Saïda : Histoire et Société

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Saïda : Histoire et Société
Saïda : Histoire et Société
Saïda : Histoire et Société
David Rodier
L’objectif premier de cet ouvrage est de relater l’histoire de Saïda,
ville mythique, à travers les grandes périodes historiques qu’elle a
connues. Il sera démontré que la ville s’est réellement forgée une
singularité parmi les villes anciennes de la côte méditerranéenne.
Avec la compréhension des différentes étapes qu’à traversées cette
cité, il est possible d’en dégager certaines formes urbaines issues
d’époques marquantes. On le verra, le tissu urbain d’une grande
densité et la présence des souks ont donné forme à des interactions
humaines bien particulières.
Cette singularité de la ville de Saïda, il a été possible de la découvrir
avec la lecture de quelques ouvrages littéraires portant sur le Liban
et sur Saïda. Une attention plus précise fût portée à la revue Madina,
éditée par Tewfik Ettayeb qui a publié Saïda : concilier sauvegarde et
développement, au livre Terre Sainte, écrit par David Roberts, ainsi
qu’à l’ouvrage Saïda 1873-2001, écrit par Ahmad Kalash et publié
par la Fondation Hariri.
Image 1 – Le Château de la Mer (vestige des Croisades).
Source : Bibliographie 1
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Saïda : Histoire et Société
Une cité ancrée dans l’histoire
Saïda est la plus grande ville du sud du Liban. Cette ville historique
se trouve à un peu plus de 40 km au sud de Beyrouth (image 2). On
reporte la fondation de la cité à aussi loin que 4000 ans av. J-C,
même que certains prétendent que l’endroit est habité depuis 6800
ans av.J.C..
Sujet aux conflits longtemps après la guerre civile, le sud du Liban
est moins développé que le reste du pays. Le sud fût la scène de
plusieurs bagarres difficiles au moment de la guerre civile. Ce n’est
qu’en mai 2000 que s’est terminée l’occupation israélienne dans
cette partie du Liban. Cette occupation est une des causes de la
dégradation de la partie sud, mais on considère aussi qu’elle a été
négligée sous le pouvoir Maronite de Beyrouth. Néanmoins,
certaines villes côtière du sud du Liban possèdent toujours
d’importantes traces médiévales et antiques. Tyr et Saïda figurent
parmi les villes où l’on retrouve les traces les plus évidentes de ce
passé.
Dans l’histoire, Sidon (Saïda) est évoquée pour la première fois en
1090 av. J.C. par le savant Posidonius. Ce premier intérêt sera suivit
par d’autres auteurs gréco-romains comme Scylax (470 av. J.C.) et
Berthus (25 ap. J.C.). Le nom de la ville est évoqué dans la bible
puisque le Christ a foulé de ses pieds le sol de Saïda.
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Image 2 – Carte du Liban, Saïda à 40 km de Beyrouth.
Fait par : Karine Durocher, Modifié par : David Rodier
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Saïda : Histoire et Société
Les poèmes d’Homère ont vanté les talents artistiques des Sidoniens
du temps de la guerre de Troie et de nombreux historiens byzantins
on consacré leurs ouvrages à la région.
Depuis le tout début, Sidon est reconnue pour la qualité de son
artisanat et la richesse de ses souks. Principal fournisseur de la
marine marchande et militaire des Pharaons d’Égypte, sa prospérité
économique atteignit son plus haut point.
Le nom de la ville prendrait ses origines du nom Saidoune, fils du
fondateur phénicien nommé Canaan, alors que certains pensent que
le nom viendrait plutôt du mot «pêcher», sayd en Arabe moderne. La
ville est bâtie sur un promontoire continué par une île, positionnement stratégique pour la plupart des Empires qui ont pris possession de la cité. Les jardins qui l’entourent, arrosés par de nombreux
canaux alimentés par le Nahr el Awali, on aussi contribuer à sa
prospérité.
Saïda est une ville réputée pour son passé glorieux, son port de
pêche et pour sa plaine où l’on retrouve des orangers. C’est une ville
vraiment enracinée dans l’histoire. Plusieurs empires et civilisations
se sont succédés (image 3) et ont laissé leur trace sur la ville, ce qui
a collaboré à lui former une identité propre. La majeure partie de
l’héritage monumental de Saïda se trouve à l’intérieur de l’ancienne
ville qui est un modèle d’architecture méditerranéenne antique.
Durant les croisades, Saïda prend un rôle important et il nous reste
aujourd’hui certains signes de cette période (Château de la Mer et de
la Terre). L’époque de l’émir Fakhreddin est synonyme de
renaissance et correspond à une période très prospère pour la ville.
Au 19e siècle on va redécouvrir Saïda à travers le regard des
Orientalistes qui vont dépeindre une image très valorisante de la cité.
Au 20e siècle, la ville vit une crise créée par l’évolution des moyens
de transport, au tremblement de terre de 1956 et à l’occupation
israélienne. Les projets de réhabilitation de la ville l’amènent à se
spécialiser dans ce domaine de la construction.
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Image 3 – Les grandes périodes qu’à traversées la ville.
Fait par : David Rodier , Source : Bilbliographie 3
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Saïda : Histoire et Société
La période phénicienne
(2800 à 539 av.J.C.)
12e siècle av.J.C. et Tyr succède Sidon au titre de plus important
centre. Souvent sous le contrôle de Tyr, Sidon finit tout de même par
retrouver son statut de centre de traite, mais pour être détruite par
l’Assyrien Esarhaddon en 675 av.J.C..
Chose certaine, Saïda, qui porte le nom de Sidon à l’époque, était
une ville phénicienne très importante. Au 15e et 14e siècle av.J.C.,
Saïda est déjà un centre d’échanges commerciaux. De forts liens
sont à l’époque créés avec l’Égypte, sous le pouvoir de Zimrida qui
règne sur Sidon. La ville prend de l’importance au moment où la
Phénicie est en temps de paix, aux alentours du 12e au 10e siècle
av.J.C. Une importante part de la richesse provient du commerce du
murex, un mollusque qui produit un colorant violet de haute valeur et
dont on se servait pour la teinture des étoffes. Ce colorant particulier
fit répandre une réputation pour la ville à travers toute la
méditerranée. La filature de soie et de laine ainsi que la fabrication
d’objets précieux en or et en argent lui amèrent aussi prospérité.
Comme c’est le cas pour la plupart des villes des phéniciens, qui
attachent une grande importance à la mer, le positionnement
géographique de Sidon est un élément clé ayant grandement
contribué à son essor. Bâtie sur un promontoire et une île comme
bouclier, la ville devient un havre durant les temps de guerre.
Entre 1900 et 1225 av.J.C., la ville connaît une grande expansion,
étendant son influence sur tout le bassin méditerranéen. Les villes de
la Phénicie constituaient de petits états, rassemblés autour d’un
‘’conseil fédéral’’ et Sidon en représentait la capitale.
Sidon n’a cependant pas échappé aux conquêtes et aux invasions
qui ont touchées plusieurs villes et états de la Phénicie. La ville et sa
flotte de bateau ont d’ailleurs été détruits par les Philistins, vers le
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Image 4 – Le territoire de Canaan-Phénicie.
Fait par : David Rodier, Source : Bibliographie 1
Image 5 – Navires phéniciens.
Source : Bibliographie 1
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Saïda : Histoire et Société
La période perse
(539 à 333 av.J.C.)
historien Grecque Diodorus, les Sidoniens ont verrouillé la ville et ont
ouvert le feu sur les Perses. Ce fût une dure bagarre puisque plus de
40 000 personnes sont mortes durant cette bagarre.
La véritable période de gloire de la ville se passe durant la
domination Perse. La ville devient la capitale de la Cinquième
province qui couvrait la Syrie, la Palestine et Chypre. En plus de par
l’industrie du murex, Sidon se fait une réputation avec la fabrication
du verre dont on disait être le meilleur au monde. C’est à cette
époque que le temple d’Echmoun se fit construire au nord-est de la
ville. La cité de Sidon ne comportait pas vraiment d’agglomération
nommée Sidon. Elle s’organisait plutôt en secteurs plus ou moins
urbanisés : SIDON RAS YAM (Sidon-terre), SIDON YAM (Sidonmer) et SIDON SAAD (Sidon-campane) (image 6).
Les gens de Sidon sont devenus de bons bâtisseurs de bateaux
qu’ils fournissaient pour la flotte de l’empire perse. «Le soutien de
ses flottes dans les guerres contre les Égyptiens et les Grecs
coïncidera ainsi avec la domination perse achéménide, du 6e au 4e
siècle av.J.C., hissant la ville aux plus hauts rangs culturel,
économique et social.» Talal Majzoub On comptait de nombreux
marins expérimentés au sein de la ville et son roi agissait en tant
qu’amiral pour la flotte perse. Cet important rôle militaire que prend
Sidon va donner, à elle et aux autres villes phéniciennes, un certains
statut d’indépendance envers les seigneurs perses.
Cette situation va durer jusqu’au milieu du 4ième siècle av. J-C où la
rébellion de Phéniciens, centrée à Sidon, subit la colère des Perses.
À la tête d’une grande armé, le roi Artaxerxes Ochus combattit les
Sidoniens afin que ces derniers se soumettent à lui. Selon le grand
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Image 6 – La zone centrale de la cité de Sidon à l’époque perse.
Source : Bibliographie 1
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Saïda : Histoire et Société
La période gréco-romaine
(333 av.J.C. à 330 ap.J.C.)
De cette période gréco-romaine, outre un renouveau urbain marqué
par l’extension du temple d’Echmoun et de nouveau équipements
publics, la cité hérite de grandes figures de la pensée antique :
philosophes, astrologues, mathématiciens et médecins. Entre autres,
selon certains écrits, le prestigieux philosophe et mathématicien
Pythagore serait né à Sidon, de parents tyriens.
Cette brèche induite à l’armé de Sidon sera si importante que
lorsque Alexandre Le Grand (image 7) entreprit sa marche à travers
le Moyen-Orient, les gens de Sidon n’étaient pas en mesure de lui
résister. Ainsi le pouvoir passa aux Grecs au même moment que les
cité de Marathos, Tripoli et Byblos. La colonisation grécomacédonienne fut marquée par la tendance d’assimilation des pays
conquis et la cité de Sidon n’échappa pas à la tendance, puisque
qu’elle fût brûlée par Le Grand. Par contre, l’influence grecque
amena à Sidon de nouvelles infra-structures (stade, agora, bains)
dont il ne reste cependant aucun vestige aujourd’hui.
Sous l’emprise de cet Empire grec (333 à 64 av.J.C.), les habitants
de la ville jouissaient d’une certaine liberté et d’un vie culturelle plus
élevée. Ultérieurement, le contrôle passa aux Séleucides, ensuite
aux Ptoléméens pour éventuellement se retrouver chez les Romains
de 64 av.J.C. à 330 ap.J.C..
Aux premiers jours de l’emprise de l’Empire romain, la ville formait
une république avec son propre sénat et sa propre monnaie. Elle
bénéficiait du statut de République, sous l’autonomie de MarcAntoine. Augustin mit vite fin à cette situation et amena Sidon sous le
contrôle des règles romaines. Au 1er siècle ap.J.C. elle connu un
déclin malgré que la ville soit toujours un important site de
commerce.
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Image 7 – Scène de chasse du sarcophage dit d’Alexandre.
Source : Bibliographie 1
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Saïda : Histoire et Société
La période byzantine
(330 à 637)
La période islamique
(637 à 1110)
Dès la fin du 4e siècle, le partage de l’Empire Romain par Théodose
en un Empire d’Occident et un Empire d’Orient, byzantin, marque le
passage de Sidon aux mains des Byzantins. Alors que la ville a
apporté une contribution à la culture grecque et romaine sur le plan
des lettres, sciences, droit et architecture, la ville s’impose entre 330
et 637 par sa production et sa distribution de la soie.
Sidon est conquise en 637, sous le commandement de Yazid ibn
Sufian. Ce dernier, avec l’aide des Omeyyades et des Perses,
occupe les cités et renforce ses troupes contre les Byzantins. Sidon,
ses murailles restaurées et les flottes reconstruites par les artisans
des anciens ports phéniciens, devient une base militaire maritime.
Sous le règne de l’empereur Byzantin, Sidon devint le siège d’un
évêché. C’est durant cette période que le grand tremblement de terre
de 551 a détruit la plupart des villes de la Phénicie. Sidon s’en ait
sortie en meilleur état que les autres et elle est devenue le siège de
la fameuse École de Loi de Beyrouth au moment où Beyrouth
(Bétithe) est très endommagée. Sidon subira le même triste sort que
Beyrouth lors d’un nouveau séisme qui survient en 572.
Au 6e siècle, avec les querelles religieuses, les empereurs byzantins
faiblissent face aux rois sassanides dont les armées envahissent la
Phénicie. L’ensemble de la Syrie passe aux mains des Arabes qui
laisseront des traces, principalement sur le plan culturel et
architectural, qui sont nettement visibles aujourd’hui.
«En 661 le gouverneur de la Syrie Moawiya, fondateur de la
dynastie des Omayyades et triomphant des partisans d’Ali, est
proclamé calife.» Talal Majzoub Sidon prend maintenant le nom
Saïda et dépend administrativement de Damas, capitale des
Omeyyades.
En 969, la Syrie tombe aux mains des Fatimides du Caire. Certaines
forces byzantines sont toujours présentes et s’équilibrent avec ces
dernières, jusqu’à l’arrivée des Turcs Seldjoukides. L’armée
byzantine fut littéralement écrasée à Mantzikert en 1071 et Saïda est
à veille de subir trois siècles d’invasions, de batailles, de
constructions et destructions, épisodes qui ont marqués la
physionomie de la cité jusqu’à nos jours.
En 1110, lors de la derinière attaque d’une série de trois, la ville est
assaillie par Baudouin, le roi de Jérusalem, et les Sidoniens baissent
les bras après 47 jours de résistance.
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Saïda : Histoire et Société
La période des Croisades
(1110 à 1291)
Les Croisés ont commencé leur opérations militaires contre
Jérusalem en partant, de façon générale, d’Antioche. Le
comportement des Croisés était de se diriger vers le but principal en
dépassant les villes sans s’y attarder. Cependant, la position
stratégique de Sidon rendait sa possession essentielle et ils en feront
un port militaire sur leur route vers Jérusalem. «Avec ces premiers
contacts en Terre Sainte, les Croisés constatèrent avec évidence
l’avancée des peuples arabes en matière de culture urbaine.» Éric
Bachy
La première forteresse a être construite est le Château de la Mer
(image 8), bâti aux alentours de 1227 et servant à défendre la partie
nord de la ville. En 1253, suivant une attaque des Syriens qui
remontent vers le nord, une grande partie de la ville est détruite,
mais le Château de la Mer reste debout. Suivant cela, Saint-Louis
décide de consolider les fortifications et ordonne la construction
d’une seconde forteresse : le Château de la Terre (ou Château SaintLouis), au sud, sur les restes d’une ancienne citadelle.
Ces deux monuments sont restés au-delà des Croisades jusqu’à
maintenant les limites fixes de la cité historique. Le système de
défense légué par les Croisés est une image souvent dépeinte par
les Orientalistes. Selon l’époque à laquelle ils ont visité Sidon, ces
derniers ont pu voir une ville fortifiée, protégée de toute agression
extérieure par une enceinte de pierre. Le Château de la Terre (image
9) et le Château de la Mer restent encore aujourd’hui les «clichés»
de la ville.
À cette période, la ville se tourne vers un renouveau de sa culture
comme de ses activités commerciales. La ville qui fût rebaptisée
Sagette par les Croisés elle est devenue un port important et le cheflieu d’une des plus grandes baronnies du royaume de Jérusalem.
Un peu plus de 5000 habitants vivent à Sagette, rassemblés en
différentes communautés : musulmane, franque et juive. L’aspect
général de la ville ressemble à certains égards aux villes italiennes
de l’époque. La grande majorité des constructions de la ville
possèdent un toit plat. Les places étaient petites et les rues étroites,
les maisons serrées les unes contre les autres et construites avec de
nombreuses voûtes qui contribuent à solidifier les constructions dans
une région menacée par les tremblements de terre.
En 1187, une des interruptions de la possession des Croisés, la ville
est prise par Saladin qui fait tomber les remparts dans une volonté
de la rendre inutile comme base militaire pour les Croisades. Les
chevaliers qui sont toujours sur les terres vont bien vite reprendre la
ville. Elle retomba aux mains des Francs et on releva les murailles.
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Image 8 – Le Château de la Mer peint en 1839 par David Roberts.
Source : Bibliographie 7
8
Saïda : Histoire et Société
Cela est une situation qui est demeurée plutôt stable pendant
plusieurs années, car jusqu’à la conquête ottomane peu
d’agglomérations de la côte étaient perçues comme de réelles villes.
On les voyait plutôt comme des hameaux (mazra’a) ou villages
(qarya) que comme bourgs (qasaba) ou villes (madina). Saïda
pouvait être considérée comme une modeste bourgade.
Grâce aux Mamelouks et leur administration militaire, le pays connaît
une certaine stabilité sur le plan politique, ce qui est propice à la
renaissance des activités commerciales. À cette période, les
Occidentaux prennent goût aux produits en provenance de l’Orient,
ce qui sera bénéfique pour Saïda. Suite à certains accords négociés
par les Mamelouks, un nouveau marché fût ouvert pour les
marchands pisans, vénitiens, génois, provençaux et catalans. On
recommence donc à fréquenter les ports commerciaux.
Image 9 - Le Château de la Terre, gravure de James Taylor.
Source : Bibliographie 1
La période mamelouke
(1291 à 1516)
C’est le retour à la vie à Saïda où l’on fait construire des entrepôts.
On fait l’exportation de bougies ainsi que des produits en porcelaine,
verre, métal et textile. L’administration mamelouke étant une
administration militaire, il est considéré que Saïda ne s’est pas
beaucoup développée durant leur possession. Néanmoins, au 15e
siècle, elle agrandit sa fortune alors qu’elle devient un des ports de
traite de Damas, capitale de Syrie (image 10).
La ville tombe au pouvoir des Mamelouks lors de la chute d’Acre en
1291. Suite aux Croisades, les périodes de paix sont beaucoup plus
longues que les périodes de guerre. Les Mamelouks qui craignent un
retour des Francs, préfèrent déplacer les villes vers l’intérieur, ainsi
le littoral syrien s’était quasiment dépeuplé.
Pendant la période mamelouke, les autorités repeuplent Saïda avec
une population sunnite qu’ils vont gouverner durant les deux siècles
de leur occupation en Syrie. Comme la plupart des ports du Levant
de l’époque, Saïda est une petite localité au rôle économique faible.
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Image 10 – Saïda, port de Damas à partir du 15e siècle.
Source : Bibliographie 1
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Saïda : Histoire et Société
La période ottomane
(1516 à 1918)
Quelques caravansérails dont le Khan el-Franj (caravansérail des
Français, lieu de commerce très actif) (image 11) furent instaurés,
ainsi que quelques bains publics.
L’Empire ottoman s’établit suite à la victoire sur les Mamelouks du
sultan Sélim 1er en 1516. Au 16e siècle, commence vraiment l’histoire
du Liban dont le développement de Saïda bénéficiera. Durant la
période ottomane, les villes côtières vont se repeupler avec une
population nouvelle et diversifiée. Plusieurs témoignages et
représentations de Saïda (Seyde) sont issues de cette période, plus
particulièrement les 17e et 19e siècle.
Saïda était un port prospère et influant et devient une plaque
tournante des échanges avec l’Europe. L’accroissement de la
population, que l’on détermine par la quantité de bâtiments collectifs
de l’époque, illustre ce rapide essor économique. La population,
d’environ 3 mille habitants au 16e siècle, atteint 6 à 7 mille habitants
au 17e siècle, puis 9 à 11 mille habitants au 18e siècle, période qui
marque le repeuplement de la côte.
En 1531, des accords commerciaux sont signés par le Roi François
1er avec l’Empire ottoman. C’est là que commencèrent les voyages
itinérants en Orient. La région va rapidement s’imposer comme un
carrefour de civilisations et de religions, porteur d’histoire et de
mythes.
Au 16e siècle, de nouvelles infrastructures sont installées à Saïda par
l’Émir Fakhreddin qui, de retour d’un long séjour à la Cour de
Florence, rapporta d’Italie le goût de l’architecture et des beaux-arts.
Aussi poussé par la volonté d’accentuer les échanges commerciaux
avec l’Europe, l’Émir se fit construire un palais au sud de la Grande
Mosquée. Il rebâtit et modernisa certaines parties de la ville.
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Image 11 - Le Khan el-Franj (caravansérail des Français).
Source : Bibliographie 1
«Dès 1612, Tripoli fut abandonnée par les négociateurs européens
qui, à la recherche d’un port sur la Côte Sud du Levant, choisirent
Saïda pour servir d’entrepôt.» Éric Bachy Rebaptisée ‘’Seïde’’, Saïda
était, au milieu du 17e siècle, la base de toute l’activité de la nation
française en Syrie du Sud. Certains monuments comme le Khan elFranj sont des éléments prédominants dans l’urbain et ont participé à
l’évolution de la ville dans le temps.
Construites au 17e siècle, durant la période ottomane, les maisons
Hammoud et Debbané représentent la typologie dominante de
l’architecture domestique dans le quartier des bijoutiers. On les
caractérise au plan morphologique par leur organisation interne
10
Saïda : Histoire et Société
autour de la cour, leur inclusion dans le souk, leur accolement aux
voisins, leur imbrication dans l’espace public et leur accès modeste
et étroit en contraste avec leur intérieur riche. Ces maisons furent
construites par Ali Agha Hammoud, à qui on doit aussi le Khan alQishla.
Les Orientalistes (image 12) qui sont passés par Sidon au début du
18e siècle l’ont connue dans une période prospère de son histoire
alors qu’elle est toujours sous l’impulsion de Damas. En devenant le
port de Damas, l’activité maritime de Sidon a doublé d’intensité. La
ville était un véritable carrefour de la route des épices venant des
Indes et de la soie venant de la Chine et la cité se plaça au premier
rang des ports commerciaux de Méditerranée.
En 1830, un tremblement de terre suivi de bombardements, durant la
période de campagne Ottoman-Europe pour déloger Bashir Shihab
II, ont mené Sidon vers l’obscurité. L’ouverture du Canal de Suez en
1869, en plus du développement de Beyrouth, détourna la voie de
navigation et le port de Sidon se retrouva avec la pêche comme
seule activité.
Jusqu’à 1873, Saïda, avec sa population de 14 000 habitants, était
toujours comprise à l’intérieur des remparts de l’Ancienne Ville.
Toutes les activités se passait à l’intérieur à l’exception de
l’agriculture que l’on pratiquait dans les plaines qui entouraient la ville
(image 15). En 1873, on trace la rue Chakiriah, la première rue
implantée à l’extérieur de la muraille (image 13). C’était là le début
d’un réel développement urbain pour la ville. Vers la fin de la période
ottomane, la ville s’ouvre sur une nouvelle modernité et connaît des
tracés routiers qui contrastent avec la structure traditionnelle,
amenant ainsi une modernité dans la ville.
Image 12 – Sidon peinte en 1839 par David Roberts.
Source : Bibliographie 7
En 1791, le pacha Ottoman d’Acre, Ahmed Jazzar, conduit les
Français loin de la ville pour les amener à Beyrouth qui devient le
centre de commerce avec l’Europe. «En 1791, l’expulsion des
Français par Ahmed el-Jazzar, nouveau pacha de Saïda, porta un
coup fatal au commerce sidonien. Saïda ne s’en relèvera pas,
devenant le petit port de pêche qu’elle est restée jusqu’à nos jours.»
Éric Bachy
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Image 13 – La rue Chakiriah, la première rue à l’extérieur de l’Ancienne Ville.
Source : Bibliographie 3
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Saïda : Histoire et Société
Image 14 – Plan de Saïda au 17e siècle.
Fait par : David Rodier, Source : Bibliographie 3
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Image 15 – Plan de Saïda et ses environs levé en 1864 par Dr. Gaillardot.
Source : Bibliographie 3
12
Saïda : Histoire et Société
Saïda au 20e et 21e siècle
Au début du 20e siècle, les alentours de Sidon sont utilisés pour
l’agriculture, fruitière principalement (image 15). Depuis la
construction de la rue Chakiriah, la ville étend son empreinte sur les
terres agricoles. Maintenant, Saïda regroupe l’Ancienne ville de
Saïda ainsi que les quelques villages qui l’entourent : Bramiyeh,
Hilaliyé, Abra, Salhié, Majdelioun, Haret Saïda et Mieh & Mieh. Ce
regroupement est divisé administra-tivement en 3 circonscriptions :
L’Ancienne Ville de Saïda, Dekerman et Wastani (image 16).
De 1920 à 1943, le Liban est sous le mandat français. Le Liban sera
alors divisé administrativement en 5 mohafazats et Saïda est la
capitale du mohafazat du Liban Sud. En 1942 on procède à la
construction de la voie ferrée Naquoura-Beyrouth-Tripoli (NBT) qui
traverse Saïda du sud au nord, geste qui favorisera les liaisons entre
Saïda et le reste du Liban et avec la Palestine. Cela résulte en un
essor économique important.
Lors de la création de l’État d’Israël, en 1948, des centaines de
milliers de Palestiniens ont dû fuir leurs propriétés et leurs domiciles.
Lors de cette tragédie, plusieurs de ces personnes se sont réfugiées
au Liban. Au sud-est de la ville se trouve maintenant le camp de Aïn
el-Héloué (image 17), le plus grand camp palestinien du Liban. Sur
les 400 000 réfugiés présents au pays, 65 000 habitent dans le camp
au sud de Saïda. La présence de ce camp crée évidemment
certaines tensions sociales qui ne sont pas facile à gérer.
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Image 16 – Plan des 3 circonscriptions de Saïda.
Fait par : David Rodier, Source : Bibliographie 3
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Saïda : Histoire et Société
Appartements
résidentiels
Bureaux
commerciaux
Magasins
commerciaux
Barques de pêche
Écoles
Hopitaux
Palais Municipaux
Démolition partielle
2000
150
Démolition totale
1500
80
400
4
3
100
3
1
Tableau 1 – Bilan des dommages causés par le séisme de 1956.
Source : Bibliographie 3
On commence à voir, entre 1962 et 1972, la parution de plusieurs
décrets urbanistiques et les activités de construction des habitations
s’organisent. Cette époque voit le début de l’habitat des Sidoniens
dans les collines à l’est de Saïda.
Image 17 – Camp de Aïn el-Héloué.
Fait par : David Rodier, Source, Bibliographie 3
Dans les années 1950, un développement industriel voit naissance,
centré autour du pipeline ‘’Tapline’’, qui amène le pétrole de l’Arabie
Saoudite. Un essor de l’urbanisation est remarqué. On construit la
rue Riad El Solh qui devient le nouveau centre commercial de la ville.
On construit l’hôtel Sidon et le stade municipal au nord de la ville.
Suivant cela les quartiers résidentiels commencent à se former dans
les circonscriptions de Dekerman et Wastani.
En 1956 un séisme survient. Un tremblement de terre détruit une
grande quantité d’appartements dans l’Ancienne Ville de Saïda et
plusieurs bâtiments sont endommagés (tableau 1, image 18 et 19).
Le gouvernement établit l’Office de Reconstruction pour donner des
habitations aux sinistrés et construit 1253 appartements dans
certaines zones de Saïda et Mieh & Mieh.
Workshop_atelier/terrain Saïda 2005
Saïda sera par la suite touchée par l’invasion israélienne du Sud du
Liban en 1978 et par l’invasion de Saïda en 1982, occupation qui a
duré jusqu’en 1985. Cette invasion a produit beaucoup de ravage sur
la ville : une foules d’innocents sont morts, plusieurs habitations ont
été démolies ainsi que nombre de bâtiments historiques et
archéologiques. Suite à cette occupation, des dégâts seront causés
dans plusieurs établissements gouvernementaux et bâtiments privés
(image 18 et 20).
Ceci a résulté, de manière générale, en la démolition de la Façade
Maritime de l’Ancienne Ville, la démolition totale de la plupart des
établissements de la ville, dont le palais Municipal, la destruction et
fracturation des bâtiments d’habitation. En somme, les réseaux
électriques, aqueduc et autres se sont trouvés paralysés et on mené
la ville de Saïda vers l’isolation et à la séparation du reste du pays.
L’économie a connu une baisse importante et on remarque un réel
ralentissement de ses activités.
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Saïda : Histoire et Société
Image 19 – Bâtiment endommagé par le séisme de 1956.
Source : Bibliographie 3
Image 18 – Plan des principales zones de Saïda touchées par le séisme de
1956 et la guerre de 1982 dans l’Ancienne Ville.
Fait par : David Rodier, Source : Bibliographie 3
Workshop_atelier/terrain Saïda 2005
Image 20 – Écoles Officielles détruites par la guerre de 1982.
Source : Bibliographie 3
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Saïda : Histoire et Société
Suivant la guerre, la ville bénéficie de l’aide de la fondation créée par
le Président Rafic Hariri, qui réussit à canaliser de grandes sommes
d’argent pour la reconstruction. Le support financier de Hariri
permettra de procéder à la restauration des établissements
endommagés, à l’accomplissement des réseaux routiers, à la
réhabilitation des réseaux d’eau, téléphone, électricité et égout, à
l’alignement et à l’aménagement des cours d’eau qui traversent la
ville et à l’exécution des halles pour la vente en gros des légumes.
Grâce à la participation de la Fondation Hariri, de nombreux postes
de travail dans différents domaines ont été créés. La ville évolue
dans les domaines de reconstruction et développement, alors que
les autres régions libanaises sont en état de paralysie. On doit aussi
noter la participation d’autres entreprises prospères, comme la
famille Audi, qui commandite aussi la restauration des souks.
À travers le laps de temps qui s’écoule entre la fin des événements
et maintenant, on voit la construction de quelques écoles officielles et
on met sur pied un nouvel abattoir. Le Nouveau cimetière Islamique
de Saïda voit le jour dans la circonscription foncière de Darb Es Sim.
On construit le nouveau stade municipal de Saïda, on procède à
l’exécution du boulevard maritime, du nouvel hôpital gouvernemental
et du nouveau palais de justice.
Malgré toutes les épreuves à travers lesquelles la ville a dû passer
durant le 20e siècle, plusieurs des monuments historiques sont
toujours debout (image 21). Certains ont été réparés et d’autres en
cours d’être rétablis. Ces derniers sont l’image de la médina dont
l’image se forme à travers les vestiges et les marques de son passé.
Image 21 – Plan de l’Ancienne Ville de Saïda en 2000.
Fait par : David Rodier, Source : Bibliographie 3
Workshop_atelier/terrain Saïda 2005
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Saïda : Histoire et Société
Saïda, une médina
Le processus de développement spontané interne du tissu a amené
une modification progressive du système bâti. On explique le
système bâti actuel de la ville comme résultat, à la fois, d’une
évolution et de choix délibérés dès le départ.
Avec les portraits qui nous viennent des Orientalistes, Sidon est
ressentie à travers la solidité de ses constructions. Les agressions
des étrangers ainsi que les différents tremblements de terre auxquels
la ville a dû faire face ont forgé ce visage et nous ont laissé de
multiples monuments.
«Les grandes civilisations – phénicienne, perse, grecque, romaine –
qui ont marqué l’histoire de Saïda avaient toutes noté la position géostratégique de la cité, en bordure de la méditerranée. Le commerce,
la culture, les techniques et les religions, introduits dans la cité, en
grande partie grâce à sa marine et au talent de ses navigateurs
marchands, ont contribué à modifier le territoire et le marquer de
nombreuses infrastructures –ports, enceintes, temples, nécropoles,
et axes urbains.» Talal Majzoub
Saïda possède maintenant une population de 125 000 habitants. La
ville est appréciée pour la qualité de ses souks dont le trait caractéristique est la grande densité d’interactions humaines se trouvant
dans un espace restreint. Les commerçants et les habitants qui
partagent des liens d’amitié dans un endroit où il n’y a pas de
différence entre espace ‘soukier’ et espace résidentiel. On retrouve
donc des souks partout à l’intérieur de l’Ancienne ville, même s’ils se
retrouvent principalement autour de l’axe commercial nord-sud
traditionnel.
Il est cependant à noter que les espaces restreints de l’ancienne ville
sont une situation jugée négative par certains jeunes qui grandissent
dans la médina. Le manque de lieux pour jouer et l’aspect néfaste
amené par l’accumulation des déchets dans les zones commerciales
sont des éléments majeurs qui font parti de la vision de l’Ancienne
Ville qu’ont les jeunes.
Workshop_atelier/terrain Saïda 2005
Les monuments de Saïda ont généralement une position, par rapport
au tissu urbain, qui leur confère une identité propre, une conception
d’une culture de la ville à dominance arabe et des valeurs d’intériorité
qui favorisent leur inclusion.
Aussi importante qu’ait été l’influence des civilisations antiques, le
mythisme de Saïda s’est réellement formé autour de son cadre
naturel, typiquement méditerranéen. Sidon semble puiser son
essence chez une force divine que l’on retrouve dans ses plantations
d’agrumes, ses jardins et ses rivières.
«Une medina est en effet la mémoire d’une longue histoire, le lieu où
vivent des prédicateurs écoutés.» Éric Bachy
Image 22 – Jeunes Libanaises
Source : Médiagraphie 5
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Saïda : Histoire et Société
Bibliographie
Médiagraphie
1. ETTAYEB, Tewfik, A. CHAHINE, Richard, CHAHINE
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du Monde vol 3, Paris.
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Syrie-Israël, N° 124 - Janvier 2000.
2. JENKINS, Siona, JOUSIFFE, Ann, 2001, Lonely planet :
Lebanon, Lonely Planet Publications Pty Ltd, Victoria,
Australie, 264 p.
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Lundi 13 avril 2004.
3. http://ourworld.compuserve.com, Le Liban en photos.
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UNESCO, 2003.
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7. ROBERTS, David, 1990, Terre Sainte, CELIV, France, 72p.
8. VALLAUD, Pierre, 1997, Au Liban, Hachette Tourisme,
Paris, 192p.
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