2015_02_03 GreMag Pollution Air grenoblois

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2015_02_03 GreMag Pollution Air grenoblois
Gre.mag Le Webzine de la ville de Grenoble 3/2/2015
Pollution : le vrai et le faux
Rares sont les lieux en France où le point de vue sur le nuage de pollution est aussi spectaculaire qu’à
Grenoble… L’image colle à la ville, mais cette réputation de mauvaise élève en matière de qualité de l’air
est-elle confirmée par les scientifiques ?
D’après les chiffres disponibles les plus récents,
en 2013, l’agglomération a dépassé le seuil de
concentration de particules de poussière en
suspension, d’un diamètre inférieur à 10
microns appelées « PM10 », 45 jours durant..
Soit un jour sur huit en moyenne, et un jour sur
trois en hiver, où les épisodes de pollution sont
plus longs et plus fréquents.
L’impact est considérable sur la population :
les services régionaux d’épidémiologie
évaluent à 67 par an les décès anticipés liés à
des pics de pollution sur le bassin grenoblois
et à 155 par an ceux liés à la pollution
habituelle, dite « de fond ». Car toute
exposition aux particules fines est
dangereuse. À bout de souffle, la cuvette ?
Le cas grenoblois n’est pas unique
La ville fait partie des seize grandes villes françaises – loin derrière Paris, Annecy, Lyon ou encore
Marseille – à ne pas respecter les seuils limites fixés par les directives européennes pour les deux polluants
considérés comme les plus critiques, les particules fines (PM10) et le dioxyde d’azote. Ces dépassements
récurrents des normes de qualité de l’air valent aujourd’hui à la France d’être poursuivie devant la Cour de
Justice Européenne pour manquement aux règles.
Qu’en est-il concrètement de l’état de l’air dans la capitale des Alpes ? « La situation à Grenoble est
sensible, avec des conditions de dispersion difficiles liées à son encaissement (voir encadré ci-dessous).
Pour autant, la ville n’est pas particulièrement polluée. Elle est là où on l’attend compte tenu de sa taille et
de sa population. Il n’y a pas d’effet “Grenoble” » insiste Camille Rieux, chef de projet à Air-Rhône Alpes,
l’association régionale chargée par le ministère de l’Environnement de la qualité de l’air et liée aux
scientifiques locaux dans de nombreux projets.
Plus encourageant encore : les mesures réalisées attestent même d’une amélioration globale ces dernières
années, en particulier sur les traceurs de la pollution industrielle (dioxyde de soufre et benzène). « Il n’y a
donc pas de fatalité : il est possible d’agir ! » souligne l’expert.
D’où vient cette pollution ?
À Grenoble, les sources varient selon les saisons. S’agissant du dioxyde d’azote, elles sont liées à 64 % aux
transports (particules diesel, usure des pièces mécaniques et des pneumatiques) et à 21 % à l’industrie
(incinération, carrières, cimenteries…). Pour ce qui est des particules fines, les principaux responsables sont
à 51 % le chauffage domestique au bois (une part qui peut augmenter à 70 % en hiver), à 20 % les
déplacements et à 17 % l’industrie.
La ville n’est pas uniformément touchée : « Grenoble n’est pas un bloc monolithique très pollué. On observe
des points noirs dans le cœur de l’agglomération, le long des grands boulevards et des axes autoroutiers,
mais d’autres secteurs sont préservés » explique-t-on à Air Rhône-Alpes. Dernier élément d’importance,
toutes les concentrations de polluants recensées ne sont pas issues de l’agglomération elle-même, loin s’en
faut : plus du tiers des particules fines proviennent de l’extérieur de la région grenobloise.
Y a-t-il un effet cuvette ?
La réponse de Chantal Staquet et Eletta Negretti, spécialistes de la dynamique des fluides au LEGI
(Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels de Grenoble).
« Oui. En raison de son encaissement, comme d’autres vallées alpines, Grenoble connaît une inversion des
températures qui constitue un facteur aggravant de la pollution atmosphère par beau temps stable en hiver.
Dès la nuit tombée, les pentes de la montagne n’étant plus chauffées par le soleil, l’air en contact avec le sol
se refroidit et, plus lourd, se met à couler jusqu’à Grenoble en créant une piscine d’air froide. Ce phénomène
agit comme un bouchon, qui piège les particules en fond de vallée et forme alors le fameux nuage bien
connu des habitants, avec des zones de stagnation accrue sur les contreforts de la Chartreuse et dans le sud
de l’agglomération.
C’est pour cette raison qu’il ne faut absolument pas construire un tunnel sous la Bastille ! En été, la pollution
est différente, liée à l’excès d’ozone généré par les fortes températures excédant les 30°C. »
Grenoble n'est pas uniformément touchée par la pollution
Certaines zones de l’agglomération sont plus touchées que d’autres par la pollution de l’air. En rouge, celles
qui atteignent des seuils critiques tels que les axes autoroutiers.
Les stations de mesure
3. C’est le nombre de stations de mesures installées au sein de
l’agglomération grenobloise pour analyser et surveiller en continu la
concentration en polluants atmosphériques –en particulier les
particules fines en suspension (PM 10) et le dioxyde d’azote.
Deux sont situées à proximité des grands axes routiers –Rondeau et
Grands Boulevards-, la troisième est implantée à l’écart des voies de
circulation, au parc de la Villeneuve.
Les solutions possibles
Aujourd’hui, la réflexion est menée à l’échelle de l’agglomération, en collaboration avec l’Etat, la Métro et
le SMTC, pour une pluralité de solutions. Tout en sachant que, concernant les particules fines, une
modification des comportements (individuels et industriels) permet d’obtenir des résultats rapides.
• Créer une zone interdisant l’accès de la ville aux véhicules les plus polluants (diesel avant 2005,
essence avant 1997)
C’est le cas à Tokyo – qui a pu ainsi diviser par deux les concentrations de particule-, à Berlin et à Turin,
mais nulle part encore en France. La nouvelle loi sur la transition énergétique prévoit la mise en place de
zones à circulation restreinte pour les communes volontaires pendant les pics de pollution pour 3 ans
renouvelables.
Les plus : c’est la seule solution qui permettrait à Grenoble de revenir en-dessous des normes européennes
en matière de pollution aux particules fines. Les moins : le dispositif peut s’avérer discriminant socialement
puisqu’il favorise principalement les voitures neuves.
• Instaurer une circulation alternée
Elle permet en cas de dépassement de seuil réglementaire, de laisser circuler un jour, les plaques paires,
l’autre, les plaques impaires. Elle nécessite aussi la gratuité des transports en commun.
Les plus : une mesure qui concerne tous les propriétaires de véhicules. Les moins : une telle mesure ne peut
être instaurée selon l’arrêté inter-préfectoral de décembre 2014 qu’au bout de 5 jours d’une concentration
supérieure à 80 µg/m3 –un niveau jamais atteint à Grenoble. En outre l’impact en matière de réduction de
pollution est moindre qu’une zone à trafic limité.
• Troquer la voiture en solo contre de nouvelles pratiques de mobilité
Plusieurs actions sont engagées par la ville de Grenoble et ses partenaires (Métro, SMTC) en ce sens :
développement de l’offre transports en commun à la rentrée scolaire 2014, objectif de triplement de la part
modale du vélo dans l’agglo d’ici à 2020, soutien du co-voiturage, tarification sociale pour accéder à la
location de vélos et à l’auto-partage (Citélib’), subventions pour l’achat d’un vélo électrique…
Un fonds d’aide au changement des comportements de mobilité a été notamment mis en place par la Métro.
L’option transport câble à la jonction des lignes de tramway E/A/B à Sassenage est également en réflexion
du côté des élus.
Les plus : des effets progressifs. Les moins : un faible impact sur les émissions à court terme.
• Limiter la vitesse de 110 ou 90 à 70km/h
Sur la rocade en particulier, responsable de 15 % de l’exposition de la population.
Les plus : un effet positif sur les émissions de véhicules particuliers, bénéfique sur la fluidité du trafic, et
donc à même d’induire une diminution sensible des émissions. Les moins : une augmentation des émissions
de PM10 ou dioxyde d’azote chez les poids lourds et au total un gain potentiel faible sur les émissions même
s’il est réel.
• Développer d’autres modes de livraison urbaine
En utilisant des véhicules utilitaires non polluants, comme des véhicules électriques, ou les transports en
commun.
• Optimiser la 2ème source d’émissions qu’est le chauffage
Dans le cadre du plan air climat de la Métro, des études et actions sont engagées sur le brûlage des déchets
verts et l’utilisation des installations de chauffage au bois individuelles non performantes. Il existe
notamment des aides pour remplacer les équipements peu performants (du type foyers ouverts) auprès de
l’Agence locale de l’énergie et du climat . Côté chauffage intercommunal, alors que plus de 50 % de
l’énergie diffusée provient déjà de combustibles peu émissifs (gaz…), l’objectif est réduire encore le recours
aux traditionnels fioul et charbon.
• Limiter dans l’aménagement de la ville l’exposition de la population
C’est une question dont on parlait peu jusqu’à présent en matière de lutte contre la pollution. Les mesures
d’urbanisme (SCoT, PLU) sont également des leviers importants pour réduire l’exposition des populations,
en particulier éviter l’implantation des établissements sensibles (crèches, école, hôpitaux,…) le long des
axes routiers avec un trafic élevé, étudier la configuration des bâtiments pour les prises d’air…
Des cartes stratégiques de la qualité de l’air recensant les points critiques environnementaux à travers la ville
sont en cours d’élaboration. A titre individuel, elles pourront permettre à chacun de choisir des itinéraires
peu exposés pour circuler en vélo ou à pied à travers la ville.
Où s’informer ?
Sur le site d’Air Rhône-Alpes : au sein du module « Quel air dans ma commune ? », sont accessibles la carte
quotidienne de prévision de la qualité de l’air à Grenoble, le niveau d’indice Atmo (indice de la qualité de
l’air) correspondant et l’état d’activation du dispositif préfectoral en cas d’épisode de pollution. Pour ceux
qui veulent aller plus loin encore, un accès aux données brutes, acquises au niveau des sept stations
implantées à travers la ville, y est également possible.
Les dispositifs en vigueur
• Au niveau inter-départemental
Arrêté inter-préfectoral sur les pics de pollution : en date de décembre 2014, c’est lui qui règle la gestion des
épisodes de pollution.
• Au niveau de l’agglo
Le Plan air climat : un dispositif initié par l’Etat, mais dont la mise en œuvre en termes de moyens et
d’actions est assuré par la Métro. Acté en 23 mars 2012, il affiche des objectifs de réduction des émissions
de particules fines (PM10) et d’oxydes d’azote (NOx) en référence au niveau de 2005 et à horizon 2014 et
2020 : respectivement -24 % puis -40 % pour les particules et -47 et -65 % pour les oxydes d’azote.
Le volet Air du Plan Air Climat porte sur le projet biomasse et qualité de l’air « BIOMQA » qui a pour
objectif de réduire les émissions dues au chauffage individuel au bois non performant et au brûlage des
déchets verts.
Et le Plan de déplacements urbains (PDU) : porté par le SMTC, ce document qui vise à planifier
l’organisation de tous les modes de déplacements à court et moyen terme sur un territoire donné. Sa révision
est en cours pour une adoption fin 2015.
• Au niveau de la Ville
Le PLU, etc. L’intervention municipale a lieu à plusieurs niveaux : mobilité, exposition de la population
(état initial de l’environnement du Plan local d’urbanisme en cours de rédaction), communication sur la
qualité de l’air et les changements de comportement.
Pour mémoire, d’autres démarches sont engagées sur la qualité de l’air aux échelles régionale (Schéma
Régional Climat Air Energie-RCAE Rhône-Alpes) et nationale (plan d’urgence du 6 février 2013) issu du
Comité Interministériel pour la Qualité de l’Air.
L'effet tram
-44%. C’est la réduction du nombre de riverains de la ligne du tramway C reliant Seyssins à St-Martin
d’Hères exposés à un dépassement du seuil réglementaire pour les particules fines (PM10) depuis la mise en
service de la ligne et des aménagements associés (refonte du plan de circulation).
Ce chiffre s’élève à -23 % s’agissant de l’exposition au seuil réglementaire de concentration en dioxyde
d’azote. (étude 2011 Air Rhône-Alpes , 2013)