Les trackers dans une gestion de portefeuille coeur/satellite
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Les trackers dans une gestion de portefeuille coeur/satellite
Les trackers dans une gestion de portefeuille coeur/satellite UNE APPROCHE ACTIVE DES TRACKERS Par Felix Goltz, ingénieur chargé de la recherche auprès du Risk and Asset Management Research Centre de l’EDHEC Nul ne le conteste, la décision d’allocation d’actifs – plutôt que la sélection de titres – constitue le principal déterminant de la performance d’un portefeuille. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’investisseur doit se contenter d’une exposition passive aux indices couvrant les différentes catégories d’actifs. En effet, une allocation active entre les diverses catégories d’actifs peut être une source importante de valeur ajoutée dans un portefeuille géré. Les trackers ou Exchange Traded Funds (ETF), fonds négociables en bourse qui reproduisent les performances d’indices actions et obligations , sont des outils parfaitsà pour mettre en place de telles décisions. LA GESTION COEUR- SATELLITE Pour le gérant d’un portefeuille, il existe deux moyens de générer une rentabilité supérieure au taux sans risque. Le premier consiste à accepter des facteurs de risque systématiques qui sont rémunérés (c’est ce que l’on appelle la rentabilité normale due aux “bêtas” du portefeuille) ; le second revient à créer une performance en sus de la juste rémunération des risques pris par le gérant. Cette rentabilité anormale (“alpha”) est nécessairement imputable au savoir-faire (ou au bonheur) avec lequel le gérant sélectionne des titres ou modifie son exposition aux facteurs de risque avec le temps. Dans sa forme traditionnelle, la gestion active, telle que la pratiquent la plupart des gérants de fonds, ne permet pas de distinguer clairement entre la gestion bêta et la gestion alpha. Par ailleurs, les gérants les plus actifs, soumis à des contraintes strictes en matière de ‘tracking error’, ont en grande partie une démarche passive. Un tel “mélange des genres” est non seulement coûteux et inefficace, mais il induit aussi une certaine confusion dans l’esprit de l’investisseur dans la mesure où ce dernier est exposé à un grand nombre de décisions implicites prises par le gérant de portefeuille. Certaines décisions de sélection de titres, par exemple, peuvent en fait se traduire par une exposition à un facteur de risque pour le portefeuille qui n’est pas cohérent avec la décision initiale d’allocation d’actifs du fonds. Un nouveau modèle est en train d’apparaître dans la gestion d’actifs avec l’approche cœur –satellite, fondé sur une distinction nette entre un portefeuille « cœur » à gestion passive et un ou plusieurs portefeuilles dits satellites bénéficiant d’une gestion très active. Comme le portefeuille central ou cœur reproduit fidèlement la performance du benchmark, le ‘tracking error’ provient uniquement du ou des portefeuille(s) satellite(s). Les investisseurs peuvent dès lors opter pour des satellites très actifs et continuer d’avoir un ‘tracking error’ relativement faible, puisque ces satellites ont une faible pondération dans le portefeuille global. La gestion séparée alpha et bêta au moyen de cette approche cœur - satellite offre les avantages suivants: i) une meilleure distinction entre les bons et les mauvais supports de performance ii) la diversification de la gestion grâce au portefeuille satellite iii) une plus grande transparence et un meilleur rapport coût-efficacité A cette approche cœur – satellite correspond une nouvelle segmentation de l’offre de gestion. On a ainsi, d’une part, des fournisseurs de produits pour le “cœur”, tels les trackers qui suivent d’ordinaire l’évolution d’un indice de marché et présentent dès 1/4 lors une exposition bêta à faible coût et, d’autre part, des fournisseurs de produits pour le satellite, tels les gérants spécialistes du ‘market timing’, de l’allocation tactique d’actifs ou de la sélection de titres, qui s’efforcent de générer de l’alpha. L’UTILISATION DES TRACKERS DANS LE PORTEFEUILLE « CŒUR » Telles les deux faces d’une même monnaie, la gestion cœur – satellite comporte deux aspects, dont le premier est, bien sûr, l’indexation. La gestion cœur – satellite repose sur l’idée de base suivante : le cœur passif détermine l’exposition bêta du portefeuille à faible coût tandis que l’adjonction de satellites à gestion active permet de générer une rentabilité anormale. Les investisseurs peuvent recourir à des trackers pour construire un portefeuille « cœur » diversifié. La réduction du risque d’un portefeuille passe par la diversification : des valeurs mobilières, des catégories d’actifs ou des secteurs ou encore des styles (growth, value, etc.). Or, pour une bonne diversification, il faut une faible corrélation entre les divers actifs du portefeuille ; les mouvements concomitants de portefeuilles représentatifs de certains secteurs industriels ou styles sont, à cet égard, éloquents. Par conséquent, il est de la plus haute importance pour les gérants de portefeuille de retenir l’approche qui offre les plus grands avantages en termes de diversification. On explique en grande partie la différence transversale entre les rentabilités attendues des actions par des facteurs de taille (ex : petite ou grande capitalisation) et de style (growth, value, etc.). Il est, par ailleurs, communément admis que le style est un facteur déterminant de la performance du portefeuille. A partir de ces constatations, des stratégies d’investissement basées sur des caractéristiques telles que la capitalisation boursière et le style (growth, value) ont été élaborées. La faible corrélation existant entre les valeurs de croissance (growth) et les valeurs décotées (value) ainsi qu’entre petites et grandes capitalisations a permis d’aboutir à une méthode de diversification des styles. Les rendements sur indices de divers secteurs industriels, moyennant une exposition différente au cycle conjoncturel et à un certain nombre de facteurs de risque, indiquent également un comportement contrasté. D’après une étude réalisée par Hamelink, Harasty et Hillion (2002), les avantages de la diversification sectorielle l’emportent sur la diversification par pays. Pour répondre à ce besoin de diversification des styles et secteurs, un grand nombre de trackers qui suivent un secteur, un style ou des indices pays ont été lancés ces dernières années, emboîtant le pas aux trackers sur indices boursiers larges. De tels produits permettent aux investisseurs d’affiner leur décision d’allocation stratégique d’actifs dans le cœur du portefeuille.. LES TRACKERS DANS LE(S) PORTEFEUILLE(S) SATELLITE(S) L’autre aspect de la distinction de la gestion alpha et bêta concerne, bien sûr, les portefeuilles satellites. Si la sélection des titres en direct reste la méthode favorite des gestionnaires pour créer de l’alpha, des trackers peuvent également être utilisés pour mettre en œuvre des stratégies de portefeuille actives. Selon un consensus qui se dégage à présent de la finance empirique, la rentabilité attendue des actifs est, dans une certaine mesure, prévisible. Ces conclusions peuvent être mises à profit pour améliorer les stratégies de portefeuille existantes d’après des estimations non conditionnelles. Il est largement admis que même un faible niveau de prévisibilité statistique peut avoir une importance économique. La recherche universitaire fournit des connaissances utiles sur le type de variables significatives du point de vue économique, susceptibles d’avoir un impact naturel sur la rentabilité des actions. Ces variables incluent, notamment, le niveau de la structure des échéances des taux d’intérêt, avec pour substitut les taux à court terme, et la pente de la structure des échéances des taux d’intérêt, avec pour substitut la 2/4 répartition des échéances ; les spreads de crédit et le rendement du dividende. Des modèles prédictifs peuvent alors être établis sur la base de ces variables, à l’aide des dernières techniques empruntées à la théorie économétrique linéaire ou non linéaire. Les stratégies d’allocation tactique des actifs consistent traditionnellement à répartir le capital entre deux catégories d’actifs et à arbitrer essentiellement entre les actions et les obligations. Plus récemment, les stratégies de timing entre des styles d’investissement différents ont été testées et mises en œuvre avec succès. Le concept d’allocation tactique des styles, qui consiste en une négociation dynamique dans divers styles d’investissement pour une catégorie d’actifs donnée, a été traité en particulier par Kao et Shumaker (1999) ainsi que par Amenc et al. (2003). Ces derniers démontrent, documents à l’appui, que l’allocation tactique des styles constitue une nouvelle forme de stratégie de portefeuille neutre à l’égard du marché. Ces décisions d’allocation systématiques sur les marchés actions en fonction des styles visent à générer un rendement absolu sur l’ensemble du cycle économique.. A l’aide d’une solide méthode de modélisation récursive multifactorielle, les auteurs trouvent des preuves manifestes de prévisibilité dans les différences de styles (valeur et taille), et montrent comment ces prévisions économétriques peuvent être utilisées pour générer des décisions d’allocation de ‘style timing’ systématique. Ces décisions d’allocation, mises en œuvre en négociant des Exchange Traded Funds sur des indices de style US, ont généré une rentabilité annuelle de 10.90% et une volatilité de 4.71% sur une période récente pour un levier cible égal à deux et une corrélation nulle avec un indice mondial actions. ALLOCATION DYNAMIQUE ENTRE LE PORTEFEUILLE « CŒUR » ET LE PORTEFEUILLE SATELLITE Le ‘tracking error’ associé au portefeuille satellite n’est pas nécessairement mauvais. C’est exactement la même chose que le bon et le mauvais cholestérol : il y a un “bon” tracking error, qui correspond à la surperformance d’un portefeuille par rapport à son benchmark et un “mauvais” tracking error, qui correspond à une sousperformance par rapport au benchmark. En limitant sérieusement les montants investis dans les stratégies actives du fait de contraintes strictes en termes de ‘tracking error’, les investisseurs se privent d’une opportunité de surperformance notable, surtout en phase de repli du marché. Amenc, Malaise et Martellini (2004) présentent une méthodologie permettant aux investisseurs de bénéficier pleinement du bon ‘tracking error’, tout en maintenant le niveau du mauvais ‘tracking error’ en deçà d’un seuil donné, grâce à un ajustement dynamique optimal des montants investis dans un portefeuille central passif composé de trackers par rapport à un portefeuille satellite actif composé de trackers.. Leur approche s’inscrit dans la droite ligne des techniques de garantie du portefeuille. Ainsi, de même qu’une garantie peut être offerte sur le niveau de performance absolu, avec une perte maximale limitée à 10% du montant initialement investi, l’investisseur peut se voir accorder une garantie sur le niveau de performance relatif, avec une sous-performance maximale par rapport à la référence. Cette sous-performance sera limitée disons à 10% du montant initialement investi. L’allocation dynamique s’établit entre un actif sans risque et un actif à risque, le risque se définissant par rapport à la référence (portefeuille coeur). Le capital est, dès lors, réparti entre le portefeuille coeur, qui reproduit exactement le benchmark, et le portefeuille satellite, qui présente un ‘tracking error’ par rapport au benchmark de référence. Cette version dynamique de l’approche coeur – satellite permet à un investisseur de modifier la distribution relative de la rentabilité et de transférer les pondérations de probabilité d’une sérieuse sous-performance relative en faveur d’un plus grand potentiel de surperformance. L’investisseur a ainsi la garantie que la sousperformance du portefeuille par rapport au benchmark ne dépassera pas un seuil donné, tout en bénéficiant pleinement de la rentabilité additionnelle pouvant être générée par le portefeuille actif. 3/4 CONCLUSION On a souvent prétendu que les trackers représentaient un véhicule d’investissement naturel pour la mise en œuvre de stratégies d’indexation passive. Or, comme nous l’avons montré dans cet article, les avantages des trackers sont bien plus étendus qu’on ne le pense en général, car ces instruments peuvent également servir à élaborer une large gamme de stratégies d’investissement pour les investisseurs institutionnels. Les trackers présentent de nombreux avantages (diversification, liquidité, faible coût…) dont une facilité certaine d’utilisation. Ils permettent ainsi aux gérants de portefeuille de mettre en place tout les types de stratégie d’investissement. Ils sont devenus des véhicules d’investissement naturel pour des investisseurs institutionnels cherchant à mettre en œuvre un processus de gestion saine de leurs actifs. RÉFÉRENCES Amenc, N., P. Malaise, L. Martellini, and D. Sfeir, 2003, Tactical Style Allocation. A New Form of Market Neutral Strategy, Journal of Alternative Investments Amenc, N., P. Malaise, and L. Martellini, 2004, Revisiting Core-Satellite Investing, Journal of Portfolio Management Hamelink F., H. Harasty, and P. Hillion, 2001, Country Sector or Style: What Matters Most When Constructing Global Equity Portfolios? An Empirical Investigation from 1990-2001, Working Paper, FAME Kao, D., and R. Shumaker, 1999, Equity Sty 4/4