Le yodel, c`est le blues suisse
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Le yodel, c`est le blues suisse
12 JUIN 2011 MONTREUX JAZZ 55 I LeMatinDimanche Erika Stucky chantera sur la scène du Miles Davis Hall, le 11 juillet «Le yodel, c’est le blues suisse» J’ai accepté ce qui ne me plaisait pas et embrassé ce que je savais faire. Maintenant, je suis très contente, mes chaussures sont bien confortables, je ne porte pas de talons qui ne me conviennent pas. Et j’ai appris que l’on se bat surtout contre soi-même. Quand tu es boucher, tu dois être sûr de toi avant de couper la viande, sinon tu te coupes la main. Dans la vie, c’est pareil. INTERVIEW La chanteuse américano-valaisanne prendra part à l’aventureux hommage rendu à Tom Waits par une pléiade d’artistes. Vous dites que le yodel, c’est le blues suisse. Dans quel sens? Il y a un truc qui n’est pas explicable, mais nous, dans les Alpes, on a des rituels pour chasser les mauvais esprits. Le yodel autrichien est joyeux mais le suisse est plus triste, il est capable de soigner. Regardez «Le ranz des vaches», c’est tellement bluesy que ça fout les larmes! Du coup, je ne sais pas si c’est le yodel qui m’a donné un coup de pied au derrière ou si c’est moi; on doit courir en cercle. Mais on ne peut pas tricher avec le yodel. Karine Vouillamoz C’est peu dire que de nombreux artistes se réclament de Tom Waits, figure emblématique de la scène indépendante américaine. Afin d’afficher plus clairement cet amour pour leur maître, une pléiade d’artistes aux parcours hétéroclites se sont réunis autour d’un projet original: «Rain Dogs Revisited», un hommage à l’album culte de Waits «Rain Dogs». Au milieu de cette bande, il y a Erika Stucky, performeuse helvé- Vous avez sorti dernièrement un album live avec, en majorité, des reprises. Pourquoi? « Je suis consciente de ne pas plaire à tout le monde. Mais je crois que les Romands sont plus ouverts à ma loufoquerie que les Alémaniques» tique aux talents multiples. Après une enfance passée à San Francisco baignée de l’esprit flower power, elle atterrit à Mörel, dans le Haut-Valais. De ce mélangenaîtralaplusincroyabledeschanteuses helvétiques, une femme originale et loufoque qui n’hésite pas à marier le yodel traditionnel aux mélodies de la côte ouest américaine. Coup de fil. Comment avez-vous atterri dans ce projet? C’est David Coulter, du groupe les Pogues, qui a eu l’idée de ce projet. Il ne me connaissait pas, mais le patron du festival «Les nuits de Fourvière» lui a parlé Erika Stucky, performeuse helvétique aux talents multiples, marie le yodel aux mélodies de la côte ouest américaine. de moi. David m’a cherché sur YouTube et il a flashé. Et moi qui pensais que le son et les images étaient trop pourris! Mais voilà, il a vu ce qu’il voulait et j’ai signé! En quoi Tom Waits vous parle? Ça fait vingt-cinq que je lis son nom dans les critiques de mes spectacles, du genre «Stucky, c’est un mélange entre Fifi Brindacier et Tom Waits». Je suis contente que les gens voient des parallèles entre lui et moi. Mais on est tous attirés par Tom Waits, par ce bonhomme qui jongle avec la musique. Je ne connais personne qui ne l’aime pas. Et vous, il y a des gens qui ne vous aiment pas? Les Romands m’aiment bien mais demandez aux Suisses allemands, ils vous diront «Oh, la Stucky, avec ses yodel bizarres!» Je suis consciente de ne pas plaire à tout le monde. Mais je crois que les Romands sont plus ouverts à ma loufoquerie que les Alémaniques. Vous avez grandi dans le flower power de San Francisco avant d’atterrir dans le Haut-Valais à l’âge de 9 ans. Le choc a dû être rude, non? Oui, mais quand on est enfant, on ne pense pas à ça. Je suis arrivée, j’ai mis DR mon costume du Valais, j’ai appris le walliserdeutsch et puis j’ai vu les skis, le chocolat! Aux Etats-Unis, tout était merveilleux, on portait des Tshirts avec des smileys, mais j’ai appris à me méfier des choses en Suisse. Finalement, ce mélange américanosuisse m’a été utile. Ça vous a permis de prendre de la distance avec le folklore helvétique et d’oser ce que d’autres n’osaient pas? Oui, mais j’ai dû me battre pour mêler le blues à la prière suisse. J’ai dû grandir et m’arranger avec les deux côtés. J’adore les albums studios mais certaines chansons ne peuvent prendre vie qu’en live. Prenez Britney Spears, par exemple, «Baby One More Time», en live, c’est super avec le tuba et la voix. Le public crie car il reconnaît les paroles, mais en studio, ça n’a pas de sens de la refaire alors que l’original est si bien produit. Je voulais des chansons où on entend les gens tousser et rire, c’est pour ça qu’il y a des reprises. Et puis c’est mon premier album live en vingtcinq ans de carrière. Je suis contente de l’avoir fait, c’était un peu le nettoyage de printemps. Maintenant, c’est derrière, je n’ai plus besoin de sortir les vieilles photos, c’est un peu comme les impôts: c’est barbant de trouver les bons papiers, mais quand c’est fait, on est toujours content. x F www.lematin.ch/stucki Ecoutez quelques-unes de ses chansons. c A écouter Erika Stucky, «Live», distr. Musikvertrieb. «Rain Dogs Revisited Project», avec Erika Stucky, St Vincent, Arthur H, Stef Kamil Carlens, The Tiger Lillies, Camille O’Sullivan, le 11 juillet au Miles Davis Hall. Milow: «J’ai essayé de faire un album porteur d’espoir» CONCERT Le chanteur belge qui s’est fait connaître avec une reprise du rappeur 50 Cent sait aussi écrire. Il interprétera ses nouvelles chansons, le 8 juillet au Miles Davis Hall. Etre programmé au Montreux Jazz Festival fait des heureux. C’est le cas de Milow, ce chanteur belge auteur de l’un des plus gros succès de 2008 avec sa reprise folk de «Ayo Technology», tube du rappeur 50 Cent. «Honnêtement, c’est la date la plus importante pour moi, se réjouit l’artiste. C’est un festival connu dans le monde entier et j’ai eu de la peine à tenir ma langue dès que la date a été confirmée!» C’est chose faite, le 8 juillet prochain, Milow se produira bel et bien sur la scène du Miles Davis Hall, avec un répertoire qui Contrôle qualité s’est évidemment enrichi depuis le succès de sa reprise. Aujourd’hui,ilrevientavecunnouvel album, «North and South», une joyeuse collection de chansons célébrant la vie qui ne fait pas pour autant l’impasse sur la situation actuelle de son pays. «Avec le titre «The Kingdom», j’évoque les problèmes entre le nord et lesud,c’estmêmelapremièrefoisqueje parle de politique. Je trouve juste incroyable qu’avec tout ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, la Belgique se focalise sur ce problème très local de la langue.» Autrefois plus mélancoliques, les chansons de Milow semblent avoir enfin trouvé la sérénité, sur cet album qu’il dédie à son père disparu. «J’ai pu prendre deux ans pour réfléchir, pour prendre du recul afin d’embrasser la lu- mière, explique-t-il, et même si les paroles sont parfois plus sombres que la musique, j’ai essayé de faire un album porteur d’espoir. Nous sommes en 2011, les temps sont difficiles pour tout le monde, je ne pouvais pas me permettre de m’apitoyer sur mon sort. J’aimerais aider les gens, que ce disque devienne la bande-son de leur vie.» Une vie après la reprise Milow propose une joyeuse collection de chansons célébrant la vie. DR Aujourd’hui, Milow a prouvé qu’il était capable d’exister artistiquement en dehors du succès de sa reprise. Cela signifie-t-il qu’il ne souhaite plus du tout évoquer «Ayo Technology»? «Non, pas du tout, ma relation avec cette reprise est très bonne. Je suis fier de ce que j’ai fait avec l’original, j’ai mis mon univers musical sur cette chanson et elle m’a ouvert beaucoup de portes. Aujourd’hui, les gens me connaissent grâce à elle. Et c’est à moi de prouver que je suis capable d’autre chose. Mais si un festival comme celui de Montreux m’invite, ça signifie que j’y suis parvenu!» Le Montreux Jazz risque bien de lui réserver d’autres surprises, comme le concert de Paul Simon, l’un de ses héros de jeunesse, programmé quelques jours plus tard. «Il joue le soir de mon anniversaire, et comme je n’ai pas prévu de concert ce soir-là, je vais peut-être le célébrer avec mes musiciens à Montreux!» K. V. c A lire «North and South», Milow, distr. Universal. En concert le 8 juillet au Miles Davis Hall.