écrit et réalisé par Jason Girard. ORACI
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écrit et réalisé par Jason Girard. ORACI
ORACI écrit et réalisé par Jason Girard. ORACI-ICARO Analyse filmique Oraci est un film émouvant. Il témoigne du mal-être d'un homme à Buenos Aires. Ce jeune homme rêve de fuir l'enfermement de cette ville-labyrinthe où l'être humain se noie dans la foule. Comment ne pas être perdu à Buenos Aires ? Cette ville avec son plan quadrillé en cuadras est difficile à arpenter. Ainsi, Jason Girard par la métaphore d'une animation photographique de rues se succédant avec un effet répétitif dans la prise de vue et par un enchainement saccadé met en exergue le sentiment de perte identitaire. Ces rues se succèdent sans fin et engloutissent l'être humain. Son personnage, Oraci en haut de son immeuble se réfugie animé par le rêve de s'enfuir en volant dans le microcosme de son atelier à l'air libre où il n'échappe pas encore au macrocosme de Buenos Aires. Il se construit des ailes tout comme Icare, il ne parviendra pas à s'échapper. La chute d'Oraci n'est pas moins tragique ; indéniablement il recommence et nourrit le rêve de s'évader de cette ville tentaculaire. Cette réadaptation contemporaine du mythe d'Icare devient une œuvre à part entière originale par son dépassement du mythe dans un traitement contemporain et une vision métaphysique avec les questions existentielles sous-jacentes. Il est question de liberté, de l'absurdité et du manque de sens dans la banalité de la vie quotidienne. Le traitement sonore et la musique dirigés par le réalisateur contribuent à l'intensité et sont en adéquation avec l'image d'une nature dévastée par l'homme. En effet, Oraci est échoué dans ses eaux polluées sur des gravats et sur des déchets brassés et délaissés par l'océan sur le rivage. Ce bras de mer et ces marécages à côté du quartier d'affaires de Porto Madero est d'un contraste saisissant. Buenos Aires est une ville où le fossé est immense entre les riches et les pauvres ; et cela ressort de manière flagrante dans l'architecture et au quotidien. La beauté de la musique et des images permet de tempérer cette réalité et fait naître de l'espoir. Oraci, notre héros lui aussi croit que l'herbe est plus verte ailleurs et ainsi il rêve de franchir l'Atlantique comme de nombreux jeunes gens de sa génération. La musique est à la hauteur du propos et par son éloquence et son lyrisme, elle apporte une note poétique à cette histoire qui est un cercle sans fin. Le héros marque d'un trait chaque saut. Combien d'échecs, combien de tentatives vaines? Mais la liberté est un combat auquel Oraci ne peut renoncer. Du début à la fin, nous suivons le héros, nous sommes au plus près de ses émotions et la voix off s'ajoutant nous comprenons sa quête de liberté. La statue d'Icare revient incessamment par une mise en scène onirique dans le traitement de la photo du film. Le traitement porté aux arbres et aux bruits de nature va dans ce sens. Les mouvements de caméra sur les branches circulaires présentent avec onirisme une nature symbolique du passage. Les ailes de la statue d'Icare sont animées par la mise en scène photographique et nourrit une symbolique forte. Elles s'ouvrent et se referment dans un traitement onirique par la colorimétrie et contribuent à la symbolique du passage à deux reprises. Les couleurs depuis la scène du saut du héros nous font rêver et le spectateur se met à croire à l'envol d'Oraci. Les symboles sont très forts dans ce film et permettent d'entrer dans la psychologie du héros. Une autre question est celle de la mémoire. Oraci ne retrouve son atelier perché au sommet d'un immeuble terrasse que par l'intermédiaire d'une petite carte où est mentionné « fly with me ». Pari réussi pour ce court-métrage de réveiller les émotions et les rêves de liberté au sein de chaque spectateur. Seule la fiction peut dépasser la réalité et le cinéma est l'outil qui permet de transcender la difficulté d'être à Buenos Aires le temps de ce film. Jason Girard est fidèle dans son interprétation du mythe d'Icare à cette tragédie grecque, mais il a su s'en défaire pour dépeindre Buenos Aires sans voile. Ce film est engagé dans le sens où il pose des questions primordiales sur la fracture sociale et économique, sans oublier la quête de sens et de liberté qui anime Oraci. Ce film est un bel engagement d'homme libre. Brigitte Barreteau