générale et ses aspects socio-économiques, car la grossesse chez les adolescentes dans les milieux défavorisés multiplie les conditions de reproduction de pauvreté économique et sociale. Les réflexions exposées ici, même si elles ne concernent pas le contexte culturel français, pourront donner des références d’analyse aux professionnels qui travaillent avec les adolescentes enceintes. Notons, particulièrement, l’importance que la fonction du désir d’avoir un fils exerce dans le psychisme de la jeune fille et dans son milieu socioculturel et familial. Le problème concernant la grossesse des adolescentes est crucial. Il demande de la part des diverses catégories professionnelles qui s'occupent de ces jeunes filles, la compréhension des aspects analysés dans cet article. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 17 1. ADAMS,D. 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