Gérald De Palmas

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Gérald De Palmas
Gérald De Palmas - Sortir
Gérald De Palmas revient avec Sortir. Ce titre n’est pas seulement un paradoxe par goût du
paradoxe : Gérald est vraiment sorti, pour revenir. Sorti de ses habitudes, de ses couleurs de toujours,
de son image mi-blues mi-chanson. Dès Au bord de l’eau, le premier single extrait de l’album, on
comprend pourquoi et comment il s’est passé cinq ans depuis son précédent disque, Un Homme sans
racines. Sur une rythmique mid-tempo surgissent des sons, des instruments, des impressions de toutes
sortes : des plans serrés, des travellings spectaculaires, des plans larges pour grand écran, des zooms
vertigineux qui rétrécissent brutalement le cadre, tout un étagement qui va du microscope au
panoramique.
Il ne s’en cache pas : « J’ai toujours rêvé de faire de la musique de film. » Et tout ce nouvel album est
écrit et arrangé comme pour accompagner un film (des films, même !) à la fois romanesque,
spectaculaire et intime. Ainsi, Qui s’occupe d’elle passe du blues dépouillé à des couleurs sonores
venues des films de science-fiction, L’Ange perdu alterne les bricolages à la Magical Mystery Tour et
le gros plan traité en Cinemascope, Indemne est semé, derrière sa structure de tube évident, de bribes
de dialogues de cinéma en noir et blanc…
Après Un Homme sans racines et la tournée qui a suivi, il écrit lentement de nouvelles chansons. Au
commencement, il prévoit d’enregistrer les chansons de son cinquième album avec des musiciens. « A
la première répétition, j’ai eu l’impression que j’allais enregistrer Marcher dans le sable pour la
troisième fois. J’avais besoin d’excitation et je suis retourné à mes machines, aux ordinateurs, aux
samples. » Il travaille pendant six mois à élargir le cadre, seul en studio. Il écoute beaucoup John
Barry, le maître anglais de la bande originale, enregistre des maquettes avec beaucoup d’électro, des
orchestres symphoniques, des motifs très cinématographiques. Puis, à l’écoute, il juge que tout cela
« manque de son organique. Alors j’ai enlevé une partie de l’électro et gardé le côté musique de
film. » La chanson Dans une larme agit comme un déclic : la mélodie un peu country sonne comme
bien d’autres de ses tubes, mais avec une production plus large, une imagerie plus romanesque. « J’ai
compris alors ce qui allait convenir à ces chansons et à mon envie de changement. »
Dès lors, pendant près d’un an, il travaille seul au studio Time de Puteaux. « Ce n’était pas de la
misanthropie, mais simplement je n’avais pas trouvé les personnes adéquates pour travailler avec moi
sur ce projet. » C’est donc seul que Gérald joue et enregistre toutes les pistes définitives de son album.
« Je ne passais même pas de l’autre côté de la vitre. Je faisais tout devant la console – jouer et
sampler. » A l’enregistrement, il pousse les micros pour capter chaque nuance du son des ongles sur
les cordes, chaque nuance des percussions et de la batterie rudimentaire qu’il utilise. « Après
l’enregistrement, j’ai beaucoup retravaillé les sons, beaucoup utilisé d’effets. » Alors on entend ici
une guitare qui sonne comme une kora ou là des pulsions de basse explosant comme dans des batailles
intergalactiques…
Pour ses textes, Gérald est encore allé loin dans l’exploration des intermittences du cœur et dans
l’introspection de ses failles personnelles : « Je n’ai jamais eu peur de parler de mes faiblesses. J’aime
chez les autres qu’ils n’aient pas peur de montrer les leurs. C’est pour moi agréable de penser que je
ne suis pas seulement entouré d’hommes en acier. On dit souvent que mes chansons sont tristes, mais
elles ne le sont pas toujours ; elles participent de ce fonctionnement : la compassion, le réconfort… »
Seule personnalité extérieure intervenant pendant ces dix-sept mois de studio, Eagle-Eye Cherry a
écrit le texte et chanté en duo Pandora’s Box, groove ethnique luxuriant et nerveux. Au bord de l’eau
est la première chanson à passer en radio, mais il pourrait pu y avoir onze singles : « Aucune chanson
ne bénéficie de plus d’attention qu’une autre. J’ai voulu donner les mêmes chances à chacune. » Et,
de fait, jamais De Palmas n’avait proposé un album aussi dense en tubes potentiels. Il n’y voit pas
seulement une conséquence du fonctionnement autarcique qu’il a adopté lors de son élaboration, mais
peut-être aussi un effet de la crise que traversent actuellement les métiers de la musique : « La crise du
disque m’a libéré. Je me sens moins focalisé sur la réussite commerciale et, dans le même temps, j’ai
l’impression qu’il faut proposer aux gens des disques musicalement et humainement plus profonds.
Maintenant, il faut se battre pour que les chansons durent vraiment. Et j’aime ça. »