zenith 27/04/06
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zenith 27/04/06
FESTIVAL INTERSCOLAIRE DE THEATRE Le lycée Blaise Diagne récompensé CINÉMA À L'INSTITUT FRANÇAIS SENGHOR Cycle Sembene Ousmane FESTIVAL ITINÉRANT DE POÉSIE Escale à Saint-Louis 2ÈME ÉDITION DE CINECOLE DR Du 11 au 12 mai EXPOSITION PHOTO Le rap « galsen » en noir et blanc PA R K A R O D I A G N E Donner une autre image du mouvement hip hop sénégalais et surtout de ses acteurs, c'est l'objectif de Sandy Haessner. A travers une exposition intitulée « Wordvision », cette jeune photographe allemande propose au public une trentaine de clichés, au Pencum-Goethe, jusqu'au 30 avril prochain. ZENITH - Du 27 avril au 03 mai 2006 - N°41 41 DR VSD RENTE PHOTOS pour représenter le hip hop sénégalais. Une série d'images prises par l'objectif de Sandy Haessner. Les acteurs du rap national se sont laissés photographier sous différents aspects. L'auteur semble avoir privilégié les portraits qui représentent la moitié des images de l'expo, pour mieux saisir les expressions du visage. La même force se dégage des photographies, une certaine authenticité dans le regard, la posture et la situation exprimés par les artistes « capturés » en images. En adéquation avec la démarche artistique de l'auteur qui a intitulé son exposition « wordvision ». De l'anglais « word », le mot, et « vision », la vision, qui sont la combinaison de la parole et de la vue, deux outils fondamentaux du hip hop. Pour dire que cette musique est pour ses adeptes « l'expression de la vison du monde qui les entoure ». T 42 ZENITH - Du 27 avril au 03 mai 2006 - N°41 Presque tous les acteurs de la scène rap sont représentés avec des titres évocateurs, choisis par Sandy Haessner. « Spiritualité » désigne la photo de Carlou D, dont la moitié du visage en gros plan, se détache de l'arrière plan où l'on distingue la silhouette un peu floue, mais suffisamment distincte, de son guide spirituel et fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. « Force » est inscrit sous le cliché du groupe de rap féminin Alif et « Respect » désigne celui de la rappeuse Fatim. Deux mots pour rappeler « leur combat dans un mouvement dominé par des hommes ». « Liberté », légende la photo de Baye Souley, autant de titres sujets à interprétation tout comme les photos qu'ils nomment. A l'heure du tout numérique, Sandy Haessner travaille avec un appareil analogique et a choisi le noir et blanc pour ses photos. « Cela confère quelque chose de spécial, de traditionnel, à l'image », explique la jeune femme. Pour mieux souligner les détails. « Cela donne plus de possibilités aux réalités, mais aussi permet au spectateur d'interpréter l'image », poursuit la photographe. Sans doute mieux « qu'une photo en couleur où tout est révélé ». De même, elle a pris un soin particulier au cadre des photos, qui est en bois, recouvert par du cuir, relié aux extrémités par des sortes de lanières. Une manière de valoriser la photo abritée. DÉMARCHE ARTISTIQUE L'intérêt de Sandy Haessner pour le mouvement hip hop s'est construit au détour d'une rencontre avec le groupe de percussions Mama Africa dont elle réalisait le press book. Cette rencontre la conduit à découvrir le Sénégal en 2001. Elle assiste à la sortie de l'album du groupe DR Pee Froiss « Affaire bou graw » (une grave affaire), qui l'introduise dans le milieu rap. Ses contacts avec d'autres rappeurs l'amènent à réaliser pour certains d'entre eux des pochettes d'albums, comme pour les dernières productions de Baye Souley et de Carlou D. Une démarche commerciale qui l'amène peu à peu vers une démarche plus artistique et une véritable recherche esthétique. A la différence d' « un photographe qui viendrait faire un travail en trois semaines », Sandy Haessner prend le temps de côtoyer, de connaître et même de se lier d'amitié avec les rappeurs. Pour Pape Moussa Lo, alias Water Flow, du groupe Wagëblë, elle les a rencontrés deux ou trois fois avant de débuter les séances photos. C'était en pleine rue, dans la banlieue dakaroise, à Thiaroye, dans le quartier Diaksao, que la photographe a choisi de les immortaliser. Ainsi, l'objectif de Sandy Haessner consiste à montrer les rappeurs sous un autre jour. Pour les faire découvrir de manière plus profonde, contrairement aux journalistes qui parlent et couvrent l'actualité sur le rap « galsen » (du Sénégal), parfois de manière superficielle, indique la photographe. A travers son travail, elle souhaite présenter la situation des rappeurs dans leur quotidien, explique Sandy Haessner. « Quand on est rappeur, tu l'es pas seulement sur scène, le temps d'un concert. Tu l'es tout le temps », ajoute la jeune femme. Comme le révèle une photo du rappeur Shakka Bab's qui le représente en train de laver lui-même son pantalon blue jean, à quelques heures d'un concert, explique Sandy. « C'est une scène qui traduit la réalité ». De plus, au Sénégal, le hip hop sert à délivrer un message, à donner une perspective. Les rappeurs s'adressent à la jeunesse pour leur parler d'éducation, de politique, de la société et souvent, ces derniers ont plus d'influence sur les jeunes que les parents, analyse la photographe. Les rappeurs portent un véritable discours. Le travail Sandy Haessner est également salué par ces derniers. Selon Water Flow, « ce ne sont pas aux rappeurs de montrer qui ils sont. C'est aux autres de dire ce qu'ils voient et ce qu'ils pensent du mouvement hip hop ». De ce fait, cette exposition devrait être présentée aussi bien à Dakar, que dans les autres régions du pays et aussi en Europe, « car ils ne connaissent pas le mouvement hip hop », ajoute le rappeur. « C'est une promotion positive, une action à féliciter qui va dans l'intérêt de la culture sénégalaise », conclut Water Flow. Un souci partagé par Sandy Haessner qui se dit fascinée par la culture sénégalaise. Elle veut aussi se servir de son travail « pour montrer une autre facette de l'Afrique et du Sénégal, méconnue par les Allemands. Hormis les maladies, la pauvreté ou la guerre, l'Afrique, c'est également toutes les belles choses que mon objectif capture », explique la photographe. Cela fait plusieurs années à présent qu'elle connaît le Sénégal et qu'elle y séjourne régulièrement. Après des études d'arts graphiques à Cologne, en Allemagne, Sandy Haessner, travaille depuis 2003 en freelance, en tant que photographe et infographiste. A 28 ans, la jeune femme, amoureuse du Sénégal et parlant même le wolof, poursuit son activité artistique à travers différentes expositions en Allemagne et au Sénégal. Lors de la Biennale de Dakar, la photographe compte présenter une partie de son travail. Au-delà de cette recherche esthétique, c'est une véritable démarche documentaire à laquelle la photographe s'est livrée. Un travail d'archivage auquel le temps accordera de plus en plus de valeur. Pour la mémoire de la musique sénégalaise en général et pour celle de la musique hip hop en particulier. Z ZENITH - Du 27 avril au 03 mai 2006 - N°41 43