Van Gogh - Compagnie Les 3 sentiers

Transcription

Van Gogh - Compagnie Les 3 sentiers
Van Gogh
le suicidé de la
société
Antonin Artaud
« Depuis Van Gogh, nous sommes tous des autodidactes »
Picasso
LE CONCEPT
Au dernier jour de sa vie, Kurt Cobain, la star du grunge, est dans la véranda
de sa maison. Il erre entre sa guitare électrique et les livres qui l’entourent.
Indécis, désespéré, il casse tout ce qu’il a à porté de main scande, déclame et
hurle en dernier recours ce texte qui le hante comme une nécessité, et brûle
chaque page comme on brûle ses propres ailes. Rappelons que jusqu’en
Amérique, Artaud n’a pas laissé indifférents les poètes et les acteurs de la
trempe de Jim Jarmush ou de Johnny Deep, d’où cette transposition
allégorique, qui nous mène chez Kurt Cobain, une heure et demi avant son
propre suicide. Kurt lui-même se projette, par les procédés de la 3D, et se
transporte dans la chambre de Van Gogh, puis dans son champs de blé.
Le spectacle peut prendre l’apparence d’une conférence, mais qui dégénère à
l’image des chansons de la rock star, emblème de toute une génération
sacrifiée, qui déclarait: "j'aime rêver qu'un jour la jeunesse de ce monde
connaîtra un sentiment de Solidarité Générationnelle." N'en est-il pas plus que
temps ?
Entre les 900 toiles du peintre qui défilent en fond de scène, les paroles sur la
peinture attaquant les institutions, et les musiques grunges qui ponctuent ce
drame intense, Kurt se prend au jeu et finit dans une apothéose par un suicide
à la chevrotine. Certaines lettres de Van Gogh à son frère Théo ainsi que
certains textes de Mr Cobain sont rendus au public comme le témoignage de
la plus abasourdissante authenticité.
« ...et je crois qu'il y a toujours quelqu'un à la minute de la mort extrème pour
vous dépouiller de votre propre vie. Mais dans le cas de suicide, il faut une
armée de mauvais êtres pour décider le corps au geste contre-nature de se
priver de sa propre vie »
Ainsi, plusieurs coups de feu seront tirés sur l’acteur qui se retrouve à la fin
comme un vrai St Sébastien, si transpercé, par chaque fois un autre ou son
double qui entre armé dans la serre, la chambre ou le champs et le tue, qu'il
se suicide enfin, et "nous nous sommes enfin suicidés, car ne sommes-nous
pas tous comme le pauvre Van Gogh lui-même des suicidés de la société."
NOTE DE MISE EN SCÈNE
La seule note d'intention valable ici et la seule motivation qui nous anime est
de parler des suicidés géniaux que l'exemplaire hypocrisie de notre société
refoule avant de les ressortir à leur mort, "enfin lancés à neuf dans l'actualité
courante, réintroduits dans la circulation."
Sur le plateau : une table de conférencier, une chaise, un billot de bois, des
clous, un marteau, des bougies, un chapeau de paille, un cadre vide, des tubes
de peinture, un fusil, une guitare électrique, un ampli.
A la question « qui parle ?, est-ce Artaud ou l’acteur Thibault Lacroix ? » nous
avons pensé à une troisième alternative plus mordante : l’acteur est
l’incarnation du chanteur grunge Kurt Cobain, qui découvre Van Gogh à
travers le texte d’Artaud, qu’il se récite et se vit comme une inquiétante
litanie « à qui aura l’oreille assez ouverte pour entendre la levée de ses
mascarets. »
Thème cher à Artaud: se prendre pour quelqu'un d'autre, "oser enfin risquer
le péché de l'autre." Ne signait-il pas lui-même Antonin Nalpas ou Jésus
Christ.
Nous nous sommes rendu compte qu’à 150 ans de distance, ces trois
personnalités ont essayé, au péril de leur vie, l’exploit "d'émettre
d'insupportables vérités" à la face de notre société qui ne leur a pardonné
qu’à leur mort leur indépendance, leur lucidité, leur « faculté de divination »
et leur refus de coopérer « à certaines hautes saletés sociales officiellement
reconnues et recommandées ».
L’AUTEUR
Né à Marseille en 1896, Antonin Artaud est un incomparable génie qui de luimême se place sur la lignée d’Hölderlin, de Nietzsche et de Van Gogh, de ceux
qui ont osé aller jusqu’au terme de la pensée et qui se tiennent dans la
« marge » de toute culture, lieu privilégié de la création contemporaine. Après
avoir écrit le théâtre et son double, livre incontournable des metteurs en
scènes, il proclama obstinément son refus de « faire de l’art », son choix de la
vie contre la culture. Après un voyage au Mexique où il défend la culture
indienne contre les agressions du mauvais esprit et l’iniquité des colons, il
tente, en thaumaturge inspiré, de rapporter en Irlande la canne dite de St
Patrique, se fait arrêté et jeté à l’asile. En janvier 1947, après neuf ans
d’internement qui lui font découvrir le supplice moderne des foudroiements
répétés et traumatiques de l’électrochoc, Artaud se rend à l’exposition Van
Gogh au palais de l’Orangerie. À l’entrée, il tombe sur le diagnostique médical
et clinique du docteur Beer qui qualifie le peintre de « déséquilibré à
l’hérédité chargée, sujet à des troubles névropathiques divers… » Il lit cet
article et dans une sorte de fureur inspirée rédige en deux semaines Van
Gogh, le suicidé de la société., réponse incendiaire à ces discours
psychiatriques dont il fut lui-même si souvent la victime. Artaud est retrouvé
mort le 4 Mars 1948, au pied de son lit, d’une surdose de laudanum.
DE QUI PARLE-T-ON ? VINCENT WILLEM VAN GOGH.
Né en Hollande en 1853, sa vie, tragique et brève, se concentre, après une
expérience pastorale au milieu des mineurs du Borinage, dans son fulgurant
itinéraire pictural. Préoccupé par le problème de la couleur, Van Gogh vient à
Paris découvrir les impressionnistes, ainsi que Toulouse-Lautrec et Gauguin.
Se considérant comme un « raté », il prend l’habitude d’écrire et de se confier
à son frère Théo dans une correspondance de plus en plus lucide et grave.
Amoureux de leur cousine Kate, il se brûle un soir la main droite en réclamant
au père de celle-ci le droit de la voir autant de temps qu’il sera capable de
tenir sa main sur la flamme d’un bougeoir. Il prendra finalement sous sa
protection une prostituée et son enfant. En Provence il se laisse emporter par
l’éblouissement des jaunes solaires, par l’éclat bleu du ciel et de la nuit. Il
peint avec une énergie et une tension qui le laissent désemparé lorsqu’une
tentative de vie et de travail communs avec Gauguin s’achève par une grave
altercation : il se mutile l’oreille gauche, puis se laisse hospitaliser à St-Rémyde-Provence. Son style acquiert alors une véhémence qui emporte dans un
même mouvement et une même torsion champs, ciels, oliviers et cyprès,
tandis qu’ocres et gris viennent assourdir sa palette. En 1890, à Auvers-surOise auprès du docteur Gachet, le peintre retrouve une certaine confiance,
reprenant thèmes ruraux, vues de villages et portraits, mais le désespoir et la
solitude exprimés dans une dernière toile, le champs de blé aux corbeaux, le
minent : Van Gogh se tire une balle dans le ventre, et se rate. À la détonation
du coup de feu, les corbeaux noirs de la pleine jaillissent au-dessus des blés ;
à l’agonie, il les peint en forme de V et de W, comme les initiales de son nom,
ultime signature de ce génie. Il meurt deux jours plus tard. On retrouve sur lui
une dernière lettre à son frère, tachée de peinture et de sang.
QUI PARLE ? KURT COBAIN
Kurt Cobain nait le 20 fevrier 1967 à Hoquiam dans le nord de l’état de
Washington, dans une famille plutôt modeste mais heureuse. La famille
s’installe à Aberdeen, une bourgade de bûcherons au nord de l’état où il pleut
toute l’année et qui possède le taux de suicide le plus élevé du pays. À 8 ans,
après le divorce de ses parents, kurt se renferme sur lui-même et devient
l’objet des moqueries de son école, qui le considère comme un dément. Il
écrira : « je me sentais si différent et fou qu’on me laissait dans mon coin. Ca
ne m’aurait pas surpris si on m’avait élu la personne capable d’assassiner le
plus facilement tout le monde à un bal de fin d’année. » En effet, Cobain
s’intéresse peu aux passions locales, comme le foot, et essaye toujours de
rencontrer quelqu’un qui aime l’art ou la musique… Kurt atterrit finalement
chez son oncle Chuck, musicien lui-même, et qui va l’initier en lui offrant sa
première guitare pour son quatorzième anniversaire. L’arrivée de punks dans
la bourgade va le changer. Il fonde le groupe Fecal Matter qui deviendra plus
tard Nirvana. En attendant il tague les voitures d’Aberdeen du célèbre « God
is Gay » qui choque la populace et lui vaut de nombreux démêlés avec la
justice et la police. Avec la sortie de Nevermind en 1991, Nirvana connaît un
succès fulgurant : Kurt est propulsé au rang de rockstar internationale.
Symbole du grunge, idole de millions de jeunes, il en devient stressé et pour
pallier les maux d’estomac que cela lui cause, se met à consommer en grande
quantité d’héroïne. C’est dans ce contexte qu’il rencontre la sulfureuse
Courtney Love. Kurt enchaîne les concerts mais dépérit à vue d’œil. En mars
1994, il fait une overdose dont certains diront qu’il s’agissait d’une tentative
de suicide. Admis en cure de désintoxication, il escalade le mur de la clinique
le 1er avril et prend l’avion pour Seattle. Le 8 avril son corps est découvert
dans la serre de sa maison, une balle dans la tête, un fusil sur la poitrine, un
nécessaire de toxicomane et une lettre de suicide à côté. Kurt est décédé
depuis 3 jours. Il avait 27ans. Gus Van Sant lui rendra hommage quelques
années après avec son film Last days.
LE METTEUR EN SCÈNE
Erwan Daouphars est formé à l’ENSATT où il apprend son métier de comédien
avec Redjep Mitrovitsa et Aurélien Recoing. Il étudie également auprès de
Niels Arestrup, Jean Marc Montel et Xavier Duringer. Il travaille d’abord avec
les metteurs en scène de sa promotion tels que Thierry Lavat ou Quentin
Baillot puis avec Messieurs Jacques Weber, Claude Brasseur, Marcel Bluwal,
Hans Peter Clos, Benoît Lavigne, Christophe Lidon, Jean Christian Grinevald,
Joël Dragutin, Patrick Verschuren… Il assiste Jacques Weber sur le « vieux juif
blonde » d’Amanda Strers. En 2007, il met en scène et coécrit « Imagine-toi »
avec Julien Cottereau qui obtient le Molière de la révélation théâtrale.
Passionné de musique, il se lie d’amitié avec des musiciens et des auteurs
compositeurs dont Vincent Malgrange qui l’accompagne au violoncelle sur le
colloque sentimental, montage et spectacle musical à partir des textes de Paul
Verlaine.
L’ACTEUR
Après une formation de gymnaste professionnel, Thibault Lacroix entre à
l’École du Théâtre National de Chaillot où Jean Christian Grinevald le met en
scène dans Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac, qu’il jouera à
Avignon et au GUITIS, à Moscou. Il entre en 1997 au CNSAD où il travaille
avec Jacques Lassalle, Dominique Valadié, Philippe Adrien et le metteur en
scène russe Piotr Fomenko. Sorti en 2000, il rencontre Jacques Weber qui le
fait jouer dans Cyrano de Bergerac puis dans Ondine. Il co-fonde la compagnie
des trois sentiers avec Lucie Berelowitsch qui le met en scène dans l’Histoire
du soldat et Verlaine et lui fait retrouver à Moscou Vladimir Pankov, metteur
en scène et leader du Pan-Quartet, pour une expérience unique autour du
Gars (Molodiets) de Marina Tsvétaiéva. Adorant la virulence du travail de
Vincent Macaigne, il persévère après Friche 22 66 dans Requiem 3 et
prochainement dans Idiot.
LA MOTIVATION
Est-ce moi qui travaille ce texte ou est-ce texte qui me travaille depuis tant
d’années ? Le lisant et relisant, je n’ai pas l’impression de l’avoir appris : il
m’est entré, s’est incrusté dans mon cœur et veut à présent ressortir par ma
bouche incendiée. Le transmettre, et me transporter dans cette chambre,
entrer sur le plateau comme on entre en transe pour en sortir en
transsudation translucide. Transpercé comme un vrai st Sebastien! Car la
morale de notre sainte Église catholique sous l’exemplaire hypocrisie de
laquelle toute notre société est fondée, refuse que l’on prie pour les suicidés.
N’est-il pas heureux que certains poètes rattrapent jusque dans les limbes de
la conscience générale les lacunes de cette prêtraille en carence d’empathie
saine? Ce texte qui peut s’avérer être une déclaration de guerre à toutes nos
institutions, n’est pas une déclaration de guerre, mais une simple restitution,
à Van Gogh, de ce que la société lui a ôté, ainsi qu’une mise au point
personnel avec les bandits que Artaud a rencontré dans les hôpitaux
modernes, ces psychiatres et médecins chefs jaloux et groupés aux judas des
portes de sa perception qu’il considère comme des sécateurs d’énergie dont
l'unique fonction est de vous empêcher d'avancer en vous tourmentant le
ciboulot. Hantants et grinçants comme autant de Judas groupés aux jalousies
d’une fenêtre ouverte sur les blés.
Je ne cherche pas à faire du prosélytisme en vous avouant que Van Gogh est
bien le peintre le plus étonnant qu'il m'ait été donné de voir et de lire. Mais
c'est lui rendre complètement justice que d'aller au bout de sa conscience.
C'est pourquoi cet objet théâtral griffe et tranche.
Ici, Kurt Cobain se prend pour Van Gogh autant que l'acteur en moi s'est pris,
non plus tout à fait pour Artaud, mais pour son texte. Au pied de la lettre, j'ai
reconnu, entendu et vu l'essor de ses Érinyes munies de fouets et portants des
torches qui se lèvent et se soulèvent dans ces mots pour propager leur
épidémie de "bonne santé" et de fièvre "bienveillante".
Le suicide est-il transmissible ? Dans la mort d’Artaud comme dans celle de
Van Gogh et de Kurt Cobain, il prend l’étrange et inquiétante tournure d’une
délivrance. Alors en quoi le monde dans lequel nous vivons incite-t-il et
pousse-t-il certaines sensibilités exacerbées à se livrer au geste contre-nature
de se priver de leur propre vie ? C’est ce à quoi Antonin Artaud essaye de
répondre à travers ces 50 pages d’une lucidité sauvage et surprenante.
Et cette trinité de peintre, poète, musicien ne serait-elle pas prise dans un
mouvement perpétuel, un éternel retour ? En ce qui concerne Vincent Van
Gogh et Antonin Artaud la tessiture de leur peinture et de leur écriture semble
se correspondre et se répondre à travers le temps. Mais en ce qui concerne
les causes de la présence et du suicide de Kurt Cobain, elles semblent
diamétralement opposées: quand Van Gogh et Artaud sont laissés aux bans de
la société, Cobain est au contraire propulsé en haut du star système et ne
trouve apparemment pas cela vivable non plus.
Ne seraient-ils pas tous les trois la même âme qui revient sans cesse bramer
au premier plan leur drame : la tragédie de leur volonté de clarté ?
C’est le fond du Ramayana de ne pas savoir de quoi l’âme est faîte, mais de
trouver qu’elle est et fut toujours faîte de quelque chose qui était avant, et je
ne sais pas si en français le mot rémanence existe, mais il traduit fort bien ce
que je veux dire, que l’âme est un suppôt, non un dépôt mais un suppôt, ce qui
toujours ce relève et se soulève de ce qui d’autrefois a voulu subsister, je
voudrais dire rémaner, demeurer pour réémaner, émaner en gardant son
reste, être le reste qui va remonter.
« Pourquoi les toiles de Van Gogh me donnent-elles ainsi l’impression d’être
vues comme de l’autre côté de la tombe d’un monde où ces soleils en fin de
compte auront été tout ce qui tourna et éclaira joyeusement ? Car n’est-ce pas
l’histoire entière de ce qu’on appela un jour l’âme qui vit et meurt dans ses
paysages convulsionnaires et dans ses fleurs ? » Artaud.
« Du moment que les gens n’y sont plus, on ne se souvient que de leurs bons
moments et bonnes qualités. Il s’agit pourtant surtout de chercher à les voir
pendant qu’ils y sont encore. Ce serait si simple et expliquerait si bien les
atrocités de la vie, qui maintenant nous étonnent et nous navrent tant. Si la
vie avait encore un second hémisphère, invisible il est vrai, mais où l’on
aborde en expirant. À ceux qui font cet intéressant et grave voyage nos
meilleurs vœux et nos meilleures sympathies. » Van Gogh.
Faire ce spectacle, c’est reconnaître que le plateau n’est pas une plateforme,
mais une possibilité de changement radical face à des mentalités paresseuses,
des habitudes morbides, des reflex de peur, des atavismes d'hypocrites… ne
plus servir le théâtre, mais s'en servir pour lui rendre, non pas sa fonction
bassement utilitaire d'éructations ou de divertissements, mais son accroche
avec le réel et le phénoménal, mais ses sensationnelles possibilités pensantes,
titillantes comme la tête chercheuse d'une ogive amoureuse de la vie et de la
liberté. Toucher au nerf de la guerre en se dépouillant de tout ce qui n’est pas
nécessaire à l'action directe, car nous sommes en guerre.
Il s'agit aussi de faire un tire-croisé entre le public et le privé. Théâtre
subventionné ou théâtre privé, public de droite ou de gauche... ce théâtre veut
retrouver ses sources, apolitiques et thaumaturgiques, convertir les partis
adverses, recréer un point de rencontre indépendant pour bien se pénétrer du
délire de la réalité.
Thibault Lacroix
LE PRIX DU SPECTACLE
Pour
Pour
Pour
Pour
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représentation : 2500 € / ht + transport + défraiements
représentations : 2000 € x 2 / ht + transport + défraiements
représentations :1800 € x 3 / ht + transport + defraiements
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Thibault Lacroix 06 03 15 96 01
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