Voyage d`étude en Guyane - IHEDN Paris Ile-de
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Voyage d`étude en Guyane - IHEDN Paris Ile-de
38 ANS au développement de l’esprit de défense et à la sensibilisation aux questions internationales RAPPORT Voyage d’étude en Guyane La France en Amérique du sud Regards et enjeux 2013 ASSOCIATION IHEDN REGION PARIS ILE-DE-FRANCE SOMMAIRE 1. NOTE DE SYNTHESE 4 2. RENCONTRES PREPARATOIRES A PARIS 10 2.1 Entretien avec Chantal BERTHELOT, Députée de Guyane, le 30 Septembre à l'Assemblée Nationale à Paris 10 2.2 Rencontre avec l'Ambassadeur José Mauricio BUSTANI -‐ Ambassade du Brésil le 1er Octobre 2013 12 3. RENCONTRES EN GUYANE 3.1 Accueil par l'IHEDN Guyane. Film sur la création du Centre Spatial Guyanais, de Henri NERON 13 13 3.2 Une Région et un Département de France en Amérique du Sud 14 3.2.1 Rencontre avec Xavier LUQUET, Directeur de cabinet du Préfet, en charge de l’Organisation et de la Sécurité 14 3.2.2 Rencontre avec Hélène SIRDER, 2ème Vice-‐présidente du Conseil Régional de Guyane 16 3.3 Incroyables richesse et diversité des ressources naturelles 17 3.3.1 Ressources minières : Exploitations aurifères, légales et illégales 17 3.3.2 Forces Armées de Guyane -‐ Air-‐Mer-‐Terre (Général Adam) -‐ Opérations "MINAUTORE" et "JAMAIS GOUTE" (Lieutenant-‐Colonel PERCIE du SERT) 18 3.3.3 Orpaillage Illégal -‐ Opération HARPIE / FAG -‐ Gendarmerie (Lieutenant-‐colonel Florian VILLALONGA) 19 3.3.4 Coopérations de la France avec le Brésil, le Suriname et l'Union Européenne 22 3.3.5 3ième Régiment Etranger d'Infanterie -‐ Action CSG et représentation statique (Colonel WALTER) 23 3.3.6 Ressources pétrolières : Projet d'exploitation de Shell (Contre-‐amiral Bruno THOMÉ) 24 3.3.7 Ressources halieutiques : Exploitation des ressources marines, et lutte contre la pêche illégale 25 3.3.8 Ressources Biodiversité 27 3.4 Incroyables défis technologiques 29 Centre Spatial Guyanais à Kourou : Base Ariane, Soyouz et Vega, rencontre avec Bernard CHEMOUL, directeur du Centre Spatial guyanais 29 3.5 Incroyable diversité des peuples 3.5.1 Mairie de Roura -‐ Rencontre avec le maire David RICHÉ 3.5.2 Mairie de Kourou -‐ Rencontre avec le Sénateur -‐ Maire Jean-‐Etienne ANTOINETTE 3.5.3 Communauté Hmong -‐ Visite d'une exploitation maraichère à Cacao (Bruno et Tchia LE VESSIER) 3.5.4 Rencontre avec Monseigneur Emmanuel LAFONT, Evêque de Cayenne 31 31 32 33 34 3.6 Incroyables paysages et faune 3.6.1 Marais de Kaw 3.6.2 Zoo de Montsinéry 3.6.3 Musée Le Planeur Bleu à Cacao 3.6.4 Salon régional agricole de Matiti 3.6.5 Marché de Cayenne 35 35 37 37 38 38 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 2 3.7 Incroyable empreinte de l'histoire 3.7.1 Du bagne d'hier au paradis touristique d'aujourd'hui 3.7.2 Visite des Iles du Salut (Royale, St Joseph, Diable) 3.7.3 Visite du Centre Pénitentiaire de Guyane 4. ANNEXES 46 4.1 Participants 46 4.2 Programme 47 4.3 Guyane et Guyanes : frontières et frontières ! 4.3.1 Articles 72 et 73 et 74 de la Constitution 4.3.2 Cartographie géologique et minière de la Guyane 4.3.3 La Guyane Française et la forêt Amazonienne 4.3.4 Carte du Centre Spatial Guyanais (CSG) 4.3.5 Procédure d'octroi de titres miniers 4.3.6 Bilan des opérations ANACONDA et HARPIE 47 50 53 53 54 54 55 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 39 39 41 43 Page 3 1. NOTE de SYNTHESE Dans le cadre de ses voyages au long cours organisés chaque année par l’Association IHEDN PARIS Ile de France, 26 auditeurs ont pu découvrir la Guyane du 16 au 24 octobre 2013, soit 9 jours autour du thème : la France en Amérique du Sud, regards et enjeux. Les auditeurs ont eu l’opportunité de découvrir ce territoire de France de 250 000 habitants, à la fois proche et lointain, éloigné de 7000 km de l’hexagone, grand comme l’Autriche, inséparable de son environnement régional. C’est le plus grand des territoires d’outre-mer, le seul continental, possédant une vaste forêt, et deux frontières fluviales avec des pays au PIB très bas. D’un côté le Surinam le long du fleuve Maroni, de l’autre le Brésil / Etat d’Amapa le long du fleuve Oyapock, sur près de 700 km, il s’agit tout simplement de la plus longue frontière terrestre d’un pays avec la France. Cette identité particulière, renforcée par le poids de l’histoire et de la culture, s’inscrit dans une dimension quasi ‘schizophrénique’ d’appartenance française, européenne, amazonienne, et caraïbe. Les rencontres à Paris avant notre départ, avec la Députée de Guyane Chantal BERTHELOT (IHEDN SN 2011) et l’Ambassadeur du Brésil en France José Mauricio BUSTANI, puis les rencontres sur place avec les principales parties prenantes, civiles et militaires, nous ont permis de mieux comprendre et d’appréhender les principaux enjeux stratégiques en cours : 1) La présence de la France et de l’Europe en Amérique du Sud La Guyane s’inscrit dans la République française et plus particulièrement dans le cadre constitutionnel confirmé par le vote de la population en 2010 sur la base de l’article 73 de la Constitution - article protecteur ‘d’assimilation’ où le régime législatif et règlementaire est celui de la Métropole (tout comme en Guadeloupe, Martinique, La Réunion et Mayotte), versus l’article 74 ‘d’adaptation’ choisi par la Polynésie Française ou Saint Martin qui laisse plus de marges de manœuvre locale tout en étant peut être plus adapté au développement spécifique de régions situées sur d’autres continents. La Guyane donne ainsi le sentiment de vitrine attractive française et européenne mais elle n’est pas (encore) le reflet de la France ou de l’Europe, en dépit des interventions financières importantes. Cette position géographique est pourtant l’occasion pour la France (et l’Europe) de dialoguer différemment en particulier avec son grand voisin brésilien pour une coopération globale plus approfondie dans le respect des souverainetés nationales, au-delà des difficultés actuelles frontalières liées à l’orpaillage clandestin, la pêche illicite ou l’immigration illégale (dix mille personnes sont reconduites chaque année aux frontières). 2) Le développement harmonieux de ce territoire, où les enjeux démographiques, sociaux et économiques restent cruciaux Dans cette partie de l’Amérique du Sud, la Guyane représente un îlot de prospérité grâce à l’Etat providence français et les fonds structurels européens. Les aides diverses ne suffisent pourtant pas ici et les avancées ne seront pas probantes sans une nouvelle forme de gouvernance et de courage politique, partagée entre : • l’Etat français qui doit faire face aux enjeux d’un chômage chronique, d’une démographie galopante, de problèmes de logements sociaux et de scolarité, d’un modèle de développement économique balbutiant, de services publics hypertrophiés, d’une immigration illégale massive (entre vingt et quatre-vingts mille personnes) source de pression foncière et de communautarisme, tel qu’a pu le souligner Xavier LUQUET, Directeur de Cabinet du Préfet. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 4 • • une future nouvelle collectivité territoriale unique qui va être issue de la fusion Région/Département en 2014/2015, dont le statut, le périmètre des missions, de compétences et de pouvoirs restent à bâtir, avec des défis énormes qui nécessiteront courage, décision et négociation avec l’Etat, tel qu’exposé par sa viceprésidente Hélène SIRDER dans la salle des délibérations du Conseil Régional. tout en prenant compte un contexte local particulier par rapport à des règles ou normes ou corporatismes notamment d’origine syndicale trop rigides et dans le respect de la souveraineté nationale. 2.1 - Enjeux démographiques • • • • • La population se trouve concentrée à 98% sur le littoral au nord. Quelques personnes habitent le long des fleuves frontières à l’est et à l’ouest. Au milieu, une immense forêt se dresse quasiment inhabitée, à l’exception de Saül (500 habitants). La population est très jeune : 50% de la population a moins de 25 ans, 35% moins de 15%. la démographie est galopante : la population s’accroit de 4% en moyenne par an, et parfois de 7 à 10% le long du Maroni, où Kourou et Saint Laurent du Maroni tiennent le haut du pavé des maternités les plus importantes en France en terme de naissance ; ce qui peut bouleverser les équilibres actuels, par exemple en faisant de Saint Laurent, dans les années qui viennent, une agglomération qui dépassera Cayenne en nombre d’habitants, située à quelques 130 kms de Paramaribo, la capitale du Surinam, alors que Cayenne est distante de plus de 300 kms. Les différentes populations vivent en harmonie, aucune ne dominant l’autre dont : Créoles (10 0000), ‘Métros’ (20 000), Guyanais blancs (17000), Haïtiens (20 000), Brésiliens hors clandestins (15 000), Surinamiens (15 000, Sranan), Chinois hakka (13000), Amérindiens (8000 : Kali’nas/Karib, Wayampis, Wayanas, Tekos/Emerillons, Palikours, Lokonos/Arawaks), Bushinengués (ou Noirs marrons, 7000 : Djukas, Saramacas), Hmongs (4 000), Libanais (1 000). Les créoles ont longtemps été dominants et politiquement importants. Ils sont minoritaires à ce jour, mais conservent une part importante des leviers économiques, une situation particulière au sein de la République française. 2.2 - Enjeux sociaux et sociétaux • • • • • • La démographie explosive entraine un triple questionnement sur l’aménagement du territoire, le développement économique et l’emploi associé, et la formation. Le problème du logement reste entier à ce jour. Avec la construction de 1 000 logements par an, la Guyane est loin de l’objectif des 3000 logements, générant un habitat spontané important à la charge de la Région, éternel débat État/Région sur la faiblesse de la politique de financement de l’état (suppression de la défiscalisation, dette envers bailleurs sociaux). Il est à souhaiter que l’évolution du droit du sol actuel (avec 90% du territoire appartenant à l’Etat) et la création d’un Etablissement public foncier régional permettront la mise en place d’un Schéma d’Aménagement Régional (SAR) plus efficace. La problématique de l’éducation et de la formation est aussi cruciale ; avec une divergence Etat/Région à régler sur le refus d’une dépendance administrative relevant des Antilles, notamment pour l’enseignement supérieur (mais également pour le système judiciaire), avec une réglementation insulaire peu adaptée à un territoire continental comme la Guyane. Une sécurité publique plus criminogène que la moyenne nationale ramenée à la population, mais très faible si l’on se réfère aux chiffres en vigueur en Amérique du Sud : 60-70/10 000 habitants versus 40 en moyenne nationale pour la délinquance, les cambriolages à main armée et la violence physique non crapuleuse ; situation également liée à la cassure de la structure familiale et de fonctionnement traditionnelle. Enjeux sociaux aussi à Kourou perçus lors d’un temps d’échange avec le Sénateur-Maire de Kourou Jean-Etienne ANTOINETTE, qui nous a reçu dans sa salle du conseil municipal, et où nous avons pu percevoir que les critères de développement de cette commune au moment de la construction du CSG ont failli dans le temps, et pèsent aujourd’hui sur l’instabilité sociale et la criminalité ambiante de la ville. Enjeux précisés aussi lors de la visite du nouveau centre pénitentiaire par son directeur Daniel VILLEMOT. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 5 2.3 - Enjeux économiques L’économie de la Guyane est essentiellement tournée vers le tertiaire. La croissance est supérieure de 2-3% par rapport à l’hexagone, mais le taux de chômage oscille entre 20-25%. Les secteurs importants sont : • • • Le Centre Spatial Guyanais avec ses 2000 emplois directs et 5000 indirects. Le primaire : agriculture et transformation de ces produits (jus de fruit Caresse Guyanaise, condiments Délices Guyanais), la forêt qui reste sous exploitée et la pêche (exportation de poissons et crevettes). L’or : en grande partie exploité clandestinement, l’exploitation officielle ne représentant plus qu’un dixième de celle enregistrée il y a quarante ans (de 15 tonnes par an à 2 tonnes aujourd’hui). En réponse à ces faiblesses, il est envisagé de structurer des filières pour créer de la richesse : reste encore à trouver une vision commune État/Région sur les perspectives d’aménagement du territoire, de développement industriel (DRIRE) et d’environnement (DREAL), à travers des modèles de développement endogènes et durables adaptés aux différents territoires (littoral, fleuves, intérieur) tout en respectant les traditions de leurs populations et en s’appuyant, le cas échéant, sur les 200 chefs coutumiers : • • • • • • L’or : les petits exploitants sont peu nombreux, avec des exploitations artisanales peu efficaces, à la différence des gros opérateurs anglo-saxons pour lesquels les autorités hésitent d’ouvrir le marché sans contrepartie engageante. Le bois : des opportunités de créer des emplois existent dans la biomasse et l’énergie associée, en complément de l’énergie produite par le barrage hydroélectrique de Petit Saut exploité par EDF, l’un des plus grands d’Europe. L’agriculture : avec une augmentation de la capacité de transformation des produits de la mer ou le redéploiement d’exploitations rizicoles disparues avec le temps. L’industrie : en tant que base avancée sur un continent en pleine croissance, sur des secteurs innovants à haute valeur ajoutée, comme la pharmacopée, la valorisation de la biodiversité. Le tourisme ‘nature’ en petit groupe (forêt primaire, faune, flore, randonnée). et peut-être un jour le pétrole, l’un des défis économiques de la Guyane décrit par le Contre-amiral Bruno THOMÉ, de Shell France lors d’une rencontre où il nous a présenté l’état de la prospection pétrolière en cours sur la partie française du plateau guyanais, dans un environnement juridique du code minier en voie de stabilisation. 2.4 - Enjeux sécuritaires et de sûreté Les Forces Armées de Guyane (FAG) sous l’autorité du COMSUP, le Général ADAM, sont engagées opérationnellement au quotidien dans un contexte interministériel, les problèmes majeurs existants en Guyane ne pouvant être résolus par les capacités des institutions régaliennes traditionnelles. Les FAG, sous la direction générale du préfet et du procureur de la république agissent ainsi aux cotés de la gendarmerie, la police aux frontières, la douane, le Parc amazonien de Guyane, l’Office national des forêts et divers organismes attachés directement à la Préfecture (DREAL), pour la protection du Centre spatial et des frontières, la pêche illicite dans les eaux territoriales, l’immigration illégale et la lutte contre l’orpaillage clandestin en forêt amazonienne (Opération Harpie). Ces missions clés pour le territoire nous ont été magistralement présentées par les LCL PERCIE du SERT et VILLALONGA. Le Capitaine de Frégate Emmanuel BETHOULE nous a présenté la base navale au Degrad des Cannes. La présence du navire océanographique le "Borda"’ a été l’occasion d’un exposé sur le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine Nationale (SHOM) par les officiers du bord, dont son Commandant, le Capitaine de Corvette Olivier POULLAIN. A Kourou, le Colonel WALTER, patron du 3éme Régiment Etranger d’Infanterie de la Légion et son état-major nous ont présenté leur exigeante mission de terrain avant une démonstration statique détaillée des matériels. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 6 En résumé, en dépit de moyens limités, une organisation et un fonctionnement novateurs issus d’expériences opérationnelles variées en coopération forte avec toutes les autres institutions régaliennes : un modèle qui pourrait faire école ou référence dans d’autres circonstances sur le territoire français. 2.5 - Enjeux et défis technologiques Kourou, et la base de lancement du Centre Spatial Guyanais (CSG) dont la construction a été décidée par les Présidents de GAULLE et POMPIDOU dans les années 1964 (après l’abandon de la base en Algérie) fait référence dans le monde, et constitue pour la France et l’Europe une base autonome et clé de l’accès à l’espace, en particulier face au Centre spatial Kennedy à Cap Canaveral (Etats Unis). Son histoire nous a été contée à travers un documentaire historique filmé par le journaliste Henri NÉRON. La visite très complète du Centre Spatial Guyanais (CSG), où nous avons été accueillis par son directeur Bernard CHEMOUL dans la salle des opérations de lancement "Jupiter", a été suivie par la visite du site de lancement Soyouz, et celui d’Ariane, ainsi que du bâtiment d’intégration du lanceur d’Ariane V. La protection externe du CSG est assurée par les composantes terrestre, aérienne et maritime des FAG dans le cadre d’un engagement pris par La France vis-à-vis de l’Agence Spatiale Européenne, au titre de sa responsabilité de souveraineté. Un atout indéniable et un enjeu majeur pour la Guyane et la France. En résumé, un voyage "incroyable" qui nous a aussi permis de découvrir toute la diversité de la Guyane : Incroyable diversité des engagements religieux Que Monseigneur LAFONT, évêque de Cayenne, ancien curé de Soweto (Afrique du Sud) a bien voulu souligner avec passion lors d’un diner mémorable aux ‘Palmistes’. Incroyable empreinte de l’histoire Du bagne d’hier au paradis touristique d’aujourd’hui, sur les Iles du Salut (Ile Royale, Saint Joseph et du Diable où le Capitaine DREYFUS fut enfermé trois ans durant), que nous avons apprécié après 1h30 de traversée en catamaran à partir de Kourou. Incroyable diversité des peuples et biodiversité • Quand Frédéric MORTIER et Bérangère BLIN nous présentent les enjeux du Parc Amazonien de Guyane (PAG), le plus grand parc naturel européen, "véritable outil au service des territoires et des populations au sud de la Guyane". • Quand nous découvrons avec son maire David RICHÉ la petite commune de Roura, implantée sur un territoire 1,5 fois plus grand que la Martinique et la Guadeloupe réunies, où se trouve le bourg de Cacao, 60 kms plus loin : un village ‘Hmong’ (une population d’origine laotienne recueillie en Guyane en 1977 après la fin de la guerre du Vietnam) dont les exploitations agricoles aujourd’hui en font les acteurs maraichers incontournables de la Guyane. Incroyable diversité des paysages • Que nous découvrons en embarquant, à Degrad de Kaw, le point d’entrée sur les marais du même nom, à bord des deux pirogues qui nous amèneront à l’Eco Lodge flottant ‘Caïman’, où nous passeront la nuit en hamac, non sans avoir exploré auparavant le marais en pirogue à la recherche de caïmans noirs et autres capibaras (un "cochon d’eau", le plus gros rongeur au monde). Incroyable faune de Guyane • Que nous apprécions lors de la visite du musée vivant des papillons et des insectes ‘le Planeur Bleu’ à Cacao, puis en visitant le zoo de Guyane à Macouria, avec ses caïmans à lunettes, ibis rouge, pumas et jaguars, agoutis, kinkajous, sakis à face blanche, précédé d’un parcours accro-branches offrant une belle vue sur la canopée. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 7 Incroyable culture • En visitant Cayenne et son marché animé et coloré avec ses fruits exotiques, épices, rhum arrangé et autre écorce de bois bandé. • En dégustant la cuisine guyanaise et hmong aux milles saveurs. • En admirant des costumes traditionnels historiques. • En appréciant l’accueil des guyanais en toutes circonstances de ce voyage. • Et en dansant avec les fameuses Touloulous. REMERCIEMENTS Aldine TONG LEE, la présidente de l’association IHEDN GUYANE et les auditeurs de l’association dont JeanPhilippe BAUR, nous ont chaleureusement accueillis. Ils ont été tout au long de ce voyage d’un grand support. Merci. Un grand merci également à tous nos interlocuteurs : • Général de division aérienne Philippe ADAM, COMSUP Forces Armées de Guyane, Lt-Colonel Guillaume PERCIE du SERT, chef DIVOPS de l’EMIA des FAG; Lt-Colonel Florian VILLALONGA, chef d’état-major contre l’orpaillage illégal, Gendarmerie Nationale. • Préfet Eric SPITZ, Préfet de région Guyane ; Xavier LUQUET, directeur de cabinet du Préfet, en charge de l’Organisation et de la Sécurité. • David RICHÉ, Maire de Roura. • Chantal BERTHELOT, députée de Guyane ; IHEDN SN. • S.E José Mauricio BUSTANI, Ambassadeur du Brésil en France. • Monseigneur Emmanuel LAFONT, Evêque de Guyane. • Henri NÉRON, journalise, chargé du patrimoine culturel Guyane 1ère. • Capitaine de frégate Emmanuel BETOULLE, Commandant de la base navale de Dégrad des Cannes. • Jean-Etienne ANTOINETTE, Sénateur-Maire de Kourou. • Colonel Alain WALTER, Chef de corps du 3e REI, Kourou. • Bernard CHEMOUL, directeur du Centre spatial guyanais ; Liza BOUREE, chargée de communication. • Maître Hélène SIDER, 2ème Vice-présidente le la Région Guyane. • Daniel WILLEMOT, directeur du Centre pénitentiaire de Guyane. • Bruno THOMÉ, directeur délégué de SHELL France à Cayenne. • Frédéric MORTIER, Directeur du Parc amazonien et Bérengère BLIN, Directrice adjointe. Enfin merci aux participants qui ont su collectivement transformer ce moment d’étude et d’étonnement en un moment réussi de convivialité ; merci à tous ceux qui se sont impliqués sans ménagement, plus particulièrement Jean-Marc SCHAUB à l’initiative du voyage et organisateur, Jean-Michel MOTA pour sa contribution à la rédaction du livret de voyage, du CD de photographies et du rapport, Anne de BAGNEAUX-SAVATIER pour avoir assisté à l’élaboration du rapport, Caroline GORSE-COMBALAT, Georges RIVAT et Jean-François ROUSSEAU pour leurs photographies, enfin notre présidente Caroline GORSE-COMBALAT pour son engagement et ses nombreux discours aux autorités. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 8 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 9 2. RENCONTRES PREPARATOIRES A PARIS 2.1 Entretien avec Chantal BERTHELOT, Députée de Guyane, le 30 septembre à l'Assemblée Nationale, à Paris La Guyane est une réalité géographique spécifique immuable, un bout de France à la fois proche et lointain (8000Kms), inséparable de son environnement régional d'Amérique du sud. C'est le plus grand des territoires d'Outre-mer (1/6ème de l'hexagone), le seul continental possédant une vaste forêt habitée et deux frontières fluviales avec des pays au PIB très bas (Suriname et Brésil-Etat d'Amapá). Son identité régionale doit être reconnue et renforcée, en interrelation avec la pérennité de ses liens culturels et historiques avec l'Hexagone, liens complexes qu'il faut assumer et faire fructifier en dépit d'une dimension « schizophrénique » d'appartenance amazonienne, caraïbe, française, européenne. Elle s'inscrit dans la République Française, et le cadre constitutionnel de 2003, sur la base de l'article 73 qui est un article « d'assimilation » selon lequel les règles s'appliquent de la même façon dans toutes les régions et les départements de France, et non de l'article 74 qui est un article « d'adaptation » laissant plus de marge de manœuvres locales. Cet article 73 est plus contraignant et donc plus coûteux, mal adapté aux données spécifiques de développement d'une région du continent Sud Américain. Même si la Guyane peut donner un sentiment, imaginaire, de « vitrine européenne » attractive, elle n'est pas le reflet de l'Europe, en dépit des interventions importantes de l'Union Européenne, au travers des Fonds structurels, à voir ses taux de chômage et de scolarisation. La croissance de son développement constitue donc un défi majeur : comment la Nation veut-elle y répondre, alors que les enjeux sont importants, facteurs de potentiels à exploiter selon de nouveaux modes opératoires à définir, afin que la souveraineté française ne soit pas bafouée : • L'enjeu spatial, pour la France comme pour l'Europe : c'est l'accès à l'espace, notamment en cas de conflit. • La biodiversité, à l'heure du réchauffement climatique : Parc naturel Amazonien (1992) sur 40 000 Km2, le plus grand d'Europe. La forêt amazonienne française constitue un puits de carbone. Cette biodiversité est source de recherches sur les molécules par quelques chercheurs non français ! L'Institut Pasteur présent sur place, ne fait pas de recherches sur la biodiversité, car il est plus porté sur le médical et l'alimentaire. La biomasse et l'énergie pourraient compléter la seule filière bois de la forêt guyanaise. Les hydroliennes seraient à expérimenter. • L'or (et autres métaux), longtemps oublié (avant-guerre, il remplissait les coffres de la Banque de Guyane), est aujourd'hui soumis à l'orpaillage illégal, facteur de déperdition et de pollution. • Le pétrole prolongeant celui du plateau vénézuélien, représente un vrai potentiel sur 5 km2 de surface maritime. Ce sont des investissements à long terme. • La pêche (350 kms de littoral maritime), l'agriculture (cf. Plan vert de 1972/1973), respectueuse de micro territoires et des formes d'agriculture traditionnelle, et l'agroalimentaire, à plus court terme. • La démographie : sur 220 00 habitants, 50% ont moins de 25 ans, 35% ont moins de 15 ans. Ses besoins en scolarisation, formation, logements et équipements, constituent un autre moteur de croissance, face à un manque flagrant d'enseignants, d'infirmiers, de médecins, pour qui il conviendrait de rendre les formations plus accessibles et plus professionnalisées sur place. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 10 • Le tourisme, très spécifique, suppose une mise à niveau des infrastructures de transports (aérien), d'hébergement. Quels sont les blocages ? • Faible investissement de groupes français, peut être en lien avec certains discours négatifs sur les possibilités de la Guyane, et insuffisante prise en compte d'un contexte local particulier par rapport à des normes, des règles, des corporatismes, notamment d'origines syndicales, trop rigides. • Si les fonctionnaires de responsabilités sont conscients des enjeux, les politiques de tous partis, quant à eux, sont frileux ! De tels gros enjeux et rapports de forces semblent dépasser les ministres. • Absence de compétence et de pouvoir des Elus pour agir : le sous-sol relève d'une propriété, et donc d'une politique qui relève de l'Etat qui délègue aux collectivités territoriales uniquement les compétences de gestion et non celles relevant de la propriété. • Insuffisantes connaissances des données sismiques, des ressources (minières, halieutiques, de biodiversité) et conflit de vision de l'Etat entre une perspective d'aménagement du territoire/ développement industriel (DRIRE) et d'environnement (DIREN), notamment sur la nécessaire réforme du code minier. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 11 2.2 Rencontre avec l'Ambassadeur José Mauricio BUSTANI - Ambassade du Brésil le 1er Octobre 2013 Depuis 2006, le Brésil et la France développent un partenariat stratégique. Dans le cadre de cette coopération permanente, un des domaines d’action est la frontière commune entre le Brésil et la France qui est le seul pays européen possédant une dimension à la fois sud-américaine et amazonienne. Et qui partage ses frontières avec deux nations d’Amérique du Sud : le Brésil et le Suriname. La question de la frontière est presque exclusivement abordée sous l’angle de la sécurité, en raison de l’orpaillage illégal et de la pêche illicite. Ces problèmes sont d’ordre intérieur et sont du ressort de l’état français, ce qui n’empêche pas des coopérations pour lutter contre la pêche illicite ou dans les domaines de sécurité avec le centre de coopération policière à Saint-Georges de l’Oyapock. Ce travail de partenariat doit éviter de stigmatiser toute nationalité. La mise en cause d’étrangers dans l’orpaillage illégal occulte le problème d’ensemble que constitue l’orpaillage illégal, de la logistique sous-jacente à l’écoulement de la production, la différence entre la production légale et l’exportation d’or paraissant importante. Il est essentiel de ne pas confondre les personnes en cause et celles qui se contentent de traverser la frontière, dans le seul espoir de trouver une vie meilleure et pour laquelle elles travaillent dur. L’inauguration du pont sur l’Oyapock rappelle le potentiel de ce qui est pour le Brésil autre chose que 400 km de frontière commune. Or la frontière qui sépare l’Amazonie brésilienne de l’ensemble des états amazoniens est longue de 11 248 Km. L’Amazonie brésilienne est une forêt qui rassemble la plus grande biodiversité de la planète, avec 30 % des forêts du monde et le cinquième des ressources d’eau douce non gelée de la planète, dans le plus grand bassin hydrographique du monde. L’Amazonie brésilienne est grande comme huit fois la France, et le Brésil veille à protéger les ressources naturelles, tout en encourageant le développement de la zone. Depuis une vingtaine d’années, l’état brésilien renforce les structures gouvernementales dans cette zone. Et les problèmes doivent être abordés de manière globale, et non pas seulement en se concentrant sur la frontière. Par exemple les trafics de drogue, d’armes, ou l’activité minière illégale, nécessitent un traitement global des zones productrices, des intermédiaires et des consommateurs finaux. La coopération sud-américaine est un élément indispensable pour le développement de la région amazonienne. L’UNASUR est la structure d’intégration politique et économique de l’Amérique du Sud, et inclut dans sa structure un comité de défense qui est une instance de coopération dans le domaine de la défense, permettant le dialogue stratégique, mais qui ne possède pas d’instances opérationnelles. Il s’agit d’une initiative globale visant au développement de la région. Photo Ambassade du Brésil Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 12 3. RENCONTRES EN GUYANE 3.1 Accueil par l'IHEDN Guyane. Film sur la création du Centre Spatial Guyanais, de Henri NÉRON Après 8 heures de vol, nous étions chaleureusement accueillie par Aldine TONG LEE, la présidente de l’association IHEDN GUYANE et plusieurs de ses membres dont Jean-Philippe BAUR. Dès notre arrivée à l’Hôtel Beauregard Cric Crac, à Rémire-Montjoly, à quelques kilomètres de la densité de Cayenne, le journaliste Henri NÉRON - chargé du patrimoine culturel à Guyane 1ère - nous présente son film sur l’histoire du Centre Spatial Guyanais, depuis la décision du Général de GAULLE puis du Président POMPIDOU de construire ici cette base (auparavant située en Algérie), jusqu’à Ariane V, et le développement concomitant de la ville de Kourou sortie de terre à ce moment-là. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 13 3.2 Une Région et un Département de France en Amérique du Sud 3.2.1 Rencontre avec Xavier LUQUET, Directeur de cabinet du Préfet, en charge de l’Organisation et de la Sécurité Un mouvement social - parti de l’Université, en cours depuis plusieurs jours, et l’arrivée d’un médiateur de Paris pour adresser ce sujet, ont retenu le Préfet Eric SPITZ ; son directeur de cabinet, le sous-préfet Xavier LUQUET, en charge de l’Organisation et de la Sécurité, nous a présenté les principales missions dévolues au Préfet et les enjeux de ce territoire. Le Préfet dispose également de deux autres adjoints : l’un en charge de l’organisation régalienne, l’autre de l’économie et du budget. Il est à la fois Préfet de Département, de Région et de Zone maritime. Quelques idées structurantes : La Guyane représente un cas très particulier, compte tenu de l’étendue de son territoire (équivalent à celui de l’Autriche ou du Portugal). La population est concentrée à 98% sur le littoral au Nord. Quelques personnes habitent sur les rives des fleuves à l’Est et à l’Ouest. Au milieu, une immense forêt quasiment inhabitée à quelques exceptions près : Saül (200 habitants) et Sainte Elie (500 habitants). Ces données sont très originales pour un pays européen. Les frontières avec les pays voisins sont très significatives : 250 km avec le Suriname; et 400 km avec le Brésil à travers l’Etat d’Amapa très pauvre, sans infrastructure, rural mais sans terrain à cultiver. Dans ce contexte, la Guyane est un ilot de prospérité grâce à l’Etat providence français ; avec comme conséquence une immigration massive et un pourcentage d’immigrés irréguliers, sans commune mesure avec un autre territoire français, sauf peut-être Mayotte. Les illégaux représentent entre 20 000 et 80 000 personnes, et près de 10 000 étrangers sont reconduits à la frontière chaque année. La population s’accroît de 4% par an (fort taux de natalité : 2ème et 3ème maternités de France en Guyane). En termes de métissage la Guyane est comparable à la Réunion. Au nord, une population créole, puis asiatique (immigrés chinois, puis laotiens dans les années 70), une population caucasienne assez faible, descendant des bagnards, de caucasiens ou d’albanais. Les différentes populations vivent en harmonie, aucune ne dominant les autres. Une part importante des habitants ne sont pas nés en Guyane. Les créoles ont longtemps été dominants et politiquement importants. Ils sont minoritaires à ce jour, mais conservent une part importante des leviers économiques, ce qui donne lieu à une situation très particulière au sein de la République Française. Les services publics sont hypertrophiés comme dans les autres TOM (15% en France, 30% dans les DOM, 40% en Guyane). Les collectivités locales, fonctions hospitalières et fonctions publiques d’Etat sont très importantes. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 14 L’économie est tournée vers le Tertiaire. La croissance est supérieure de 2 à 3 points à celle de la métropole, tirée par la consommation et le tertiaire. Les secteurs économiques importants sont : • Le Centre Spatial Guyanais : 2 000 emplois directs, 5 000 indirects. 1er secteur économique. • Le Primaire : Agriculture (Jus de fruits Caresse Guyanaise, condiments Délices Guyanais), forêt, même si elle est sous exploitée, et la pêche (exportation de poissons et crevettes). • Exploitation de l’or : en grande partie illégale, l’exploitation officielle ne représente plus qu’un dixième de celle d’il y a 40 ans (15 tonnes/an dans les années 60, 1 à 2 tonnes/an actuellement). Elle représente une faible contribution au pays. • Sociétés de transport routier. • Aérodromes permettant de relier les régions de Guyane. Actuellement, il y a entre 20 à 25% de chômage, et une large sous-estimation de l’emploi illégal (clandestins,). L’objectif est de structurer des filières pour créer des richesses : • • • • • • • Or : Petits exploitants, peu nombreux, artisanaux, traditionnels versus les gros opérateurs anglo-saxons dont l’ouverture à ces marchés se fera progressivement et de manière encadrée. Bois : Permettrait de créer des emplois (biomasse), une part importante de l’énergie étant actuellement fournie par le barrage hydroélectrique de Petit Saut, l’un des plus grands d’Europe. Agriculture et Primaire : Augmenter la capacité de transformation des produits de la mer (la pêche emploie environ 1 000 personnes). Dans le passé, il y avait également une exploitation rizicole très importante. Industrie : Base avancée d’un continent en pleine croissance pouvant attirer des investisseurs. Pharmacopée, valorisation de la biodiversité (très haute valeur ajoutée). Tourisme : Pays chaud avec une mer non transparente, ce qui représente un handicap pour le tourisme de masse ; mais possibilités pour un tourisme Nature, en petit groupe (parc naturel de Guyane, forêt primaire, faune et flore exceptionnelles). Prospection pétrolière : consortium piloté par SHELL France. Etudes supérieures : existence du pôle Université Antilles-Guyane, IUT à Kourou, filières partielles à ce jour. La réflexion et la restructuration sont faites en collaboration avec le Conseil Régional. Sécurité : 3 grands enjeux : la sécurité publique, la lutte contre la pêche illégale, et la lutte contre l’orpaillage. • • • La sécurité publique (routière, migratoire) : Elle est plus criminogène que la moyenne nationale ramenée à la population, mais la Guyane représente un ilot de sécurité en Amérique du Sud ! Le taux de criminalité est de 60 à 70/10 000 contre un taux de 40 en moyenne nationale. C’est la principale préoccupation de la population. La criminalité est une incidence de l’Amérique latine. Il y a deux zones de sécurité prioritaires, avec la lutte contre le cambriolage, le vol à main armée, et la violence physique non crapuleuse avec surreprésentation des illégaux (Cayenne et Kourou). Le fait que la structure traditionnelle familiale ait été cassée, a entraîné de la délinquance, des cambriolages des vols à main armée. La lutte contre la pêche illégale : Ressentie comme moins importante que la lutte contre l’orpaillage par la population. En 2011/2012 il y a eu un mouvement social de protestation de la filière pêche, soutenue par la population. Coopération diplomatique avec le Suriname et le Brésil : la marine brésilienne a participé auprès de la marine française à des opérations de police des pêches, avec destruction de bateaux et peines de prison fermes de 1 à 2 ans. Cette politique a donné d'importants résultats. Le Suriname a acheté des bateaux garde-côtes. La lutte contre l’orpaillage (1g d’or = 30 à 40 €) : Les orpailleurs illégaux se sont installés aux emplacements des anciens sites légaux. Les conséquences sont très importantes : Pillage des ressources, activités illicites, détérioration de l’environnement, comportements délictueux, voire violents, insécurité pour la population. Nombreux illégaux (15 000 ?) avec un niveau soutenu et une forte croissance entre 2000 et 2008, stoppée par la mise en place de l’opération HARPIE. Interventions de la Gendarmerie et des Forces Armées Guyanaises (FAG) avec la mobilisation de plus de 300 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 15 personnes/jour. La Gendarmerie est la seule habilitée à mener cette mission, mais est aidée par les FAG qui sont en termes d’effectifs et de moyens, les plus contributrices. Deux types d’opérations : Importantes avec nombre conséquent de forces sur un temps long pour faire cesser une exploitation, ou plus courtes. Il y a occupation de sites dans le premier type d’opérations (1 000 à 3 000 orpailleurs sur un site). Effets positifs des opérations, avec suppression de secteurs entiers d’orpaillage. L’orpaillage dans la forêt Primaire est peu visible du ciel mais l'orpaillage alluvionnaire est beaucoup plus visible, avec une myriade de petits sites le long du Maroni. Des discussions sont en cours avec le Brésil et le Suriname pour une coopération. 3.2.2 Rencontre avec Hélène SIRDER, 2ème Vice-présidente du Conseil Régional de Guyane L'avenir de la Guyane s'inscrit dans un contexte institutionnel nouveau : la perspective d'une Collectivité unique « Région-Département », selon un statut particulier restant à bâtir avec les acteurs, sans oublier le nécessaire contexte international-Européen. L'enjeu majeur : Une démographie explosive attendue de 4,7% à 7% voire 10%, entrainant un triple questionnement relatif à l'aménagement du territoire, le développement économique, l'emploi et la formation des jeunes. La stratégie régionale repose sur 3 axes : 1) Des modèles de développement « endogènes et durables », adaptés aux différents territoires et au respect des traditions de leurs populations. Cela nécessite une meilleure connaissance spécifique, scientifique et ethnologique de ces territoires, une exploitation de l'ensemble de leurs ressources (pétrolières, minières/or, biodiversité) équitable vis à vis des populations autochtones, et une capacité à concilier le respect de l'environnement notamment dans les 35 % du territoire en zone protégée et les 25% relevant d'une remarquable biodiversité. L'outil spatial représente un outil au service du territoire guyanais et de la coopération régionale. 2) De nouvelles formes de gouvernance : • Une gouvernance de proximité, pour la satisfaction des besoins locaux et la cohésion sociale évitant les communautarismes, en particulier grâce à la formation dans une société en pleine évolution. • Le refus d'une situation administrative relevant des Antilles : Enseignement supérieur, système judiciaire. • Une réglementation insulaire inadaptée à la Guyane : la collectivité unique souhaite une modification profonde, par la possibilité d'émettre des réglementations spécifiques voire des lois habilitées par l'Etat, dans le respect de l'identité et des particularismes guyanais. 3) Une double appartenance territoriale : • Au territoire Amazonien : et à ses enjeux majeurs de développement durable. Cela suppose des outils de recherche, de centralisation de connaissances éparpillées (observatoires) concernant un territoire méconnu, simultanément continental et immense, et littoral et restreint, dans les domaines du carbone à valoriser (forêts, pâturages), de l'énergie (débat sur la construction d’un 2ème barrage, sur le mixte énergétique n'excluant pas l'énergie thermique, afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement en réseau des communes isolées), de la biodiversité, y compris marine. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 16 • A la France : sans revendication indépendantiste, à condition que l'Hexagone prenne plus et mieux conscience de ce que peut représenter et apporter la Guyane (atouts du CSG, du pétrole). D'autres enjeux restent à résoudre : • • • • • • Les relations avec le Brésil voisin, et notamment l’Etat d'Amapá : dans la mesure où il n'y a pas besoin de visa pour les Brésiliens qui se rendent en France continentale, ou pour les Français qui se rendent au Brésil, cet Etat considère que la réciprocité est de mise pour la Guyane. Le nouveau pont sur l'Oyapock pourrait symboliser autre chose que l'immigration illégale, peut-être par la création d'espaces frontaliers sans visa, mais relevant de formalités administratives communes et de coopérations spécifiques, comme le tourisme par exemple. Les pratiques illégales d'exploitation clandestine des ressources (orpaillage), contraires à la santé et à la sécurité des Amérindiens. La très forte immigration, source de pression foncière et de communautarismes, vieille tradition guyanaise d'importation de main d’œuvre utile, mal contrôlée, à accepter, mais à canaliser par une politique plus active, décentralisée car la politique de l'immigration n'est peut-être pas réservée à l'Etat. Le logement : La politique menée par l'Etat n'est pas satisfaisante : non-respect des objectifs, absence de financement de l'Etat (dette envers les bailleurs sociaux, suppression de la défiscalisation), longs délais d'attente, habitat spontané important. La Région souhaite prendre en main ces sujets. Le droit du sol actuel : Le foncier appartenant à l'Etat sur 90% du territoire, un établissement public foncier régional va être mis en place par la Région, qui demandera la mise à disposition par l'Etat de 100 000 hectares (mais à quelles conditions financières?). Le futur statut des 200 chefs coutumiers : à l'origine, sorte de relais électoral pour l'Etat et le Conseil général, considérés par la Région comme levier de cohésion sociale, d'interlocuteur auprès de jeunes envers lesquels disparaît l'autorité parentale, et dont le rôle doit être valorisé. 3.3 Incroyables richesse et diversité des ressources naturelles 3.3.1 Ressources minières : Exploitations aurifères, légales et illégales • Les frontières de la Guyane : Avec le Brésil (qui sont les états fédérés de l'Amapá, de l'Amazonas et du Para), et le Suriname. La superficie du Brésil est énorme : 8 511 965 km2, c'est à dire plus de 15 fois la France ! Le pays couvre presque la moitié du continent Sud-américain (47,3%). Le PIB national total est le troisième d'Amérique, après celui du Canada, mais avant celui du Mexique. Les états les plus proches de la Guyane sont l’Amapá, mais aussi l’Amazonas et le Para. Le Brésil continue de placer parmi ses priorités nationales la sécurisation des frontières, notamment par de gigantesques opérations militaires dites « Agata » qui couvrent 14 000 km de frontières. Le Brésil au travers de cette opération essaie de s’approprier son propre territoire. Le Suriname est le plus petit pays d'Amérique du Sud avec une superficie de 163 270 km2. Parmi les 38 Etats et territoires qui composent la Caraïbe, il fait partie des plus pauvres, devant le Guyana, le Honduras, le Nicaragua et Haïti. Ancienne colonie néerlandaise, le Suriname est indépendant depuis 1975. Après plusieurs années d'instabilité politique, un système démocratique s'est établi en 1991. • De la conquête de l’or à la Mission HARPIE Dès le 17ème siècle, la présence d’or a été mise en évidence. La première pépite sera extraite en 1855, avec une fin du premier cycle d’or en 1946. Le frémissement d’une reprise d’activité se fait sentir, après la fin du bagne, notamment à partir des années 1980. En 2012, une trentaine d’exploitations légales exploitent l’extraction des mines. Cependant, l’extraction de l’or par les sociétés légales s’amenuise peu à peu, compte tenu des obligations auxquelles elles doivent faire face, afin de respecter les règles environnementales. Chaque exploitation est soumise à la délivrance par la Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 17 Commission départementale des Mines, soit d'une autorisation d’exploitation, soit d’un permis exclusif de recherche, soit d’un permis exclusif d’exploitation ou concession (Procédure d'octroi de titres miniers en annexe). Les plus petites entreprises travaillent sur des gisements alluvionnaires, le long des cours d’eau. Les entreprises les plus importantes prospectent et exploitent les gisements primaires, qui supposent des infrastructures et des investissements plus lourds. L’ensemble de l’or produit par ces sociétés s’élève à environ 2 tonnes d’or par an. Elles emploient principalement des ouvriers en provenance du Brésil. L’essentiel de l’extraction d'or se fait à travers l’orpaillage illégal qui s’est largement développé, notamment depuis la diffusion « par erreur » sur internet d’une carte de données issues du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) indiquant les principaux lieux pouvant potentiellement contenir de l’or. Cette diffusion a ravivé les fantasmes de la ruée vers l’or. De façon quasi concomitante, de l’autre côté du fleuve, le Brésil a fermé de nombreuses mines d’or peu rentables, amenant des milliers de personnes à perdre leurs emplois. De plus, entre 1999 et 2012, le prix de l'or a été multiplié par 5, culminant aux alentours de 40 € le gramme ! La Guyane est ainsi rapidement devenue un eldorado, un rêve à quelques kilomètres de pirogues ! Les Garimpeiros "Gratteurs de terre", affluent alors en provenance du Brésil et du Suriname, affluent pour exploiter de façon illégale les mines aurifères. 3.3.2 Forces Armées de Guyane - Air-Mer-Terre (Général ADAM) Opérations "MINAUTORE" et "JAMAIS GOUTE" (Lieutenant-Colonel PERCIE du SERT) La première opération, baptisée "MINAUTORE", s’est déroulée du 3 au 15 octobre 2013 dans la région de Crique Pian Bois, située au Sud-est de la Guyane : Une vingtaine de militaires appartenant au 2ème Régiment Etranger d’Infanterie (2ème REI) et quatre gendarmes ont été héliportés par hélicoptère Puma. Leur mission, durant douze jours, consistait à reconnaître la zone et à saisir ou détruire le matériel lié à l’orpaillage illégal. Au bilan, les militaires ont saisi du mercure ainsi qu’un tapis de levée couvert de paillettes d’or et détruit une vingtaine de carbets, une vingtaine de bivouacs, trois tables de levée, une arme, cinq moteurs, 12 motopompes et près de 1 000 m² de bâches. Un orpailleur illégal a été interpellé par les gendarmes. L'opération "Jamais Gouté " a été menée par les FAG du 15 au 18 octobre 2013, au Nord-ouest du département, dans la région de Bœuf Nord, dans le massif du Dekou Dekou (nom d’un poisson du fleuve Maroni) : une quarantaine de soldats du 9ème Régiment d’Infanterie de Marine (9ème RIMA), des gendarmes et des éléments de la Police aux Frontières (PAF), étaient mobilisés sur cette opération. Les militaires ont effectué une phase d’infiltration héliportée à bord d’un hélicoptère Puma, puis une phase d’assaut, appuyée par 2 hélicoptères Ecureuil et un hélicoptère Dauphin. Sur ce site se déroule une activité minière légale, mais régulièrement entravée par les orpailleurs illégaux, les Garimpeiros, qui viennent tenter leur chance. Lors de l’arrivée des forces de l’ordre et des FAG, il a été constaté, sur place et aux alentours du site, une faible présence de Garimpeiros et une activité illégale réduite. Ce constat a attesté l’intérêt et l’efficacité des actions communes, entreprises et répétées en Guyane. A l’occasion de ces opérations entre plusieurs Services (FAG engagées depuis 2008 dans la mission intérieure HARPIE), la collaboration interministérielle ressort comme primordiale et indispensable. L'organisation de procédures communes, le partage de l’information et les actions coordonnées contribuent au succès de ces opérations qui rendent l’exploitation illégale de l’or de plus en plus périlleuse, et donc de moins en moins rentable pour les Garimpeiros. La réponse au fléau de l’orpaillage illégal passe par une approche globale, impliquant des acteurs au-delà du premier cercle des forces de l’ordre. Aujourd’hui, l’état-major interministériel de l’opération HARPIE et l’observatoire de l‘activité minière permettent un fonctionnement de plus en plus intégré entre les différentes entités chargées de cette lutte. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 18 3.3.3 Orpaillage Illégal - Opération HARPIE / FAG - Gendarmerie (Lieutenant-colonel Florian VILLALONGA) La mission HARPIE, qui a renforcé en 2008 la mission ANACONDA, est placée sous l'autorité administrative du Préfet, et l’autorité judiciaire du procureur de la République. L'opération HARPIE a pour but de marquer un coup d'arrêt à l'orpaillage illégal en Guyane, de détruire les installations sur les sites d'orpaillage illégaux, d'anéantir l'économie souterraine en Guyane, et de lutter contre l'immigration irrégulière dans ce département d'outre-mer (DOM). L'interpellation des auteurs de ces faits devrait permettre d'identifier les filières d'économie souterraine liées à l'orpaillage illégal, de mettre fin à leur activité et de stopper les conséquences dramatiques pour les populations autochtones, au regard de l'environnement (l'utilisation du mercure sur les sites illégaux d'orpaillage), de l'économie et des ressources minières de la Guyane. La Gendarmerie nationale est aux cotés de Forces armées de Guyane (FAG) l’un des principaux moyens de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. Ainsi, le rôle de la Gendarmerie Nationale est de mettre en œuvre le dispositif territorial de l'opération HARPIE, de constater les infractions, d'interpeller les auteurs et de les remettre à la justice. Les militaires interviennent en soutien à la Gendarmerie, mais n’ont aucune autorité de police. Le Commandement de la Gendarmerie (COMGEND) de Guyane est responsable de la conception générale de l'opération. Les forces de Gendarmerie présentes en permanence dans le département de la Guyane s'élèvent à 850 gendarmes : Gendarmerie Départementale, Gendarmerie Mobile (5 Escadrons de Gendarmerie Mobile-EGM). Ils renforcent au quotidien l'action de la Gendarmerie sur place. Dans le cadre de l'opération HARPIE, le COMGEND de Guyane sera renforcé pour l'occasion par 140 Gendarmes : 1 Etat-major projetable de gestion de crise (EMPGC), 1 EGM, 1 Peloton d'intervention (PI), 13 Officiers de Police Judiciaire, dont 1 officier supérieur et 1 officier de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), 10 militaires du Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) , 6 hélicoptéristes , 1 médecin et 1 infirmier. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 19 Les forces militaires sont composées : • du 3ème REI (Régiment Etranger d’Infanterie), implanté à Kourou, Saint Georges et Régina, où se trouve le Centre d’Entraînement en Forêt Equatoriale (CEFE). • du 9ème RIMA (Régiment d’Infanterie de Marine), situé à Cayenne et Saint-Jean du Maroni. • de la Marine Nationale dont la base navale se trouve à Degrad des Cannes, avec deux patrouilleurs P 400 et deux vedettes côtières de surveillance maritime de la Gendarmerie Maritime. • de l’armée de l’Air, répartie sur la base aérienne 367 « Capitaine Massé », à Cayenne Rochambeau, et qui met en œuvre l’Escadron d’Hélicoptères d’Outre-mer (EHOM 00.068) composé de 4 Puma, 4 Fennec et 3 avions de transport CASA, ainsi que du Centre de Contrôle Militaire (CCM 06.967), implanté dans le périmètre du Centre Spatial Guyanais à Kourou. Ce dernier n’intervient pas dans la mission HARPIE. Cette lutte contre l'orpaillage clandestin est une opération de police, comme le souligne la note n° 441/EMZD/Préfecture de Région Guyane du 28 février 2010, dans laquelle le Préfet précise que «s'agissant d'opérations de contrôle de police, elles sont juridiquement placées sous la direction des officiers de police judiciaire (OPJ) ou auxiliaires de police judiciaire (APJ) compétents ». Cela implique un cadre juridique contraignant, mais indispensable, au regard du caractère particulier de cette lutte. En totalité, environ 2 200 militaires et 900 gendarmes sont dédiés à la lutte contre l’orpaillage illégal. Ensemble des acteurs de la mission HARPIE La forêt amazonienne constitue un terrain d’opération très difficile. Outre la spécificité liée au climat, les forces en présence évoluent dans des lieux inhospitaliers ou sous un calme apparent et un environnement paradisiaque. L’orpaillage illégal attirant des filières criminelles ou des bandes organisées, un climat de violence couve en permanence et peut dégénérer, comme en témoignent différents affrontements et la mort de deux militaires en 2012. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 20 Organisation d’une opération HARPIE Le SHOM complète et affine les informations satellites. Néanmoins, le SHOM semble limité dans ses équipements pour assurer au mieux ses missions. Or, la précision et l’exactitude sont des éléments déterminants dans cette lutte incessante pour la souveraineté et plus encore, lorsque les militaires ou les gendarmes interviennent dans des conditions particulièrement complexes. Le transport du matériel, comme celui de l'or, entre la mine illégale, et le Brésil ou le Surinam, n’est pas organisé en filières, mais en flux de pirogues, qui assurent de jour comme de nuit, la traversée entre les deux rives. Les contrôles deviennent alors quasi-impossibles, les forces actuelles ne disposant pas de moyens suffisants pour assurer une lutte efficace et continue contre l’orpaillage illégal. Par ailleurs, une partie des FAG est détachée vers le Centre Spatial avant les tirs, ce qui réduit encore les marges de manœuvres et d'intervention. La mission HARPIE a su s’imposer de façon significative et a fait preuve d’une certaine efficacité. Elle présente néanmoins des limites. Le manque de moyens, tant humain que matériel, associé à la complexité du terrain, en pleine forêt amazonienne, sans couverture téléphonique, ne permet pas de lutter beaucoup plus efficacement contre l’orpaillage illégal. Des entreprises civiles sont sollicitées pour effectuer des missions, notamment le transport des forces. Existent également des incohérences, notamment en ce qui concerne le matériel : Les hélicoptères mono-turbines ne sont pas autorisés à circuler en Guyane. Cependant, le Préfet est amené à valider des feuilles de routes avec certains appareils mono-turbine, faute de matériel adapté. Certaines mesures spécifiques à la Guyane mises en place sont dissuasives, et doivent être pérennisées, comme particulièrement les destructions des biens de productions, ainsi que les barrières internes de contrôles établies au sein de la Guyane. Toutefois, bien des aménagements sont encore dans les limbes. En effet, les arrestations des orpailleurs dans les pirogues posent des problèmes, car il manque souvent le lien de causalité qui permettrait de qualifier l’acte délictueux. Les amendements déposés par la Député Chantal BERTHELOT lors du projet de loi portant sur diverses dispositions relatives aux Outre-mer, promulguée le 15 novembre 2013, sont des avancées significatives, mais une révision plus profonde du Code Pénal et de Procédure Pénale serait probablement nécessaire. L’Etat français doit encourager l’implantation d’exploitations légales, notamment en intensifiant le nettoyage de certains sites illégaux avec l’aide de l’Armée et de la Gendarmerie, puis en favorisant l’installation d’opérateurs Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 21 légaux. Le protocole mis en place pour assurer la délivrance des permis d’exploitation dans un temps plus restreint, 6 mois au lieu de 3 à 4 ans, doit être encouragé. La sécurité des exploitations légales doit être assurée pendant un temps relativement long, afin de ne pas décourager des initiatives potentielles. La lutte contre l’orpaillage illégal s’esquisse également dans le développement économique de certaines régions du Brésil notamment l’Etat de l’Amapá, ou du Suriname, afin de tendre vers une harmonie, tant au niveau économique, qu'au niveau des prestations sociales. Des conventions de coopération renforcées seraient les bienvenues, afin de lutter contre la criminalité sous toutes ses formes. 3.3.4 Coopérations de la France avec le Brésil, le Suriname et l'Union Européenne Coopération France-Brésil : L'accord-cadre de coopération entre la France et le Brésil du 28 mai 1996, renforcé par un accord général de coopération policière signé le 12 mars 1997, ne prévoit pas de dispositions particulières relatives à l'orpaillage. Cependant, il convient de noter une évolution significative, puisqu’un protocole additionnel à l'accord précité, prévoit un centre de coopération policière dont l'enjeu principal est l'orpaillage clandestin. Il a été mis en œuvre en France par le Décret n°2013-459 du 3 juin 2013 portant publication du protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d'un Centre de coopération policière, signé à Brasilia le 7 septembre 2009. Un accord « dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées d'intérêt patrimonial » a également été signé à Rio le 23 décembre 2008. Il a été ratifié par la France, mais pas encore par le Brésil. Coopération France-Suriname : Au niveau diplomatique, une avancée significative s’est traduite par l’ouverture d’une ambassade du Suriname en France en 2011. Un accord bilatéral de réadmission des personnes en situation irrégulière a été signé le 30 novembre 2004, mais il reste en cours de ratification du côté du Suriname. L’accord de coopération transfrontalière en matière policière, signé le 29 juin 2006 et ratifié par la France en 2008, n’a pas été ratifié à ce jour par le Suriname. Par ailleurs, l’orpaillage n’est pas une activité illégale au Suriname. Les orpailleurs paient une taxe pour régulariser leur production. Accord avec l’Union Européenne : le projet réunissant la région de Guyane, le Conseil Général, le CNES, les Etats fédérés du nord du Brésil (Amapá, Amazonas et Paras), et le Suriname, a été présenté à la Commission Européenne au titre de l'objectif "Coopération territoriale européenne" pour la période 2007-2013. Ce PO Amazonie a donc vocation à renforcer la cohésion sociale en améliorant la coopération des différents acteurs de la région. Cet objectif premier de cohésion sociale se décline en de multiples aspects, dont une dimension de renforcement de la lutte contre l'orpaillage illégal. Ainsi, le 12 juillet 2012, dans le cadre d'une réunion concernant le suivi du PO Amazonie, Rodolphe ALEXANDRE, Président de la Région, « a [...] appelé ses partenaires surinamiens et brésiliens à plus de dialogue et de concertation, notamment autour du de l’orpaillage illégal ». Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 22 3.3.5 3ème Régiment Etranger d'Infanterie - Action CSG et représentation statique (Colonel WALTER) Le groupe de l’IHEDN est très bien accueilli pour un déjeuner au mess par les officiers du 3ème Régiment Etranger d’Infanterie (REI), une troupe de soldats d’élite, qui sait garder ses traditions et bien faire connaitre ses qualités. Le Colonel nous adresse un mot de bienvenue au cours duquel il vante entre autre les mérites du vin de Puyloubier (service social de la Légion) qui sera servi, dont le raisin est cultivé par des légionnaires. Avant de commencer le déjeuner, nous nous plions avec plaisir à la tradition du « cul sec », suivi du chant de tradition de la Légion, « Le Boudin ». L’exposé en salle de conférence par le Colonel Walter retrace les grandes étapes qui ont jalonné la vie du 3ème REI, l’héritier du RMLE (Régiment de Marche de la Légion Etrangère) ; il est à ce titre le deuxième régiment le plus décoré de l’armée Française, après le RICM (Régiment d’Infanterie Char de Marine). Le chef du Bureau des Opérations-Instructions (BOI) nous présente le régiment, composé de 676 militaires, de 50 nationalités dont 2/3 de permanents à la base et 1/3 en missions de courte durée : 2 compagnies de combat, 1 compagnie de commandement et de soutien, 1 compagnie d’appui, 1 unité de réserve, 1 section antiaérienne (en fait une unité tournante d’artillerie de marine). Géographiquement, le 3ème REI est principalement implanté à Kourou mais dispose de postes permanents extérieurs : à Saint-Georges, Camopi, Saut Marina, sans compter le fameux CEFE (Centre d’Entrainement en Forêt Equatoriale), près de Regina. Les missions du 3ème REI : • TITAN : Protection des extérieurs du Centre Spatial Guyanais de Kourou. • HARPIE : Lutte contre l’orpaillage illégale en appui des forces de gendarmerie, cette mission est partagée avec le 9ème RIMA (Régiment d’Infanterie de Marine). • CEFE : Centre de Formation en Forêt Equatoriale. • Interventions diverses. La conférence est suivie d’une présentation statique de matériels, équipements, et armements. Pour finir cette rencontre, le Foyer du légionnaire nous est ouvert, au grand plaisir tant du gérant qui voit son chiffre d’affaires croitre au fil des minutes, que des auditeurs qui se dotent de produits estampillés Légion. A la fin de cette journée nous connaissons mieux la Légion et le 3ième REI, troupe de soldats d’élite, qui sait garder ses traditions et bien faire connaitre ses qualités ! Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 23 3.3.6 Ressources pétrolières : Projet d'exploitation de Shell (Contre-amiral Bruno THOMÉ) Dès 2001/2002, la Société TullowOil a débuté ses recherches pétrolières au large du plateau des Guyanes, sur la base de la comparaison des structures géologiques au large de l’Afrique et au large de l’Amérique du Sud (TullowOil a découvert d’importants gisements au large du Ghana). Sur cette base, l’Etat français a délivré un permis d’exploration en 2001 à TullowOil au large de la Guyane, sur une superficie de 5 300 km². La première phase de ce permis représentait des études sismiques de la région. Ce permis a été renouvelé deux fois. Son échéance actuelle est 2016. En 2011, un consortium mené par Shell en partenariat avec les sociétés TullowOil (27,5 %), Total E&P Guyane Française (25 %), NorthPet et Wessex (2,5 %), a réalisé le premier forage d’exploration (GM-ES1) à 150 km au large de la Guyane qui a permis de démontrer l’existence d’un réservoir à plus de 6 000 m de profondeur (dont 2 000 m de mer) grâce à l’utilisation du navire à positionnement dynamique ‘Stena Ice Max’. Pour ce type de prospection, la création d’un consortium est courante. Il permet d’accroitre les possibilités exploratoires, en partageant les risques entre les participants du consortium. Afin de valider ce résultat, 4 autres forages ont été réalisés. Cependant à ce jour, aucun de ces forages n’a validé les découvertes du premier. En cas de succès des futurs forages exploratoires, une analyse de rentabilité sera menée afin de déterminer si l’exploration débouchera - ou non - sur une phase d’exploitation. Durant la phase exploratoire, le Consortium a veillé à préserver l’environnement, tant au niveau de la flore que de la faune (notamment sur la migration des tortues qui viennent pondre sur les côtes Guyanaises), par le biais de la création d’un fonds d’investissement doté de 1 M€. Le Consortium a aussi établi un plan de développement économique pour la Guyane. Dans la phase actuelle, le plan a permis la création de 24 postes en Guyane, ainsi qu’un investissement dans la modernisation et la structuration de la filière pêche. Dans la phase de production, la Guyane servira de base logistique, ce qui nécessitera la création d’une base logistique et améliorera les infrastructures portuaires. La phase d’exploitation devrait créer environ 500 emplois directs sur la région (Guyane, Brésil et Suriname) par champ d’exploitation. Du fait des technologies avancées qui sont utilisées pour ce type de forage, la main d’œuvre qualifiée nécessaire serait formée sur place. Même si du pétrole a été découvert au large de la Guyane, la mise en exploitation reste incertaine. La viabilité économique actuelle ne peut en rien présager de la viabilité future. Ces recherches auront cependant permis à la Guyane de profiter de l’argent du pétrole, sans toutefois, pour l’instant en produire. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 24 3.3.7 Ressources halieutiques : Exploitation des ressources marines, et lutte contre la pêche illégale Degrad de Cannes (Capitaine de Frégate Emmanuel BETOULLE - Capitaine de Corvette Olivier POULLAIN, et des Officiers du SHOM) La présentation et la visite du Port de Dégrad des Cannes nous a été faite par le Capitaine de Frégate Emmanuel BETOULLE. La présence en escale du navire "Le Borda", du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), a permis une présentation du SHOM et des missions du Borda par son Commandant, le Capitaine de Corvette Olivier POULLAIN et des officiers du bord. La Guyane possède plusieurs structures portuaires. Le port de Dégrad se situe sur le territoire de la commune de Rémire-Montjoly, sur la rive gauche du fleuve Mahury, à 15 km environ de Cayenne. Premier point d’entrée de marchandises en Guyane, Il assure environ 90% du trafic du port. Il comprend un poste roulier, un appontement pétrolier et un appontement minéralier. Le trafic s’est élevé à 651 000 tonnes en 2010. Dégrad des Cannes Cartographie du SHOM Il permet l’accès aux navires d’une longueur maximale de 165m et d’un tirant d’eau maximal de six mètres. L’accès au port se fait par un chenal de 15 km qui nécessite d’être constamment dragué. Ce dispositif est particulièrement coûteux (1,3 millions d’euros en 2003), d’autant que les navires ne peuvent pas se croiser dans le chenal et ne peuvent accoster qu’à marée haute. Ce qui ralentit considérablement le trafic. Actuellement, la Guyane ne possède pas de port en eau profonde, un facteur limitant pour le commerce en général et la concurrence en particulier. Ces faiblesses ont été mises en avant à plusieurs reprises, notamment dans le cadre du schéma d’aménagement régional de la Guyane en 2000, sans réponse à ce jour ; point d’autant plus critique que la population qui s’accroit rapidement entrainera une hausse des besoins, et donc du trafic. Le lieu de plus adéquat pour la construction d’un port en eau profonde serait probablement situé à l’embouchure du Saint Laurent ou au large de Cayenne. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 25 Le service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) L’utilité de cartographie maritime et sa reconnaissance comme élément incontournable a été mise en avant sous l’ancien régime. Depuis un arrêt du Conseil du Roi en date du 5 octobre 1773, la marine dispose d’un dépôt de cartes et de plans. Le SHOM s’inscrit dans une demande récurrente des bâtiments de la Marine nationale qui ont un besoin croissant d'informations concernant l'environnement marin ; en particulier concernant la propagation du son dans l'eau, la bathymétrie, la sédimentologie, le champ de pesanteur etc., afin d'optimiser l'utilisation des systèmes d'armes (comme les sonars, les radars, mais aussi les torpilles, les missiles, l'aviation embarquée), et disposer d'une appréciation de la situation (GHOM), unique et qualifiée pour les systèmes d'information et de commandement. Les services du SHOM procurent aux navires des outils efficaces et adaptés afin de mieux répondre aux nouveaux enjeux. Les informations recueillies sont intégrées dans des bases de données embarquées sur les navires. Ces informations sont stockées sur plusieurs supports, classiques ou numériques. Le SHOM mène une collaboration active avec de nombreux organismes extérieurs (Météo-France, Centre National de la Recherche Scientifique, Ifremer, Universités). La France possédant 11, 5 millions de km de Zone Economique Exclusive, les missions assurées par les services du SHOM sont particulièrement importantes, renforcée par la modification de la Convention SOLAS en 2002 qui précise les obligations des Etats côtiers en matière de services hydrographiques. Ces obligations sont inscrites dans la règle 9 du chapitre V de la convention. Des accords bilatéraux ont été signés afin que la France assume ces missions pour certains pays, notamment Africains. Trois Grandes Missions : Service hydrographique national, soutien de la Défense, soutien aux politiques publiques maritimes et du littoral. Ces missions sont les mises à jour des cartes marines, la rédaction des documents, la vérification des données existantes, et l'établissement de cartes numériques. Des éléments essentiels du SHOM : • 523 personnes hors équipages des bâtiments spécialisés. • Budget 2011 de 62,4 M€. • CA pour la documentation nautique : environ 2,9 M€. • 5 navires spécialisés, dont 2 employés conjointement par l'Ifremer. • Zone nationale de responsabilité de 11 millions de km² et des frontières maritimes avec 30 pays. • Soutien de la Marine nationale en hydrographie, océanographie et météorologie (HOM) dans une zone couvrant 40 millions de km². • Portefeuille de 1 079 cartes (un tiers du portefeuille mondial) diffusées chaque année à 200 000 exemplaires. • 75 ouvrages diffusés chaque année à 40 000 exemplaires. • Service permanent pour la diffusion de l'information nautique dans la zone Atlantique (NAVAREA II) et pour les données d'environnement destinées à la Marine. • Implantations à Brest, Toulouse, Saint-Mandé, Toulon, Nouméa et Papeete. • Certifié ISO 9001-2008. Lors de l’exposé, il ressort une perte du savoir-faire dans ce domaine si particulier, par manque de personnel qu’il faudrait augmenter dans les meilleurs délais afin de pérenniser compétences et savoir-faire. Un bateau supplémentaire serait également nécessaire pour assurer au mieux l’ensemble des missions assignées au SHOM, tant en ce qui concerne les engagements contractés avec les autres pays que pour répondre aux besoins de la France. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 26 3.3.8 Ressources Biodiversité Le Parc Amazonien de Guyane (Frédéric MORTIER et Bérengère BLIN) Le Parc Amazonien de Guyane a été créé le 27 février 2007 après une dizaine d’années de concertation avec les partenaires locaux et les populations. Il occupe le centre et le Sud de la Guyane, et s’étend sur près de la moitié de son territoire. Il constitue, avec le parc national des Tumucumaques, situé au Brésil, le plus vaste espace forestier protégé au monde (environ 17 millions d’hectares). Le parc est réputé pour abriter 720 espèces d’oiseaux, 480 espèces de poissons, 180 espèces de mammifères, et des milliers de fleurs et d’arbres. Il y a plus d’espèces dans un hectare de forêt du Parc Amazonien de Guyane que dans toutes les forêts d’Europe. Présidé par Hermann CHARLOTTE, maire de Saül, le Parc Amazonien de Guyane est un établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’écologie et du développement durable avec lequel il définit des contrats d’objectifs. Il comporte un conseil d’administration où siègent les représentants de l’Etat, tels que le Commandant supérieur des forces armées de Guyane, ainsi que les représentants des collectivités territoriales et des autorités coutumières. Ce conseil est assisté par deux instances consultatives : le conseil scientifique et le comité de vie locale composé des représentants des usagers, des habitants et des organisations socio-professionnelles. Le PAG dispose d’une équipe de 92 agents permanents, dont 53 travaillent au sein des trois délégations territoriales, auprès des populations. Il a principalement pour mission de contribuer à la gestion et la préservation de la biodiversité, à la connaissance du patrimoine naturel et à faire respecter les modes de vie des populations amérindiennes, bushinengués, créoles et noires marrons tout en favorisant leur développement. Frédéric MORTIER, directeur de l’établissement public, et la directrice-adjointe Bérengère BLIN, rappellent à cet égard que le parc est un outil de protection et de conservation, mais aussi de développement et d’intégration des populations locales. Il est composé d’une zone cœur de 2 millions d’hectares, sur laquelle la protection de la nature et de la biodiversité est la priorité, et d’une zone de libre adhésion de 1,4 million d’hectares, couvrant le territoire des cinq communes du parc national (Camopi, Maripasoula, Papaichton, Saul et Saint Elie) et sur lesquelles vivent les communautés précitées. Dans la première zone, les communautés d’habitants tirant traditionnellement leur subsistance de la forêt, peuvent néanmoins continuer à y chasser, pêcher, construire des villages et y prélever des végétaux. La zone de libre adhésion a pour vocation en revanche, de promouvoir le développement économique local des populations dans le respect de l’environnement, des usages et des traditions, et de permettre ainsi la création d’infrastructures de base pour améliorer leur qualité de vie (construction de réseaux d’eau potable, d’assainissement et d’électricité). Dans cet esprit, les autorités du PAG s’efforcent de développer un certain nombre d’activités locales durables en accompagnant les porteurs de projets avec le concours du programme européen ‘Leader’. Les secteurs d’activité initialement axés sur l’artisanat, l’agriculture et le tourisme vont être élargis et développés sur la base d’une logique de filières qui sera complétée par des programmes de formation et de transmission des savoirs faire traditionnels. Les autorités du parc veillent en outre à associer les communautés locales dans la gestion du parc, en les sensibilisant à la préservation de l’environnement et en encourageant leur éco-responsabilité (gestion des déchets, etc.). Le PAG a entrepris ces dernières années d’élaborer une charte qui servira de document cadre pour définir les projets qui seront menés sur le territoire des communes du parc pendant les dix prochaines années. Ce document a été préparé en concertation avec les élus, les autorités coutumières et les populations représentées dans les conseils d‘habitants. Il doit en principe être signé par l’Etat et l’établissement public du parc national, et fera l’objet de conventions d’application avec les partenaires publics ou privés. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 27 La gestion du parc se heurte cependant au fléau de l’orpaillage qui menace les écosystèmes et dégrade l’environnement, mais aussi à la chasse illégale et au braconnage. L’objectif du parc est donc de renforcer les capacités de surveillance des territoires en recrutant notamment des agents parmi les communautés locales. Le parc national procède ainsi à un état des lieux de l’activité illégale d’orpaillage et contribue à des missions de veille et d’alerte en coordination avec les services de la préfecture, les forces armées de Guyane et la Gendarmerie. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 28 3.4 Incroyables défis technologiques Centre Spatial Guyanais à Kourou : Base Ariane, Soyouz et Vega, rencontre avec Bernard CHEMOUL, directeur du Centre Spatial guyanais Le Centre Spatial Guyanais (CSG), également appelé « Port Spatial de l’Europe », désigne l’ensemble du site spatial, les installations et les moyens qui concourent à la réalisation des lancements d’Ariane, de Soyouz et de Véga. Il regroupe des établissements de plusieurs acteurs du secteur spatial européen, dont les trois principaux sont l’Agence Spatiale Européenne (ESA), le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et Arianespace. L’ESA, organisation intergouvernementale qui compte 20 membres, est propriétaire de nombreuses installations sur le territoire du CSG. Arianespace est l’opérateur de lancement : il achète les lanceurs, les commercialise et exploite les ensembles de lancement. Le CNES, propriétaire foncier du CSG, assure notamment la gestion globale du centre, la conception des lanceurs et des installations de la base, l’exploitation des ensembles de préparation des charges utiles (EPCU), la coordination des opérations de lancements, les opérations de sauvegarde et de sûreté-protection. Ses missions consistent à garantir à l’Europe un accès à l’espace autonome et sans contrainte pour réaliser les missions qui relèvent de sa souveraineté et occuper une place de premier plan sur le marché mondial des services de lancement. Créé en 1964, le CSG constitue pour l’Europe un site de lancement exceptionnel. Parmi ses nombreux atouts, soulignons sa proximité de l’équateur : en termes de technique spatiale, cela permet d’augmenter la masse de la charge utile des satellites à placer en orbite géostationnaire : soit un gain de charge utile de 16,5% par rapport au Centre Spatial Kennedy (Cap Canaveral) en Floride, et de 35% par rapport au site de Baïkonour en Russie. Un deuxième atout est sa superficie de 700 km2, avec une façade maritime de 50 km, qui permet de disposer de trois pas de tirs, et d’effectuer des lancements suivant différents azimuts. Enfin, un climat favorable, caractérisé par des vents faibles et l’absence de cyclones, qui permet d’effectuer des tirs tout au long de l’année, l’objectif étant d’effectuer 10 à 12 lancements par an. Les lanceurs : le CSG est depuis quelques années multi produits. Il propose une gamme complète de trois lanceurs européens : le lanceur lourd Ariane 5, avec une charge utile de 9 500kg sur orbite géostationnaire, le lanceur moyen Soyouz (3 150kg en orbite géostationnaire), et le petit lanceur Vega (1 500 kg à 700 km). Chaque lanceur dispose sur le site du CSG d’un pas de tir dédié. En 2012, dix lancements ont été réalisés avec succès (7 avec Ariane, 2 avec Soyouz et 1 avec Vega). Un complexe opérationnel et industriel : en plus des pas de tir, le CSG comprend différentes installations : • des bâtiments d’intégration qui permettent d’assembler les différents lanceurs qui arrivent complètement démontés, et de réaliser les nombreux tests fonctionnels prérequis avant de les envoyer dans l’espace ; • des installations supports (station de télémesure et radar) ; • les EPCU qui permettent aux clients de terminer l’assemblage et de tester leur satellite avant intégration sur le lanceur. Le centre spatial est aussi un centre industriel avec une usine pyrotechnique pour la production de poudre nécessaire aux lanceurs d’Ariane et Véga. La production annuelle est de l’ordre de 2 600 tonnes de propergol pyrotechnique. La production d’oxygène et d’hydrogène liquide est également assurée sur le site. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 29 Budgets et aspects économiques : Le CSG dispose d’un budget annuel de fonctionnement de l’ordre de 170 M€, dont : • Des coûts fixes de l’ordre de 115 M€ : 2/3 ESA, 1/3 France, mais en intégrant la contribution de la France au budget de l’ESA, son financement au budget du CSG atteint 56%. • Des coûts variables : en fonction du nombre de lancement, ce sont les clients qui financent ces coûts au travers des prestations de service achetées à Arianespace. • En termes d’emplois, 37 sociétés européennes sont implantées sur le site du CSG. Elles comptent 1 670 salariés (74 % en local), auxquels s’ajoutent environ 200 personnes en mission lors de chaque lancement. • Dans l’économie locale, le CSG qui représente aussi 9 000 emplois directs et indirects, soit environ 15% de l’emploi de la Guyane, est un contributeur majeur en en termes de recettes fiscales, notamment au bénéfice des collectivités territoriales. • L’activité opérationnelle et industrielle du CSG contribue à 15 % du PIB de la Guyane. • Au-delà de l’activité spatiale, le CNES en tant qu’établissement public a aussi pour mission d’aider au développement économique de la Guyane pour lequel il consacre une partie de son budget qui fait l’objet l'objet d'une convention avec l’Etat et la Région. Ainsi, sur la période 2000-2011, un budget de 150 M€ dont 45 M€ du CNES - a permis de créer 3 000 emplois pérennes. L'espace, un milieu stratégique : Dans le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2013, l’espace y est défini comme une composante de la souveraineté indispensable à la conduite des cinq fonctions stratégique de la Défense (connaissance anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention). Le CNES, maitre d’ouvrage délégué de la Direction Générale de l’Armement (DGA), en qualité de 1er contributeur à l’ESA, permet à la France d’être la 1ére nation spatiale européenne. En conclusion : Qu’il s’agisse de satellites de télécommunication, d’observation de la terre, de navigation, d’applications scientifiques ou de défense et de sécurité, l’Espace occupe une place croissante dans nos sociétés. Il convient donc de pérenniser la politique spatiale européenne, voire de la développer, afin que l’Europe demeure un acteur de premier plan au niveau mondial dans le domaine spatial. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 30 3.5 Incroyable diversité des peuples 3.5.1 Mairie de Roura - Rencontre avec le maire David RICHÉ Les 3 000 habitants de la commune grande comme 4 fois la Martinique, sont répartis entre les deux bourgs éloignés de 60 km, Roura-centre et Cacao. A Cacao vit une communauté de 800 Hmongs. Cette segmentation de la commune en deux points éloignés, augmente les dépenses de la commune et contribue à son fort endettement, qui a conduit depuis 1992 à sa mise sous tutelle. La commune est la première zone en surface cultivée de Guyane (production maraîchère grâce aux Hmongs), et a une importante exploitation forestière grâce à la scierie, qui est exportatrice. Outre cette richesse qu’il faudra maintenir (attention au départ des jeunes vers Cayenne qui ne souhaitent pas rester sur l’exploitation de leurs parents), la commune souhaite développer une zone d’activité économique, avec notamment un port de plaisance sur l’Oyak et une centrale électrique EDF fonctionnant à partir de biomasse. De l’avis du Maire, pour mener à bien ces projets, les délais de réponse de l’administration sont trop longs ; et les dossiers ne sont pas suffisamment bien suivis du fait du turn-over trop important des fonctionnaires. Est donné comme exemple le PLU qui n’est toujours pas approuvé, ainsi que les discussions avec la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement -DEAL- qui durent depuis plus de 5 ans. Quant à la biodiversité de la commune qui est une belle référence, elle ne rapporte rien, le Parc Naturel Régional étant avant tout une source de dépenses, qui complique toute évolution de l’urbanisme, la commune ayant été classée comme zone d’intervention forestière (ZIF). Comme originairement au Laos, les Hmongs se partagent entre trois clans : Catholiques, Animistes et Protestants, ils sont souvent en lutte pour le pouvoir et ne partagent pas les mêmes idées. Ainsi par exemple, ne s'étant pas accordés pour le choix de la date du nouvel an, il y a deux « nouvel an Hmong ». Les catholiques n’acceptent pas le pouvoir d’un animiste et réciproquement, et finalement, un maire hors de leur communauté est mieux accepté ! Il en résulte que seule une toute petite minorité revendique la création d’une commune à Cacao, qui reste un bourg "ethnique". Les enfants sont bien scolarisés (le collège privé catholique de Cacao est réputé), ce qui tend à éloigner les enfants du métier d’agriculteur de leur parents, pour des métiers moins pénibles physiquement. Sur le plan religieux, comme pour toute la Guyane, la majorité à Roura est catholique. Il y a également à Roura un certain nombre de Témoins de Jéhovah, essentiellement parmi la population d’origine brésilienne, des Adventistes du 7ème jour et des Evangélistes. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 31 Sur le plan politique, la droite parait peu présente et dispersée en de nombreuses tendances, tout comme la gauche divisée entre PS, PSG (majoritaire mais en déclin), Walvari, (le parti proche du PS fondé en 1992 par Christine TAUBIRA) et le MDES (parti des rares indépendantistes). Apparaissent : • Un manque de suivi des dossiers entrainé par le turn-over des fonctionnaires. • L’urgence de créer des activités économiques pour la survie de la commune. • La couteuse sur-administration de la commune (100 employés municipaux), qui ne semble pas uniquement liée à l’existence des deux bourgs éloignés. 3.5.2 Mairie de Kourou - Rencontre avec le Sénateur - Maire Jean-Etienne ANTOINETTE KOUROU est une commune qui met en évidence toutes les réussites et les difficultés de la Guyane. Jean-Étienne ANTOINETTE est Maire de Kourou depuis 1996 et sénateur (DG) de Guyane depuis 2008. Il nous a reçus pour nous parler de sa commune et du Département. Kourou est un site incontournable en Guyane en tant que port spatial de l'Europe. Avec ses 25 688 habitants, la ville est la 4ème commune de Guyane à la population très diverse, dont moins de 19% de celle-ci est originaire de Kourou. La ville a attiré un afflux de nouveaux habitants lors de l'implantation du centre spatial guyanais. Les ressources économiques de la commune reposent pour moitié sur les activités liées à l'aérospatial. Les échanges économiques du département se font principalement avec les Antilles et l'Hexagone, et non avec ses voisins, cette situation étant due notamment à l'existence d’un Euro fort, en décalage par exemple avec la monnaie du Surinam voisin. Le Maire pointe certaines incohérences : les agriculteurs de Guyane ont des exploitations comportant 600 ou 700 bêtes, alors que l'on continue à importer de la viande ! Le Sénateur-Maire estime primordial l'ouverture de la Guyane vers les autres pays d'Amérique latine, par le biais de partenariats avec les Universités et l'amélioration des infrastructures et des voies de communication pour développer le commerce de la région. Il regrette que les gouvernements successifs aient tous entendu "sacrifier" la Guyane au profit des contrats commerciaux entre l'Hexagone et les autres pays, notamment le Brésil. En ce qui concerne l'immigration, la géographie du pays rend les frontières très perméables. Si l'on se réfère au site web du Sénat (Février 2014), la population étrangère représente au moins un tiers des habitants de Guyane et elle se féminise, signe de l'installation de familles sur le territoire. Selon les chiffres de 1999, derniers connus, un tiers des immigrés venait du Surinam, 28% d'Haïti et 16% du Brésil. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 32 Kourou représente ainsi le double visage de la Guyane : la très belle réussite du centre spatial, avec un l'emplacement unique au monde qui outre sa vocation européenne sert également à la Russie ; mais aussi les difficultés occasionnées par une immigration galopante avec son cortège de misère et de délinquance. 3.5.3 Communauté Hmong - Visite d'une exploitation maraichère à Cacao (Bruno et Tchia LE VESSIER) Les Hmongs, réfugiés laotiens arrivés en 1977, vivent dans une autarcie presque totale et sont rapidement devenus les producteurs de fruits et légumes de toute la Guyane. Mal accueillis au début, leur rôle économique est aujourd’hui indispensable et reconnu de tous. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 33 3.5.4 Rencontre avec Monseigneur Emmanuel LAFONT, Evêque de Cayenne Cette rencontre débute en assistant à l'Office à l’église de la Sainte Famille, qui sera également l’occasion de l’installation par l’évêque du nouveau curé de la paroisse; suivi d'un diner informel au restaurant ‘Les Palmistes’, sur la place éponyme. Mgr LAFONT est accompagné de Siway, l’un des nombreux jeunes pensionnaires de diverses origines en difficulté, accueillis dans un foyer improvisé depuis quelques années. Avant l’office, l’évêque nous rappelle ses trois missions prioritaires : Enseigner, donner les sacrements et unir en rassemblant. Nous assistons à une très belle messe chantée où les fidèles participent avec foi à la célébration. Les enfants sont appelés devant l’autel : ce sont eux les principaux acteurs. Nous sommes frappés par ce moment d’échanges chaleureux et de communion avec les autres fidèles. A notre demande, Mgr LAFONT nous parle de ses 11 années passées en Afrique du Sud en tant que curé de Soweto : " l’Afrique est un continent spiritualiste, où la vie est un cadeau, et où il faut faire le Bien. Ce pays n’est pas intrinsèquement violent, il a milité pour la non-violence ; car la violence est une non-réponse : elle abime la victime, mais aussi celui qui la pratique. L’ANC a d’ailleurs toujours tenté de négocier avec les autorités sud africaines, mais y a renoncé car le gouvernement n’a jamais voulu entendre sa voix : quand on viole un peuple, on le rend nécessairement violent (cf. l’apartheid, la colonisation, la dictature) et on l’aliène. L’arme la plus puissante dans les mains de l’oppresseur, c’est l’opprimé, car le système d’oppression induit des idées fausses sur le pouvoir, les lois. La population de Soweto n’a eu que méfiance pour le pouvoir car elle considérait la loi injuste ; et enfreindre la loi était quelque part retrouver son identité, c’était être soi. Un exemple : les habitants de Soweto recevaient des factures d’électricité anormalement élevées et impossibles à vérifier ; d’où le boycott du paiement qui a entraîné une réaction disproportionnée de la police, qui a elle même augmenté la haine de la population pour cette police considérée comme mauvaise, qui ne réprime qu’eux. La violence s’est nourrit de ces abus, et a creusé le fossé entre blancs et noirs". En évoquant la Guyane, Mgr LAFONT souligne que "nous avons aussi à faire notre deuil en Guyane pour nos actions passées : l’esclavage, le bagne, le traitement des Amérindiens. Pour guérir, il faut reconnaître ses blessures et savoir pardonner ! Pas d’avenir sans pardon, disait Desmond Tutu". Les défis de Mgr Emmanuel LAFONT : L’Eglise en Guyane est un facteur de dialogue, d’échange et de fraternité. Il y a une multitude de mondes, mais on reconnait à l’Eglise son facteur d’unité. "La situation mondiale n’incite pas à l’optimisme, mais nos peuples sont suffisamment unis pour faire face au défi du temps. Pour nous aider, il faut avoir une foi enracinée dans la parole de Dieu et prendre en compte le fait que le Christ s’est fait homme pour nous. La communauté doit s’enraciner dans le Christ et faire preuve de tolérance. "Nous devons communier avec Dieu et fraterniser avec le monde humain". Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 34 3.6 Incroyables paysages et faune 3.6.1 Marais de Kaw De Cacao, nous partons en bus pour la réserve naturelle des marais de Kaw située à 55 km à l'Est de Cayenne. Sur la route, nous rencontrons pour la première fois la forêt tropicale, épaisse et impénétrable. A la faveur d'une trouée sur une colline, nous apercevons une mer d'arbres et la Canopée. A la fin de la route, nous embarquons sur deux pirogues pour visiter les marais de Kaw-Roura, troisième réserve naturelle de France par sa superficie. Créée en 1998, cette vaste zone humide de 100 000 hectares est classée Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1. Le seul village de la réserve Kaw n'est accessible que par la rivière, et compte 50 habitants. La balade en pirogue nous conduit vers l'Ecolodge flottant, où nous passerons la nuit. En chemin, nous découvrons une savane inondée entourée par le massif montagneux de Kaw qui culmine à 300 mètres. La rivière est bordée de part en part de plantes des marécages appelées Moucou-moucou, sorte de feuilles de nénuphars qui poussent sur des troncs frêles. En chemin, notre guide Gaby nous fait découvrir les oiseaux des marais : • la moucherolle à tête blanche, en créole "zozo mo so", petit oiseau à la tête blanche et au plumage noir qui ressemble aux religieuses à cornette. • la Sturnelle militaire, en créole "Rouj gorj", qui, avec son plastron rouge, fait penser aux militaires de la garde napoléonienne. • le canard Musqué. • le héron Cocoi, gris et blanc, perché sur un arbre, l'ami des savanes. • et plusieurs variétés d'aigrettes, de martins pêcheurs. Après une heure et demie de pirogue, nous arrivons à l'Ecolodge, qui se présente comme un immense carbet flottant, un abri en bois ouvert à tous les vents, dont le toit protège de la pluie et du soleil. Nous sommes à 16 kilomètres du débarcadère, au lieu-dit « Les deux branches ». Ouvert toute l'année, l'Ecolodge est un projet cofinancé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), la Région Guyane (avenant au contrat de plan Etat), et le Centre National des Etudes Spatiales (CNES). Nous sommes au cœur des marais, avec pour seule compagne la nature. Nous découvrons une autre Guyane, celle de la biodiversité. Après un Ti-punch et un dîner créole, où nous nous sommes régalés d'Atipa, poisson local, nous repartons dans la nuit à la recherche d'un habitant invisible la journée : le caïman noir : une quête risque difficile ce soir de pleine lune où les sauriens risquent de ne pas sortir pour chasser leurs proies en raison de la luminosité. Le marais de Kaw abrite l'une des dernières populations de cette espèce protégée. Notre guide dirige son projecteur vers l'eau, et nous voyons deux yeux nous fixer : l’œil du caïman reflète la lumière, et c'est ainsi qu'il est repérable dans la nuit. Nous nous approchons, apercevons une petite tête : Gaby plonge son bras et saisit un caïman noir d'un mètre, l'amenant hors de l'eau. Malgré sa petite taille, il a déjà 15 ans ! Nous sommes tout excités à l'idée de le photographier et même de le toucher. Gaby a suivi une formation de guide accompagnateur dans le cadre du Service Militaire Adapté (SMA), qu'il exerce depuis 2003. Notre chasse au caïman continue, mais cette fois-ci nous apercevons des spécimens de deux mètres cinquante, qu'il n'est plus question d'attraper à mains nues. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 35 Lors de notre balade nocturne, nous découvrons également deux Cabiais d'environ 80 kilos qui broutent, des rongeurs appelés ici « cochons d'eau », les plus grands rongeurs au monde. De retour à notre campement, nous nous préparons pour la nuit. Celle-ci ne sera pas de tout repos, entre l'expérimentation des hamacs, les ronflements des uns et des autres, les moustiques et l'humidité ambiante. Nous sommes bien loin de Paris : plus de couverture téléphonique ni d'accès Internet ! La vie d'Indiana Jones est fascinante mais pas si facile ! Depuis notre lit ou notre hamac, nous assistons au lever du jour. Les cris étranges des singes hurleurs côtoient les odeurs de croissants chauds et de café. Pas de douche, pour économiser l'eau douce qui vient d'une crique voisine. A la place, un retour en pirogue. La brume se lève petit à petit, le soleil apparaît, et nous découvrons avec grande joie l'envol des oiseaux, que manifestement le bruit de la pirogue a dérangé. Il est neuf heures, et nous avons regagné la terre ferme. L'écosystème des marais de Kaw est cependant menacé : selon l'inventaire du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), la montagne de Kaw recèle des gisements aurifères conséquents. Dès juillet 1995, deux permis de recherche sont accordés. En 2008, le Président de la République Nicolas SARKOZY refuse d’accorder les permis nécessaires au projet "Camp Caïman", prévoyant une mine d'or à ciel ouvert. Plus récemment, un projet baptisé « Harmonie », portant sur 170 hectares et conduit par la société minière Lam Gold, a vu le jour. En Avril 2011, le Président du Conseil Régional, Rodolphe ALEXANDRE, affiche son soutien à ce projet, lequel, d'après lui, permettra "d'allier or jaune et or vert ". A ce jour, le projet n'a pas avancé, mais la Région continue à réclamer l'obtention de la compétence minière ! Les marais de Kaw seraient-ils en sursis ? Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 36 3.6.2 Zoo de Montsinéry Très belle balade dans ce zoo de Guyane, repris et amélioré en permanence depuis plusieurs années par les propriétaires, également propriétaires d'un autre zoo aux Antilles françaises. Lieu de découverte de la faune endémique au territoire d'Amérique du Sud, notre parcours vous emmène à la rencontre de plus de 450 espèces qui s'inscrivent dans des écosystèmes mettant en valeur la richesse de la biodiversité de la région. Très joli parcours dans la canopée, sur un magistral "pont de singe", puis à la rencontre de nombreuses espèces, comme les caïmans à lunettes, ibis rouges, hoccos alectors, pumas, jaguars, agoutis, kinkajous, tortues podocnémides géantes, coatis roux, atèles à face rouge, sakis à face blanche, multiples primates dans leur vaste cage, buses blanches, et de très impressionnants serpents ! 3.6.3 Musée Le Planeur Bleu à Cacao Philippe SOLER nous présente son incroyable exposition d'insectes et aranéides, vivants ou non (papillons, coléoptères, mygales). Nous découvrons l'amour immodérée de l'une de nos camarades pour les araignées, ainsi que quelques très beaux spécimens de blattes et de cafard, dont sans doute Blabera Fusca et Periplaneta Americana. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 37 3.6.4 Salon régional agricole de Matiti Visite du Salon en pleine chaleur, entre midi et quatorze heures, horaire évité par les locaux pour raisons climatiques. Les zébus sont particulièrement imposants, presque plus que nos taureaux primés du Salon de l’Agriculture de la Porte de Versailles à Paris. Déjeuner de plats locaux et chips de bananes, nouveau produit commercialisé au salon, et bière fraîche locale bien entendu! 3.6.5 Marché de Cayenne Le marché de Cayenne, lui aussi, est plein de ces mille couleurs, avec son animation, ses costumes et madras, ses étals débordants des couleurs et parfums de fruits et légumes exotiques, ses vendeurs de rhum, sa place du Coq, son marché aux poissons, son port de pêche et la proximité de la terrasse du Bistrot des Palmistes, sur la place centrale de Cayenne, haut lieu de rendez vous où certains se retrouvent autour d'une bonne bière ou d'un Tit punch. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 38 3.7 Incroyable empreinte de l'histoire 3.7.1 Du bagne d'hier au paradis touristique d'aujourd'hui Les îles du Salut sont situées à 14 km des côtes de KOUROU et culminent à 40 m au-dessus du niveau de la mer. Ce sont trois îles qui se regardent, formant un triangle presque parfait : Royale, Saint Joseph et l’île du Diable. Le climat plus venteux (les alizés) et plus sec que celui du continent, offre aux visiteurs un paysage moins luxuriant, mais la mer est bleue et non plus brune, comme le long des côtes de la Guyane. Les cocotiers peuvent faire oublier un instant le sinistre passé de ces lieux qu’Albert LONDRES qualifia à juste titre « d’enfer au paradis ». De l'époque amérindienne (nombreux polissoirs trouvés au nord de l’île Royale prouvent que ces îles furent occupées par les Amérindiens qui usaient du terme « Iles du Triangle » pour les qualifier), au XVIIe siècle : Les trois îles furent qualifiées "Iles du Diable" ou "Devil’s islands " par les premiers navigateurs qui firent souvent les frais de leurs côtes rocheuses et du fort courant entre les îles. Selon les missionnaires catholiques, ces îles servaient de retraite aux jeunes chamans-guérisseurs, durant leur période d’initiation à la transe et à la possession. Ils entraient ici en communication avec le Diable "Iracon". Expédition de Kourou en 1764 : A l’issue de la guerre de Sept ans contre l’Angleterre, la France perd de nombreuses colonies. Le Duc de Choiseul choisit la Guyane comme "plateforme de la reconquête de la suprématie française". En 1764, on décide donc de faire venir 12 000 Européens (soit le double de la population coloniale de l’époque), pour assurer la défense et la mise en valeur des terres françaises. C’est la fameuse « Expédition de Kourou ». Non préparée à affronter une traversée de l’Atlantique, accueillie dans des conditions déplorables, abandonnée sur des terres mal drainées à l’embouchure du Kourou ou du Sinnamary, plus de la moitié des arrivants va périr. Les survivants seront rapatriés ou échapperont aux maladies, en se réfugiant aux "Iles du Diable", rebaptisées à cette occasion "Iles du Salut", car elles étaient le "salut" de la colonie. La plus vaste des îles devint "Royale" en l’honneur du Roi, celle du Sud "Saint Joseph", parce que l’expédition était placée sous la protection de ce saint, celle du Nord conserva son nom d’origine. Le Bagne aux îles ! La France décide, en 1850, sous la pression de la bourgeoisie catholique triomphante d’"assainir" les ports de Brest, Rochefort et Toulon, dont les pénitenciers étaient surpeuplés. De plus, l’abolition de l’esclavage (1848) avait sonné le glas d’une main d’œuvre bon marché dans les colonies. En optant pour la déportation des condamnés en Guyane, le gouvernement pensait satisfaire les besoins de son activité économique, tout en favorisant, à moyen terme, sa colonisation. Ce projet s’achève rapidement, car la 3ème République naissante instaure un régime très répressif à l’égard des malfaiteurs. Il ne s’agit plus alors de coloniser un territoire grâce à la main d’œuvre pénale, mais d’évincer de la métropole les criminels jugés irrécupérables. C’est le 21 février 1858 que le Centre de Détention de Saint Laurent du Maroni est créé par l’Amiral Auguste Laurent BAUDIN, gouverneur de Guyane, dans un lieu qui, espérait-on, ne serait pas un futur mouroir sur la rive orientale du fleuve Maroni face à la prospère colonie de Guyane Hollandaise. A la fin de leur peine, les transportés, sans ressource et livrés à eux-mêmes, replongeaient dans l’illégalité et retrouvaient leur statut de prisonnier ou devenaient des chasseurs d’évadés. Le doublage : Après une condamnation inférieure à 8 ans, le transporté se voyait dans l’obligation de séjourner libre dans le territoire de Guyane un temps équivalent à la peine qu’il venait d’accomplir. Pour les peines supérieures, le retour n’était plus envisageable. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 39 Corruption et inégalité sociale étaient les bases de l’organisation sociale pénitentiaire. Les plus faibles ou les plus jeunes étaient rapidement pris à partie par les autres et ne pouvaient compter que sur leur courage pour se tirer d’affaire, les gardiens faisant preuve du plus grand laxisme dans leur surveillance. Des zones particulièrement insalubres étaient utilisées pour mater les indisciplinés. Là, un traitement très raffiné à base de paludisme, de privations et de sévices permettait de mettre rapidement un terme aux aspirations révolutionnaires les plus grandes. "Tous ont des couteaux. Il n’est pas de forçat sans plan*, ni couteau. Le matin, quand on ouvre la cage, on trouve un homme le ventre ouvert. Qui l’a tué ? On ne sait jamais. C’est leur loi d’honneur de ne pas se dénoncer. La case entière passerait à la guillotine plutôt que d’ouvrir le bec. " Ibidem § Parmi les misérables p.34 * "Papiers et monnaies sont tassés dans un tube appelé plan (planquer). Ce tube se promène dans leurs intestins. Quand ils le veulent, ils s’accroupissent". Le Docteur ROUSSEAU résume ainsi la situation dans son livre de souvenirs : "Les bagnes de Guyane sont des charniers où, s’alliant à la syphilis et à la tuberculose, tous les parasites tropicaux (paludisme, ankylostomes, ver parasite de l’intestin grêle, amibes de la dysenterie) deviennent les auxiliaires les plus sûrs d’une administration dont le rôle est de regarder fondre les effectifs qui lui sont confiés. Les plus farouches théoriciens de l’élimination peuvent être satisfaits. Les condamnés vivent en moyenne 5 ans en Guyane, pas plus. Toutes ces pathologies sont la conséquence d’une malnutrition sévère, d’un manque d’hygiène évident et les bactéries et virus y trouvent un terrain favorable à leur prolifération". Fin du Bagne C’est Albert LONDRES, le courageux journaliste vichyssois (1884 –1932) qui ouvrit une brèche dans les murailles du bagne en rédigeant un rapport dont les conclusions furent finalement publiées dans le "Petit Parisien". Cette enquête explosive (Août et Septembre 1923), qui s’achève par une lettre ouverte à Albert SARRAUT, ministre des colonies, connaît un retentissement considérable. En 1924, elle est republiée sous forme de livre chez Albin MICHEL, et vaut à son auteur une notoriété nationale. Sa force sera si grande qu’en Septembre 1924 le gouvernement décidera la suppression du bagne. Honneur du journalisme, il écrivit : "Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie". En France, la lutte pour la suppression du bagne est menée par des avocats, l’Armée du Salut et le député de Guyane Gaston MONNERVILLE (1897-1991) « Ti-Momo ». Pendant 22 ans, le Président MONNERVILLE, 2e magistrat de France, va conduire les destinées du Conseil de la République, puis du Sénat, voyant ainsi passer toute la politique intérieure et extérieure de la IVe et de la Ve République. Le 17 Juin 1938, le Président de la République, Albert LEBRUN, signe un décret-loi mettant fin à la peine des travaux forcés en Guyane. Mais de 1940 à 1943, un nouveau directeur précédemment à la tête du bagne de Poulo-Condor à Saïgon est nommé par le Gouvernement de Vichy, à la tête de celui de Guyane. Il fit preuve d'une rigueur féroce, appliquant les textes à la lettre. En 3 ans, la population pénale diminue de moitié ! Après cet épouvantable intermède, les nouvelles autorités de la France Libre prennent de nombreuses mesures humanitaires, le bagne est définitivement fermé et le rapatriement des libérés et de la majorité des condamnés en cours de peine est décidé. Les voyages de retour s'échelonnent de 1946 à 1953. Ne restent plus à Cayenne et à Saint Laurent du Maroni que quelques dizaines de bagnards, que rien ni personne n'attend plus en métropole. En Guyane, sur près de 68 000 transportés de 1852 à 1938, 50 000 vont périr, 1 400 s'évadent, et à peine 300 ancien bagnards s'établissent en Guyane, après la liquidation définitive du bagne en 1946. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 40 3.7.2 Visite des Iles du Salut (Royale, St Joseph, Diable) 3.7.2.1 L’île Royale Nous embarquons sur un catamaran à Kourou et, après une heure de traversée, débarquons sur l’île Royale, la principale des îles du Salut, dans la baie des cocotiers située au Sud. La Loi du 19 Mars 1931 désignait l'Ile Royale comme un lieu de déportation simple. Réservée aux condamnés jugés les plus dangereux, elle réunit, côté Ouest, les bâtiments de la Transportation : • pour la garde : avec une caserne abritant une vingtaine de soldats d’infanterie coloniale, un quartier des fonctionnaires civils (une centaine), un quartier des surveillants. • pour la réclusion : camp des transportés, quartier des condamnés disciplinaires avec 150 cellules, et une douzaine de cachots. • pour les installations sanitaires : hôpital des transportés - distinct de l’hôpital militaire, infirmerie - non loin de ce qu’on dit avoir été la morgue, et du cimetière des enfants. • religieuses : chapelle, presbytère, aumônerie, maison des sœurs de Saint Paul de Chartres. • et maritimes : sémaphore et maison du préposé. L’Est, moins dense et moins étendu, comprend un quartier cellulaire ainsi qu’un asile d’aliénés, comme la plupart des services comme des magasins, boulangerie, bouverie, porcherie, abattoir, hangar de construction navale, atelier pour travaux. L’administration et la direction (Hôtel du Commandant, maison du chef de camp, bureaux) s’installent au niveau du resserrement de l’île à son milieu, non loin de la jetée Sud. Un poste y monte la garde à l’entrée de l’île, assurant le service du port. Actuellement le Centre Spatial Guyanais (CSG) est propriétaire de l’île, et y a installé un ciné théodolite, système optique de poursuite et d’observation des lanceurs remplacé depuis 1995 par un ciné télescope. Le CSG participe également à la restauration des vestiges du bagne. Nous longeons, dans un premier temps la baie des cocotiers et passons devant le poste de police et le bâtiment où les arrivants étaient triés. Puis nous nous séparons en deux groupes : • l’un emprunte un escalier pavé très raide qui monte vers l’auberge des îles du Salut (ancien mess des officiers et des surveillants) dont la terrasse offre une perspective magnifique sur l’île du Diable et l’océan. • et l’autre continue vers la chapelle et le cimetière des enfants. Nous nous retrouvons pour déjeuner sur la terrasse couverte du restaurant. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 41 3.7.2.2 L'Ile du Diable Après avoir été le dernier refuge des lépreux, cet îlot de 14 hectares devint le lieu de réclusion des prisonniers politiques que l’on voulait isoler afin d’éviter "la contagion idéologique". Il n’y a pas d’accès possible à l’Ile du Diable, et plus d’un navire s’est fracassé sur ses côtes. Depuis que le téléphérique qui la reliait à l’Ile Royale est hors d’usage, il est devenu très difficile, voire périlleux, de l’atteindre. Ses rives n’offrent aucun lieu de mouillage sécurisant qui permettrait de s’abriter des vagues souvent violentes. Alfred DREYFUS y sera détenu d’Avril 1895 à Juin 1899. La maison de DREYFUS a bénéficié d’un programme de restauration financé par le CNES. 3.7.2.3 L'ile St Joseph Les ruines tragiques du pénitencier réservé aux condamnés à la peine de réclusion cellulaire infligée aux "incorrigibles". Le silence total était la règle absolue. Tout bruit, même celui de ses propres chaînes, entraînait la prolongation de son séjour. La nuit, une cheville était prisonnière d’un anneau fixe. 3.7.2.4 Relégués célèbres Capitaine DREYFUS : "Capitaine d’artillerie, faussement accusé en octobre 1894 de trahison en faveur de l’Allemagne, condamné par le Conseil de guerre de Paris, le 22 décembre, à la déportation perpétuelle. Dégradé le 5 janvier 1895, déporté en février à l’île du Diable, en Guyane, il résista de toute son énergie aux traitements inhumains qui lui furent infligés pendant sa détention. Après la cassation du procès de 1894, il est ramené en France le 1er Juillet 1899. De nouveau condamné par le conseil de guerre de Rennes, le 9 septembre 1899, à dix ans de détention, gracié le 19 Septembre. Une révision du procès de Rennes, décidée le 5 mars 1905, conduisit à sa réhabilitation pleine et entière le 12 juillet 1906, et à sa réintégration dans l’armée avec le grade de chef d’escadron. Admis à la retraite le 5 août 1907, réengagé pendant la Première Guerre Mondiale, qu’il termina avec le grade de lieutenant-colonel, Alfred DREYFUS mourut le 12 juillet 1935. Guillaume SEZNEC : "Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité le 4 Novembre 1924 pour le meurtre du conseiller général du Finistère Pierre QUEMENER. Il commence sa peine au Camp de la Transportation de Saint Laurent du Maroni en 1927, puis est transféré l’année suivante au bagne des îles du Salut. A la fermeture du bagne à l’issue de la seconde guerre mondiale, il bénéficie d’une remise de peine et rentre en France en 1947. Il meurt en 1954 des suites de ses blessures après un accident de la circulation. Son procès fit l’objet de Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 42 nombreuses révisions, restées sans changement de verdict jusqu’à aujourd’hui, mais Guillaume SEZNEC et ses proches n’auront cessé de clamer son innocence". Henri CHARRIÈRE, dit "Papillon" : "Il est condamné le 28 Octobre 1931 pour le meurtre d’un de ses amis aux travaux forcés à perpétuité. Quarante-trois jours après son arrivée aux îles du Salut, il s’évade. Repris peu de temps après, il tentera plusieurs fois de se faire la belle, dont la dernière, en 1941, est la bonne puisqu’il n’est jamais repris. Blanchi après la seconde guerre mondiale pour son comportement héroïque pendant le conflit, il écrit en 1969 un récit de ses aventures qui devient un best-seller et est adapté au cinéma. La véracité de ce récit a été vivement critiquée, certaines de ses cavales étant supposées empruntées à d’autres détenus, certaines simplement inventées". 3.7.3 Visite du Centre Pénitentiaire de Guyane (rencontre avec Daniel WILLEMOT, Chef d’Etablissement) Le bagne dans la pensée d’un grand nombre est souvent associé à une forme extrême de détention et aussi, malheureusement à la Guyane. Après une visite aux Iles du Salut, il est apparu important de prendre connaissance de la réalité actuelle du monde carcéral, d’autant que la Région est dotée depuis 1998 d’un nouvel établissement pénitentiaire à Rémire-Montjoly. Si ce n’est l’enceinte qui entoure le centre proprement dit, son aspect moderne ne le distingue pas à première vue comme un lieu de détention, d’autant que la végétation environnante, puis l’immense pelouse bien entretenue pourrait même faire croire à une usine de haute technologie bien protégée ! Reçus par son chef d’établissement Daniel WILLEMOT et ses proches collaborateurs, nous assistons à un exposé organisé autour d’un rappel consacré à l’administration pénitentiaire en général, puis au centre de Remire-Montjoly en particulier, pour se poursuivre par une visite du centre. En 2013, l’Administration pénitentiaire en France a pris en charge 251 998 personnes, se répartissant en 175 200 en milieu ouvert et 76 789 sous écrou. Ces personnes sont sous la responsabilité de 35 670 agents dont 26 329 personnels de surveillance, comprenant 360 agents spécialisés dans les actions en cas d’événements particuliers un graves. Il s’agit des Equipes Régionales d’Intervention et de Sécurité (ERIS). Les prévenus et les condamnés (sauf ceux qui sont en milieu ouvert), sont hébergés dans 190 établissements répartis, d’une part en 98 maisons d’arrêts qui reçoivent les prévenus et les condamnés dont la peine et le reliquat n’excèdent pas deux ans, et d’autre part en 85 établissements pour peines aux régimes de détention différents. Sur ces 85 établissements, 43 sont des centres pénitentiaires comparables par leurs finalités, à celui de Guyane. Une fois réalisé ce rappel, il nous est présenté les missions, les personnels et l’infrastructure du centre. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 43 Ce Centre pénitentiaire accueille hommes, femmes et mineurs. Un quartier semi-liberté permet d’accueillir les personnes détenues qui bénéficient d’une mesure d’aménagement de peine, de semi-liberté ou de placement extérieur. Après une période d’observation au quartier des arrivants, l’affectation des détenus dans un secteur d’hébergement est décidée par le Chef d’Etablissement, après avis de la commission pluridisciplinaire unique, en fonction de leur situation pénale, de leur profil et des éléments de personnalité recueillies dans leur dossier et lors de leur période d’observation. La particularité de l’Etablissement tient aux détenus incarcérés, et à la modernité de l’infrastructure. Alors que la population carcérale dans sa globalité se répartit entre 82% de français et 18% d’étrangers, RemireMontjoly accueille 60% d’étrangers, principalement des Guyaniens, Surinamais et Brésiliens. Sur les 711 détenus, 230 appartiennent à la catégorie des prévenus. Il existe une augmentation lente et continue de personnes incarcérées, ce qui entraine, malgré un agrandissement depuis la construction en 1998, une légère sur occupation, particulièrement dans la maison d’arrêt. La population des prévenus et condamnés originaires d’Amérique du Sud a la particularité d’avoir des accès de violence, car ils n’ont pas la crainte de la mort, ni de la donner. Cela s’est manifesté jusqu’en 2010 par plusieurs homicides entre détenus au cours des promenades, particulièrement du fait de rivalités entre ethnies. Depuis, des mesures ont été prises pour empêcher qu’aucune communauté (Français, Guyaniens, Surinamais, Brésiliens - la majorité -) ne dépasse 50% dans un quartier, mesure rendue possible par l’agrandissement de l’infrastructure. Il n’y a pas de gangs comme dans le reste des prisons d’Amérique du Sud, mais certaines communautés comme celle des Brésiliens qui savent se réunir et s’organiser. Le quartier pour femmes avec une nurserie regroupe cinquante personnes, tandis que celui des mineurs en accueillait une douzaine le jour de la visite, certains viennent des Antilles. Il existe un quartier dont la sécurité est renforcée pour les détenus violents et les malades mentaux dont le nombre est important, ceux-ci étant suivis par des personnels médicaux et de surveillance spécialisés. Les personnes admises au régime de la semi-liberté ou du placement extérieur, travaillent la journée, pour une bonne part, sur le site carcéral, dans le cadre de son entretien ou pour des fonctions d’infrastructure, car les entreprises guyanaises sont réticentes à embaucher des condamnés qui sont souvent des étrangers, au regard des taux de chômage importants dans la région. La nuit, ces personnes retournent dans le quartier qui leur est dédié. En fin de peine, les étrangers sont pris en charge par la Police de l’Air et des Frontières qui les éloignent du territoire Français par reconduites aux frontières. Une partie de ceux-ci reviennent bien souvent à nouveau d’une manière illégale sur le sol de la Guyane française, particulièrement les orpailleurs. Les personnes détenues sont prises en compte par deux cent soixante personnels de l’administration pénitentiaire, qui se répartissent en personnels de direction, d’administration techniques et de surveillance. A noter un taux de féminisation particulièrement élevé chez les surveillants, puisque 70 femmes sont affectées en détention « hommes ». Les personnels de surveillance sont au deux tiers originaires du département. Ils sont généralement polyvalents et tournent sur l’ensemble des postes, à l’exception, entre autres, de ceux affectés au CJD à la MAF. Ces personnels formés à être confrontés à la violence, ont de bons rapports avec les détenus, et sont d’avantage respectés que dans les établissements métropolitains, la violence étant le fait de détenus entre eux. A cela, il faut ajouter des intervenants extérieurs regroupés en équipes : médicale, psychiatrique, d’enseignement et de partenaires (secours catholique, croix rouge, ANPE.), sans omettre les aumôniers. L’exposé ‘in situ’ a été suivi d’une visite du quartier des arrivants, ce qui nous a permis de constater le caractère moderne de l’établissement. Après un contrôle strict d’identité, avec dépôt des téléphones et des appareils audiovisuel, nous sommes passés sous un portique, procédures qui rappellent celles appliquées dans les aéroports. La première impression en rentrant dans les couloirs menant au quartier des arrivants a été la protection face à une tentative d’évasion, la qualité de l’aération naturelle, la luminosité, l’absence d’odeur propre aux locaux collectifs et Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 44 également la propagation des sons provenant d’une cour ou des détenus pratiquaient un sport de ballon. Avant d’arriver aux cellules des arrivants, nous sommes entrés dans un local consacré à l’enseignement, pour lutter contre l’illettrisme qui touche une bonne part des détenus, particulièrement les étrangers. Les manuels et aides pédagogiques ont été examinés, tout ceci grâce à l’aide professionnelle d’officiers de surveillance qui nous accompagnaient pour répondre aux nombreuses questions posées. Ensuite nous avons visité deux cellules type pour arrivants. Les derniers travaux d’extension de l’établissement réalisés entre Juillet 2011 et Septembre 2012 ont permis d’améliorer les conditions de détention, en portant la capacité d’accueil à 625 places pour un budget de 5,6 millions d’Euros. Les travaux précédents avaient porté sur la sécurité, par la réalisation entre 1999 et 2001, d’un troisième mirador permettant d’avoir une surveillance complète de la double enceinte, ce poste étant indispensable pour empêcher le renouvellement des évasions de 1998. Il faut retenir de cette visite d’abord le dynamisme des personnels que nous avons côtoyés, et particulièrement du Chef d’Etablissement Daniel WILLEMOT. Puis l’existence d’un Etablissement moderne bien adapté au climat particulier de la Guyane et permettant d’accueillir des personnes d’origines très différentes accomplissant des peines de nature variées. Des conditions d’exécution des peines déjà encadrées, et depuis la loi de 2007, encore plus surveillées par le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté qui s’appuie, entre autres textes, sur la convention internationale de Genève du CICR, mondialement reconnue par l’ONU. L'administration pénitentiaire est sans doute une administration mal connue, qui réalise sans excès d’éclats, un service public indispensable, avec une volonté d’améliorer les personnes qui leur sont confiées par la Justice. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 45 4. ANNEXES 4.1 Participants Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 46 4.2 Programme Programme Jour Date Horaire Progamme matin (AM) Déjeuner Diner Nuit/PDJ 14H50 Arrivée Cayenne Felix- Eboué Installation Motel Beauregard Acceuil IHEDN Guyane, Film Conférence Henry NERON Cocktail dinatoire Motel Beauregard 18H00 Une région et un département de France en Amérique du Sud: mission et environnement de la Préfecture, enjeux national et international Conférence préfecture 19H30 - accueil à la Préfecture Motel Beauregard remarques 10H00 Brésil et La Guyane : enjeux. Rencontre avec J M BUSTANI, ambassadeur du Brésil en France Lieu : Ambassade du Brésil en France 34, cours Albert 1er Paris 75008 1er octobre 2013 2 Soirée 17H30 Rencontre avec Chantal BERTHELOT, députée Lieu : Assemblée Nationale 126, rue de l'Université Paris 75007 30 09 2013 1 Voyage d'étude Association IHEDN PARIS en guyane du 16 au 24 octobre 2013 Programme Après midi (PM) mer 16 oct 2013 Départ Orly AirFrance 3708 départ Paris Orly 10H45 Jeudi 17 oct 2013 08H00 09H30 12H30 FAG-Forces Armées de Guyane (Actions: Air-Titan (CSG), Mer, Terre-Harpie (orpaillage clandestin), Etatmajor FAG, La Madeleine , Lt Colonel PERCIE du SERT 13H00 déj. FAG avec Comsup ADAM 14H30-17H30 FAG : présentation détaillée Harpie (FAG-Gendarmerie) Etat Major Harpie, La Madeleine Lt Colonel VILLALONGA Dej CACAO Départ 15H00 Incroyable flore : 17H00 Marais de Kaw Diner sur place 20H30-22H00 sortie pirogue Ecolodge 14H30 17H30 Marine Visite Base navale Degrads des Cannes CF E. BETHOULLE - CC O. POULLAIN et Officiers SHOM 18H30 messe à La Sainte Famille, Cité Grant 20H00 Rencontre avec Monseigneur Emmanuel LAFONT, évèque de Cayenne (Palmistes) 20H45 Diner Aux Palmistes Place des Palmistes Cayenne Motel Beauregard 18H00 retour vers Cayenne Diner guyanais Motel Beauregard 3 vend 18 oct 2013 7H30 08H30 Maire de ROURA David Riché Mairie de ROURA 11H00 Incroyable diversité des peuples : Communauté Hmong, à CACAO, Plantation, Village, musée papillons 4 sam 19 oct 2013 7H30 Incroyables paysages retour vers Hotel avec points de vues montagne de KAW 12H00 Salon régional agricole, Lycée Matiti (commune de Macouria) Dej sur place 5 dim 20 oct 2013 07H30 08H45 Incroyable empreinte de l'histoire : du bagne d'hier au 'paradis' touristique d'aujourd'hui vers les Iles du Salut en catamaran Restaurant du Pénitencier 6 lun 21 oct 2013 06H30 07H45 - 12H30 Incroyables défis technologiques : Kourou - enjeux CSG-Centre Spatial Guyanais, visite base et Musée Bernard CHEMOUL 7 mardi 22 oct 2013 08H30 09H30 - 12H15 Incroyable faune: Zoo Montsinery 8 mer 23 oct 2013 09H00 Histoire, identité, diversité et folklore: Cayenne, et son marché 9 jeudi 24 oct 2013 09H45 10H00 -12H00 PAG-Parc Amazononien de Guyane Frédéric MORTIER, Bérengère BLIN jusqu'à 16H00 Iles du Salut / Saint Joseph, Diable Visite des Installations, baignade Royale, 12H45 - 13H45 Mairie de Kourou Sénateur-Maire Jean-Etienne ANTOINETTE 14H00 Mess 3ème REI 15H00- 17H30 Présentation des missions du 3ième REI-Régiment Etranger d'Infanterie: actions CSG et présentation statique Cl WALTER 18H00 Retour vers Cayenne 20H30 Diner Guyanais Motel Beauregard 13H15 Déjeuner au Cric Crac libre 16H00 -18H00 Visite Cayenne optionnelle 19H30 Diner Hmong La Metisse Remire Motel Beauregard 17H30 18H30 Incroyables richesses : projet d'exploitation pétrolière (SHELL france, Bruno THOME) 18H30 Conseil Régional (Marie Helène SIRDER) Conseil régional, salle délibérations Soirée guyanaise Cric Crac Motel Beauregard 12H30 Auberge des 14H30 - 16H45 plages du centre pénitentiaire 13H00 Dej Cric Crac 15H45 Départ pour aéroport Cayenne Felix-Eboué Visite AF 3507 17H50 Arrivée Paris Orly 07H20 vendredi 25/10/2013 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 47 4.3 Guyane et Guyanes : frontières et frontières ! Géographiquement, la Guyane fait partie du plateau des Guyanes, qui constitue un ensemble régional de la côte Nord-est d'Amérique du Sud, situé entre l’Orénoque et l’Amazone. C'est l'un des plus anciens massifs de la planète, une formation géologique vieille de 1,9 à 2,5 milliards d'années (Précambrien) composée d'imposants plateaux d'altitude d'où se jettent des cascades impressionnantes. La région est recouverte par la plus grande forêt vierge tropicale humide non encore victime de la déforestation, similaire à celle de l'Amazonie, dont elle est un prolongement. Ce plateau des Guyanes s'étend, pour tout ou partie, sur six pays, d'Ouest en Est : la Colombie, le Venezuela, le Guyana, ancienne Guyane britannique, le Suriname, ancienne Guyane néerlandaise, la Guyane, département français d'outre- mer, le nord du Brésil ou l'État d'Amapá, ex Guyane brésilienne, anciennement Guyane portugaise. Ce dernier territoire a été attribué en 1494 aux Espagnols par le pape Alexandre VI, lors du traité de Tordesillas marquant les limites entres les colonisations espagnoles et portugaises. A l'issue de la période dite de « double couronne espagnole-portugaise » (1580-1640), l'Espagne ne le revendiqua pas, ouvrant ainsi la voie à une longue période de revendications frontalières entre les Français installés en Guyane et les Portugais découvreurs du Brésil en 1500. Lors du traité d'Utrecht de 1713, le roi de France Louis XIV, pour limiter les conflits locaux avec la colonie portugaise du Brésil, pose les bases de la frontière de celui-ci avec la France : les territoires français et portugais sont délimités, et le Portugal est reconnu définitivement comme maître de ce territoire dit "de l'Amapá". Selon les termes de l'article 8 : " La navigation de l'Amazone, ainsi que les deux rives du fleuve, appartiendront au Portugal, et la rivière de Japoc ou Vincent Pinson servira de limite aux deux colonies". La rivière Japoc est identifiée par les Portugais/ Brésiliens avec l'Oyapock, et par les Français avec l’Araguari, d’où de constants litiges. Concernant l'intérieur, les Brésiliens estiment que la rive Nord de l'Amazone signifie l'ensemble du bassin Nord de ce fleuve. Les Français estiment que seule la rive est brésilienne et que l'intérieur est français. Jusqu'au XIXème siècle, ce vaste territoire ne sert que de rempart militaire sans activité économique (situé entre, au Nord, les Guyanes anglaise et hollandaise, les monts Tumuc-Humac et l’Oyapock et à l’Est, l'océan Atlantique ; au Sud, l’Araguari). L’essor de la production de caoutchouc, puis la découverte d’or et le rush des mineurs, amplifient d'orageuses revendications frontalières. Le 19ème siècle est ainsi marqué par d'incessants conflits : • Construction française d'une fortification avec garnison (1835/1840). • Refus de la France de l'offre du Brésil en 1856 de partager le territoire contesté en prenant pour limite le fleuve Calçoene, l'estimant non justifié. • Neutralisation par Napoléon III et l'empereur brésilien Pedro II de cette zone, désormais dénommée «Contesté franco-brésilien», possédant deux représentants : un Brésilien à Belém, et un Français à Cayenne. En 1886, des français décident de créer, sous protection française, une République indépendante de Counani, petit village sur la côte entre les estuaires de l'Oyapock et de l'Araguari, sur territoire brésilien. En 1894 Eugène VOISSIEN, représentant des intérêts français à Amapá, interdit aux Brésiliens d’accéder aux champs aurifères et donne des droits d’extraction aux seuls créoles de Cayenne, tandis que, à Cunani, Trajano Benitez pratique la répression à l’encontre des Brésiliens venus s’installer. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 48 Les réactions des brésiliens sont vives : création d'un « gouvernement de triumvirat » et d'une Armée de défense de l'Amapá, arrestation et emprisonnement de Trajano Benitez. Pour libérer ce dernier, le gouverneur de Cayenne engage l'intervention armée du lieutenant-capitaine LUNIER à bord de la canonnière Bengali. Ce dernier est tué au cours du combat, provoquant des massacres respectifs, et une situation de complet enlisement (1895). À la suite de longs pourparlers, un protocole d'arbitrage rédigé le 10 avril 1897 chargea le président de la Confédération suisse, neutre, de résoudre le différend. Celui-ci fut définitivement résolu par un arbitrage suisse fondé sur les travaux de géographes, dont ÉLISÉE RECLUS : le jugement donna gain de cause au Brésil. Les conclusions furent annoncées le 1er décembre 1900 par le président suisse, Walter HAUSER : " I — Conformément au sens précis de l'article 8 du Traité d'Utrecht, la rivière Japoc ou Vincent PINÇON est l'Oyapoc qui se jette dans l'océan, immédiatement à l'ouest du cap d'Orange et qui, par son talweg, forme la ligne frontière. II — À partir de la source principale de cette rivière Oyapoc jusqu'à la frontière hollandaise, la ligne de partage des eaux du bassin des Amazones qui, dans cette région est constituée dans sa presque totalité par la ligne de faîte des monts Tumuc-Humac, forme la limite intérieure". La frontière orientale actuelle découle de ce jugement suisse, même si quelques irrédentistes guyanais revendiquent encore aujourd'hui un État libre de Counani, ayant son propre drapeau. . Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 49 4.3.1 Articles 72 et 73 et 74 de la Constitution Article 72 de la Constitution, dans son 1er alinéa : " Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa ". Il en résulte l’existence de trois catégories de collectivités territoriales selon qu’elles relèvent seulement de l’article 72 ou des articles 73 et 74. Collectivités territoriales régies seulement par l’article 72 de la Constitution : Il s’agit des collectivités territoriales de métropole (communes, départements, régions, collectivités à statut spécial créées par la loi). Les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution : Il s’agit des départements et régions de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion et, depuis mars 2011, du département de Mayotte (article L.O. 3511-1 du C.G.C.T.). Si les lois et les règlements y sont applicables de plein droit, ces dispositions peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités (principe de l’identité législative institué lors de la départementalisation en 1946 et posé à l’article 73, alinéa 1er de la Constitution). Depuis la révision de 2003, ces adaptations peuvent être décidées par les collectivités elles-mêmes, sur habilitation législative, soit dans les matières où s’exercent leurs compétences (article 73 alinéa 2 de la Constitution), soit dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi (article 73, alinéa 3 de la Constitution - cette dernière possibilité est toutefois exclue s’agissant de la Réunion par l’alinéa 5). Ces collectivités peuvent faire l’objet de dispositions spécifiques quant à leur organisation (notamment institution d’une assemblée délibérante unique pour un département et une région d’outre-mer ou remplacement de ces deux collectivités par une collectivité unique). Elles peuvent également être transformées en collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution. Dans tous les cas, ces modifications sont soumises au consentement des électeurs. Article 73 de la Constitution : "Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées selon le cas, par la loi ou par le règlement. Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti. La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités". Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 50 Collectivités territoriales régies par l’article 74 de la Constitution : Il s’agit des collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Walis et Futuna, de la Polynésie française et, depuis 2007, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. (La Nouvelle-Calédonie n’est pas une collectivité territoriale mais relève d’un régime constitutionnel qui lui est propre, fixé par le titre XIII de la Constitution). Le statut de ces collectivités, fixé par une loi organique adoptée après avis de leur assemblée délibérante, est très variable d’une collectivité à l’autre et tient compte des intérêts propres de chacune d’entre elles au sein de la République. En règle générale, elles relèvent du régime de spécialité législative : les lois et règlements ne s’y appliquent que sur mention expresse. Le statut fixe notamment les compétences de la collectivité, les règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions ainsi que le régime électoral de son assemblée délibérante. Celles de ces collectivités qui sont dotées de l’autonomie (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Polynésie française) ont la compétence pour fixer des règles dans des domaines qui, en métropole, relèvent de la loi. Le statut peut également déterminer les conditions dans lesquelles : - le Conseil d’Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certains actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ; - l’assemblée délibérante peut, après saisine du Conseil Constitutionnel, modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité et intervenue dans le domaine de compétence de celle-ci ; - la collectivité peut prendre en faveur de sa population des mesures justifiées par les nécessités locales, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier. - la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’Etat, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques. Les collectivités d’outre-mer sont donc dotées du statut le plus dérogatoire possible par rapport au droit commun. Cependant, ces dérogations restent soumises à des limites qui visent à préserver l’existence des principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi, dès lors que ces collectivités, comme les autres, restent des parties intégrantes de la Nation. Article 74 : "Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des "intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe : • les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables. • les compétences de cette collectivité , sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique. • les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante. • les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de "loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la "collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux "conclus dans les matières relevant de sa compétence. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 51 La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles : • le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes « de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ". • l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en « vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les "autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité. • des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur « de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une « activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier. • la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il "conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques. Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article "sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante ". Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 52 4.3.2 Cartographie géologique et minière de la Guyane 4.3.3 La Guyane Française et la forêt Amazonienne Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 53 4.3.4 Carte du Centre Spatial Guyanais (CSG) 4.3.5 Procédure d'octroi de titres miniers Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 54 4.3.6 Bilan des opérations ANACONDA et HARPIE Bilan des opérations « ANACONDA» 2004 2005 2006 2007 Nombre d'opérations 73 107 116 113 Or saisi (en grammes) 9 096 12 685 9 613 11 969 Mercure saisi (en grammes) 98 401 62 461 73 160 70 633 Carbets détruits 1 873 1945 1816 1 521 59 65 97 72 Carburant saisi ou détruit (en litres) 290 485 235 248 260 375 364 268 Motopompes et corps de pompes 729 621 995 499 16 295 19509 23610 18 999 70 101 151 205 Véhicules saisis ou détruits Tuyaux (en mètres) Armes Bilan des opérations « HARPIE » 2008 2009 (du 15 avril au 15 octobre 2009 2010 (du 1er mars au 31 juillet 2010) Nombre d'opérations 211 285 232 Or saisi (en grammes) 19 369 5 308 2 647 Mercure saisi (en grammes) 211 266 70 599 72 571 Carbets détruits 1 617 2 392 1 680 Barges ou pirogues saisies ou détruites 199 167 200 Carburant saisi (en litres) 181 063 136 718 206 540 Motopompes détruites 355 370 313 Armes saisies 179 124 Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 55 Les dispositions répressives : La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a modifié l’article 140 du Code des mines, afin de permettre la destruction immédiate des matériels utilisés par les orpailleurs clandestins, sur réquisition du Procureur de la République. Elle a été complétée par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement économique des Outre-mer, qui prévoit notamment, que si l'exploitation sans titre s'accompagne d'atteintes à l'environnement, l'infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 €, avec une majoration portée à dix ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende, lorsque l'infraction est commise en bande organisée. La responsabilité pénale de cette nouvelle infraction est également étendue aux personnes morales par l'article 143 nouveau du Code minier. Une disposition novatrice a été instaurée par la loi pour le développement économique des Outre-mer, et concerne la procédure de garde-à-vue. En effet, elle a introduit un article dans le Code minier, afin de différer le point de départ du délai légal de la garde à vue : Ce délai commence à courir à partir de l’arrivée dans les locaux où la garde à vue doit avoir lieu, et non pas à compter de l’interpellation. Son application est en outre soumise à trois conditions cumulatives : • Le transfert des personnes interpellées dans le délai légal de la garde à vue doit soulever des difficultés matérielles insurmontables. • Le Procureur de la République ou la juridiction d'instruction doit l'autoriser. • la durée du report du début de la garde-à-vue ne peut excéder 20 heures. Cette adaptation tient compte des contraintes liées à la localisation des activités clandestines en pleine forêt amazonienne et tenant au transfert des individus interpellés par rotation d'hélicoptères ou de pirogues. Cet article s’appuie sur une transposition jurisprudentielle émanant de la Cour de cassation en date du 15 janvier 2003, relative au trafic illicite de stupéfiants à bord des navires en haute mer. La juridiction a en effet considéré que, compte tenu des délais de navigation pour rejoindre le port de déroutement, il existe une impossibilité matérielle d'appliquer les règles ordinaires de la garde-à-vue. Elle considère alors que "les éventuelles restrictions apportées à la liberté d'aller et venir de l'équipage d'un navire arraisonné, autorisées en cette matière par la Convention des Nations Unies, signée à Vienne le 20 décembre 1988, ne sont pas contraires à l'article 5, § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et ne constituent pas une rétention illégale". Par ailleurs, contrairement au droit commun, qui prévoit que tout contrôle d’identité doit être précédé par une réquisition écrite du procureur, l’alinéa 5 de l'article 78-2 du Code de procédure pénale précise que : "Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa [Les officiers de police judiciaires et, sur ordre et sous la responsabilité de ceux-ci ; les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité (...)], en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi". Cet alinéa autorise les contrôles transfrontières dans les zones de passage des clandestins. Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 56 Actuellement deux barrages policiers permanents, véritables frontières internes, sont établis : l’un à l’Est, sur la route nationale 1, près du fleuve Iracoubo. Cette route relie Cayenne à Saint Laurent du Maroni. Elle est limitrophe avec le Suriname. L’autre à l’Ouest sur la route nationale 2, à proximité du pont Régina sur l’Approuage du côté de la frontière Brésilienne. Ces deux barrages sont autorisés par arrêtés préfectoraux, renouvelés tous les six mois. Les habitants ont sollicité le maintien de ces barrages. Par ailleurs, les articles 141 et 142 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ont prorogé pour le département de la Guyane les mesures dérogatoires permettant une reconduite à la frontière, de façon accélérée, des étrangers en situation irrégulière. Cependant, une jurisprudence de la CEDH, De Souza Rebeiro / France, en date du 18 Décembre 2012, remet en cause cette procédure accélérée. Actuellement, l’Assemblée Nationale a voté en première lecture lors de la discussion sur du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, des amendements suivants initiés par Madame La Député Chantal Berthelot : • La détention de mercure ou de tout ou partie d'un concasseur ou d'un corps de pompe depuis plus d'un mois est soumise à déclaration. • Dans les quinze jours suivant le début de la détention, la déclaration est faite par le détenteur du matériel auprès du préfet de Guyane ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les conditions et selon les modalités fixées par décret. Il en est délivré immédiatement récépissé. • Le récépissé ou sa copie doit pouvoir être présenté aux agents habilités qui contrôlent ces matériels. En l'absence de récépissé, le détenteur doit prouver par tous moyens qu'il ne détient pas le mercure, le concasseur ou le corps de pompe depuis plus d'un mois. • Le transporteur de mercure ou de tout ou partie d'un concasseur ou d'un corps de pompe doit être en possession d'une copie du récépissé de la déclaration. • Le tribunal peut prononcer la confiscation du mercure, des concasseurs et des corps de pompes ayant servi à la commission de l'infraction. … Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 57 Institut des hautes études de défense nationale Association de la Région Paris Ile-de-France 1, place Joffre Case 41 F-75700 Paris SP 07 Téléphone : +33 1 44.42.59.66 - [email protected] www.ihedn-arparisidf.org Twitter: IHEDN_ParisIDF Voyage en Guyane – Rapport IHEDN PARIS IDF 2013 Page 58